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Notes d'écriture 2000-2001
En réponse à la rubrique de la semaine dernière, le conseil
décriture de Marguerite Duras !
" Je vous ai dit aussi quil fallait écrire sans correction, pas forcément
vite et à toute allure, non, mais selon soi, à ce moment-là, jeter lécriture au
dehors, la maltraiter presque, oui, la maltraiter, ne rien jeter de sa masse inutile,
rien, la laisser entière avec le reste, ne rien assagir, ni vitesse, ni lenteur, laisser
tout dans létat de lapparition. " (Emily L)
(19/12/2001)
Tenir ces rubriques chaque semaine, cest accepter
dêtre médiocre. En effet, le temps est élastique et, à la vacuité ou au
surmenage, répondent des états desprit différents (par ailleurs sans aucun lien
de cause à effet) - joie, mélancolie, curiosité, apathie - qui rejaillissent sur ce qui
est notre raison finale (jallais dire vitale) : lécriture. La régularité
hebdomadaire des rubriques, cest forcement verser dans lexcès de ces humeurs
et ainsi, donner aux lecteurs des rubriques irrégulières.
Cest plus facile à dire quà accepter ! En effet, lécriture (comme
lart ?) est lapanage de Narcisse : on veut tous paraître au mieux de
limage que lon voudrait donner aux autres. Ainsi les travers sont nombreux :
excès de verbiage, dérudition ou au contraire prudence et laconisme, nous passons
habituellement notre écriture au crible : sujet, forme, jusquau moindre choix
dun synonyme qui peut prendre la tournure dun psychodrame intérieur. Je
néchappe pas à la règle, bien entendu.
Mais voilà, jexhibe ces rubriques inégales et, contrairement à la formule
dun journal papier édité à la fin de plusieurs années de notes (et où lon
a pu corriger, retrancher, soustraire ajouter avant la parution finale), semaine après
semaine, ce site vient empiler des phrases de styles divers sur des sujets variés avec
plus ou moins de bonheur.
Accepter dêtre parfois médiocre, cest ainsi vouloir la totalité de votre
regard, léventualité de ce quon peut imaginer comme réaction (Cétait
mieux la dernière fois
Cette semaine, cela ne mintéresse pas
Pour qui
il se prend
de quel droit parle-t-il de tel sujet
etc.). Pendant ce temps,
jaccumule des mots, simplement, je mexpose et japprends.
(12/12/2001)
Jai la manie de tout planifier. Je possède un agenda (on
dit un Organiser) où je note toutes les moindres actions à venir dans les jours
qui viennent. Ce qui concerne le boulot (la réunion du mardi, le rendez-vous à Troyes,
le collègue à rappeler) comme ce qui concerne la vie familiale (la lettre à écrire,
les impôts à payer, le rendez-vous chez le garagiste).
Par moments, je pense que jai le cerveau comme une passoire et que cest pour
cela que je note tout.
Et il y a lécriture.
Là encore, de petites actions sont notées sur le fameux carnet : penser à mettre à
jour le site Internet Feuilles de Route, envoyer un certain courrier pour
lassociation des écrivains, allez à un rendez-vous.
Et il y a tout ce qui est sous-jacent, ce qui n'est pas noté, qui reste en tâches de
fond, les projets, ce que jaimerais bien réaliser ou ce qui est déjà engagé et
qui est de plus longue haleine, lensemble formant comme une sorte de programme
(électoral ? mais pour élire qui?).
Le voici :
- terminer les premières corrections de " Composants " pour les vacances de
Noël
- écrire ce fameux livre prévu depuis longtemps
- élaborer un recueil de nouvelles
- formaliser une Anthologie des écrivains haut-marnais célèbres avec notre association
Et bien sur continuer à noter le dentiste, les réunions à Paris ou ailleurs, les
vacances, les rendez-vous.
Soccuper, énumerer, vivre quoi !
Et attendre constament limprévu qui rajoute une ligne sur le carnet
(05/12/2001)
Il y a tant de choses à voir en Egypte quil est bien
commode de sen remettre à un voyagiste pour un premier séjour. Les circuits
quon vous propose vous transforment inévitablement en touriste, cliché quon
a tendance à refuser et cest là que doit intervenir toute lhabileté du
guide " parlant français ", vanté dans le catalogue de voyages.
Ramez qui nous accompagna pendant toute la durée du séjour sest montré
exceptionnel, particulièrement compétent et suffisamment proche pour à la fois nous
faire apprécier ce que nous étions venu chercher comme pages dhistoire et de
dépaysement mais aussi pour nous faire appréhender une réalité ancrée dans
lactualité. Nous pensons alors : cest notre histoire qui sécrit
maintenant comme elle sy est écrite il y a cinq mille ans.
Car cest bien décriture quil sagit et, comme on élabore un
livre, le guide construit notre périple inséré dans ces millénaires, avec patience et
prudence, jour après jour comme les chapitres dun roman. Sourire courage, esprit
sportif, les préceptes destinés à souder un groupe de touristes variés forment la
trame dun récit, la beauté du Nil finit par nous faire accepter ce qui ressemble
à un bonheur.
Un bonheur ?
Oui, garder juste le souvenir dun temple aux murs gravés, cette poussière ocre
dans le silence à peine troublé par la voix du guide qui fait déchiffrer au groupe un
cartouche de hiéroglyphes :
- Ici Mereh qui veut dire aimé de
Et là Ptah
Plumes de faucon, serpents, soleil gravés dansent sur les murs dans la lumière rasante.
Le vent joue entre les colonnes peintes. Un égyptien en djellaba sappuie sur le
socle dune statue gigantesque.
- Alors, mes amis, que veulent dire ces hiéroglyphes ?
On tarde à répondre. Le bonheur devient cet instant entre lécriture et la
lecture.
(28/11/2001)
Jules et Edmond "de Goncourt", fondateur du fameux
prix, ont choisi leur nom de plume pour rendre hommage à leur grand-père qui habitait
Goncourt, petit village haut-marnais. Depuis, bien entendu, la Haute-Marne s'enorgueillit
d'un tel héritage qui s'ajoute à celui d'un exceptionnel patrimoine littéraire pour un
si petit département. Les initiatives se sont succédées pour rendre un hommage local à
ce coin de campagne. Par exemple, l'académie Goncourt s'y est rendue en pèlerinage
plusieurs années de suite. Depuis deux ans, l'association Goncourt et Patrimoine organise une foire aux
livres. Cette année encore, c'est avec un grand plaisir que j'ai participé à cette
rencontre. Avec grand plaisir mais aussi un peu d'inquiétude car la foule était déjà
moins nombreuse que lannée précédente. La raison est évidente : malgré un
cadre enchanteur, Goncourt, perdu au milieu des champs est au cur dun vaste
désert humain. Ce quon appelle désertification rurale prend ici toute sa
réalité. Aux alentours, les commerces ont depuis longtemps déserté les campagnes (sauf
létonnante épicerie du village qui sappelle
Au prix goncourt !),
puis les cafés et avec la vie sociale. La culture ? Déjà longtemps quelle
est reléguée au fond des Bibliobus, seule animation avec la camionnette du boulanger et
du boucher. Ceux qui vivent en ville envient cette tranquillité, leau de la Meuse
naissante qui glougoute sous les piles du pont centenaire de Goncourt par exemple, mais ce
qui est agréable en vacances et en été devient plus difficile à vivre au quotidien et
il en faut du courage pour insister au sein dassociations, à force
danimations comme laccueil touristique-bibliothèque pour essayer de faire
bouger les habitants peu nombreux des environs et, par exemple, leur faire parcourir les
rues froides de novembre dun village perdu.
Pourtant, cette année, il faisait sec et la buvette (sandwich à 15 F, bière à 10 F)
était bien agréable avec ses tables au froid soleil sur les trottoirs.
(Oserais-je : cest mille fois mieux que chez Drouant à délibérer platement
dun prix Goncourt couru davance entre deux ou trois maisons
déditions
). Cette année, cest ce que jai retenu, cette fringale,
ce bon moment passé avec mes amis de lassociation des écrivains de Haute-Marne,
ces conversations avec limmense Jean Robinet, ses 30 livres, ses 88 ans et ses 52
ans de chroniques rustiques dans le Journal de la Haute-Marne.
Et cest pour toutes ces raisons que lannée prochaine comme toutes les autres,
je souhaite de tout mon cur pouvoir me rendre encore à Goncourt. Faites comme moi,
soutenez lassociation, envoyez leur un message damitié, dites-lui
quelle tienne bon malgré la désertification et venez à Goncourt !
(13/11/2001)
Brassens ma été indifférent pendant longtemps. Coincé
dans une époque entre Brel et Piaf, jécoutais vers mes dix ans ces couplets où
les amoureux sur les bancs publics ressemblaient aux dessins de Peynet.
Ainsi cétait cela la poésie, ces jeux de mots, ces rimes tranquilles et
familiales, une sorte de petite naiveté qui menvoyait souvent dans la lune.
Dailleurs, le pas dAmstrong sur lastre de nuit ce 21 juillet 69, (et que
je vis en direct, levé au milieu de la nuit comme tant dautres) ne changea pas les
couplets de ce tonton bourru à moustache, du moins je ne men aperçus pas.
La première émotion avec Brassens, je la dois à chanson qui suivit le merveilleux film Heureux
qui comme Ulysse avec Fernandel.
