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Notes de lecture 2000-2001
Noël approche et je vais contribuer au marketing ambiant pour
vous donner, moi aussi, comme votre supermarché du coin, des idées de cadeaux. Un sou
étant un sou, ce classement vous propose des idées par prix. Des idées ? Veuillez
excusez mon parti pris (prix ?), mais les seules idées pour moi tournent autour de la
littérature, vous lauriez parié ! Histoire de shabituer à
linévitable euro, les prix sont indiqués en euros et sans conversion ! Faites marcher vos méninges !
- 1 euro :
un stylo bic et un cahier de brouillon, vous
offrirez également linestimable part du rêve avec les premières pages blanches,
le stylo qui ne demande quà courir et, qui sait, ce manuscrit atteindra peut-être
plus tard la valeur de celui de Voyage au bout de la nuit de Céline
(1 870 000 euros
)
- 1,5 euros :
Un livre de la collection Librio. Le choix est
innombrable : Croc Blanc et autres aventures pour les enfants, du fantastique avec
Stephen King, des nouvelles de Maupassant, des romans de Nothomb ou de Bobin, la poésie
de Rimbaud, des revues comme Gulliver
- de 2 à 9 euros :
Un livre de poche, un peu mieux présenté que
ci-dessus mais au choix toujours aussi varié : Collections Livre de Poche, Folio,
Jai lu
Pour se démarquer, un petit livre de littérature contemporaine
(collection Inventaire-Invention : 4,5 euros)
- de 10 à 19 euros :
Un roman, récit, essai dans un format
déditeur et tout particulierement, on recommande Central (15 euros) ou La Réserve (18 euros) de votre serviteur. Des
livres dart, de photos, utiles, genre passion Egypte, chat, jardinage, acteurs
préférés, psycho, chasse, pèche, vélo, informatique, construire tout seul sa
véranda
(Tiens, ça me rappelle avoir offert à mon beau-père, un livre intitulé 365
jours au jardin, sa tête à la veille de sa retraite en imaginant déjà toutes ses
journées au jardin quil pleuve ou quil vente
)
- de 20 à 25 euros :
désolé, mais un seul choix obligatoire : le CD Horizon Noir, textes de Baudelaire lu par Bon, musique de
Toeplitz . Tirage limité : un investissement pour une pièce unique ! Et rajoutez 5 euros pour soutenir le fameux
Remue.net
- de 26 à 100 euros :
grand choix évidemment : beaux livres dart, mais aussi bibliophilie : éditions
originales
etc.
- au delà de 100 euros :
bibliothèques pour ranger les livres (en plaqué pour 200 euros, en bois massif pour 2000 euros). Evitez les investissements
home-vidéo (homme vidéo ?) et autres écrans télévisuels ou satellitaires qui
rétrécissent les neurônes.
(19/12/2001)
Les albums Titeuf, de Zep, éditions Glénat :
Mon fils a tous les albums Titeuf. Dailleurs
il ressemble un peu à ce personnage à la mèche rebelle, dressé comme un point
dexclamation sur la tête. Ses habits toujours trop larges mais choisis avec
application, ses cheveux couleur de foin, sa débrouillardise nature, beaucoup sont ainsi.
Et cest ce qui fait le succès de ce petit personnage qui hante les cours de récré
de bulle en bulle ou qui supporte des parents surmenés. Je me reconnais aussi dans les
façons de réagir des parents de Titeuf : toujours trop pressé, on répond
souvent à côté. Jaime lire ces histoires, ces anecdotes dun humour parfois
féroce, mais on est comme cela dans la vie. Zep aborde aussi avec simplicité et
drôlerie tous les sujets qui hante les inter-cours des collèges : problèmes des
parents, chômage, divorce, problèmes de société, sida, solidarité et surtout, laisse
avec intelligence la part belle aux soucis de nos enfants : les copains, linstit ou
les profs, lappareil dentaire nouvellement posé, la leçon mal apprise, les
questions du sexe et tout cela avec la désarmante désinvolture propre à notre
progéniture. Cest la vanité de notre monde dadulte qui est ainsi révélée.
Si les enfants pouvaient voter, sans nul doute quon verrait apparaître des slogans Titeuf
président à la sortie des cours au printemps prochain. (12/12/2001)
Antimémoires, d'André Malraux, Folio
A dix-sept ans, j'ai pris une semaine de vacances après
avoir bossé pendant l'été comme pompiste ou jardinier ou vendeur en boulangerie, comme
j'avais l'habitude de le faire. Je ne suis pas allé bien loin : un lac distant de 15 km
de ma ville a suffi pour me dépayser. Il faut dire que cette destination n'était pas le
moins du monde touristique comme elle l'est devenue avec les carpistes au matériel
sophistiqué ou les baigneurs qui envahissent l'endroit sur des plages aménagées depuis.
