depuis septembre 2000

retour accueil


Actualités

Agenda

Etonnements

Notes d'écriture

Notes de lecture

Webcam

Bio

Biblio

La Réserve,

Central

Composants

Paysage et portrait en pied-de-poule

1937 Paris - Guernica
   
CV roman

Bestiaire domestique

Retour aux mots sauvages

Ils désertent

Faux nègres

Journal de la Canicule

Vie prolongée d’Arthur
Rimbaud


Littérature
du travail

pages spéciales


Archives

 

 

Etonnements 2000-2001

 

On sonne à la grille, c’est le vendeur de sapin ! Il a garé sa camionnette, déballe les arbres de sa remorque, fait l’article en me les présentant par le sommet.
- Pas mal celui là, non ? Bien fourni dans les branches basses…
J’en prends deux (il y a celui d’une voisine également). Le vendeur rattache ses arbres sur la remorque, j’appuie les sapins contre le mur de la maison, je frissonne, il gèle. Je reviens vers lui, je paye, on discute un peu. Du temps qui pourrait tourner à la neige mais il fait trop froid, ce n’est pas encore pour aujourd’hui. Quelques phases banales, on ne se voit qu’une fois par an.
- Bon, ce n'est pas tout ça, encore du boulot, dit-il.
On se serre la main en souriant, apporter des sapins, c’est de la joie.
Je rentre dans la maison. En haut de l’escalier un enfant m’interpelle :
- Alors, on a un sapin ?
Odeur d’aiguilles dans le garage. Il faudra que je descende le carton des boules et des guirlandes du haut de l’étagère. Mon fils préfère les sapins artificiels, il me l’a dit l’autre jour et je soupçonne son imagination technique : ce qu’il lui plairait c’est de déplier un sapin comme un parapluie.
Je coince le tronc entre deux briques de laitier dans l’habituel seau rouge garni de graviers, qui ne sert qu’à cela et que je ressorts chaque année sans hésiter de mon atelier (plus tard, sous le poids des guirlandes, le sapin basculera par deux fois contre la fenêtre avant que je le cale un peu mieux dans le seau avec du polystyrène tandis que ma fille attrapera des crampes à le maintenir).
Je me souviens des sapins de mon enfance illuminés de bougies dans des coupelles pincées au bout des branches. Quand je rends visite à mes parents, nous discutons jardinage avec mon père en arpentant le terrain. Nous contournons un sapin qui grossit d’année en année, et je me demande à chaque fois depuis combien de Noëls il est replanté.
Je me souviens de l’année dernière, le vendeur de sapins était venu avec son fils, un peu attardé comme on dit, et qui tendait l’arbre en silence en me dévisageant.
Je me souviens à Paris des prix prohibitifs des arbres de Noël dans l’île de la cité. Je me souviens d’avoir eu une soudaine envie d’habiter là-bas dans un appartement donnant sur cette place, exactement au centre de la capitale, et j’aurais dépensé des fortunes pour acquérir un sapin s’il avait fallu.
Artificiel ou naturel ? Je ne me pose jamais cette question, tant sont prépondérants depuis toujours dans ma vie les véritables sapins.
En janvier, je balance l’arbre dépouillé dans le jardin.
Plus tard, je le ramasserai en même temps que la première tonte de la pelouse. Je sais déjà que je penserai : c’est Noël qui s’en va, fuite du temps, et nous partons vers les beaux jours.
Je complèterai peut-être mes pensées en comptant les neuf mois qui me séparent du prochain et de la visite du vendeur de sapins. J’espère qu’il y aura son fils.
(19/12/2001)

Homonymie :
Charonne : femme fabriquant des chariots, charrettes ainsi que les roues de ces véhicules (définition Petit Robert)
Charon (Stone) : Actrice américaine. A joué dans Basic Instinct (1992), Casino (1994).
Charonne (métro) : le 8 février 1962, la police de Paris a chargé à cet endroit des manifestants anti-OAS, bilan : 9 morts.
Charon (Ariel) : ancien militaire, ministre de la défense d’Israël en 1982, impliqué dans les massacres de Chabra et Chatila (3000 victimes). Depuis 2001, responsable de l’histoire mondiale en marche.
(12/12/2001)


Détendu en vacances, quand on rentre, on s’est fait plein de promesses. On se s’énervera plus, on va faire preuve de patience, de tolérance, d’un flegme philosophique à toute épreuve. Et pourtant, à peine rentré, nos bonnes résolutions s’émoussent : tracasseries en tous genres, vie domestique qui reprend, mauvais temps qui nous cloître dans une pénombre permanente.
Une journée de plus et c’est la colère pour un prétexte futile mais habituel et connu : les devoirs des enfants. Cris, gestes brusques, pleurs en réponse, en deux minutes, on réalise que les promesses de vacances se sont envolées. On se sent coupable de s’emporter si vite. On réfléchit, on essaie de se modérer. Bien sûr, c’est la peur qui fait agir ainsi, peur de voir ses enfants louper un devoir, une matière, une classe, leur avenir. Scénario catastrophe souvent injustifié mais qui nous fait bondir, nous dresser sur nos gardes, la vie est si dure, pensons-nous.
Et pourtant ? Dure, oui, à nos yeux d’européens mais que dire par rapport aux habitants du pays que l’on vient de quitter ?
On ne peut pas comparer, comme disait notre guide, car il faudrait avoir les deux oreilles identiques et cela, mes amis, ce n’est pas possible.
Donc, ne comparons pas. En pensant à ce pays, il me revient la scène de deux marchands se querellant sur un marché : l’un a fini par envoyer une chaise (en plastique mais tout de même) sur le dos de l’autre qui s’enfuyait avec la voix déformée par la colère même si on ne comprenait pas les paroles, il était facile d’imaginer son courroux. Querelle pour une place au marché ? Un client pris à l’autre ? Nous avons passé notre chemin en pensant : nous au moins nous ne nous fâchons pas (c’est facile en vacances, cette  certitude idiote...). Mais bon, quelques jours plus tard, de retour au bercail…
Ainsi, est-ce le quotidien qui nous énerve ? Une suite de tracas ? Une accumulation de choses qui devraient de se passer autrement ? La peur au bout et la colère qui éclate ?
Je ne sais pas conclure cet épisode, ni en tirer un enseignement. Pour le faire, il faudrait admettre la discontinuité du temps, renoncer à se projeter dans l’avenir et ainsi s’éviter des désillusions, des peurs, donc des colères, mais là aussi, ne pas se projeter dans l’avenir est la chose la plus inconfortable qui soit.
La colère, l’énervement sont certainement légitimes et sains. L'idéal serait de toujours respecter celui à qui elle s’adresse et c’est en théorie facile car la colère est une marque d’intérêt, voire d’amour quand il s’agit de notre progéniture. C’est en quelque sorte un dialogue qui s’installe. Au-delà, dans les extrêmes, on tombe dans la vengeance, voire le terrorisme. Nous marchons constamment sur le fil du rasoir.
(05/12/2001)