Et puis jai gratouillé la guitare et Brassens est venu, naturellement avec les
Stones, Neil Young et Dylan. Souvenir aussi à la même époque de ce copain, parisien
débarqué de fraiche date dans ma province (autant dire ayant débarqué comme un
martien) et qui nous racontait quil avait été voir Brassens chez lui à Paris et
comme nous nous régalions des descriptions de ses guitares. Je compose à cette époque
quelques ritournelles aux rimes moyenageuses, jenregistre même une cassette de
douze chansons, histoire dattendre le bac et la vie quil tarde de prendre à
bras le corps.
En 78, nouvelle étape, on travaille, on est loin. Je commence un roman qui sappelle
curieusement Martin Martin et sans sapercevoir de lanalogie avec Pauvre
Martin, une de ses premières chansons. Ainsi, le brave tonton Georges continue de
maccompagner dans une ombre bienveillante mais inconsciente y compris au jour de sa
mort puisque je venais de rencontrer un mois auparavant celle qui allait devenir mon
épouse. Les chansons en deviendront plus tendres.
Le temps passe. On sinstalle. Famille, amis, toujours quelques refrains pour faire
rire les copains. Je finis Martin Martin sur un premier PC, je prends cette
habitude inchangée de taper comme un sourd sur le clavier (façon flic rédigeant un PV
dans un commissariat), ce qui ne dérange nullement les siestes de ma fille toute neuve
dans son berceau juste à côté. Un jour, à force de lire et décrire,
japprofondis René Fallet et, bien entendu, je redécouvre Georges Brassens.
Et puis de plus en plus, on lit, on écrit, on lit, on écrit, on lit, on écrit. Et plus
le temps passe, plus les textes construits deviennent conscients, plus apparaît ce que
lon doit à Georges Brassens et à René Fallet dans lessence même de
lécriture, comment dire, une richesse et une simplicité, une poésie que lon
aimerait égaler et cest pourquoi on en parle en Notes décriture. Et
cest pourquoi, on écoute régulierement Brassens, on relit Fallet, comme de vieux
tontons de cur, et cest pourquoi on saute sur loccasion de ce petit
inventaire des choses données à ma vie par Brassens.
(07/11/2001)
Mercredi, cétait un mercredi banal, cest à dire
domestique puisque je ne travaille pas ce jour. Remarquez : cest le genre de
jour où on essaie de grouper tous les rendez-vous de la semaine, le garage, les
activités des enfants, les tâches ménagères si bien que, le soir venu, on termine
encore plus harassé que si on avait travaillé.
Mais bon, ce mercredi, il y a eu un mort en haut du pont, un piéton renversé, et une
pharmacie qui a brûlé. Cest déjà beaucoup pour que se déclenche lenvie
irrépressible de consigner tout cela, cette activité bousculée, habituelle avec ces
quelques petits instants extraordinaires qui viennent la rejoindre.
On a écrit une nouvelle du coup. On est passé de ce quotidien à la fiction.
Je minterroge souvent sur ce qui nous provoque cette écriture. Quelle est le fait
de plus dans notre quotidien qui nous fait glisser dans la fiction. Dailleurs est-ce
encore de la fiction ? Plus javance dans lécriture et plus se rétrécit
ce qui me démarque de lordinaire et qui pousse à prendre la plume. Plus tard, sans
doute, je raconterai le quotidien sans parvenir à distinguer pourquoi je choisirai de
raconter telle heure ou telle journée plutôt quune autre. Jaurais peut-être
atteint mon but.
(31/10/2001)
On a un message sur le répondeur : je lai lu, vous pouvez
mappeler.
On est surpris : il avait dit pas avant quinze jours, cétait un jeudi et ce message
dicté à 15h20, le lundi suivant.
Il est tard, on lappelle pourtant le cur battant mais il est parti. Il faudra
attendre le lendemain.
On attend, donc, on nose pas penser, on dort mal.
Le lendemain, tout tient en deux mots quil prononce : drôlement bien.
Deux mots précis, qui font plaisir. On est fier comme un enfant.
Notre exaltation au téléphone et un nouveau rendez-vous, vite, la semaine suivante, un
vendredi après-midi. Toute la semaine, on y pense. Mais on arrive fatigué par
dautres obligations, on regrette de ne pas mieux goûter ce livre qui se profile,
qui senclenche : date de parution, ce quil faudra revoir avant. On prend des
notes.
Les jours passent, on y pense. Lentement, on réalise quon a franchi un nouveau cap.
On pense aux corrections, à ce qui reste à faire. On retarde cet instant, pourtant on
sait quil y a du boulot, on le voudrait parfait, cest naturel.
Plus tard, on reçoit un contrat, rédigé le lendemain de lentrevue. On sourit :
les mots qui dansent " enclenché ", " engagé ", " parti pour
", " nouveau cap ", limpression dun mouvement, sorte de
tropisme à la Sarraute, le début invisible de quelque chose. On se souhaite bon vent.
En filigranne, on se souvient des mots échangés, quelques instants importants et
engrangés. On pense encore et toujours au travail à fournir et quon voudrait
parfait.
(24/10/2001)
François Larcelet est un libraire comme on souhaiterait en
rencontrer plus souvent : non seulement il propose dans sa librairie Lattente-loubli
en plus des inévitables actualités de rentrée littéraire (ou de rentrée des
classes
) des ouvrages quon ne rencontre pas ailleurs, non seulement il a un
superbe espace jeunesse qui fait la joie des enfants (à commencer par les miens), non
seulement il invite des artistes à exposer chez lui, mais il soccupe également
dune association, lEntretenir, destinée à tisser des liens, à
interpeller les habitants de Saint-Dizier, à donner un peu de cohésion à cette ville
partagée entre sa protubérance dimmeubles et ses quartiers disparates.
Dans ce but, invité par lEntretenir, lécrivain Michel Séonnet
vient à Saint-Dizier depuis trois ans pour animer ces différents quartiers, tenter de
donner un sens, une histoire aux habitants via le crime d'incitation à l'écriture. La
première année porta sur lexistence même de la ville ("Pourquoi y a
til quelque chose plutôt que rien "), la deuxième autour dAndré Breton
qui travailla au Centre Hospitalier Spécialisé de Saint-Dizier (le surréalisme y est
né
), et 2001 essaie de creuser toujours plus loin, jusquaux origines
personnelles de chacun des habitants (" Au nom du père "). Michel Séonnet
anime donc avec sa gentillesse et sa passion coutumière des ateliers décriture.
Faire sortir les mots enfouis en soi est souvent une expérience très émouvante et les
écrits qui en résultent nont rien à envier aux proses convenues dhabitués
de lécriture. Cest très souvent des leçons de littérature dont on ne sort
pas indemne et cest ce qui justifie la place de cet article en Notes
décriture.
Pour autant, la grande prouesse de lEntretenir, cest aussi de
diversifier les actions : films de Stéphane Gatti, enregistrements sonores de Benoit
Artaud, recherches plastiques, expositions, tout est de nature à surprendre et atteindre
le but fixer : étonner et faire parler cette ville de 40000 habitants quon dit trop
souvent sans âme et qui nous prouve le contraire.
A loccasion de Lire en Fête, lEntretenir s'est doté d'un
programme riche (voir en actualité)sans oublier que endant 15 jours, lassociation
émettra quotidiennement des témoignages sur le thème " A nos pères " sur
107.5 dans la région de Saint-Dizier (Réalisation Benoit Artaud)
(17/10/2001)
Aller à Aubervillers, sarrêter station Porte de la
Villette, sans se souvenir par quel hasard.
Voir. Laffiche, la femme, tout ce qui fait quon a démarré de suite dans
cette idée dun texte.
Quelle alchimie subtile sest-il passé dans le cerveau ? On ne comprend
toujours pas quelques mois après quand le texte est sur le point de sortir. A la limite
on est incapable de se souvenir comment cela a commencé. Oui, on y a pensé dans la rame
en allant au Fort dAubervilliers. Pourquoi ? Il y avait un soleil frais en se
baladant le long des palissades des jardins ouvriers, on sen souvient, est-ce que
ça a un rapport ? On avait envie décrire. Peut-être un stylo invisible
notait des bribes de phrases dans des coins de mémoire, on ne sait pas comment cela se
passe. On se sentait aux aguets, étonné. Par habitude, on sait que les étonnements
précèdent lécriture, on a appris à en reconnaître les signes. Penser,
ressasser, lesprit qui décroche, on se promène machinalement sans savoir où,
préoccupé, on se balade hors temps.
Je voudrais revenir jusquà la première seconde, létincelle initiale
(était-ce ce quon nomme inspiration ?), la première impulsion électrique du
cerveau, comprendre et reconstituer le parcours des synapses, lordonnancement
original dun cerveau qui aboutira au texte palpable, noté, mot à mot. Est-ce que
tout est déjà décidé dans cette première seconde, le nombre de mots,
larchitecture en paragraphes jusquau texte final qui va sortir ce 11
octobre ?
(10/10/2001)
Jeudi 27 à 15h15, rendez-vous chez léditeur : on
doit proposer un manuscrit (quelle étrangeté ce mot à la saveur poussiéreuse
dégyptologie pour une matière aussi vivante et palpitante quun texte à
peine fini
).
Linstant est important. On arrive un quart dheure en avance, du coup, on
flâne dans ce minuscule havre de paix quest le jardin Récamier à deux pas de là.
On sassoit sur un banc, il fait beau, cela déteint sur lhumeur, on est calme.
Arrivant à lheure dite, lassistante qui fait patienter dans son petit bureau
en attendant la fin dune conversation téléphonique un peu longue. On sassoit
juste à côté de la fenêtre ouverte, elle enroule les stores - pour faire entrer le
beau temps, dit-elle. On aperçoit une épreuve en cours de correction sur son bureau. On
ne veut pas déranger, on se replonge machinalement dans le texte quon connaît par
cur.
Vous pouvez entrer. On entre.