A l'époque, les rives étaient herbues et désertes et je campais dans la tente qui
abritait au beaux jours la barque de mon père. L'été était bien avancé et je me
souviens que des matins frais au réveil. Le paysage demeurait sans surprise et je n'avais
d'autre occupation à avoir que de regarder l'immobilité du lac en ermite puisque
j'étais parti seul.
Je ne me suis pas ennuyé, je n'en ai pas le souvenir. Celui qui s'est gravé dans ma
mémoire est au contraire serein et doux, sublimé : je lisais, je contemplais l'eau, puis
je lisais à nouveau dans le rythme lent des jours, des silences et le parfum de la menthe
sauvage.
Je lisais Antimémoires en poche Folio, collection qui constituait l'essentiel de
ma collection naissante de livres et que me permettait juste mon porte monnaie. C'est à
cette époque que j'ai pris le pli d'entrer dans des librairies comme dans des
cathédrales en attendant qu'il se passe quelque chose. Le miracle avait souvent lieu et
j'ai pu acquérir grâce au hasard (qui fait bien les choses) des livres qui tombaient
devant mes yeux dont on ne parlait jamais au lycée comme la belle vie de
Kasakov, Nadja d'André Breton, Locus Solus de Raymond Roussel et
bien-sûr ce volume d'Antimémoires dont j'ai idéalisé la lecture à un tel
point que je ne m'en suis jamais séparé.
Nombreuses sont les pages annotées et je prends plaisir à relire certains graffitis
abscons qui ne me disent plus rien, simplement parce que je me remémore les avoir écrit
là-bas dans la tranquillité et les feuilles de menthe. Quelques obscurs exemples : p 14
"XX°siècle deux sortes de mémoires 1 liées aux évènements 2 étude du
caractère humain individuel (Proust)" ou P 17 "Civilisations =faits
importants ; Oeuvres = petits tas de secrets". Il y a aussi cette phrase écrite
sur un morceau de papier qui servait de marque page et que j'ai toujours pris soin de
laisser à l'endroit où je l'avais trouvée. Elle dit ceci : Malraux, au sujet de
l'art égyptien : le monde de l'art n'est pas celui de l'immortalité, c'estcelui de la
métamorphose. Du coup, revenant d'Egypte, j'ai relu ces chapitres que j'avais
oubliés et j'ai découvert avec étonnement que nous avions frémis devant les mêmes
objets au musée du Caire.
Ma lecture d'antimémoires n'est certes pas objective, c'est une lecture de
cur mais à chaque fois que je reprends ma vieille édition écornée, j'ai
l'impression de tenir un symbole, une sorte relique sacrée qui a déclenché tout ce que
je concrétise maintenant.
(04/12/2001)
Laffaire Toutankamon, de Christian Jacq, Pocket
Christian Jacq, auteur de best-sellers, a réussi le pari
dinteresser ses nombreux lecteurs à lhistoire quasi complète et parfois
touffue de légypte ancienne. Bataille de Kadesh, invasion des Hyksos, tous les
évenements des dynasties nont plus de secret pour ses admirateurs qui le suivent de
livres en livres.
Laffaire Toutankamon relate lune des plus fameuses découvertes
archéologiques du XX° siècle, celle de la tombe de ce jeune pharaon, mort à 18 ans,
par légyptologue Howard Carter dans la vallée des rois. Romancé comme le sont les
autres livres de Christian Jacq, ce récit a néanmoins le souçi de la vérité
historique et sait remettre lhistoire de sa découverte dans le contexte de
lépoque troublée de la première guerre mondiale et du protectorat britanique.
(28/11/2001)
Sacré Goncourt, de Pascal Lainé, Fayard
Pascal Lainé remporta le Goncourt en 1974 avec La
dentellière. Dans Sacré Goncourt, il raconte avec un brin de provocation
et beaucoup d'humour cet évenement qu'il considère comme une imposture, ayant, selon ses
dires, bâti volontairement dans La dentellière, une caricature du roman
"d'esprit Goncourt" et manque de bol, tel est pris qui croyait prendre, le
voilà élu ! Avoir le Goncourt est à la fois une bénédiction pour le porte monnaie et
pour flatter l'égo, mais c'est aussi un évenement qui grève la suite des écrits,
chacun (lecteurs et éditeurs) voulant en quelque sorte faire coller en permanence l'image
du roman "Goncourt" a un auteur qui a évolué. Tel est le sens du discours de
Pascal Lainé.
(13/11/2001)
Les biographies des tontons.
Il sest toujours trouvé quelques copains pour raconter la vie
de Georges Brassens et de René Fallet. Ces biographies ont pris des formes diverses :
travaux solitaires des auteurs, participatifs sous forme dinterviews,
chronologiques, par thèmes, avec ou sans extrait de textes ou de chansons, journaux
personnels (les volumineux Carnets de jeunesse en 3 tomes de René Fallet).