En Egypte, tout est étonnement.
Par exemple, la limite des cultures tranchée net par le désert jaune et aperçue depuis le hublot de l’avion.
On atterrit, on est curieux, avide de tout voir. Claque de la chaleur au sortir du fuselage. Le hall, les peaux halées, les bagages. Vite, vite. On se retrouve devant un bus en un temps record, pris en charge, guidé.
Etonnement encore à travers les vitres du car : grappes humaines pendues après des véhicules hétéroclites. Bruits. Foule. La poussière partout. Le guide que l’on entend par bribe : 16 millions d’habitants au Caire… Les mosquées… La circulation… L’ambiance jaune : immeubles inachevés, trottoirs, mosquées, goudrons des rues, tout semble recouvert d’ocre.
Etonnement et réflexes d’européens : remarquant les détritus entre deux immeubles, les ânes, les carrioles, le désordre apparent. Il ne pleut jamais. Je pense à Montpellier un soir de canicule et mon soin à éviter les crottes de chien en marchant sur les trottoirs.
L’hôtel, luxe, service impeccable, on est des européens, vraiment. Dehors, passé le choc de l’arrivée, rien ne viendra démentir les premières impressions : le monde partout et pas seulement au Caire, le désordre encore, les souks, les petits boulots, les militaires, les taxis, toute ces occupations.
Européens en short, autochtones en djellabas pas toujours propres, (Est-ce que chez nous les paysans ou les garagistes travaillent en complets vestons ? ) on se frotte à cette population qui prie cinq fois par jour. C’est le Ramadan, les gens sont heureux et plein de ferveur. Franchouillards laïques, on y voit du folklore, ou pire de l’intégrisme, on comprend tout de travers.
Des jours passent encore. Des temples, des pyramides, la vallée des rois, le Nil, ce qu’on est venu chercher et qui nous émerveille.
Et les gens. L’étonnement, comme le soleil et la poussière, rentre par tous les pores de nos peaux claires. On se fond déjà plus, on devient perméable, on s’étonne juste encore un peu des bakchichs incessants, on apprend à dire merci, bonjour, au revoir en égytien.
Les jours nous rapprochent de la fin. On repense aux instants merveilleux. On s’aperçoit curieusement que la vie immédiate des souks a pris autant d’importance que les temples millénaires et les tombeaux des morts. On s’étonne encore : on a retenu les bruits, les mouvements, deux pyramides d’indigo et de safran sur un étal devancent curieusement dans mes souvenirs celles de Kheops et de Kréphren.
On retient une dernière image : un égyptien nous tire par la manche en souriant pour qu’on se réchauffe auprès du feu qu’il a allumé. C’est le crépuscule, l’heure de la fin du jeûne. Partout on s’installe pour manger au milieu des rues. C’est la joie.
Puis, il est temps de repartir.
Aéroport Charles de Gaulle. Une heure pour récupérer deux valises. Tourné 20 mn dans le parking avant que l’on m’explique la façon de le payer et d’en sortir. Dans ma valise, mon guide refermé précise que "nous devons être indulgent car les services en égypte sont plus lents qu’en France ". La route, on arrive à la maison dans le brouillard. C’est le jour de la Sainte Catherine, il y a la foire, en quelque sorte notre souk. Mais le temps n’incite pas à… Et quel vendeur de marrons chauds viendra me tirer par la manche pour que je me réchauffe ?
(28/11/2001)

 

On part toujours vers 7h30. Ce matin-là, le vent est frais, on sort pour ouvrir la grille de la cour. Chauffage à fond dans la voiture. L’automne doux s’est brutalement terminé depuis quelques jours déjà. On passe devant le lycée. Bousculade de bus, lycéens emmitoufflés sur les passages piétons. Conversations, rires, vapeur qui s’échappe des visages dans l’air froid. On poursuit par des rues plus tranquilles, on rejoint la voie de contournement. La voiture prend son allure de croisière, on s’achemine vers la route de Paris. On s’installe au mieux dans l'habitacle, le manteau sur le siège passager. On cherche la station Radio-Nostalgie dont les enfants se moquent. On arrive au rond point. Le camion qui le contourne passe devant le capot et s’engage sur la même bretelle. A la radio, c’est ce vieil air de Cat Stevens, " Morning is broken " ou quelque chose comme cela. Balade douce à la guitare, accords faciles à trouver.
Et soudain, les flocons qui arrivent, en masse, dodus, les premiers flocons de l'hiver, l’espace devient blanc, juste l’ombre de la remorque bleue du camion devant moi. La balade à la guitare. L’air blanc. On roule au pas derrière le camion dans la courbe de la bretelle. On devine le bas côté qui défile lentement. Touffes d’herbes, goudron noir, danse blanche des flocons. La première neige de novembre, un émerveillement d’enfant, une sorte de Noêl. Le souvenir incongru qui revient chaque année : un défilé du onze novembre dans ma ville natale, le froid et les premier flocons sur la place de la mairie, on devait avoir dix ans. Cette vieille chanson et la voix qui reprend "morning is broken ". On débouche sur la quatre-voies. Quatrième, cinquième vitesse, on double le camion. La neige s'arrête aussi soudainement qu’elle a commencé. On continue à penser encore pendant quelques kilomètres à cette première neige de novembre sur les accords de Cat Stevens.
(13/11/2001)


Ces dernières semaines, on a fêté tonton Georges un peu partout. Pas un journal, pas une radio, pas une télé qui ne lui ait rendu hommage à l’occasion des vingt ans de sa disparition (et la crainte de le voir réduit à des émissions aux accents trop connus de " hommage à… ", filon commercial dont pâtissent Coluche et Gainsbourg depuis de nombreuses années ou de servir de faire-valoir à des interprètes se découvrant un engouement de dernière minute pour l’artiste devenu soudainement vendeur…). Cette véritable Brassens-mania organisée et prévue depuis de longue date (il n’y a qu’à regarder depuis fin aôut les têtes de gondoles des FNAC et autres polymorphes de la culture ornées de cassettes vidéo, DVD, compilations et bouquins divers pour sentir qu’il allait se passer un évenement marketing) aurait fait sourire Brassens, même si le succès ne lui était pas indifférent, du moins on le suppose.
Car tout est là : on suppose, je suppose, nous supposons, ses amis que l’on raccole à l’occasion d’émissions souvenirs supposent, tout le monde suppose. Avec Brassens, on agit comme avec un oncle sympathique, disparu depuis longtemps et qui aurait laissé traîner ses souvenirs un peu partout dans nos familles : on suppose, on aimerait savoir ce qu’il aurait pensé, dit, imaginé dans toutes circonstances et l’actualité nous fournit depuis des années une inépuisable source de sujets à mettre en face de l’ombre tendrement anarchiste qu’il a révélé dans nos cœurs. Car c’est peut-être cette poésie qu’il a su glisser en nous (et qui nous le fait oublier pendant des années, pressurisé par un quotidien souvent incompatible avec ses bluettes et ritournelles), qui ressort au grand jour pour en parler ensemble, en se découvrant tous cousins d’une grande famille.
(07/11/2001)

Tout d’abord existaient la maternelle et l’école Victor Hugo. Mes enfants y sont allés. J’avais le choix avec Gambetta, les deux établissements étaient honorables, j’ai choisi Victor Hugo, allez savoir pourquoi !
Et puis il y eut la construction de cette résidence, il doit y avoir plus de quinze ans maintenant. Cet immeuble fut bizarrement recouvert de carreaux de faïence bleue. Comme il jouxtait l’école, on l’a nommé aussi Victor Hugo. Et pour bien marquer ce nom, l’architecte a fait réaliser sur l’une des façades un camaïeu dessinant le gigantesque visage barbu de l’écrivain. Ainsi tourné vers la vaste et circulaire place Charles de Gaulle (tiens, un autre destin d'homme politique et d'écrivain...) et semblant fixer la bibliothèque médiathèque à de l’autre côté de la rue, on ne peut louper le regard de faïence de Victor en montant sur le pont qui passe devant l'immeuble.
C’est de l’autre côté du pont, juste en bas que quelques années plus tard j’ai acheté ma maison dans une rue qui porte le nom d’un autre écrivain, Anatole France. Mais bon, avec Victor, nous sommes proches maintenant...
Il fait tellement partie du paysage que nous oublions souvent que la résidence porte son nom.
Car, il faut dire qu’entre voisins, nous avons eu l’habitude de nommer cet audacieux immeuble recouvert de carreaux de style salle de bains, le Lavabo, au risque d’en oublier le visage barbu et sévère qui garde la place Charles de Gaulle.
(31/10/2001)