Comment ça va ? Poignées de mains, cette impression curieuse de retrouver une
parenté, une sorte doncle sympathique
Je viens vous voir parce que
On
tend le petit tas de feuilles reliées à la main. Il sen saisit par-dessus le
bureau. Il feuillette dix secondes comme une sorte dimpatience de découvrir, on
sent quil aime ces moments. Lache une toute première impression. Il nen dira
guère plus et on na pas envie de raconter ce quon propose. Le tas de feuilles
reliées entre nous suffit, cest à lui maintenant de le lire et den parler
plus tard.
En attendant, on parle pourtant beaucoup, chacun avec vivacité. On parle Claude Simon,
quon admire tous deux. On parle de cette passion, ce qui justifie le petit tas de
feuilles quil libère soudain et quil jette sur le sol presque avec brutalité
en bas de son fauteuil.
Je vais lemporter chez moi.
On parle encore à peine quelques minutes. Tout était de toute façon contenu dés le
début dans la première phrase (je viens vous voir parce que
), le premier geste
pour tendre le manuscrit.
On ressort. Lentrevue a duré un quart dheure.
(03/10/2001)
Jai reçu récemment trois ou quatre petits recueils de
poésie, reliures spiralées, une cinquantaine de poèmes écrits en quelques mois par un
écrivain. Dailleurs, dois-je lappeler écrivain, poète, ce septuagénaire
qui na jamais publié ?
Successions de vers rimés, parfois sans trame, ni quatrains, ni tercets, ni sizains, aux
règles de prosodie un peu larges.
Et ce goût, cette impression de retrouver des centaines des milliers de poèmes écrits
pareillement, moi y compris, toute une poésie damateur dont létymologie
signifie celui qui aime. Poésie dinconnus, énorme tas de feuilles griffonnées
dont les constantes sont les rimes en bout de chaque vers.
Ecrire un poème, taquiner la muse, prendre une inspiration, expurger son souffle dans
quelques phrases unies par ces petits bouts de rime, le petit son commun - car on nous a
surtout appris que la poésie était rimée.
Et voilà.
Le poète qui menvoie ces recueils voudrait savoir ce que ça vaut
Quest-ce-qui vaut quoi ? Quel est le prix des larmes quon laisse parfois
échapper en écrivant ? La poésie ne sert à rien, ne coûte rien ou vaut tout
lor du monde.
Bien sûr, contenu dans la question, cest savoir si cela pourrait être publié.
Mais mon pauvre monsieur, cela fait des décennies quon ne publie plus de vers
rimés ! Cest passé de mode, même si tous les poètes amateurs que je
connaisse, jeunes ou vieux, sévertuent à écrire ainsi. Je me souviens même
dune méchante moquerie dun auteur qui déclarait avoir été " mort
de rire " en lisant un écrit maladroit, alambiqué et phraseur. Car ceux qui se
nomment poètes se font parfois la guerre que leurs poèmes condamnent
(25/09/2001)
est-ce un poème ? (et un nota) :
Pearl Harbour
2400
Hiroshima, Nagasaki
150 000
Nota : 1942, du temps où la bombe
atomique sappelait Projet Manhattan
(25/09/2001)
Le site Feuilles de route a un an ! Créé en septembre
2000, il se voulait une tentative dexposition du travail littéraire à la vue de
tous : cest toujours sa raison dêtre !
Articulé autour de la mise à jour hebdomadaire de trois rubriques principales :
Etonnements, Notes de lecture et Notes décritures, sorte moteur à trois temps de
lécriture, Feuilles de route sinscrit dans la durée, à la fois témoin
régulier du temps qui passe, des doutes, des lectures, des évènements liés à
lécriture.
Cest aussi un outil de travail personnel, regroupant à la fois les critiques des
livres publiés, un agenda et les principaux liens à visiter régulièrement.
Remanié en avril 2001, il sest doté dun graphisme plus attrayant (ce
n'était pas difficile...) et dune " couverture " indiquant le
sommaire avec généralement une photo qui change à chaque mise à jour. Une rubrique
Actualités permet de garder la trace de lensemble des mises à jour. Enfin, comme
il était difficile de suivre également le site des Ecrivains de Haute Marne dont je suis
l'animateur/secrétaire, ce dernier a été regroupé avec Feuilles de route.
Un moteur de recherche interne et une " mailing-list " ont complété
lensemble.
Ainsi, au bout dun an, 2400 visiteurs (pile !), soit 200 par mois ont visité
ce site. Je pollue chaque semaine les boites aux lettres électroniques dune
trentaine dabonnés à ma " mailing-list " et je vous remercie
tous daccepter mes petits messages damitié à chaque mise à jour et comble
du bonheur, les encouragements que je reçois en retour sont des baumes au cur dans
ce monde de brutes...
Je bois 2400 coups à votre santé !
(19/09/2001)
Campus. Bien sûr, on attendait comme tout le monde avec
impatience cette émission littéraire qui saurait nous faire oublier Pivot. Quy
avons-nous vu ? Houellebecq et un discours aux formes plates pendant les trois-quarts
de lémission, des critiques littéraires venus en nombre. Cela faisait un peu
chapelle, domaine hermétique, chasse gardée. Ne restait à peine de place pour quelques
écrivains qui ont dû parler trois minutes chacun.
Le comble venant dun critique assurant "quil ny a plus
décrivains et quon ne me fasse pas croire quon devient écrivain à
quarante-cinq ans
". Comme si, à vingt ans, tout beau, tout neuf, la
grâce daignait toucher quelques êtres choisis des Dieux qui se révèleraient être des
génies de lécriture, courtisés par des éditeurs qui nattendent
queux. Cest assurément ignorer quil nexiste aucune
" école décriture " et que " lapprentissage du
roman " (pour reprendre le titre dun livre de Benjamin Jordane) est
surtout une question de travail et de temps.
On a parfois reproché à Pivot de véhiculer une image parfois partisane et conservatrice
de la littérature mais quelles fausses idées partent déjà avec la première de
Campus !
(12/09/2001)
Plan daction commercial (PAC), cest comme cela
quon nomme dans le service de Marketing Stratégique ou je travaille la chronologie
à élaborer pour lancer un produit, suivre la clientèle donnée dun secteur
économique. Dernierement, javais adopté la trame suivante pour un de ces
PAC :
1- Analyse quantitative et qualitative de la clientèle-cible
2- Orientation du marché
3- Potentiel de développement
4- Objectifs quantifiés
5- Actions à mettre en uvre
Ce qui, adopté à la littérature pourrait donner ceci :
1- Analyse quantitative et qualitative de la clientèle-cible :
10 millions durbains jeunes, actifs ou étudiants (la clientèle urbaine est plus
facile à manipuler car elle achète des livres à la FNAC ou dans les grands groupes
dhypermarché dont la publicité pour un livre donné peut être plus facilement
organisée. Etudiants et jeunes actifs sont dune génération qui consomme beaucoup
de livres, ils sont de surcroît plus perméables à des phénomènes de modes)
2- Orientation du marché :
La clientèle-cible aime être troublée, voire choquée, les thèmes porteurs sont (ou
demeurent) le sexe, largent, la violence (corrolaire de largent) les sujets
dactualités qui les touchent (Internet, lanti-mondialisation, les
raves-parties)
3- Potentiels de développement :
Un jeune urbain sur trois achète un livre paru lors de la rentreé littéraire
dautomne, soit 3 millions dacheteurs potentiels. Les trois quart des livres
achetés figurent dans le Top 10 des principaux journaux littéraires. Donc, on peut
espèrer une moyenne de 225 000 exemplaires vendus
4- Objectifs :
500 000 exemplaires
5- Actions :
La réalisation de lobjectif passe obligatoirement par la parfaite adéquation du
livre projeté avec la clientèle cible des jeunes actifs, le choix dun sujet
collant parfaitement avec les attentes et le classement dans les 5 premiers au top 10
(prévoir budjet de publicité en rapport).
Par conséquent, le livre le plus adapté est un roman, parution septembre 2002
obligatoire, portant sur le sujet suivant : " organisée par une ONG
anti-mondialisation, une rave-partie vire à la partouze. Dans le chahut, un internaute
malin se sauve avec la caisse de lONG, il est poursuivi par des tueurs. A
développer en 300 pages. "
Qui sy colle ?
(12/09/2001)
Saménager un " espèce despace "
pour écrire, au départ, la tâche peut paraître anodine, banale même, petite tâche
ménagère dun intérêt limité. Pourtant
Depuis lidée pour le faire,
cette inspiration puisée chez Maurice Genevoix (voir note décriture du 16 août
" La maison de mon père, par Sylvie Genevoix) à la réalisation finale
ce week-end, en passant par le choix dun bureau (en Etonnements cette semaine) et
les exemples dautres écrivains (en Notes de lecture, également cette semaine), on
est surpris des sentiments forts et de la passion qua suscité un tel travail.
Trier les placards existants, remplacer les papiers par dautres, déplacer les
meubles, disposer le bureau neuf, se poser cent fois la question de lemplacement
dun bibelot, le changer de place, comparer, revenir, bouger constamment dans
lendroit quon essaie de se constituer, la tanière, le musée, la cathédrale,
la tente de bédouin, le refuge, la place, lagora, le lieu ni figé ni vivant, ni
ouvert ni fermé, où lesprit pourra sévader et rester à lintérieur
de la boîte crânienne, où la famille pourra vous voir et vous laisser tranquille,
toutes ces sensations parfois contradictoires qui se bousculent en nous. Compromis,
compromissions avec soi-même, réglages incessants, les choix cornéliens de ce
quon va mettre, le livre que lon aime et que lon dispose dun
millimètre plus à droite, cette sorte dordonnancement patient et inconscient
pourquoi ? On connait la réponse, on sait bien que tout cela va conditionner
lécriture dans cette alchimie subtile et insaisissable qui se tisse et se défait
à chaque seconde entre les choses et nous, ces " tropismes " cher à
Nathalie Sarraute.