Peu importe la forme finalement, car il existe un point commun entre la vie des deux
artistes et lengouement quelle provoque : nous pénétrons volontiers dans
leur univers, nous nous reconnaissons facilement dans leur philosophie, nous nous sentons
à laise, comment dire, comme en vacances chez des parents de province. On retrouve
cette nostalgie chez Prévert et Doisneau, une sorte de joie de vivre au quotidien pour
ces farceurs en pantoufles, car comme Brassens aimait à dire : je suis un anarchiste,
cest à dire que je traverse toujours dans les clous pour ne jamais avoir affaire à
la maréchaussée
Quelques biographies :
Georges Brassens, par Alphonse Bonnafé "Poètes d'Aujourd'hui" Seghers
Georges Brassens, par Jean-Michel Brial , Editions PAC
Georges Brassens, par Philippe Chatel Le Cherche Midi Éditeur
Brassens Georges, par René Fallet, Denoël
Georges Brassens, de la marguerite au chrysathème, par Pierre Berruer
Toute une vie pour la chanson, André Sève interroge Brassens
Carnets de Jeunesse (3 tomes) de René Fallet, (Denoèl)
Spendeurs et misères de René Fallet, par Jean-Claude Liegeois
(07/11/2001)
B17G, de Pierre Bergounioux, éditions Flohic :
Pour cette nouvelle collection (lIntranquille) et dont le
point de départ est une photographie, Pierre Bergounioux a choisi dillustrer son
propos au travers de films bien singuliers et répétitifs, ceux des caméras couplées
aux mitrailleuses des chasseurs et qui filmèrent pendant la seconde guerre mondiale les
attaques et les destructions des avions visés. La photo qui en est extraite nous montre
un bombardier B17G au moment précis ou touché par un projectile, il projète ses
occupants dans lavenir très bref et inéluctable de leur mort.
Cest un thème surprenant pour Pierre Bergounioux et qui nous éloigne en apparence
du magnifique travail de la mémoire familiale auquel il nous habitue à chaque fois avec
un peu plus démerveillement. On est surpris par la précision des détails sur le
pilotage, léquipement des avions de cette époque. Mais, et cest là où nous
le retrouvons, cest aussi sa formidable dextérité pour y mêler le présent de
cette destruction avec le passé de ceux qui lont vécu, une jonglerie sur
laccélération du temps qui accroche pêle-mêle la petite et la grande histoire.
Je nai pu mempêcher de penser à ce bombardier (je crois bien que cest
un B17), échoué à 28 m de fond juste en face de la citadelle de Calvi et que lon
peut visiter en plongée. Jen garde le souvenir dune épave fuselée, les
hélices tordues, toute cette ferraille humaine habitée maintenant par les congres et les
rascasses au milieu du bleu turquoise et du sable blanc. En quelque sorte, l'avion juste
linstant après le livre de Pierre Bergounioux.
(31/10/2001)
Jérôme Lindon de Jean Echenoz :
Jean Echenoz, auteur fidèle aux éditions de Minuit dés le premier
livre, a approché pendant 20 ans Jérôme Lindon, éditeur, ami de Beckett, découvreur
des talents du nouveau roman (ah, la célebre photo avec Simon, Robbe-Grillet, Sarraute,
Beckett et Lindon ! ). Il nous dépeint avec simplicité les relations quun auteur
et quun éditeur peuvent nouer. Aussi ce texte aurait pu figurer en Notes
décriture tant le travail et la réflexion de léditeur est importante pour
la sortie dun livre en particulier bien sûr mais aussi pour lélaboration
dune uvre qui se construit avec patience comme celle de Jean Echenoz. On
mesure alors limportance subtile des dialogues, des attitudes des interpretations de
part et dautre. Bien des légendes se sont faites sur le dos de ce grand éditeur
discret, forcément dans lombre de ses auteurs, et le mérite de Jean Echenoz est de
dépeindre un homme généreux, transparent, une sorte de modèle pour lédition. Le
texte se termine avec la disparition de Jérôme Lindon en avril 2001. Entre les lignes
sobres, on mesure le bel hommage rendu.
(24/10/2001)
La Ville, Guillaume Marbot (Michalon) :
Ce premier roman, publié en 98, retrace la construction dune ville de carton à
travers les jeux de trois frères qui jouent aux petites voitures dans le grenier.
Cest aussi un très beau roman du passage vers la vie adulte, et de la
compréhension du monde.