Passer de la réalité à la fiction, de la fiction à la réalité, il y a ces échanges incessants que nous avons maintes fois constatés. En voici encore de nombreux exemples.
Il y a quelques mois (le 12 avril exactement, si l’on en croit une note d’étonnement dans cette même rubrique), tandis que je rendais visite à la revue Inventaire-Invention, la vision réelle d’une affiche d’Action contre la faim sur un quai de métro à la station Porte de la Villette, m’avait suggéré l’idée d’une nouvelle Vers Aubervilliers.
Premier passage de la réalité vers la fiction, donc.
Cette nouvelle est écrite quelques semaines plus tard, est logiquement proposée à Patrick Cahuzac pour Inventaire-Invention. Elle est publiée depuis le 11 octobre, à la fois sur le site de cette revue mais également en livre.
Deuxième passage, où la fiction rejoint la réalité d’un objet en forme de livre.
Enfin le 18 octobre, c’est avec grand plaisir que je reprends le métro en direction d’Aubervilliers pour fêter cette parution et d’autres lors d’une rencontre-lectures au siège d’Inventaire-Invention.
Quelle n’est pas ma surprise de découvrir dans la même station Porte de la Villette, la même affiche d’Action contre la faim que celle qui m’avait inspiré cette nouvelle !
Troisième passage et retour de la fiction vers la réalité, enfin, je ne sais plus trop.
Dans Vers Aubervilliers, il est question du numéro de téléphone d’Action contre la faim que je n’ai pas eu le temps de noter. Mais là, bien sûr, on y est attentif, c’est le 0800 699 699.
On le note sur un papier pour ne pas l’oublier, comme pour compléter tardivement, conclure cette nouvelle.
C’est le quatrième passage, de la réalité vers la fiction.
Le cinquième passage de la fiction vers la réalité vient d’avoir lieu : j’ai téléphoné ce jour à Action contre la faim au 0800 699 699.
(24/10/2001)

La littérature souffre souvent d’une image austère. Le mot écrivain évoque un poète rêveur et solitaire ou un personnage éternellement tourmenté. Victime de cette réputation, les écrivains qui se regroupent, soit se sentent obligés de coller à leur personnage, soit sont tentés de casser cette image en adoptant une convivialité de potaches, mais encore dans ce dernier cas n’étonnent-ils personne car les manifestations purement littéraires regroupent un public d’amateurs déjà conquis par les livres.
C’est ce constat qui poussera les Ecrivains de Haute-Marne a investir le traditionnel marché couvert hebdomadaire de Saint-Dizier. Au milieu des fruits, légumes viandes poissons et fromage, les écrivains partiront à la rencontre des ménagères à cabas, un peu comme des politiciens en campagne électorale, histoire de déranger un public traditionnellement occupés à acquérir d'autres nourritures, de montrer que les livres sont consommables comme de bons produits du terroir et que les écrivains n’ont rien à envier à la harangue des maraîchers. Chacun aura à cœur de défendre haut et fort ses livres en face de ses collègues de plume dans cet esprit de plaisanterie et d’amitié qui nous réunit souvent. Il y aura du tohu bohu samedi 20 octobre au marché couvert !
(17/10/2001)

 

Ce 12 avril 2001, en ressortant de la station Fort d’Aubervilliers, on est déjà préoccupé, mal à l’aise, (lire " Vers Aubervilliers "), mais tout de suite, on émerge du sol sur ce vaste carrefour cerné d’immeubles, on reconnaît le Métafort à quelques mètres et juste derrière la vue extraordinaire sur un fouillis inattendu de verdure, de potagers et de jardins ouvriers.
On a la sensation, comment dire, que le monde est là, brutal mais tellement vivant. On sent inconsciemment qu’on doit tout enregistrer : l’épave de voiture devant la porte de garage vermoulue, le type qui longe le trottoir avec un escabeau sous le bras, les passants et leurs airs décidés de savoir ce qu’ils font là, en être pleinement conscient. L’ombre des bâtiments est dense, les fenètres habitées de silhouettes. Et ces jardins ! Il est tôt, on aperçoit juste deux ou trois têtes courbées devant des légumes, comme si était résumé ici un concentré de vie, les gamins qui partent pour l’école, le type d’âge mur avec son escabeau, les retraités qui ont glissé du béton des immeubles d’en face vers la terre des potagers.
La vie est là, on la sent palpitante, on comprend l’erreur de la chercher tapie dans les immeubles cossus de la capitale. Ici, cette vague impression que personne ne joue un rôle, on ne triche pas.
Du moins pas comme on l’imagine.
Ce 3 octobre 2001, en ressortant de cette même station, il y avait un contrôle de billets de Métro, le gamin est passé en force, avec aplomb et franchise en bousculant les contrôleurs. Quelques vociférations. On l’aperçoit un peu devant sur l’esplanade, son pas toujours nonchalant, rejoint par un de ses copains qui tourne autour avec un vélo en rigolant. On rentre au Métafort pour la première fois. Les rires des gamins se perdent derrière dans les légumes des jardins proches.
(10/10/2001)

Je l’avoue, j’ai l’habitude de fréquenter les soldeurs de bouquins. Et sans honte, car cela ne m’empêche pas d’acheter des livres neufs chez François Larcelet, l’excellent libraire de ma ville (sa librairie se nomme L’attente-l’oubli, et c’est déjà un gage de qualité…) voire occasionnellement à la FNAC bien que je préfère éviter ces grandes surfaces de culture intensive d’où j’en ressors toujours énervé de m’apercevoir de l’absence d’auteurs comme Bergounioux au profit d’immenses piles de Beigbeder…
Mais bon, vu ma boulimie de lecture, les passages chez les soldeurs me sont obligatoires pour éviter de me ruiner. Et puis, je trouve attachant cette idée de donner une deuxième chance à un livre d’occasion. S’y ajoute bien entendu le plaisir de fouiller et surtout, c’est souvent le seul moyen de se procurer un des trop nombreux livres " épuisé " (d’ailleurs qui est " épuisé " ? L’auteur, d’attendre une réédition improbable de son livre ? Le lecteur, de chercher vainement ? L’éditeur, obnubilé par la recherche du nouveau plutôt que ressortir les vieilles lunes ?)
Donc, je parcours régulierement les caisses de bouquins en vrac, soulève les tranches, fouille les couvertures, les titres, les auteurs… Avec toutefois, cette appréhension nouvelle depuis ma première publication de retrouver mon bouquin dans les piles. Quelle sera ma réaction ? La puissance de ma déconvenue ? La réalité de mon abattement ?
Et justement, ce jeudi 27 septembre vers 14h, à deux pas du Boulevard St Germain, j’aperçois mon nom sur une couverture ! Excitation suprême, bizarre, comme si j’avais découvert un exemplaire recherché de Cendrars, un autographe de Genevoix, une édition rare de René Fallet… Tout de suite, on regarde le prix : soldé 20 balles… L’impression qu’il vaut plus, tout de même c’est mon bouquin ! Mais en même temps, content qu’il ne vaille pas plus cher car on sait déjà qu’on va l’acheter, ce qui peut paraître un réflexe idiot et bizarre. On feuillette : les pages de garde (pas trace de ma signature précédée d’un cordialement, ce n’est donc pas un exemplaire de presse), l’intérieur, l’aspect (il semble à peine feuilleté, aucune mention, phrases soulignée… Le lecteur inconnu pressé de s’en séparer, l’a-t-il lu ?).
Mais, mis à part ce soudain et habituel intérêt de la découverte, pas d’autre sentiment, pas de déconvenue, pas d’abattement en vue. Même mieux, on se sent soulagé comme si le fait de trouver le livre en solde terminait le cycle habituel des pérégrinations de celui-ci. Comment dire : une sorte de séparation de l’enfant-livre, il a grandi, il se débrouille tout seul, passons à autre chose…
A la caisse, je me sens obligé de signaler ce fait extraordinaire à l’employée : c’est mon bouquin et je l’ai trouvé. Elle me regarde comme si j’étais un martien, finit par me bafouiller que ce n’est pas de sa faute et qu’elle espère que je ne sois pas trop vexé…( !)
Quelques jours plus tard, (je suis toujours autant surpris de ne pas ressentir de déconvenue) je gomme la couverture un peu salie par le frottement avec les autres livres, la tranche des feuilles un peu noircie. Je regarde mon livre : presque neuf ! Pour un peu je pourrais le refiler à son prix d’origine…