Et puis, dun seul coup, tout semble ordonné, on sent confusément que cet
arrangement est fragile mais il nous semble que là, à cet instant précis et sans savoir
pour combien de temps, on pourra écrire mieux.
Jai changé mes habitudes : disparu lil de Caïn de
lordinateur, juste le portable dappoint sur le bureau et lèvé chaque matin
une heure plus tôt. Dans le silence de la maison, comme recueilli dans cette cathédrale
nouvelle, les mots lumineux devenant moins virtuels, traversant le bois patient du bureau,
le carrelage de la pièce, senracinant bien au-delà des fondations de la maison,
dans la terre où germent dautres arbres, dautres meubles, dautres
temps, dautres écritures.
(04/09/2001)
Langueur, chaleur, sieste, attente, cerveau brumeux. Létat desprit qui
empèche de terminer un texte commencé avant lété. On la relu, corrigé en
vacances, on na pas envie de terminer, on se sent indifférent à celui-ci.
Lenvie de rien. On a limpression dattendre, oui, mais quoi ? Cette
vague période quon nomme rentrée ? On sennuie, cest cela,
cest le mot (on repense à lexcellent numéro du Magazine Littéraire sur
léloge de lennui). Lennui est peut-être le carburant du moteur à
explosion qui fait lécriture : il saccumule, se compresse, on attend
létincelle, on explos, on recommence...
(29/08/2001)
Dans La maison de mon père (éd Christian Pirot, juin
2001), Sylvie Genevoix raconte lattachement profond de son père pour sa maison des
Vernelles, au bord de la Loire. Et cest pleinement dans cette note décriture
que je voudrais en parler plutôt que dans la rubrique Notes de lecture.
En effet, dans le lent cheminement qui mène à lécriture, il est des voyages
initiatiques qui vous obsèdent et que parfois lon effectue. La trace de Maurice
Genevoix que javais envie de suivre depuis longtemps, ma mené jusquà
sa maison des Vernelles, il y a quelques années et jen garde un extraordinaire
souvenir de plénitude et de paix, je suppose la même plénitude qui a conduit Maurice
Genevoix à bâtir son uvre et que sattache à souligner sa fille. Jai
parcouru la promenade du Chastaing des bords de Loire, tous les lieux de son enfance, ce
monde davant la première guerre qui donne la sensation (certainement fausse)
dêtre curieusement préservé. Jai erré devant les Vernelles, aperçu la
maison sur lautre rive, et parcouru le chemin qui y mène. Je suis sûr que mon
écriture en garde des traces (de même quelle garde des traces de cette escapade à
Jaligny-sur-Besbre, à la rencontre de René Fallet).
Que retient-on des Vernelles et de la Maison de mon père (et comment le mot
père on le prend à sa charge quand on cherche un point dancrage, un modèle, non
pas pour imiter lécriture mais pour en ressentir le bénéfice) ? Cest
le bureau qui vient à lesprit, vaste bureau clair, blond et ouvert sur la Loire.
Signes, traces, lendroit à soi, le terrier de lécrivain, cette sorte de
refuge, se sentir et être hors du monde pour mieux le décrire, en soi pour mieux en
sortir.
Donc, en revenant de vacances, à peine rangé La maison de mon père dans la
bibliothèque, on sest attelé à saménager aussi un bureau, un vrai espace
à soi
(16/08/2001)
Comment va-t-on faire en vacances ? Amener le micro
portable ? Un cahier ? Choisir de ne rien faire ? Rompre le quotidien des
jours, lartisanat de lécriture ? Fausses questions : on connaît
déjà la réponse, on a uvré pour le texte en cours, on sest fixé un
but : ce serait bien den être là
On amènera une épreuve papier du
texte, on relira, on laissera se décanter ce qui a été fait nez dans le guidon, dans la
précipitation des jours. On est à cet instant difficile du texte : 2/3 de fait et
la bascule inexorable vers la fin, linstant qui détermine la grâce,
lachèvement, le coup de patte du potier : soit on aura un vase élégant et
bien galbé, soit on aura un de ses trucs horribles, une de ses cruches vernissées en
forme de petit cochon, comble du mauvais goût (que Gabriel Garcia Marquez nomme
" Pava ", doué de pouvoirs maléfiques, à fuir absolument...)
Lannée précédente, scénario identique à la même époque, le truc-texte
s'avéra plutôt bancal, croisons les doigts pour que cela ne se renouvelle pas...
(18/07/2001)
C'est marrant comment dans le dictionnaire on trouve écrivain à
côté
d'écrivassier et d'écrivaillon, comme si ceux qui rédigent les
dictionnaires (généralement des écrivains) se sentent obliger de se
fustiger, de doter leur métier d'une échelle de valeur, masochisme naturel.
Il est à parier que si c'était les boulangers qui rédigeaient les dicos, on
trouverait également patissassier et boulangeaillon, les garagistes,
garageassier et mécaniquaillon, les coiffeurs, coiffaillons et
shampoïgnassières...
(13/07/2001)
Ecrire est un sport
Exploit sportif,
Course de fond,
Souffle diététique
Mort à lécrivain alcoolo
Pantalonade de Bukowsky à Apostrophe
Vive la forme
Muscles ronds
Peau fraîche
Sommeil,
Repos
Qui veut aller loin ménage sa monture
On écrit, on écrit, on écrit
Souffle chaud, haleine fraiche
Esprit clair
Neurones astiqués
Synapses nettoyés
Semelles de vent en petites foulées
On écrit, on écrit
On lit, on lit
On mange des livres
Et de la salade fraîche
On boit de leau
Sportif, sportif
On lit Perec Georges
On court comme Perec Marie-Jo
On Lit W ou le Souvenir denfance,
Lîle des sportifs, lholocauste contenu,
Les parades, muscles luisants,
Compétitions, vainqueurs,
Des hiltlerconneries,
? ? ?
On a honte,
On ne veut plus du sportif
On boit un verre pour oublier
On écrit, on écrit, on écrit
(04/07/2001)
Au sujet de linteressante revue Mul (Macramé, Urbanisme, Littérature), que
jai découverte recemment, et de deux articles (Lettre à un jeune romancier
N° 4 ; Quoi de neuf en 1998-N° 12).
Le premier article - pessimiste quand à lutilité/portée de la littérature
actuelle, donc de lécrivain et éditeur est gênant parce quil pose un
à priori habituel du genre " aujourdhui, plus personne ne
lit ". Un a priori que démentent les statistiques liée à lactivité de
lédition (bien-sûr on est conscient que ces stats englobent tout, et que même un
prix Nobel comme Claude Simon ne pèse pas lourd en face de la biographie de Zidane ou
Stéphane Bern en passant par tous les autres genres, guides du routard, plaisirs de la
chasse et livres de cuisine compris).
La réalité statistique soppose ainsi au constat empirique " du plus
personne ne lit ", sous entendu " ce que, moi, jaimerais
quon lise ".
La réalité de la lecture, on la perçoit aussi : je me suis amusé à compter ce
que je recevais dans ma boite au lettre comme publicités diverses
(" lanniversaire " toutes les semaines du supermarché du coin,
du magasin de bricolage, les foires au vin, au draps, à lété, à la pluie, les
réclames plus insidieuses parvenant sous plis cachetés à mon adresse), au total, chaque
semaine, cest léquivalent dun roman de 250 pages quon ingurgite.
Et personne ne lit ?
Le deuxième article, conclut que la littérature " nouvelle " est
nihiliste, donc, condamnée à mourir à moins que de " nouvelles "
voix se profilent
Caricatural aussi, et cela force à resteindre la littérature
" nouvelle " sur un shéma temporel linéaire : ce qui est
nouveau meurt et est remplacé par autre chose de nouveau qui meurt aussi
etc.
Ces deux articles posent le problème du rapport entre lecture et écriture, introduisent
la notion subjective de la qualité de ce quon lit et dun " quantum
minimum " de lecteurs acceptables sans lequel un écrivain nest pas
reconnu (ne se reconnaît pas). Oui, cest vrai dans lunique regard
traditionnel de lindustrie du livre, le fameux triangle écriveur/éditeur/lecteur.
Dautres modes de distribution remettent en cause ce sacro-saint shéma, comme
internet bien-sûr, ce nest pas le seul, se posant par ailleurs aussi le circuit de
diffusion completement différent des pubs basée sur le principe du martelage, de la
répétition, de slogans, de visuels, de loccupation de force de votre boîte au
lettres (remarque : la mailing-liste qui nest jamais quun équivalent,
sorte doccupation de force de la boîte au lettre électronique, avec le côté
pratique quon peut choisir très facilement de se désabonner).
Et lécrivain dans tout cela ? Peut-être faut-il revenir à lorigine de
son rôle et dériger en postulat que lécrivain atteint son but si au moins
un seul lecteur le lit. Façon de rester serein, mais un écrivain serein, est-il encore
un écrivain ? Recommençons
(27/06/2001)
Je suis entré en écriture au long cours !
Soulagement que cette respiration lente, puissante, régulière, phrases quotidiennes
retrouvées avec plaisir. Ecriture au long court, voilier équipé première catégorie
pour traverser les océans, on irait jusquau bout du monde. Pour linstant la
voile est gonflée (le souffle, comme dirait Muriel Barbery
) on se sent prêt au pot
au noir, à la zone des calmes. On a confiance, beau navire, solide, on attend le moment
où lon découvre parcouru la moitié, les deux tiers, les trois-quarts du chemin.