Extrait dune interview de guillaume Marbot (sur le site 1°roman ) :
" Mon rapport à l'écriture a quelque chose d'essentiel mais je n'idéalise en rien
l'écriture. Elle relève du labeur voire de la mort : rester des heures enfermé à
écrire, cela est étranger à ce que réclament la vie, le corps. J'ai en moi par exemple
un certain besoin d'action qui est forcément un peu frustré par ce besoin plus
impérieux encore qu'est écrire. Cela génère une espèce de paradoxe donc de
l'écriture : une certaine lutte contre la mort qui mord sur la vie. Mais si je n'écris
pas pendant plusieurs jours, je me sens mal parce que l'existence me semble d'une
incroyable légèreté et comme "auto-consumable ". La publication est une chose
étrange : elle est à la fois essentielle et étrangère à l'écriture. Elle est
essentielle car elle assure le trait d'union entre l'acte individuel et l'acte collectif
de lire. L'écrivain a besoin de se sentir relié à la communauté des hommes. Mais elle
est étrangère car les mécanismes qui la régissent n'ont rien à voir avec l'écriture
et la littérature. Les règles qu'inventent mes trois personnages dans LA VILLE sont bien
inférieures en arbitraire à celles que se donnent les adultes qui agitent le monde de
l'édition. Je continue de préférer celles de mes personnages : au moins ils savent
qu'ils jouent et peuvent à tout moment arrêter le jeu. Et leur jeu ne nuit pas aux
autres... "
(17/10/2001)
Expérience de Patrick Bouvet et La confusion du sourire de
Dominique Sigaud, Inventaire/invention :
Avec Expérience, on retrouve lécriture choc
(shot ?) de Patrick Bouvet. Bien sûr, on peut parler à linfini de cette
tentative de cut off, chère à William Burroughs. Mais quand on est dans le texte, quand
on aligne notre lecture, quelle est cette magie qui nous fait entrevoir ces images avec si
peu de mots ?
Avec La confusion du sourire, Dominique Sigaud tente une écriture plus
linéaire, (souvent on se retrouve, on comprend la démarche), on se laisse donc envahir
par le trouble des sourires, cette confusion.
Tous deux ont deux points communs :
- aller fantastiquement au plus profond des choses et donc de lécriture
- être édité chez Inventaire-Invention, seul format capable de restituer la puissance
de leurs mots.
(10/10/2001)
Ma vie, son uvre de Jacques-Pierre Amette, Seuil :
Ce roman, paru en avril 2001, et déjà trouvé chez un soldeur
(voir rubrique Etonnements), raconte les confidences de lexécuteur testamentaire et
ami de lécrivain Icare (sic !). Cest loccasion dune
description humoristique et parfois justement féroce de la vie fictionnelle mais plus
vraie que nature dun écrivain. Lascension, les affres de la création, les
déconvenues, tout est passé au crible jusquà lépisode impitoyable de la
découverte par Icare de son bouquin au rabais chez un brocanteur avec cette inscription
lapidaire en page 128 " on sen branle "
Vu que je viens de
vivre une expérience similaire quoique moins dure, on recommande donc la lecture de ce
bouquin à acquérir neuf ou doccasion, comme il vous plaira
(03/10/2001)
Haîku, avant propos de Roger munier, préface dYves Bonnefoy, Fayard :
Cest un recueil de ces courts poèmes japonais.
Jaime cette poésie fulgurante, coup de sabre, hara-kiri des mots, les métaphores
sont faciles.
Moins facile est labord de cette poésie où tout se dit en trois vers, passé,
présent avenir, compréhension de lhomme...etc. Jaime aussi le classement de
ces centaines dhaïkus par saison et par thème dans les mêmes saisons, la pluie,
la chaleur, les hirondelles, la forêt, la lune, le cheval, le nouvel an. Jaime les
lire : il y a toujours un haïku de circonstance à offrir.
" Profond lautomne -
mon voisin
comment vit-il ? "
Bashô
Pour des centaines dhaîkus universels visitez lAnthologie des Haîkus
(26/09/2001)
Céline secret de Lucette Destouches (et Véronique Robert)
Habilement réalisé, cet entretien avec Lucette Destouches
nous permet à la fois dapprécier le franc parler de la dernière compagne de Louis
Ferdinand Céline en lui laissant évoquer sa passion de la vie et de la danse
étroitement mêlée à la vie au quotidien avec Céline. Peu de choses que nous ne
sachions pas déjà, sauf que ce témoignage est un regard particulier sur
larticulation des jours de lexil à la dernière retraite à Meudon.
De lépoque trouble de la guerre et des exodes, on retiendra quelques
images surréalistes : Céline ayant failli devenir le médecin de Pétain à
Sigmaringen, lacharnement du chat Bébert à suivre ses maîtres. Les moments
difficiles aussi, la prison, lexil et la lente agonie dun Céline usé à
Meudon. Cet ouvrage est un bon complément aux Correspondances avec la NRF de
Céline ( Gallimard).
(19/09/2001)
Note de non-lecture : Plateforme de Michel Houellebecq
On ne lira pas le livre (unique ?) de la rentrée littéraire.