 PS : j’ai également acheté chez ce soldeur le livre de Jacques-Pierre Amette (Ma vie, son œuvre) paru quelques mois auparavant, et dont l’un des passages les plus important est la découverte amère de son livre chez un bouquiniste par le héros écrivain de ce roman. A lire en Notes de lecture.
(03/10/2001)

La poésie, donc, ne sert à rien, est inodore, incolore, soluble dans l’air, inoffensive ( ?), pourtant on l’interdit : dernier autodafé en date, la chanson (d’ailleurs, la chanson est-ce vraiment de la poésie, qu’en pensez-vous messieurs Brel, Brassens, Ferré, Aznavour, Nougaro ?) " Imagine " de John Lennon , déclarée " inécoutable " sur nombre de radios américaines pour cause de guerre imminente… Exit donc pour un moment le refrain " Imagine all the people… ", aussi simple, scandant et facile à retenir que " une souris verte, qui courait dans l’herbe ", car la poésie est aussi musique et vice versa.
Rappelons que le poète Lennon a milité contre la guerre du Viet Nam et fut assassiné à New York en décembre 1980…
(26/09/2001)

Mercredi 12 septembre, éprouvant le besoin de marcher en forêt, retrouver le calme après les images de New York. Respirer.
Le calme ? Partout dans la forêt, ce qui rappelle la tempête d’il y a deux ans : arbres en tous sens, obliques, couchés, la terre remuée en mottes gigantesques par les déracinements, les chemins habituels coupés, lacérés par les troncs, les branches. D’autres chemins aussi, impraticables, creusés par les passages des engins de débardages. Tas de bois partout. Il y a eu déjà tellement de travail accompli mais la tâche est immense et il faudra sans doute plusieurs décennies pour effacer les traces.
Ailleurs, au sortir du bois, on s’imagine que tout cela est terminé : on ne le voit plus à la télé. Je ne peux m’empêcher de penser au chaos des deux tours écroulées, combien de temps pour qu’elles restent au premier plan de l’actualité, pour en réparer les traces.
Je sens déjà vos objections, le drame de cette tempête oubliée, des forets dévastées sont sans commune mesure avec les milliers de victimes de New York et Washington. Pourtant, à quatre-vingts kilomètres de ma promenade, ce sont des bois semblables, ceux de Verdun. Les habitants, les habitués de ces lieux savent que cents fois plus de victimes de la grande guerre dorment encore dans les ornières, sous les racines, les vestiges de tranchées La forêt a repoussé bien sûr mais elle garde les traces pour encore de nombreuses générations à venir. Pas un bûcheron du coin qui n’ait laissé un jour une chaîne de tronçonneuse sur un éclat d’obus planqué dans un tronc.
New York et Verdun suffisent, pas la peine de rajouter d’autres traces indélébiles en Afghanistan ou ailleurs...
(19/09/2001)

 

Loana, écrivain. On entend cette nouvelle à la radio, Loana va écrire un livre pour raconter sa vie. C’est la formulation de ce scoop par le journaliste qui nous interpelle : Loana, écrivain !
Deux mots si différents. Loana, égérie du Loft, synonyme de produit marketing au risque d’oublier que quelqu’un existe derrière la chevelure blonde. Ecrivain et on repense à Michel Chaillou se demandant récemment le plus sérieusement du monde s’il méritait bien ce titre…
Ecrivain au sens de quelqu’un qui a écrit un livre, oui, on est d’accord, Loana est écrivain, aura certainement rédigé, dicté quelques souvenirs de sa vie et peu importe de savoir si quelqu’un d’autre organisera ses mémoires à sa place, cela fait partie d’un jeu connu depuis longtemps. Et oui encore pour Loana écrivain, dans la mesure où depuis Charlemagne et Jules Ferry, beaucoup d’entre nous, les Robert, Marcel, Paulette ou Loana ont appris à lire, écrire, formuler nos pensées en phrases écrites et c’est merveille que cela, merveille aussi d’avoir pu aller en grand nombre beaucoup plus loin, gratter aux confins de la montagne qu’est la littérature.
Donc Loana, écrivain et nous espérons que son éditeur, qui se frotte déjà les mains d’avance devant le succès financier prévisible de ces mémoires, saura réinvestir et donner sa chance à un type parfaitement inconnu, en marge des préoccupations du marché, venant solliciter un rendez-vous, timide et mains moites, son manuscrit sous le bras, n’osant se qualifier d’écrivain…
(12/09/2001)

 

Choisir un bureau. Entrer dans les But, Conforama. Rien hormis les horribles tables informatiques biscornues, sans âmes, dépliables à l’infini et accompagné de l’araignée à roulette qui tient lieu de chaise. Et le vendeur qui s’accroche à vous, s’impose, vous fait sentir que vous êtes hors norme (Mais, monsieur, c’est ce qui se fait maintenant !). Suivre le troupeau ou changer de registre. Aller dans les magasins de meubles. Répliques d’ancien. Merisier, chêne. Le vendeur ne vous suit pas, juste un regard suspicieux sur la garniture supposée de votre portefeuille… Et justement, on regarde, on ouvre les tiroirs, on en veut pour son argent mais c’est folie tout de même que ces meubles qui n’ont de tradition que le nom : la façade en bois massif " patinée à l’ancienne " et les parties cachées en aggloméré…
Et puis on rentre par hasard chez un menuisier isolé. La pancarte Entrée libre, le minuscule magasin d’exposition désert, encombré de meubles plus ou moins finis, on ne vient pas vous voir, juste quelques bruits dans l’atelier à côté, on reste dans l’obscurité et la bonne odeur de bois. Et tout au fond, on aperçoit un bureau superbe, oublié depuis des lustres, soldé de moitié, exactement celui dont on rêve.
(04/09/2001)

 

" Etymologiquement, le mot étonnement vient du latin classique attonare, qui signifie frapper du tonnerre. Mystérieux tonnerre qui échappe à nos organes des sens, car il surgit de la rencontre entre deux niveaux différents de la réalité. Faudrait-il s'étonner que les poètes soient les témoins privilégiés de cette rencontre ? " (Préface de Basarab Nicolescu à L’étonnement Poétique de M.Couquiaud - L’Harmattan)
(29/08/2001)

 

Au hasard, il y a déjà longtemps, en 1986, j’avais acheté les deux bestiaires (Bestiaire sans oubli et Bestiaire enchanté) de cet auteur dont je ne connaissais rien. C’était pour lire à la plage en Corse, lors de vacances tardives. Et le charme tout de suite d’une lecture profonde, lente et calme en accord avec la douceur d’octobre, le mouvement des vagues, la plage déserte. Depuis, Maurice Genevoix est devenu un incontournable pour les vacances et, comme l’œuvre est abondante, je n’ai pas encore entamé le temps des relectures de ses excellents livres qui ne lassent jamais comme regarder le mouvement des vagues.
(16/08/2001)

 

Devinette : je pars en machin en vacances :
- Je dors sur le toit
- Le
machin n’est pas un camping car
- Je dispose de 4m2 pour 4 personnes
- Le
machin n’est pas une tente
- Je conduis la voiture
- Le
machin n’est pas une caravane
- J’ai tout : une cuisine, des placards, des lits…
- le
machin n’est pas un hôtel
- Je l’emmene partout
- Le
machin n’est pas une location
- J’entretiens son âge vénérable de dix-sept ans
- Le
machin n’est pas une cabane dans les arbres
(18/07/2001)