Lespérance du voyage transformée en bonheur, linstant attendu de
larrivée, lamarrage et filer chez léditeur, manuscrit sous le bras.
(21/06/2001)
Brouillons décrivains : quel choc cette expo à la
BNF !
Bien sur, il y a les vitrines habituelles, ce recueillement,
cette lenteur parcourue sans y penser et commune à toute expo. Entourage de scolaires,
ceux qui sen foutent à plusieurs, ceux qui sintéressent tout seul, le prof
ou lanimateur qui parle, parle, parle
dans le vide.
Il y a les objets fétiches décrivains : la machine de lun,
lencrier de lautre. Les carnets de Proust, à couverture très belle et
limpérieuse, irrépressible envie de les posséder, même un jour seulement, percer
le mystère des notes au-delà de lécriture défraîchie. Les manuscrits, bien
sûr : dessins, biffures, notes dans la marge, les amateurs de lourds pavés de
pages, Balzac, Flaubert, Zola, la poésie de Perec, lhumour potache de Vian, les
corrections de Hugo, le fameux incipit de Proust, ce " longtemps je me suis
couché de bonne heure " qui ne fut sans doute pas sa première phrase.
On se pose inévitablement la question : et maintenant, avec linformatique, la
fin des manuscrits ? On découvre le logiciel Génèse qui enregistre toute
correction informatique : merveilleux de voir F Bon et Michel Chailloux élaborer un
texte.
On écoute les interviews, tous ceux qui disent leurs difficultés, manies, passion
décrire et comment ils font.
On regarde la superbe vidéo avec Pierre Michon, lisant, assis sur son lit (laprès
midi selon lui est consacré à la lecture, lécriture, cest le matin) et qui
laisse des blancs pour préciser plus tard un adjectif de deux pieds pas trouvé au moment
de lécriture, qui précise quil ne revient pas sur un texte " sinon,
cest un texte fichu, il ny a quà le jeter... ", Nathalie
Sarraute et de superbes images pour évoquer les tropismes déclarant " aimer
écrire dans un café, parce que chez soi, on a tout le loisir de reculer linstant
décrire " , Claude Simon aussi (on est encore tout imprégné des
lectures de Tramway, la Bataille de Pharsale).
Au bout du compte, on ressort avec la curieuse sensation dun malade sortant
dun hôpital : on a rencontré un tas de types qui ressentent et parlent de
leurs symptômes, on est en phase : moi aussi, je ressens cela
On se considère
un peu plus écrivain, un peu plus en confiance, on sait comment se soigner.
(15/06/2001)
Ils ont dit, à propos de lexpo Brouillons décrivains
(extraits de lexpo
virtuelle, site BNF)
" Les mots sont autant de carrefours où plusieurs routes
sentrecroisent. Et si, plutôt que de vouloir traverser rapidement ces carrefours en
ayant déjà décidé du chemin à suivre, on sarrête et on examine ce qui
apparaît dans les perspectives ouvertes, des ensembles insoupçonnés de résonances et
déchos se révèlent. "
Claude Simon
" Il marrive de penser je mefforce
de penser pour écrire que lacte de lécrivain est une activité
liturgique, complètement séparée de la vie dans le sens où elle est la vie de
la vie, où elle en est une acmé foudroyante, comme lalcool pur en regard de
leau. Et alors la plume, le papier, la gestuelle qui sy écrit, le petit drame
et le grand enjeu qui sy jouent, tout cela est objets et danse rituels qui doivent
impérativement être justes et justement disposés pour quen naisse le texte
juste. "
Pierre Michon
" Je crois que jai appris à me servir bien
autrement de la mémoire instantanée du texte. Je le mesure parfois au théâtre : à
quelque chose décrit il y a plusieurs années, dit par un autre, les doigts
éprouvent une envie automatique de correction. On rentre, on allume la machine, et on
découvre que la correction nest pas à faire, cest lacteur qui
sétait trompé. Mémoire corrective, qui ne saurait pas réciter, mais décèle la
différence. Autres fétichismes : autrefois emmener avec soi ses cahiers, son manuscrit.
Maintenant, quand on émerge de la séance de travail, effectuer la sauvegarde, et
nimporte où quon aille, on aura sur soi le disque magnétique."
François Bon
(15/06/2001)
Quelques signes dencouragement : Ma dernière nouvelle
plutôt bien ressentie, et dans un autre texte déjà entrepris, cette conscience de ce
que je voulais dire qui remonte à la surface de lécriture. Ecrire sapparente
à la brasse coulée, il faut pouvoir reprendre sa respiration, juger du chemin quil
reste à faire jusquà la bouée.
(06/06/2001)
"A lépoque, je ne savais pas ce que jécrivais et, honnêtement, je
pense que je ne le sais toujours pas. Je suis simplement très heureux que mon livre parle
à des gens. Pour moi, cela fait déjà longtemps quil a été écrit. Ce nest
quune étape dans mon travail. Jai surtout appris que lobjet-livre
nappartenait pas aux auteurs. Ce fut une sensation très forte, qui a changé ma
vision de lécriture."
(Laurent Mauvignier à propos de son livre apprendre à finir, extrait d'une interview
parue dans lExpress) 31/05/2001
On dit que, dans le parachutisme, cest le deuxième saut le plus
impressionnant : le premier, on saute au hasard (ou par passion, ce qui revient au
même), on découvre lémerveillement. Au deuxième saut, on a appris à mesurer le
vide, le temps quil faut, la vitesse, limpression, on cède presque une part
de lenthousiasme à intégrer ces paramètres nouveaux.
Ecrire, cest pareil, le premier roman nous donne la joie et cette envie de
recommencer, mais en même temps, on a également appris à mesurer le vide, la peur vient
et nous paralyse.
(23/05/2001)
Lécrivain associatif est un genre particulier dans le
monde des lettres. Cette espèce domestique à plume doie, dinstinct
grégaire, se réunit en groupes variables. Parfois très organisés avec une hiérarchie
compliquée, ils poussent alors de petits cris lors de leurs réunions :
Président ! Secrétaire ! Trésorier ! Loi de 1901 ! Constamment sur
ses gardes, lécrivain associatif vit partagé entre deux peurs contradictoires
: quon lui prenne son précieux temps décriture en le sollicitant et
quon le laisse trop longtemps sans le déranger. Toujours prompt à se passionner
quand on demande son opinion, il vous pond un roman avant de vous affirmer quil est
de votre avis. Sil nest pas daccord avec vous, vous avez droit en prime
à un essai philosophique avec le roman. Pour autant, les écrivains associatifs quand ils
se côtoient, parlent de tout sauf de littérature, à peine évoquent-ils dun air
indifférent la babiole sans importance de trois mille pages sur laquelle ils planchent
depuis trois ans. Dans lannée, de grandes migrations déplacent leurs populations,
on les appelle Salons du Livre. Quelques prédateurs féroces en profitent pour chasser
les zécrivains, ce sont les zéditeurs, toujours prompt à les plumer. Malgré tous ces
inconvénients, lécrivain associatif poursuit un rêve : parader en livrée
verte dans cette fameuse association quon nomme lAcadémie. (16/05/2001)
Je suis habitué, jaime, je choisis des chambres
dhôtel minuscules. Mon premier regard en entrant est pour repérer la table, en
général un rectangle avec juste la place pour poser mon ordinateur portable. La
dernière fois, à Reims, jai été servi : à peine la place pour bouger, la
chaise se heurtant aussitôt au lit, la fenêtre au-dessus de la table donnant sur une
cour borgne ou plutôt une sorte de conduit intérieur, un carré de deux mètres de coté
et, au cinquième étage, la vue rebondissant de tous côtés sur les parois de béton.
Lavant dernière fois, cétait à Paris, on démolissait une maison en face de
lhôtel dans un vacarme distrayant. Car tout est là, la distraction, cette sorte de
parasite indispensable à linspiration. Linspiration, ce sont ces chambres
minuscules, monacales : je déballe lordinateur portable et, avec délice, je
sais que je vais reprendre un texte, un roman, une nouvelle en cours. Pourtant, à chaque
fois, même dans lexiguïté des lieux, tout me distrait, je retarde le moment de me
mettre à écrire.
A Reims, jai corrigé à peine une vieille nouvelle abandonnée, rajouté une ou
deux phrases et cest souvent comme cela. Pourtant, je mévertue à penser que
cest dans ces lieux étriqués que je suis le plus fidèle à la sensation de
lécriture. (09/05/2001)
Celui qui a lu,
Celui qui a compris,
Celui qui a enregistré,
Celui qui fait chien savant,
Celui qui tire les ficelles,
Celui qui a relu Proust,
Celui qui donne son avis,
Celui qui, sans quon lui demande,
Celui qui théorise,
Celui qui classe,
Celui qui avant-gardise,
Celui qui est clairvoyant,
Celui qui sait tout sur Rimbaud,
Celui qui sait écrire Kirgegaard sans se tromper,
Celui qui fait du nouveau nouveau nouveau roman,
Celui qui veut son public,
Celui qui naime pas,
Celui qui a horreur de,
Celui qui est tolérant,
Celui quon appelle Sage,
Celui qui aime ceci ou cela,
Celui qui à lexpérience,
Celui qui fait semblant darriver,
Celui qui retarde le moment,
Celui qui pense que,
Celui qui dit oui mais,
Celui qui se dit pas assez mur,
Celui qui nous fatigue,
Je lui dit stop :
Jécris
Et rien de plus
Ne compte.
(04/05/2001)
Vive les polémiques !