Par contre, on peut parler de toute cette polémique qui gravite autour, articles,
interviews, gesticulations médiatiques qui décuplent les quelque trois cents pages du
bouquin. Trop dagitation, de marketing et de polémique tuent lenvie de lire
(si tant est quelle ait été là
). Exit donc Houellebecq, parfois Angot, tous
les parfums trop forts de soufre, ceux qui jonglent avec les concepts et les sentiments,
jouent à cache-cache avec leurs idées, soufflent le chaud et le froid, plaisantent au
trente-sixième degré, pleurent ou saluent la décadence, tournent et retournent les
lecteurs. Sans doute on loupe des écrivains habiles, des voix puissantes, des langues
nouvelles, des procédés décriture quon aurait appréciés (personnellement
Angot mieux que Houellebecq).
Qui lit Plateforme ? Une génération nihiliste qui aime bien quon
appuie sur ses propres contradictions, là où ça fait mal ? Des lecteurs passoires
perméables à la publicité ? Peu importe, nous voilà pris sans même lavoir
lu : on en parle tout de même.
Lauteur est évidemment seul responsable de ce quil déclenche et Houellebecq
sait bien appuyer là où il faut. La démocratie comme les médicaments provoque des
effets secondaires : apprendre depuis le plus jeune âge à détester le racisme,
mais aussi à accepter une sacro sainte liberté dexpression, ce sont par exemple
des principes honorables, admis sans trop réfléchir. Que quelquun nous les
mélange ainsi que leurs contraires dans une rhétorique faussement logique, nous voilà
perdu, on cultive un curieux malaise. Cela me rappelle certaines manifestations de
psychoses en psychiatrie (que par hasard jai eu à bosser et à résumer en fiches,
il y a vingt ans
), des discours de séduction/logique qui provoquent chez ceux qui
les écoutent des malaises similaires. En face dune telle perversité, je crois me
souvenir quil ny avait quune solution, la fuite
(12/09/2001)
" Lunivers de lécrivain " du magazine
Lire.
Le magazine Lire propose depuis longtemps une rubrique
" Lunivers de lécrivain ".
Autrefois appelée " le bureau de lécrivain ", elle tend à
devenir moins précise, tant la diversité des lieux décriture devient plus lâche
(cette imprécision devenant par ailleurs plus sujette aux cachotteries des écrivains, on
reste sur sa faim devant certaines photos style " lécrivain devant son
pot de fleurs préféré "
).
Mais il nempèche que ce sujet immuable depuis des années reflète bien
limportance du lieu où se passe lécriture et tout limaginaire qui y
est associé, lantre de la sorcière, la cabane de lermite
etc.
Au hasard des numéros, citons le charme extraordinaire du bureau de Nathalie Sarraute en
92, après avoir renoncé à plus de quatre vingt dix ans à ses écritures nomades dans
les cafés. Celui de Le Clézio, ouvert sur la mer. Christian Bobin et ses meubles en pin.
Le somptueux bureau davocat de Jean Denis Bredin, le secrétaire de Jeanne Bourin,
le garage de François Bon, toujours en perpétuel changement (regardez ses archives Webcam, ses commentaires sur ce
quil nomme sa " table de travail ").
Sans nul doute, lunivers dun écrivain est à prendre au sens du cosmos, ce
grand tout que représente lécriture.
(04/09/2001)
Létranger, Albert Camus
On retrouve et on relit la vieille édition folio. Le souvenir de cette lecture est lié
à un prof de français en 4ème (on garde l'image dun gars solitaire et
tourmenté). Cétait la fin de lannée, plus rien à faire, il nous avait lu
lEtranger en cours à voix haute. On sen souvient comme dun des premiers
chocs de lecture, sa voix monocorde, cette sorte dennui qui transpirait sous les
mots : létranger, cétait ce prof qui ressemblait tellement au narrateur
de Camus.
A la relecture on a retrouvé les images brulantes de lété et la langue magnifique
qui les suscite, comme par exemple lhallucinant enterrement sous le soleil
algérois.