Le type en photo à un air satisfait de chef d’entreprise à une tribune. Ce qui déroute, c’est qu’il tient un bébé dans les bras et qu’il semble lui donner le biberon.
On lit le texte de l’article : on apprend que le type cravaté est bien un chef d’entreprise, un grand, numéro 2 du Medef, PDG d’un groupe spécialisé dans les jouets pour enfants. Il présente " son dernier né ", un poupon de celluloïde bourré d’electronique. Il en parle avec une satisfaction de winner, on apprend que c’est l’innovation qui sauvera les entreprises françaises, ce jouet en est un exemple. Il cite des chiffres : 150 000 l’année passée, on prévoit 180 000 cette année. Ventes, courbes, marketing, motivation. Haut les cœurs ! Dans ses mots, l’enfance, l’innocence est salie.
Je voudrais que les circuits électroniques de ce poupon se dérèglent et qu’il lui fasse pipi dessus.
(04/07/2001)

Soleil ce matin 19 juin, mais frais, mains froides, gilet. Passant devant la poste, les deux employés, l’homme, la femme, descendant les marches, s’approchant du camion déjà ouvert.
L’homme : ça vient d’où, ça ?
- Vitry (voix du camionneur invisible)
L’homme : il est à qui le camion, ça ?
Moi, déjà passé, trop loin pour entendre la réponse, pensant au postier, ses questions, le ça, un chiant, pas décidé à travailler, cherchant des prétextes.
Belle journée tranquille. Traversant la rue pour être au soleil. La femme devant moi, me coupant le chemin, clés de voitures dans une main, plantée devant la vitrine du pressing, regardant les prix affichés. Plus loin, derrière le coin de la rue, une nettoyeuse automatique comme un mini-tracteur balayant le trottoir, l’action des deux balais rotatifs en poils jaunes. La cabine du conducteur, son visage, un essuie glace dans un coin du parebrise. La machine passant à côté de l’horodateur et l’étrange distributeur de sac poubelle, installé depuis peu, en métal peint en vert avec le pictogramme d’un chien et la mention Kioscan. On comprend l’usage.
(27/06/2001)

Ce type à un salon du livre, qui m’apostrophe :
- C’est vous qui avez écrit Central ?
Moi, heureux, qui acquiesce et lui :
- C’est long non ? Un peu trop… Enfin, c’est un défaut de débutant… On veut toujours faire long…
Moi, désarçonné, argumentant, et lui, sans m’écouter, se saisissant d’une de mes phrases pour conclure :
- Ah ? Parce que vous êtes du genre qui écrivez sans plan ? Il y a deux genres, les " avec ", les " sans "…
Moi, ayant découvert un nouveau " genre " de lecteur : les tueurs d’écrivains.
Ne plus jamais leur répondre, à fuir comme la peste.
(21/06/2001)


Aller à la BNF, c’est s’arrêter à la station
"bibliothèque François Mitterrand ". Sortir de la station. La pancarte BNF, prendre l’escalier. Se demandant comment faire quand on est handicapé, ou vieux, ou malade : la raideur des escaliers, le nombre de marches, l’étroitesse. Traverser une sorte de pont. Tout de suite, se heurter à un vaste chantier. Marteau Piqueurs, bruit, ouvriers casqués, camionnettes, le trottoir maculé de coulures de béton. Traverser la rue, Passer ensuite devant un immeuble en réfection, déjà bien avancé, les vitrines neuves, le chantier derrière, moquettes, bidons de peinture, des ouvriers rentrent, cottes pleines de taches, d’autres transportant des tuyaux, des outils, des objets divers.
La BNF que l’on voit pour la première fois, on sait déjà l’architecture avec quatre tours en forme de livre entrouvert. On voit derrière les vitres des façades, des cartons, des ombres, une fourmilière. Pénétrant au sous-sol par un tapis roulant incliné. La pancarte : glissant en temps de pluie. Décidément, il faut être en forme pour venir ici !
Visitant l’exposition brouillons d’écrivains. Jardin des délices.
En ressortant, on repasse devant les tours en forme de livre entrouvert. Dans quels bureaux, dans quels cartons se cachent des manuscrits oubliés ? On se prend à rêver.
En passant devant l’immeuble en réfection, une quinzaine de types cravatés est devant le trottoir, une visite de chantier ? Derrière une grande vitrine, des tables inattendues ont été nappées. On comprend qu’ils vont déjeuner ici. Il fait chaud, beaucoup sont en bras de chemise. Une climatisation a été installée en provisoire et étend sur le trottoir ses tuyaux d’aération recouverts d’aluminium comme une pieuvre argentée.
(15/06/2001)


LJH ne se lit pas dans un salon de coiffure :

Une amie, écrivain et journaliste, à qui j’avais recommandé la lecture de Perfection de LJH a voulu commencer ce récit chez sa coiffeuse habituelle. Elle a cessé au bout que quelques minutes, parce que toute l’attention que réclame la prose métaphorique de LJH est incompatible avec un salon de coiffure, où elle m’avoua que le magazine Gala (dont les métaphores sont certes plus réduites...), correspond plus à une lecture badine entrecoupée de réflexions métaphysiques avec la shampouineuse... (mais pourquoi les coiffeurs se croient-ils obligés de faire la conversation ?)
Tout cela m’interpelle sur les lieux où telle lecture est impossible, ce dont nous nous souvenons mal par rapport aux endroits qui nous laissent un souvenir impérissable, aux élans que nous ont procuré nos premiers émois par rapport à un auteur. Ainsi, Maurice Genevoix dont les bestiaires lus sur la plage (une histoire d’animal, un coup de soleil, une vague et ainsi de suite ayant constitué un cycle impérissable dans ma mémoire) en ont fait le compagnon de toutes mes vacances depuis vingt ans. Aussi de Blaise Cendrars et ma lecture inoubliable de l’Or, sur une minuscule et tranquille terrasse brûlée de soleil en Corse pendant la sieste de mes enfants. Ainsi Beckett découvert dans un Mac Do en attendant d’intervenir dans une conférence professionnelle sur Internet ...etc, etc...
Par contre, la mémoire des lieux impossibles pour lire nous échappe, l’instant où l’on referme le livre avec délice (oui, délice car on sait que la lecture reprendra plus tard..) parce qu’on a le sentiment que le lieu est en désaccord avec ce qu’on se projette de lire.
(31/05/2001)

 


La récente polémique sur Loft Story m'a amené à m'interroger sur mes habitudes télévisuelles, donc, voici un inventaire exhaustif de ce que j'ai regardé du dimanche 6 au samedi 11 mai :
-Dimanche 6 mai : rien
-Lundi 7 mai : Greysoke, la légende de Tarzan, de 21h à 23h, France 3

-Mardi 8 mai : Le huitième jour, de 21h à 23h, TF1
-Mercredi 9 mai : la prise de pouvoir de François Mitterand + Le cerveau de Ravel, de 21h30 à 23h00, Arte
-Jeudi 10 mai : Conversation avec un président, de 21h30 à 23h, France 2

-Vendredi 11 mai : Bouillon de culture, de 23h à 0h15, France 2
-Samedi 12 mai : Plein les yeux, de 22h à 23h, TF1
A noter quelques zapping sur Soir 3 (France 3) pour les actualités. En journée, rien, sauf le mercredi, Le juste prix (20 mn TF1) en fond sonore pendant le repas. Mon audimat se décompose ainsi :
-TF1 : 3h20
-France 2 : 2h45
-France 3 : 2h
-Arte : 1h30
-M6 : rien
Je n'ai pas d'autres chaines.
Soit 1h20 par jour. Suis-je dans la moyenne ? Il est bon de faire se genre d'inventaire : on s'aperçoit que nous sommes tout de même perméables aux fadaises (1h20 de Juste Prix et Plein les yeux) malgré 4h15 d'émissions plus culturelles et 4h de fictions. A noter que Bouillon de Culture et le cerveau de Ravel sont celles qui m'ont laissé le meilleur souvenir.
Puisqu'on est dans les inventaires, la même semaine, j'ai consacré au travail littéraire :
-Dimanche 6 mai : néant
-Lundi 7 mai : 1h
-Mardi 8 mai : 4h
-Mercredi 9 mai : 3h
-Jeudi 10mai : 1h
-Vendredi 11 mai : 7h
-Samedi 12 mai : 3h
Total : 19h, soit exactement le double que l'activité télévisuelle. Ouf, sauvé !
(23/05/2001)