François Bon en ce moment propose un débat sur le
thème de "lécriture dinvention " et ses inévitables
répercussions dans lenseignement de la littérature, la formation des
enseignants
etc. Les échanges, à la fois tranchés et passionnés, sont
bénéfiques car comme le dit François Debluë, dans sa chronique du journal suisse Le
temps : " s'il y a d'admirables modérations, il y a aussi d'exécrables
médiocrités. Dieu vomit les tièdes.".
Morts aux " avares de la pensée " aux " champions du
oui, mais...".
Morts à ceux qui " ont raison d'avance ".
Quant au fond du problème, oui, ce serait bien dapprendre autre chose que
léternelle prise de la main de madame de Rénal par Julien Sorel, même si le Rouge
et le Noir fait partie de nos chefs duvre
A quinze ans on a besoin de
plus daction, sinvestir davantage et pourquoi pas dans
" lécriture dinvention ". (25/04/2001)
Mort de Jérôme Lindon, des éditions de Minuit.
Au delà de lévénement, on souhaite que perdure ce qui a fait la renommée
dun tel éditeur : des écritures audacieuses et surtout, que lusure de
ce dogme (qui comme toute les lignes de conduite sépuise au temps qui passe)
préserve du conformisme sans toutefois établir un dictât de la forme au détriment du
fond. Ainsi, ce sera avec plaisir quon continuera à saisir les couvertures blanches
à lettres bleues.
Citons aussi le témoignage de François Bon (hommage
sur son site): " et puis le deuxième manuscrit systématiquement refusé,
jusquà ce qu'on s'aperçoive qu'il nous a à tous fait le coup, par
principe. " Au delà de cette phrase qui marque le souci de découverte de
nouveaux auteurs de Jérôme Lindon, cest une formidable leçon pour ceux qui
essaient de faire perdurer linstant magique du premier roman. Et jen
connais
(15/04/2001)
"Il y a dans la création comme un mystère. Qu'est-ce qui
nous pousse à nous extraire soudain d'un monde pour en créer un nouveau ? Un nouveau
monde qui ne sera finalement qu'un reflet plus ou moins fidèle de ce que nous sommes ?
Pourquoi cela devient-il absolument nécessaire à notre équilibre ? Est-ce que nous
sommes prêts à en assumer toutes les conséquences ? La démarche est-elle vraiment
saine ? J'écris par plaisir mais je redoute à chaque fois de me lancer dans un nouveau
roman, car il s'agit aussi d'une épreuve, souvent douloureuse, et pourtant il y a du
plaisir!"
Telles sont les questions de Pascal Dessaint (on y va tout droit Rivages)
-(15/04/2001)
Refaire un site, c'est écrire,
ré-écrire, ça a sa place dans les notes d'écriture : on se rend compte qu'on a
classé, trop classé, on revient en arrière, on dédouble parfois, on fait tout ce qui
finalement n'est pas différent dans le travail d'écriture. On a des projets aussi : on
voudrait que le site se recentre sur ce qu'il devrait rester de pur, une tentative d'exposition du travail littéraire. Pourquoi par exemple ne pas exposer un premier jet,
puis les corrections qu'on s'impose peu à peu, et pourquoi et à quel moment, et
continuer tout ce travail des deux mots que j'aime et qui reviennent toujours "accumuler",
" rémanence" de lettres, de mots, du temps.
Et comme on sait que l'écriture c'est vivre aussi avec d'autres, on va regrouper plus
proche le site des écrivains de Haute-Marne qui pâtissait d'une mise à jour
irrégulière depuis l'existence de celui-ci.
On garde le principe d'une mise à jour hebdomadaire. (C'est la décision du 11/04/2001)
Quand je pousse la porte de limmeuble, il y a des jeunes
dans lentrée. Un type bedonnant passe et prévient quil va appeler la police.
Les jeunes répondent, cest ça, appelle la police. Il ny a pas de
chahut. Je prends lascenseur avec une fillette arabe dà peine dix ans.
Elle : quel étage ? Moi : quatorzième. Elle : Vous travaillez
là-bas au quatorzième ? Moi : je vais chercher quelquun. Elle : ma
mère cherche du boulot, elle nen trouve pas. Moi : cest difficile
maintenant. Elle : on va partir, ma mère dit quà Saint-Dizier ce nest
plus possible. Moi, silence, je ne sais pas quoi répondre. Elle : et vous travaillez
où ? Moi : à Châlons, cela fait 140 km par jour. Elle est arrivée, elle
pousse la porte du sixième et dit : 140 km, ça fait long !
Quand je ressort de limmeuble, les jeunes sont toujours dans lentrée,
tranquilles. Je dis bonsoir, on me répond. Deux voitures de police arrivent au même
moment. Un peu plus loin, sur le trottoir, il y a deux femmes avec une poussette.
Lune se retourne en riant, un téléphone portable collé à loreille. Cela
sest passé lundi 2 avril entre 19h et 19h 15, je voudrais men souvenir toute
ma vie. (11/04/2001)
Je regarde ce que jai déjà écrit dans
ce site : notes de lectures, décriture, étonnements : tout est bref,
rapide. Je relis ce que jai écrit dans sur " la Route des
flandres " de Claude Simon, comme cest insuffisant ! Comme il y
aurait à dire ! Les émotions que cela procure et ce rapport à cette lecture qui
dure des semaines qui devient rémanente (rémanente est un mot que jaime beaucoup).
Mais voilà : ce que jécris est bref, insuffisant, une impression pas plus, on
reste sur sa faim ou même peut-être pas, jen ai si peu dit que je nai même
pas donné au lecteur éventuel la première bouchée. Cest bref parce que je
nai pas le temps : je consacre tout au plus 1 à 2 heures par semaine à mettre
à jour ce site, ce nest pas moi qui donne à manger, la première bouchée,
cest la vie qui me mange, et même si je le pouvais, je nai pas envie de
donner plus. Par contre je crois à la régularité ce qui se construit semaine après
semaine avec des choses disparates, rapides, et au fond, toute ma vie est comme cela
(04/04/2001)
Intention : définition du
dictionnaire : action de tendre vers un but, un projet. Expressions :
lenfer est pavé de bonnes intentions, procès dintention.
Au départ, avant lacte décrire, la vague intention parcourt le cerveau comme
une impulsion électrique - une intensité -, une sorte de lien ténu qui connecte les
neurones, qui emplit quelques plis du cerveau, qui dérange, démonte, remonte, travaille
en sous-main, espionne. Cest souvent un travail inconscient : sous la vague, on
naperçoit pas le galet qui roule. Puis quelques signes arrivent au grand
jour : une seconde de pensée dans le quotidien des jours, chez la boulangère, à la
maison, au travail, les galets se font plus nombreux, séchouent sur le sable,
visibles. On les remarque, on sétonne. Le magma informe sordonne, les mots
arrivent : on se dit, cest une plage. On se le dit tellement fort maintenant,
on réalise que lintention est là : on va écrire la plage, les galets, les
petits, les gros, la couleur, le bruit de la mer, on rentre dans un processus qui
nest pas encore lécriture, on le sent, on va le faire, les pensées
emplissent les jours, le pain chez la boulangère est un arbre mort échoué par la
tempête, notre maison est le ciel métallique comme la mer, les mouettes sont dans le
frigo, le travail, oui, même dans le travail, les collègues sont chercheurs de
coquillages, pêcheurs à pied. On sait quon va écrire. Cest linstant
délicat : on prend la mer.
On est tributaire du vent, des marées, des courants, à peine installé dans le bateau,
on sait que ce nest pas nous qui décidons, ce sont nos replis de cerveau
déconnectés, reconnectés par cette fichue intention et qui part, seule comme une
grande.
Ecriture.
On écrit.
On hisse les voiles. Grand voile, foc. On choisit une route un peu au hasard. En
littérature, il ny a pas de règles : on expérimente toujours. On peut
réécrire des milliers de fois Proust, Claude Simon, Raymond Carver ou faire du Duras
tendance Christine Villemin comme dit Angot. Il ny a pas de littérature
contemporaine ou nouvelle : on est hors temps, on est sur la mer.
On a écrit.
On relit.
On propose.
On échange.
On réécrit.
On relit.
On en a marre.
On est satisfait.
On est insatisfait.
On est content que ce soit terminé.
On se remémore les intentions.
On sait par expérience quil faut laisser la part belle à ce mystère qui
séchappe de nous, quon ne saurait même pas pour la plupart expliquer, rien
est apprivoisé, tout cela demeure sauvage : une vague un peu plus forte et de toute
façon, la plage naurait pas eu le même aspect. On est humble. Il faut rester
humble devant linexplicable.
On laisse. Cest terminé. Fin de lécriture.
La lecture. Lire, cest lier. Des gens arrivent, lisent votre plage. Certains aiment.
Dautres non. On se remémore la vague intention, la plage de galets, le ciel, les
mouettes dans le frigo, les intentions, les écritures, nos lectures, Simon, Fallet,
Carver, Genevoix, Duras, Cendrars. On sourit : on na rien trahit, on a écrit.