(29/08/2001)
Les mains vides, Maurice Genevoix
On avait lhabitude de connaître les multiples facettes de
Maurice Genevoix, des romans-poèmes tendres (Rroû, Agnès, la Loire et les garçons)
à la violence de la dernière harde, de Sanglar en passant par les souvenirs de Trente
mille jours. Mais Les mains vides, écrit en 1928, nous révèle un auteur
confronté au problème de la création, lart et ce qui en fait les freins. A
travers le héros malheureux et cynique de ce roman, on mesure les doutes, les
hésitations que lauteur a dû ressentir pour les décrire si bien, tout ce
quon croyait dévolu à soi-même, on le retrouve presque avec soulagement. La
conclusion pourrait bien être que seul un labeur acharné, une opiniatreté dans
lécriture, peut-être capable de nous délivrer de nos doutes. Aussi on comprend
mieux la réaction dun écrivain grandement estimé au sujet dune écriture
quon vantait être " sans prétention " (au cours du même
mail, on annonçait quon partait faire un stage de plongée), il avait répondu,
laconique : Le " sans prétention ", noies le avec les
poissons
(16/08/2001)
Ce quon emmenera en vacances comme lecture (entre
autres, il faut compter avec les " indispensables " quon arrache
de la bibliothèque à la dernière minute)
- Sylvie Genevoix : la maison de mon père
- Maurice Genevoix : les mains vides
(Maurice Genevoix en vacances dété est un incontournable depuis dix-neuf
ans
)
- Claude Simon : Histoire
- Charles Juliet : Lannée de léveil
- Pascal Quignard : Le salon du Wurtemberg
(18/07/2001)
Noces dAlbert Camus
On mavait invité pour lapéritif. Mon hôte, violoniste
octogénaire que japprécie beaucoup me parlait de Bône en Algérie, sa ville
natale, de lopéra, de cette ville tournée vers les arts où se cotoyait musiciens,
peintres et écrivains. Cela ma rappelé la lecture de Noces, lenfance
algéroise dAlbert Camus, cette lecture vieille de 25 ans synonyme pour moi comme
pour mon hôte, du bleu de la mer et du ciel, de locre des plages, insouciances de
jeunesse. De retour à la maison, jai retrouvé du premier coup ma vieille édition
Folio de Noces et jai retrouvé intacte cette saveur. Albert Camus naquit en 1913 à
Mondovi, à côté de Bône.
(13/07/2001)
Journal 1922-1989, Michel Leiris
Ce qui interpelle, cest lécart entre les deux
dates : 1922-1989, soit 67 années de journal ! Cest la traversée du XX°
siècle dun écrivain, évenements historiques mais aussi personnels, la jeunesse,
les doutes, les certitudes, la vieillesse.
On retiendra en particulier la densité du récit jour par jour de la Libération de
Paris, cette volonté de témoigner, lengagement au côté dautres
intellectuels, Sartre en particulier. Rien que cette partie est une mine dor pour
les historiens.
On retiendra la fidélité et la continuité des relations avec beaucoup amis, Picasso en
particulier, les reflexions, questionnement incessant sur le monde de lart.
On retiendra le parcours dun homme, ses doutes, hésitations, le côté
introspectif, hypocondriaque, lextrème sensibilité.
On retiendra les voyages, les notes ethnographiques
On retiendra la fin du journal, un an avant sa mort, la sensation d'épuisement.
Finalement, on peut se demander si ce journal nest pas un aboutissement, le chef
duvre de Michel Leiris, dont toute lécriture a été totalement
marquée par lautobiographie.
(04/07/2001)
La Bataille de Pharsale, de Claude Simon
Jean Marie Barnaud à propos de Claude Simon (notes sur le Tramway
-site lieux dits-) souligne que le
fonctionnement de ses livres (travail de mémoire, surgissements des images, descriptions)
est souvent assimilé à un brouillard, une vapeur. Dans les télécommunications, il est
dusage de représenter les réseaux Intranets, Extranets et autres Internets sous
formes de nuages incertains, la technique nétant jamais que laboutissement de
la pensée.
La Bataille de Pharsale est un livre typique de Claude Simon (existe-t-il dailleurs
des livres atypiques ?) et évidemment rentre dans le jeu subtil des brouillards, de
la transparence et des perceptions. Plusieurs histoires, anecdotes, se mêlent en
parallèle, - arrivent par paquets comme des éléments électroniques de transmission -,
mais le fil conducteur demeure cette quête du lieu de la Bataille de Pharsale.
Lexploit qui toujours me surprendra chez Claude Simon est darriver à
laide de ses fragments dhistoires de reconstituer une sorte de substrat (à
chaque fois, au mot substrat, une analogie bizarre me vient : substrat comme le relent de
la mirabelle de 1956, que jai bue en 1986 et dont lodeur était restée
intacte et persistante en bouche depuis 30 ans). Ces substrats sont dans le cas
particulier de la Bataille de Pharsale, les extraordinaires descriptions de la machine
agricole abandonnée en plein champ.
(27/06/2001)
Les fruits dOr, Nathalie Sarraute
On nen a pas fini avec Nathalie Sarraute évoquée la semaine
dernière dans cette même rubrique.
Le héros de ce roman est un livre " Les fruits dor " et tous
les commentaires, critiques sur cet ouvrage tissent une intrigue savoureuse, souvent aigre
qui dénonce les travers du jugement de lart. Certains clichés dun
intellectualisme typique rappelleront à tous ceux qui se sont déjà frotté à la
création des situations inévitables et le malaise quils y ont ressenti. A lire
absolument et piqûre de rappel systématique au moment de la publication dun livre,
dune expo de peinture ou tout autre exposition à la vue de tous !