La vie associative est étrange : organisée - président, secrétaire, bureau, réunions - et désorganisée - rencontres, opinions, vagues projets, faudrait que....
Elle est faite de passion, essence même de son existence - pêche, foot, littérature, plongée, resto du coeur, amicales, club - et se nourrit de découragements - on n'est pas beaucoup, on n’a pas les moyens... c'est toujours les mêmes qui...
De temps en temps, les vagues projets prennent corps, on le réalise parfois brutalement comme en ouvrant le paquet d’affiches d’un Salon du Livre organisé par l’Association des Ecrivains de Haute-Marne (étrange aussi le poids énorme de 300 affiches 80x60...).
On est étonné de voir les affiches si belles en livrée bleue rouge et dorée. La manifestation prend corps, le gâteau a levé. C’est une réussite ! Merci à Guy Chaudet, notre dessinateur, et à Gérard Paillot, notre graphiste, pour leur excellent travail. On sera fier de proposer ces affiches à nos amis libraires et bibliothécaires. Ce salon, on voudrait déjà y être... (16/05/2001)

Salon professionnel (orthophonistes) au Centre des Congrès de Reims : l’étrangeté d’avoir un stand pour présenter Internet pendant ce grand week-end de début mai. Heures d’attente des congressistes en conférence, cette connivence dans l’ennui avec les autres exposants.
La succession de rencontres comme les chapitres d’un roman : l’éditeur d’un logiciel, son bavardage et ses gestes saccadés, celle qui me raconte sa difficulté d’exercer en psychiatrie, celle qui me parle de la Pologne, de San Francisco et d’un pont rouge ou comment ramener une batte de base-ball en inox, de l’Inde et d’un tremblement de terre, du commerce des olives, d’un accident entre une deux-chevaux conduite par son fils et une vache, - tout cela en un temps record -, celle qui m’explique sa difficulté d’exercer en psychiatrie, la recrudescence des cas de psychoses, cette soirée aussi où tout le monde danse et boit du champagne.
Tout un monde d’avant l’écriture... ce qui constitue l’essence même de cette rubrique d’étonnements. (09/05/2001)

Par hasard au Club Med de Vittel ; c’est dimanche matin. Il pleut. Vu du cinquième étage du Grand Hôtel, la terrasse ruisselante et les tables de jardins vert anglais dessinent une promesse illusoire de petits déjeuners campagnards. La télé est allumée : sur Arte, il y a ce documentaire sur Denise " ? " (j’ai oublié son nom, je me souviens juste de deux prénoms accolés), qui a ouvert une galerie d’art contemporain au sortir de la deuxième guerre mondiale à Paris. C’est beau, elle parle de Vassarelli, on ne se lasserait pas de l’écouter. Je ne connais rien à l’art, à la peinture. Je suis assis sur le lit, la lumière grise de la pluie entre à gros bouillons (tout à l’heure, profitant d’une accalmie, une armada de Gentils Organisateurs formeront une haie d’honneur bruyante pour applaudir les nouveaux arrivants), je voudrais lire La bataille de Pharsale de Claude Simon mais je me suis laissé prendre par le documentaire. Je sens la couverture cartonnée et rugueuse sous ma paume (une vieille édition rachetée à la Bibliothèque des PTT, Direction Départementale de la Haute-Marne). Je me réjouis de reprendre la quête de Claude Simon, cherchant dans la campagne aride le champ de bataille. Mais la télé. Je ne connais rien à l’art, je ne sais même pas qui est Denise " ? ". Allons à la piscine ! Je détache ma paume du livre et j’éteins à regret la télévision. (04/05/2001)

Heure des comptes : un bon millier de bouquins (La Réserve et Central) ont été vendus.
Quelque part, en partant de zéro et parfait inconnu jusqu’en avril en 2000, cela rassure d’avoir presque autant de lecteurs.
Quelques réflexions cependant :
- le poids de la pub quand on voit les résultats (vantés) cent fois supérieurs de " 99 F " de mon presque homonyme Beigbeder, roman qui dénonce justement la pub…
- à peu près le tiers de la diffusion environ a eu lieu dans mon département de Haute-Marne (180 000 habitants, moins peuplé que Reims), ou à des connaissances, ce qui caricature bien le désert de la distribution actuelle des livres en France ou le parfait inconnu a peu de chance d’être vu sur les étals des libraires. (25/04/2001)

Hier, 12 avril journée faste : Aubervilliers et la découverte incongrue et émerveillée des jardins ouvriers aux portes du métro. Montreuil et le choc de la CGT comme extraordinaire mémoire des hommes au travail (et non pas le travail des hommes car l’humanisme est partout en ce lieu et dans les gens comme un fil conducteur). Des images aussi glanées dans le métro, dans la rue et qui inspirent : on a commencé une nouvelle (Vers Aubervilliers). (15/04/2001)

On tourne toujours autour de Central : mon téléphone sans fil (celui que j'avais disséqué sur la moquette bleue dans le chapitre 17...) a rendu l'âme, j'ai donc remis le bon vieux téléphone des familles S63 (également disséqué...) Hier matin, il a sonné pour la première fois : étonnement devant le timbre depuis la cuisine où je déjeunais avec ma femme et ma fille - on se souvenait plus que j'avais changé - mais tout de suite cette bouffée d'allégresse pour moi du moins, le timbre associé à quelque chose qui vient de loin, à la fois sérieux et gai, une nostalgie peut-être ? Toujours est-il que j'ai décroché avec sans doute plus d'attention et d'écoute et plus de joie aussi. Poids du combiné, on dirait une haltère, c'était la gymnastique du matin. (04/04/2001)

Il y a de cela quelque mois, j’ai travaillé à la rédaction de pages touristiques pour l’annuaire téléphonique de la Haute Marne. Impression curieuse de ce travail à cheval entre mon métier de raison, les télécommunications et mon métier de cœur, l’écriture. Curiosité aussi dans la structure d’un annuaire, véritable construction à la Perec. (28/03/2001)

Sur le trajet qui mène à la gare, il y a écrit T’AIME en travers de la route. Il est 6h15, je marche vite pour avoir mon train. T’AIME en travers de la route à la peinture blanche. La route longe la voie ferrée. Je vois les feux sur les quais. Rouge, arrêt obligatoire des trains. JE a disparu. Lavé par les pluies sans doute. T’AIME occupe toute la largeur de cette route longeant les voies, de toute part T’AIME est cerné par les flaques d’eau. Il pleut sans discontinuer depuis plusieurs semaines. Dans les journaux télévisés, on nous montre des gens, qui récurent, balayent, poussent l’eau de leur maison inondée. T’AIME a résisté. JE s’est effacé. Et peut-être que c’est cela dans la réalité. Peut-être que le type qui a écrit cela est passé à d’autres amours. T’AIME reste sur le goudron de la route. Le bitume qui est une invention humaine retient ce qui existe depuis la nuit des temps, bien avant l’invention de la peinture blanche, des lettres capitales, de l’écriture. (21/03/2001)