Point final. On attend une nouvelle intention à venir. (28/03/2001)
Parfois, on me demande si
jai un troisième livre en préparation
Cette question me désarçonne
toujours et je réponds à côté par un laconique " je continue à
écrire " ou autre réponse approchante et bafouillée. Cest le mot livre
qui me gène, lobjet livre, 250 pages, format 18X12, broché, genre roman ou recueil
de nouvelles ou récit ou autres, aventure, histoire, poésie, essai, policier,
fantastique. Faire entrer ce que jécris dans un objet
Et pourtant, depuis Central,
cest environ 300 pages écrites, cest 5000 pages lues, cest 10 000
heures passées à ingurgiter cela, à y penser, à le vivre au quotidien entre travail et
famille, la nuit, le jour, en vidant le lave vaisselle, en réunion, en préparant le
repas, en voiture, en arrosant les plantes. Et tout cela, ce qui pousse dune façon
désordonnée, ce que je résume par un verbe qui convient le plus, me semble-t-il,
" accumuler ", tout cela devra fondre et se couler dans le carré
dun objet livre, qui est la raison dêtre de lécriture. (21/03/2001)
Trois beaux dossiers dans les
derniers numéros du Magazine Littéraire : lavant-garde littéraire, Le
théatre de Koltès et la poésie contemporaine. Tout cela interroge et toujours celui qui
écrit se croit obligé de se situer. La réaction bizarre de vouloir tout épouser, dire
oui à tout : expérimentations littéraires, formalisme, jeux oulipiens, abstraction
de la poésie, représentation théatrâle. Vouloir tout. Y compris se fourrer dans les
formes traditionnelles et rassurantes que sont nouvelles et romans bien lisibles. Et lire
au travers des pages de ces dossiers tous ceux qui comme moi, passent, renoncent,
tempête, sinsinuent, se coulent, adhèrent, détournent, bref, explorent tous les
chemins de lécriture, sarrêtant parfois à chaque brin dherbe, chaque
mot, où embrassant dune vision le paysage. Et lhorizon. Et le ciel. (14/03/2001)
Notes guadeloupéennes (07/03/2001)
8 heures. 13 heures en France.
La chambre créole où jécris est rose de lumière crue. Les cloisons de planches
ont des espaces disjoints. Cette nuit, une souris a farfouillé dans les affaires
répandues au pied du lit. Jour bien installé, on entend des bruits denfants, des
conversations sur la terrasse. La porte entrouverte est ajourée dune claie de
planchettes en haut. Tâches de lumière vives sur la pièce. Juste à ma gauche une
poutre, oblique, rigidifie le mur de bois. Dans la nuit, elle me rassure, je vois son
ombre penchée auprès de moi.
Nuit tombée, le sommeil est
encore loin : tout à lheure nous partirons manger chez des voisins,
hospitalité créole. Le piment sur la langue laisse les mêmes traces de sel que la mer
sur la peau. Dehors, grenouilles et bruits de la nuit tropicale. Iles. Pour imiter
Cendrars, je jette mes chaussures vers les étoiles car je voudrais bien aller
jusquà vous.
Il y a une différence entre
penser écrire et écrire, comme une distance irréductible : je pense à ce que je
vais jeter hors de moi, non aux mots mais à lesprit dans lequel je vais le faire
qui sera mélange de soulagement, adoucissement, délivrance, exonération, décharge,
apaisement, exemption, franchise, immunité, déduction et quand arrive écrire, il y
a ce cap à franchir, la peur du geste réducteur, de prendre lécriture à bras le
corps. Je fais un procès dintention à lécriture.
Et les premiers instants les plus durs, les premiers mots comme franchir un ressac, une
vague, chercher la passe dans la barrière de corail, sélancer au delà dans le
mouvement bleu, familier et infini ; enfin, naviguer dans le bonheur attendu. (14/02/2001)
Inventer quelques
machines à écrire et à gagner du temps :
- dans la voiture, un micro portable, un logiciel de reconnaissance vocale et un micro
- variante pédestre : enregistrer à laide dun magnétophone et repasser
le soir sur la machine ci-dessus.
- en voyage : doubler le tout avec une webcam pour remplacer les croquis dun
carnet de bord
(07/02/2001)
Ecrire, cest géométrique
: tâches ovoïdes ou tirets noirs alignés sur le rectangle de la page blanche,
paragraphes comme des carrés juxtaposés, strates des feuilles qui montent en hauteur,
angles droits, finition paralélépipédique du livre.
Ecrire, cest ordonner :
lettres, mots, phrases, paragraphes, chapitres, livre, tomes, genres, collections,
euvres, classement, bibliothèques, postérité.
Ecrire, cest placer le désordre, la
confusion de lesprit dans des angles droits, cest se ratatiner à
lintérieur des livres.
Ecrire, écrire.
Orthographier, rédiger, noter, annoter,
griffonner, libeller, ponctuer, tourner, composer, dresser, gribouiller, exposer,
exprimer, imprimer, narrer, scander, marquer, séparer, remuer, touiller, inscrire tracer,
fixer, produire publier , pondre, traiter, tartiner, élucubrer, informer, annoncer,
dicter, énoncer, raconter, répondre, correspondre, copier, transcrire, expédier,
consigner, grossoyer, langayer.
Ecrire, écrire,
Ecrire
(31/01/2001)
" c'était comme
un chapitre supplémentaire à Central : à côté de mon bureau, il y a une pièce vide,
en fait un bureau occupé par des informaticiens il y a 15 jours encore et qu'on a
déménagé. Comme d'habitude, reste un tableau véléda avec quelques shémas de logique
informatique griffonnés au feutre, une vieille table formica bancale, des pièces
d'ordinateur obsolète, ventilo, disques durs. Par terre quelques notes de service qui
attendent le balai, une corbeille à papier qui déborde, les traces noires sur le lino
des bureaux et des armoires trainés, et là, au bon milieu, une sorte de grimoire de
sorcellerie, gros livre à la tranche bombée, couverture de tissu noir, aucune
inscription. La surprise de voir à l'intérieur un "dictionnaire des centraux et des
cabines publiques" de 1970, avec le relevé de la moindre commune qui possédait une
"cabine publique", chez l'épicier du coin, quand il n'y avait pas de postier,
chez un particulier quand il n'y avait pas d'épicier. Au moins cinq cents pages et sentir
à chaque ligne tout le poids que cela a représenté. Sentir aussi l'abandon de cela, le
type qui a gardé ce grimoire et qui ( par dépit?) a décidé de laisser partir à la
poubelle. Je l'ai bien sûr récupéré. "
J'ai
écrit ces lignes le 5 décembre 2000. Depuis, cette pièce vide à trouvé preneur d'un
autre collègue, j'ai moi aussi déménagé dans un couloir voisin, il est également
prévu que je change encore de bureau en février 2001... (24/01/2001)
" Où l'écriture
fragmentaire génère des avancées " Cette phrase qui décrit mon site en lien
sur celui de Serge Bonnery (Lieux dits) est peut-être une réponse à cette peur du vide
(ou du trop plein) généré par Internet. Cela arrive au moment où me touche la
disparition du site de Tanguy Viel (Voir rubrique Etonnements du même jour). Etablir
quelque chose dinfime mais dans la durée pierre après pierre bâtir quelque chose,
cest lutter contre le vertige. (17/01/2001)
Parce que jadore les
questionnaires, je réponds à celui du Temps
Culturel :
Dans quelques jours, nous entrons dans le XXIe siècle (et dans le IIIe
millénaire).Au moment où approche ce cap symbolique, vous:
1 vous
souvenez du livre du XXe siècle qui vous a le plus marqué. Lequel et pourquoi?
Paris au mois dAoût de René
Fallet, paru en 1964. Ce nest pas un livre impérissable, pourtant je collectionne
les parutions. Peut-être parce que cet auteur populaire était justement périssable
(mort en 1983, jamais cité dans les anthologies). La littérature, cest surtout
cela : des exemple dauteurs modestes en regard de ce quil ont pu offrir
au lecteur qui est énorme et démesuré.
2 pensez à une
image du XXe siècle (fixe ou animée) qui restera gravée dans votre mémoire pour
longtemps encore. Laquelle et pourquoi?
La photo des visages entrevus dans la guerre des tranchées. Avec sans doute
ce mélange dhébétude, de fierté nationale, de peur, enfin, tous les sentiments
humains réunis, en plus vers début du XX°, avec limpuissance de réagir à ce qui
serait légué aux générations suivantes et ainsi au XX° siècle.
3 songez à un
créateur (une créatrice) fin de siècle qui vous a inspiré dans votre parcours récent.
Expliquez-nous ça.
Je songe à celui qui ma répondu, un jour que jannonçais être
en train décrire un texte " sans prétention " avant de partir
faire de la plongée en vacances : le " sans prétention ", noies
le au fond de leau avec les poissons.
4 regardez les
années écoulées depuis 1900 et pointez deux ou trois événements qui vous paraissent
particulièrement significatifs dans l'histoire culturelle du XXe siècle. Lesquels et
pourquoi?
Tout ce qui a démocratisé (bien que ce mot soit galvaudé) la culture et
ce dont jai bénéficié : le livre de poche et les bibliothèques qui mont
vraiment donné la lecture et avec elle, la connaissance dautres formes de culture,
la peinture, la photographie. Le cinéma pour tous et pourquoi pas la télévision.
5 regardez
devant vous et formez le vu suivant pour la culture au XXIe siècle.
Quelle demeure libre de tout marketing (on a le droit de rêver
non ?)
6 exprimez librement
ce que vous pensez maintenant à propos de ce changement de cap symbolique.
Rien, 2000 ou 2001 cest un chiffre. Mais dautre part, on a tellement
rabattu les oreilles de chaque génération avec cela depuis les années quarante,
cinquante, soixante et autres, cela a fixé comme un but dont la constante utopique était
la foi en la technique au service de lhomme. Nous y sommes (avec des déviances mais
là nest pas le problème). Il est temps de nous assigner dautres buts.
Pourquoi pas la foi en la sauvegarde de la nature ou autres idées du même
acabit mêmes si elles paraissent convenues ?