(21/06/2001)
Catalogue de lexpo Sarraute, BNF
Le catalogue dexpo est un genre à part entière, proche de la
biographie et qui mérite que lon rende hommage. Celui de lexpo Nathalie
Sarraute qui sest tenue en 1995 à la BNF est particulièrement réussi. Abondement
illustré, il ne se contente pas de donner un descriptif des documents visibles, on y
trouve des entretiens, des articles fournis, une réelle structure narrative construite
comme une enquête cherchant à percer le mystère de lécriture de celle qui
écrivit les Tropismes. Très beau, en vente à la BNF.
(15/06/2001)
W ou le souvenir denfance, de Georges Perec
Récit merveilleux mêlant, emmêlant les signes, symboles de ce qui
fut lholocauste, la quête infinie du peuple juif. La fuite, le changement
didentité, la non violence, lobjection de conscience, le sport,
lhorreur des discriminations, Perec avance en dédiant ce livre à E, retour vers la
Disparition, son enfance.
Il est important de lire ce livre à un moment où Israël sest sciemment englué
dans une guerre, où le débat médiatisé répercute des idées extrémistes comme celle
de supprimer un a deux millions darabes.
(06/06/2001)
Le badaud, de Jérôme Prévost.
Peut-on parler, une fois nest pas coutume, dun livre à létat de projet ?
Indiscutablement, oui.
Oui, parce que Jérôme Prévost, originaire dAttancourt en Haute Marne, est un
écrivain au parcours déjà riche malgré son jeune âge : poète, son premier
recueil parait à 18 ans, et reçoit (excusez du peu
) le prix Arthur Rimbaud en 1994
des mains de Madame Alliot Marie, alors Ministre de la Jeunesse et des Sports. Actif, il
devient secrétaire de lassociation des écrivains de Haute-Marne, tâche quil
doit abandonner après des études de commerce international qui le conduisent à faire un
stage en Angleterre, et maintenant à travailler en Allemagne.
Oui, parce que sa passion pour la poésie le conduit en 1998 à imaginer le projet
dune BD pédagogique sur ce sujet : Le badaud est né ! Mais
lampleur de la tâche devient rapidement colossale. Jérôme sentoure de
dessinateurs et le souci de rigueur des premières planches le conduit même en Irlande
où se déroule laction. Malheureusement les difficultés arrivent, le projet stagne
à la fois dans la réalisation et la recherche dun éditeur malgré des démarches
incessantes.
Mais ces incidents de parcours ont dopé le projet : La Direction de la Jeunesse et
des Sports lui accorde le prix Défi-jeune. Cest un nouveau départ : le projet
se structure (site web lebadaud.free.fr) et La
Croix de la Haute-Marne, journal local accepte de publier les planches en 46 numéros.
Théo, le dessinateur et Jérome sont sur la bonne voie...
Une offre de prescription et de soutien est lancée, couplée à un abonnement au journal
( 270 F (41,16 euros) à renvoyer à La Croix de la Haute-Marne, BP90 52203 LANGRES Cedex)
allez-y nombreux !).
Le badaud est devenu mythique : ici, on y croit tous, alors les éditeurs,
bousculez-vous !
(31/05/2001)
Paris-Brune, de Maxime Vivas, VO Editions
A linstar de Central, voici un livre écrit sur le travail et vécu de
lintérieur. Maxime Vivas, écrivit ce livre en 1997, pour quon se rémémore
Paris-Brune, centre de tri postal fermé depuis. Cest un roman généreux qui donne
la part belle à lhomme contre les mécanismes administratifs, aux luttes syndicales
face à un encadrement aux décisions hâtives. Sur fond de travail de nuit, cadences de
tri, des personnages pittoresques mais véridiques jalonnent cette histoire attachante. On
reste ému devant les lettres écrites à la famille provinciale et qui traduisent le mal
du pays. Ecrit dans une langue très juste et attachante, Maxime Vivas obtint le prix
Roger Vailland pour ce roman.
MaximeVivas, maintenant en retraite, a terminé son travail comme Ergonome à France
Télécom et a écrit dautres livres (La Bousculade, Ed de lAube) où
reviennent les mêmes thèmes : la dignité de lhomme, lunion nécessaire
pour la défendre.
(23/05/2001)
Histoire de Saint Louis, Jehan de Joinville
" A tout seigneur, tout honneur ", cette maxime
introduit au mieux louvrage de Jehan de Joinville et sa place dhonneur dans
notre salon de littérature médiévale, premier du genre.
Limpact de lhistoire de Saint Louis de Jehan de Joinville est
considérable et nest pas étranger à la popularité de ce roi parmi les autres. En
réalité, cette ferveur doit autant à la personnalité de Saint Louis quau récit
exceptionnel pour lépoque quen a fait Jehan de Joinville. Alors que la
plupart des écrivains sattachaient à dépeindre des qualités surnaturelles aux
monarques, imprégnés de ferveur religieuse (nous sommes à lépoque des croisades)
Jehan de Joinville a préféré raconter une histoire au quotidien où le doute et les les
hésitations sont le reflet de lintelligence. Cest aussi lhistoire
dune admiration et dune amitié.