" Mon fils me dit tout à l’heure :
- Tu sais que deux de nos vaches sont parties recemment pour la boucherie, es-tu au courant de ce qu’elles sont devenues ?
- Des bêtes extra !
- Oui, mais sais-tu où elles sont allées ?
- Pas à l’abattoir habituel ?
- Si mais ensuite ?
- Chez un boucher qui fait du choix ?
- Non, elles font du ciment. Elles ont été retirées du circuit normal de la viande et ont été emmenées dans une cimenterie où on les utilisera en tant qu’énergie thermique... "
Ce texte débute la chronique hebdomadaire que tient depuis plusieurs dizaines d’années Jean Robinet, 85 ans, fondateur de l’Association des Ecrivains Paysans, une trentaine d’oeuvres à son actif , Président d’honneur de l’Association des Ecrivains de Haute-Marne. Tout au long de son texte, on sent l’amertume d’un homme loyal, dépassé par les évenements " qui n’a plus que ses yeux pour pleurer ", qui revendique, comme étonné de le dire " le droit d’exister décemment ", " d’être heureux à la tâche ", un travail " pour la fierté d’une belle récolte ou d’une belle étable ".
Mon cher Jean, le temps est loin où tu écrivais ton premier roman " Compagnons de labour ", en captivité pendant la deuxième guerre mondiale et sur un papier de fortune... Lequel était le plus heureux pour toi ? (14/03/2001)

En Guadeloupe, rejoindre les sources du Matouba sur Basse-Terre n’est pas chose aisée. La route étroite traverse des bananeraies infinies, se perd dans une coulée de boue, le goudron fait place aux pierres dures et tranchantes. Puis un éboulement empêche d’aller plus loin, certainement la trace d’un cyclone survenu il y a quelques années. On arrête le moteur, on sort. Silence. Oiseaux. Balisiers. Enchevêtrements d’arbres. Le pont traversé juste avant n’a plus de rambardes, le Matouba qui coule dessous cache sous ses pierres les ouassous et les écrevisses " caca d’or ". On n'ira pas jusque aux sources, jusqu’à Saint Claude. Joséphine, la propriété familiale de St John Perse, est toute proche. Sous les feuilles, des fantômes centenaires récitent : " mais pour longtemps encore j’ai mémoire de faces insonores, couleurs de papaye et d’ennui, qui s’arrêtaient derrière nos chaises comme des astres morts ". (07/03/2001)

J’habite au coin des rues Anatole France et Jean-Jacques Rousseau. L’autre soir, à ce carrefour dangereux, un accrochage a eu lieu. La police a du intervenir pour séparer les protagonistes, ceux qui avaient surgi des chemins progressistes de la philosophie d’avec ceux qui se sont engouffrés dans la rue rectiligne de la littérature... (14/02/2001)

42,2 % c’est le score réalisé par la Confédération Paysanne en Haute-Marne aux élections de la Chambre d’Agriculture. Si j’en parle c’est parce que la Réserve, mon roman paru en avril 2000, portait sur l’avenir de la ruralité dans ce département sur fond de crise de la vache folle. Mais j’en parle surtout car certains quotidiens oublient de citer la Haute-Marne dans les résultats de Champagne Ardenne où on se gargarise de la FNSEA (75% des voix), malgré les " coups bas " portés contre, dixit ce syndicat tout puissant. Il est vrai qu’avec OGM et Prion, bientôt quand on nous tapera dans les couilles nous n’aurons plus mal… (07/02/2001)

La révolution d'Internet, est-ce 1789 et suivantes ? Il est interessant de se poser cette question ; pour 1789, tout de suite on voit l’espace immense de la liberté, la Marseillaise, Les Droits de l’Homme. On élude les guillotines, la Terreur, la confusion. Marat, Danton, Robespierre, Camille Desmoulins, qui étaient les bons, les méchants ? On a la manie du classement et de l’ordre. Réfléchissons aussi à cela pour Internet. Bill Gates, est-ce Danton ou Robespierre ? Qui tient le pouvoir ? Les patrons de Yahoo, Voilà et autres moteurs de recherche ? Qu’est-ce que la guillotine informatique ? Est-ce la censure ? Est-ce le silence (arrêter son site web)? Est-ce emplir l’espace virtuel de niaiseries commandées par des médias ? Qui dicte les Droits de l’Homme et de l’Internet ? (31/01/2001)

On se souvient avoir organisé lors du premier salon de livre de Langres en avril 2000, un espace Internet sous une volumineuse et magnifique affiche créé par Gérard Paillot pour l’occasion et présentant Diderot comme le précurseur de l’Internet, histoire de donner aux habitants de sa ville natale, une vision particulère du philosophe (et c’est vrai qu’il y a de l’internet dans l’exhaustivité de l’encyclopédie, dans cet espace nouveau de la description et des conséquences de vouloir recenser tout à la vue de tous). Histoire d’en être un peu plus convaincu, je remercie Marcel Marty, conservateur de la bibliothèque à l’Université de Toulouse de m’avoir envoyé cet extrait visionnaire d’une des Lettres à Sophie Volland de Diderot :
" Voilà donc une de mes lettres perdues. Et qui sait ce qu'il y a dans cette lettre, en quelles mains elle est tombée et l'usage qu'on en fera ? Comus ne perfectionnera-t-il pas son secret ? Ce Comus est un charlatan du Rempart, qui tourne l'esprit aux philosophes, et son secret consiste à établir de la correspondance, d'une chambre à l'autre, entre deux personnes, sans le concours sensible d'aucun agent intermédiaire. Si cet homme-là étendait un jour la correspondance d'une ville à une autre, d'un endroit à quelques centaines de lieues de cet endroit ; la jolie chose ! Il ne s'agirait plus que d'avoir chacun sa boîte. Ces boîtes seraient comme de petites imprimeries où tout ce qui s'imprimerait dans l'une, subitement s'imprimerait dans l'autre ... Trêve de plaisanterie, si Morphyse, si D'Amilaville ou M. Giller. Vous m'entendez. Après tout, tant pis pour les deux premiers (...)" (28 juillet 1762)-
mis en ligne le 24/01/2001.

 

Pourquoi ferme-t-on un site ? Le site de Tanguy Viel n’existe plus. On garde juste la lettre d’adieu. C’est une décision réfléchie puisque l’écrivain lors de sa dernière mise à jour déclarait s’interroger " au sujet des bienfaits d’Internet " avec comme conséquence, soit la poursuite de son site, soit la fin de celui-ci quand il aurait répondu à ses interrogations. Tanguy Viel a donc choisi. Pour nous, la question qu’il a lancée persiste : quel avenir pour nous dans Internet ? Cette question qui semble saugrenue de plus en plus, c’est justement parce qu’elle semble de plus en plus décalée qu’il faut se la poser. Et en décliner tous les corrolaires : un site pour quoi y faire ? Permanent ? Temporaire ? C’est individuel ? C’est collectif  ? (comme le dit TV : c’est " un espace qu'on ne sait plus ni vraiment privé ni vraiment public ". La perte de repères, induite, voulue, vantée dans l’essence même d’Internet comme une liberté nouvelle tue-t-elle (tutelle ?) celle-ci ? A nous d’y réfléchir aussi. Toutefois sans précipitation. (17/01/2001)

Le début d’année à chaque fois me saisit : qu’on appelle cela bonnes résolutions ou autres, il y a à chaque fois cette bascule peut être liée aux jours qui rallongent. En arrière on songe encore à ce qui fut les mois précédents et l’onde de choc immense qui me poursuit encore comme une vague : la parution de Central. (10/01/2001)

2001, nous y sommes. Et la furieuse et bizarre envie de ne retenir que le 001, effacer deux mille ans. J'y vois encore une preuve de mon indécrottable optimisme. L'homme à la mémoire courte. (03/01/2001)

"Etonnements", c'est une rubrique d'actualité. Et l'actualité en ce moment, ce sont les fêtes de Noël et du Jour de l'An. Parfois, on cotoye des gens qui ronchonnent : je n'aime pas les fêtes. Parfois on ronchonne nous même. Mais bon, cette année, comme tous les ans, j'ai ramené un sapin, mes enfants l'ont décoré avec joie. Noêl, c'est leur fête, ne la gâchons pas. Et comme nous sommes tous de vieux enfants : bonnes fêtes à tous les lecteurs de "Feuilles de route" ! (27/12/2000)