(10/01/2001)
Donc, un rendez vous avec
léditeur, cest comme un phare sur la mer décriture. La lumière balaye
les mots. Il restera toujours des zones dombres et cest bien ainsi. De toute
façon, on en ressort toujours plus éclairé : je le suis, Trottoirs et potagers ne
sortira pas sous la forme prévue. Il faut laisser le texte se reposer et rendre les
parties qui apparaissaient sous le faisceau plus lumineuses encore. Et pour ceux qui se
demandent ce qui se cache derrière les deux mots du titre, encore un peu de patience, six
mois, deux ans, dix ans ! (03/01/2001)
Ecrire, c'est comme la mer. Nous
sommes des marins. Les marins ne sont plus solitaires. Ils sont reliés au monde à coups
de GPS, de liaisons radio ou Internet. Nous aussi, il faut qu'on s'habitue à ne plus
avoir tout notre temps pour goûter seul l'océan des mots. Parfois, c'est la tempête. Un
grain, ça passe ou ça casse : on en a vu d'autres. Il en sort un livre. Parfois c'est
calme plat : comme les marins, on a peur de ne plus avancer, coincé dans une panne
d'Alizé. Parfois on voit un phare, un signal : c'est ce message sur mon répondeur pour
prendre rendez-vous avec l'éditeur. (27/12/2000)
A Toulouse. Inévitablement, on a
repris le chemin qui mêne de la place du Capitôle aux quartiers périphériques.
Quarante minute de marche. Place Wilson, Halle aux Grains, on quitte la ville
commerçante, on retrouve avec un ineffable bonheur le pont qui enjambe le canal. On prend
lavenue Jean Rieux, cette sorte de montée au ciel, interminable. On retrouve au
feeling la rue Armand Sylvestre (poète),sans se tromper, 22 ans après avoir été
hébergé dans une petite chambre dune de ces maisons bourgeoises et tranquilles.
Sur la table, devant la fenêtre qui donnait sur les arbres du jardin, on sétait
juré de devenir écrivain, on avait inauguré 70 pages de ce premier roman terminé 10
ans plus tard et qui dort dans un tiroir. Revenir là, cétait 40 minutes passées
à réenrouler la pelote de laine d'une vie qui, pour une raison ou une autre ça
na pas dimportance et ce nest pas grave aurait déraillée.
Cétait important de le faire. (20/12/2000)
Jaimerais retrouver
limpression curieuse davoir écrit certains passages de Central comme dans un
demi sommeil au point de ne plus men souvenir le lendemain en me relisant. Comme un
oubli, cette plongée tout seul dans la mer des sensations et des phrases, en silence,
sans calcul, sans sentir le regard des autres quon imaginera collé aux mots. (13/12/2000)
Attente : trottoirs et
potagers remis à léditeur, au pire se sera nul, au mieux, on se prend à rêver
que ce sera génial. Comme tous les sentiments, les nôtres sont excessifs, on se les
restreint : on espère quau mieux léditeur apportera la nouvelle
dun texte moyen qui peut encore être sauvé
(06/12/2000)
Fini. On boucle Trottoirs et Potagers.
On va le remettre à l'éditeur et on sait que c'est le début de tout, le travail de
réécriture, le doigt sur les imperfections. Seul, on n'aurait pu le faire. A ce stade,
il faut l'appui de l'éditeur, l'écrit jusque là secret se révèle au grand jour, on va
le regarder s'éveiller avec un oeil suspicieux et sévère. (28/11/2000)
Ma méthode est différente pour revoir, relire, peaufiner chaque
manuscrit. Pour trottoirs et potagers, jai décrit chaque paragraphe en quelques
mots succins comme un fil conducteur. Puis Jai refait le premier chapitre, jai
déplacé certains paragraphes. Je nai pas trop remanié lintérieur de
ceux-ci. Jai comblé des espaces, précisé des choses. Javais
limpression de jointoyer (oui, cest lexpression exacte) mon texte :
paragraphes comme des pierres, mots comme des grains de sable, phrases comme
lenduit, la couleur, la forme des pierres. Jattends ma cathédrale.
(22/11/2000)
Deux jours, jai prévu, pris, programmé, bloqué deux
jours pour revoir le manuscrit de Trottoirs et Potagers. Douze heures par jour de boulot
pour revoir environ cent pages, il en reste un peu moins, ça cest du concret, qui a
dit que la littérature nétait pas du travail ? (15/11/2000)
Je vais
mordonner : reprendre le manuscrit de " Trottoirs et
Potagers " ( cest le prochain livre, celui quon aimerait prochain,
celui qui obsède, énerve, celui quon a déjà écrit deux fois, celui qui laisse
instisfait
) et fouiller la terre derrière ce titre bizarre et qui méffraie.
Ais-je bien TOUT dit ? Et vous ? Que voyez vous derrière ces deux mots qui
prèteraient matière à écrire ? Contact :Thierry
Beinstingel (08/11/2000)
J'ai peur, je ne sais plus écrire, je n'ai pas envie de me relire, je ne veux plus
avancer, ne serait-ce que lire une seule lettre de plus. L'écriture donne parfois une
nausée impitoyable, torture plus nettement qu'une crise d'ulcère, abêtit mieux
qu'une fièvre de cheval. (1/11/2000)
La bizarrrerie
décrire : au moment de terminer un manuscrit (il ne me reste que quelques
pages) quelle est cette amnésie soudaine qui mempèche de continuer, daller
vers la fin. Je sens une maturation des feuilles déjà écrites, comme si ce qui était
déjà fait avait besoin avec le temps de prendre quelques degrés dalcool, de
provoquer un étourdissement, une ivresse.
(25/10/2000)
Transcrire la réalité,
je voudrais aller là. Mais le rêve, lévasion du cerveau, les clichés racornis
viennent toujours recouvrir lécriture comme la peau sur le lait refroidi. La
fiction, la réalité, léternel combat. La réalité qui dépasse la fiction. La
fiction comme une dernière couche de peinture sur la réalité. Quand cesserez vous de me
tourmenter, vieux concepts ?
(18/10/2000)
On a noté sur un carnet la toute
première dédicace de Central, faites le 29 juin 2000 pour le service de
presse : Monsieur Bruno Frappat, journal La Croix. Linstant où lon salit
par des lettres la première page du livre, on se souvient de lémotion : de
quel droit ? Le livre vous échappe.
(11/10/2000)
Je suis un sportif, je
remets mon titre décrivain poids plume en jeu à chaque projet.
(11/10/2000)
Dans lurgence,
quand lhistoire se tarit delle même, à chaque fois le miracle
saccomplit : une idée et 10 pages de plus, linstinct de survie de
lécrivain.
(11/10/2000)
Le plus beau souvenir de Central :
après quelques mois dattente, de correction, dincertitude, voir devant moi,
totalement par hasard, arrivée dun camion dans la cours de léditeur, une
palette de mon bouquin. La chose merveilleuse, mécanisée, bois du socle, transpalette,
arrimage sous plastique, le manutentionnaire, le machin relié sous film transparent en
pile de dix exemplaires avec mon nom comme échappé du cerveau, le livre enfin avec tout
ce quil représente comme force dobjet.
(04/10/2000)
Le mot : Cest
une matière fuyante. Une sorte de " truite affolée ". Il glisse sur
la pierre. On arrivera jamais à le cerner. (Marie Laforêt)
(04/10/2000)
Longtemps je me suis demandé si
labsence de sujet était justifiée dans Central. Et puis, jai lu J6M.com
(Jean-Marie Messier Moi-Même Maître du Monde) et jai compris que je
partageais ce problème du sujet avec le PDG de Vivendi : à mes
phrases triviales et sans sujet, il répond par une subtile musique qui fait
" Moi-je, moi-je " tous les trois mots.
(27/09/2000)
Jai peur : que mon nouveau manuscrit nait pas assez de pages
pour être un roman, quil ne plaise à mon éditeur. Il faut la peur pour écrire.
(27/09/2000)
Par moment, quand on écrit soi-même,
cest beau tellement quon se sent nul, bête, idiot envers les autres,
encombré dune littérature inutile, on aimerait rentrer dans un trou de souris, on
comprend lexpression " avoir droit au chapitre ". (Cette phrase
réversible est également dans notes de lecture)
(20/09/2000)
" Appelez moi Dieu ! " Ce
pourrait être mon proverbe. Le double sens me plait : je veux quon
maime, que je sois le plus important sur la terre, en même temps, cest aussi
une injonction envers ce mystère nommé élan, mouvement de toutes choses, comme vivre
chaque jour, prendre lécriture. Appelez moi nimporte qui, pourvu quil
me vienne en aide, on lappelera Dieu.
(19/09/00)
Parfois, on n'écrit pas,
par manque de temps souvent. Pas moyen de trouver un seul instant dans la journée.
Parfois, la chose se reproduit plusieurs jours. On s'énerve, on entre dans un état
d'hébétude. On ne sait plus lire, non plus, les lettres fuient. Saurons-nous encore
écrire ?
(17/09/2000)
On écrit, on écrit,
et que dire là-dessus ? J'ai devant moi, une feuille avec un gribouillis, des ronds, des
cercles avec écrits dedans des mots comme Télé-achat, standardiste, bonbon à Nicolas,
flic, inspecteur, Marie-Claude, chat, chien, soupirail, enfant Kévin, Voisin, sa femme,
salade, présidente. C'est un projet de bouquin, pour moi, cela veut dire quelque chose.
Cela ne veut surtout pas dire que ce bouquin verra le jour. Il est trop tôt, il faut que
les pages s'écrivent jour après jour, que les idées deviennent obsédantes jusqu'à
oublier l'endroit où on a garé la voiture, qu'on se dise un beau jour qu'on a basculé
et on termine.
(13/09/00)
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