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A travers quelques notes de ce site, on relève des traces de Composants
dés juin 2001 jusqu'à la joie d'octobre : ne vous y fiez pas, un labeur rapide mais
dense.
Quelques signes dencouragement : Ma dernière nouvelle plutôt bien
ressentie, et dans un autre texte déjà entrepris, cette conscience de ce que je voulais
dire qui remonte à la surface de lécriture. Ecrire sapparente à la brasse
coulée, il faut pouvoir reprendre sa respiration, juger du chemin quil reste à
faire jusquà la bouée.
(06/06/2001)
Je suis entré en écriture au long cours ! Soulagement que cette respiration
lente, puissante, régulière, phrases quotidiennes retrouvées avec plaisir. Ecriture au
long court, voilier équipé première catégorie pour traverser les océans, on irait
jusquau bout du monde. Pour linstant la voile est gonflée (le souffle, comme
dirait Muriel Barbery
) on se sent prêt au pot au noir, à la zone des calmes. On a
confiance, beau navire, solide, on attend le moment où lon découvre parcouru la
moitié, les deux tiers, les trois-quarts du chemin. Lespérance du voyage
transformée en bonheur, linstant attendu de larrivée, lamarrage et
filer chez léditeur, manuscrit sous le bras.
(21/06/2001)
Comment va-t-on faire en vacances ? Amener le micro portable ? Un cahier ? Choisir
de ne rien faire ? Rompre le quotidien des jours, lartisanat de lécriture ?
Fausses questions : on connaît déjà la réponse, on a uvré pour le texte en
cours, on sest fixé un but : ce serait bien den être là
On amènera
une épreuve papier du texte, on relira, on laissera se décanter ce qui a été fait nez
dans le guidon, dans la précipitation des jours. On est à cet instant difficile du texte
: 2/3 de fait et la bascule inexorable vers la fin, linstant qui détermine la
grâce, lachèvement, le coup de patte du potier : soit on aura un vase élégant et
bien galbé, soit on aura un de ses trucs horribles, une de ses cruches vernissées en
forme de petit cochon, comble du mauvais goût (que Gabriel Garcia Marquez nomme "
Pava ", doué de pouvoirs maléfiques, à fuir absolument...) Lannée
précédente, scénario identique à la même époque, le truc-texte s'avéra plutôt
bancal, croisons les doigts pour que cela ne se renouvelle pas...
(18/07/2001)
Jeudi 27 à 15h15, rendez-vous chez léditeur : on doit proposer un
manuscrit (quelle étrangeté ce mot à la saveur poussiéreuse dégyptologie pour
une matière aussi vivante et palpitante quun texte à peine fini
).
Linstant est important. On arrive un quart dheure en avance, du coup, on
flâne dans ce minuscule havre de paix quest le jardin Récamier à deux pas de là.
On sassoit sur un banc, il fait beau, cela déteint sur lhumeur, on est calme.
Arrivant à lheure dite, lassistante qui fait patienter dans son petit bureau
en attendant la fin dune conversation téléphonique un peu longue. On sassoit
juste à côté de la fenêtre ouverte, elle enroule les stores - pour faire entrer le
beau temps, dit-elle. On aperçoit une épreuve en cours de correction sur son bureau. On
ne veut pas déranger, on se replonge machinalement dans le texte quon connaît par
cur. Vous pouvez entrer. On entre. Comment ça va ? Poignées de mains, cette
impression curieuse de retrouver une parenté, une sorte doncle sympathique
Je
viens vous voir parce que
On tend le petit tas de feuilles reliées à la main. Il
sen saisit par-dessus le bureau. Il feuillette dix secondes comme une sorte
dimpatience de découvrir, on sent quil aime ces moments. Lache une toute
première impression. Il nen dira guère plus et on na pas envie de raconter
ce quon propose. Le tas de feuilles reliées entre nous suffit, cest à lui
maintenant de le lire et den parler plus tard. En attendant, on parle pourtant
beaucoup, chacun avec vivacité. On parle Claude Simon, quon admire tous deux. On
parle de cette passion, ce qui justifie le petit tas de feuilles quil libère
soudain et quil jette sur le sol presque avec brutalité en bas de son fauteuil. Je
vais lemporter chez moi. On parle encore à peine quelques minutes. Tout était de
toute façon contenu dés le début dans la première phrase (je viens vous voir parce
que
), le premier geste pour tendre le manuscrit. On ressort. Lentrevue a duré
un quart dheure.
(03/10/2001)
On a un message sur le répondeur : je lai lu, vous pouvez mappeler.
On est surpris : il avait dit pas avant quinze jours, cétait un jeudi et ce message
dicté à 15h20, le lundi suivant. Il est tard, on lappelle pourtant le cur
battant mais il est parti. Il faudra attendre le lendemain.On attend, donc, on nose
pas penser, on dort mal. Le lendemain, tout tient en deux mots quil prononce :
drôlement bien. Deux mots précis, qui font plaisir. On est fier comme un enfant. Notre
exaltation au téléphone et un nouveau rendez-vous, vite, la semaine suivante, un
vendredi après-midi. Toute la semaine, on y pense. Mais on arrive fatigué par
dautres obligations, on regrette de ne pas mieux goûter ce livre qui se profile,
qui senclenche : date de parution, ce quil faudra revoir avant. On prend des
notes. Les jours passent, on y pense. Lentement, on réalise quon a franchi un
nouveau cap. On pense aux corrections, à ce qui reste à faire. On retarde cet instant,
pourtant on sait quil y a du boulot, on le voudrait parfait, cest naturel.
Plus tard, on reçoit un contrat, rédigé le lendemain de lentrevue. On sourit :
les mots qui dansent " enclenché ", " engagé ", " parti pour
", " nouveau cap ", limpression dun mouvement, sorte de
tropisme à la Sarraute, le début invisible de quelque chose. On se souhaite bon vent. En
filigranne, on se souvient des mots échangés, quelques instants importants et
engrangés. On pense encore et toujours au travail à fournir et quon voudrait
parfait.
(24/10/2001)
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