Finalement, pour l'histoire de ce prof d'Abbeville, soupçonné de toutes les perversités pour avoir proposé la lecture de Le grand cahier d'Agotha Kristof, c'est au moment que retombe la pression médiatique qu'il faut continuer à être vigilant : justice, éducation nationale, c'est par ces administrations, toujours balancées entre incompréhension de la marche du temps et désir de tout légiferer et maîtriser que viendra le danger.
A lire, le dossier très complet dans remue.net de François Bon. (20/12/2000)

Demande d’interview par le net pour… Liberation –Maroc ! Tout de suite on pense à Humphrey Bogart, en costume blanc dans une rue ensoleillée de Casablanca, cigarette négligement coincée au lèvres, feuilletant le journal qui contient mon interview, en attendant Ingrid Bergmann. Les mythes ont la vie dure ! (13/12/2000)

On est à Paris : salon des dentistes, foule internationnale, sourires commerciaux, brouhaha, fatigue, revenir tard, lignes de métro en panne, réagir vite : passer autre part, le train n’attendra pas, bousculade, on force la foule, on se coince entre les portes des rames. On a son train. Le lendemain, on entretient un verger : autour du feu, muscles fatigués, on mange en silence avec les amis habituels, respiration : on regarde l’échappatoire du ciel, bleu, grand et revient parfois le claquement des portes du métro. (06/12/2000)

Fête du Livre du Figaro dans les salons de l'Hôtel de Ville de Paris : Tiberi, VGE, Philippe de Gaulle, généraux, noblesse française, parisianisme. Coincé entre Beigbeider et Stéphane Bern, l'édifiant sentiment d'être un extra-terrestre. (29/11/2000)

Premier roman, première intervention : ce qu'on est fier d'inaugurer le cycle de Rencontres Littéraires de l'Université des Sciences Sociales de Toulouse avec François Emmanuel, Leslie Kaplan, François Salvaing, Marie-France Hirigoyen et Lydie Salvayre. (22/11/2000)

Mon Goncourt à moi, c’est un village en Haute-Marne, le village des deux frères Goncourt Emile et Jules, inventeur du fameux prix. Il y avait foire aux livres : avec quelques auteurs haut-marnais, nous étions installés dans des granges, locaux de fermes aimablement prètés par les habitants. Moi, j’étais dans le garage, à côté de la pompe mélange pour mobylette et tronconneuse, sous une banderole " le contrôle technique, c’est ici " avec toute la journée  ce formidable sentiment d’appartenance à ce coin perdu . Vive la famille ! (15/11/2000)

Parce qu’on a écrit un livre qui s’appelle " La réserve, haute-marne 2017 ", parce qu’aux confins du département se construit un site de déchets nucléaires, parce qu’on sait pertinement que les fossoyeurs du nucléaire attendent 2017 pour que leur usine tourne à plein régime : on dit STOP et on fait un lien sur le site anti-nucléaire BURE-STOP (08/11/2000)

Signature dans une librairie : j'ai vu défilé devant mes livres sorcières, farfadets, monstres et squelettes. C'était Halloween. (1/11/2000)

On regarde Duras enregistré de l’émission " 100 ans d’écrivains ". Avant, c’était Saint Exupéry (Saint Ex, le raccourci qu’on emploie pour nommer le lycée voisin). Il est tard, au moins Dix heures et demie du soir en été, le sommeil gagne. Je mélange Vol de nuit et l’Amant. Les lunettes de Marguerite englobent les yeux d’Antoine. Les Carnets de guerre chantent India song. Il y a un avion au fond d’une gravière, tout près d’ici. L’hélice effleure la surface de l’eau depuis soixante ans. Détruire, dit-elle. Hiroshima, mon amour, répondit le Petit Prince.
(25/10/2000)

Le site Feuilles de route. Cela fait un mois qu’il existe. On retient le principe d’une mise à jour hebdomadaire, le mercredi, avec au minimum une (ou plusieurs) note(s) de lecture, note(s) d’écriture, les humeurs, réflexions en rubrique " étonnements ", un lien supplémentaire par semaine (" chez les autres "), de nouvelles critiques, articles de presse pour les ouvrages parus (" la réserve " et   " Central ") et la mise à jour de l’Agenda.Tout cela c’est de l’écrit. Une centaine de connexion en 1 mois, certainement les 2/3 de mon fait car c’est avant tout un outil de travail. Merci à tous ceux qui s’y plongent avec moi !
(18/10/2000)

Le langage permet le " je ", le sujet parce qu’il permet le jeu avec le monde, les autres. Mais cela est possible seulement si le monde, les autres, ont déjà permis ce rapport-là au langage (Leslie Kaplan)
(11/10/2000)

Honte à ce PDG, responsable du plan social de DEVANLAY Saint Dizier (polos Lacoste, le crocodile) pour avoir posé d’un air suffisant devant le journaliste et déclaré : " nous avons traité les ouvrières de façon à ce qu’elle puissent rebondir du mieux possible ". Après six mois de lutte, les couturières des polos de joueurs, auront ainsi atteint le statut de balles de tennis...
(11/10/2000)

CORA ROUTE DE BAR LE DUC 52100 SAINT DIZIER – SAMEDI 30-09-2000 CAISSE 005 - CHIPS A L’ECHALOTT 8,50F - PIZZA PATE FINE 13,50F – SELECTION GRAI 27,60F – MOUTARDE FIN GOURM 9,80F – PARTICULES ELEM 38,95F – RAISIN NOIR 7,40 F – TOMATES VRAC 11,70F. On achète Houellebecq en version poche au supermarché, pré-digéré dans le ticket de caisse. (04/10/2000)

Mon nom placardé à la bibliothèque, l’école de musique et à la librairie avec une belle vitrine. Qui est ce type qui dédicace un 30 septembre ? Etre l’auteur d’un livre, parfois on n’y crois pas, ce doit être un double.
(04/10/2000)

A propos d’un passage de la Réserve (l’action se situe en 2017) dans lequel je citais une nuit, précisant la date et la pleine lune, un lecteur s’est amusé à vérifier la probabilité qu’à cette date, dans 17 ans, il puisse y avoir pleine lune ! Preuve que ce qui est dans les livres passe pour être vérité. Preuve que cette " vérité " tisse un jeu subtil entre lecteur et auteur, une certaine cohérence du rêve partagé.
(27/09/2000)

Un après-midi, j'ai rencontré un de mes anciens collègues du central téléphonique. Nous avons bavardé joyeusement en face de ma librairie préférée où mon livre Central est en vitrine. Drôle de situation surréaliste : mon collègue figure dans un passage de ce roman et le voir en chair et en os tandis qu'a dix mêtres de là, il vit également, replié entre deux pages.  Quelle pudeur aussi à parler de tout sauf de ce livre.
(20/09/2000)

Fête de l'Huma : on y était hier ! Etonnements, oui, de retrouver autant de débats politiques, sociaux, littéraires, de voir autant de visiteurs écouter, participer. L'impression, malgré la fête avant tout et les flonflons dans tous les coins, qu'on pouvait se réapproprier le monde. Au fait, qui nous l'avait piqué ?
(17/09/2000)

Aujourd'hui, entendu deux nouveaux mots, horribles, lors d'une conférence sur les perspectives d'Internet à l'horizon 2005 : dématérialisation et implants corporels ! Le premier désigne le fait qu'Internet dans sa phase ultime du tout-communiquant appliqué à n'importe quoi, téléphones portables, télé, radio, machine à laver etc... banalisera , "dématérialisera" toute communication entre humains. Le deuxième, implants corporels,   pour nous aussi devenir des machines communiquantes dématérialisées !
(14/09/2000)

Je voulais faire un site le plus simple possible. C'est fait : fond sobre, caractères sombres. Une page de bouquin en quelque sorte. L'intérêt est de ne pas se casser la tête pour le fabriquer, mais aussi pour le mettre à jour, ce qu'on va essayer de faire. Car le but est bien là, faire de ce site une sorte de cahier de travail, mais  surtout quelque chose qui soit partagé entre vous et moi, sur la base des mille et un étonnements que procurent les choses de la littérature.
(13/09/2000)