Extrait du LIVRE DES SAINTES
PAROLES ET DES BONS FAIZ NOSTRE SAINT ROY LOOYS
A son bon seigneur Looÿs, filz du roy de France, par la grace de Dieu roy de Navarre, de
Champaigne et de Brie conte palazin, Jehan, sire de Joinville, son seneschal de
Champaigne, salut et amour et honneur et son servise appareillé.
"Comment le bon roi Louis rendait la justice à
Vincennes"
Un cordelier se présenta à lui au château dHyères, où
nous débarquâmes ; et pour donner un enseignement au roi, il dit dans son sermon
quil avait lu la Bible et les livres qui parlent des princes infidèles, et il
disait quil ne trouvait, ni chez les croyants, ni chez les infidèles, quun
royaume se soit jamais perdu ou ait changé de maître sinon par défaut de justice :
"Que le roi qui sen va en France prenne garde de faire bonne et rapide justice
à son peuple, pour que Notre-Seigneur lui permette de conserver en paix son royaume tout
au long de sa vie". On dit que ce prudhomme qui donnait cet enseignement au roi
est enseveli à Marseille, où Notre-Seigneur fait pour lui beaucoup de beaux miracles. Et
il ne voulut jamais rester avec le roi quune seule journée, quelque prière que
celui-ci lui sût faire.
Le roi noublia pas cet enseignement ; bien plutôt, il gouverna bien son royaume,
selon la justice et selon Dieu, comme vous lentendrez ci-après. Il avait organisé
ses affaires de telle manière que messire de Nesle et le bon comte de Soissons et nous
autres qui étions de son entourage, après avoir entendu nos messes, allions entendre les
procès de la porte, que lon appelle maintenant les requêtes. Et quand il revenait
de léglise, il nous envoyait chercher et sasseyait au pied de son lit ; il
nous faisait tous asseoir autour de lui et nous demandait sil y avait des gens dont
laffaire devait être réglée, et ne pouvait pas être réglée sans lui ; nous lui
donnions les noms et il les envoyait chercher et leur demandait: "Pourquoi
nacceptez-vous pas ce que mes gens vous offrent ?" Et ils disaient :
"Sire, cest quils nous offrent peu". Et il leur disait ainsi :
"Vous devriez bien prendre cela si on vous le propose". Et ainsi le saint homme
se donnait du mal, tant quil pouvait, pour les amener à une solution juste et
raisonnable.
Il arriva bien des fois quen été il allait sasseoir au bois de Vincennes,
après sa messe, et sadossait à un chêne et nous faisait asseoir autour de lui. Et
tous ceux qui avaient une affaire venaient lui parler, sans être gênés par des
huissiers ou pas dautres gens. Et alors il leur demandait de sa propre bouche :
"Y a-t-il ici quelquun qui ait une affaire ?" Et ceux qui avaient une
affaire se levaient, et il leur disait : "Taisez-vous tous, et lon réglera vos
affaires lun après lautre". Et alors il appelait messire Pierre de
Fontaine et messire Geoffroi de Villette et il disait à lun deux :
"Réglez-moi cette affaire".
(16/05/2001)
La droite amoureuse du cercle, Didier Nordon, Autrement
Cest un livre de maths ou plutôt, un livre qui contribue à
réconcilier maths et philo, technique et littérature. De courtes historiettes illustrent
des mystères mathématiques : la géométrie (La droite amoureuse du cercle ou
Spirales), la logique (Aux trois quarts fou, Question de mot). Syllogismes, raisonnements
en tous genres, ce petit livre humoristique met en exergue tous nos défauts de logique.
(09/05/2001)
Perfection, LJH, lArmourier
Cest un livre bizarre, comme un peu magique : on ne sait
pas par quel bout le prendre. Il nous dérange et nous séduit à la fois. Il donne des
visions, des métaphores extraordinaires, il est distant, il est proche, cest
lhistoire dun adolescent, ou plutôt lhistoire de la jeunesse et tout
cela dit avec froideur, avec humour, avec évanescence, avec brio, entre ce fils précieux
et cette mère empathique, cest presque trop beau pour être honnête un tel livre.
Tant pis ! Il faut le lire, le conseiller, se laisser attraper dans ses filets, ses
images, ses langages, il en reste quelque chose, un substrat, comment dire, rose et doux,
aigre doux.
Lauteur LJH (Le Jeune Homme) se cache derrière ce pseudo comme la programmation
neuro linguistique se cache derrière PNL.
On peut le découvrir cependant sur SON SITE,
bien fait et original.
(04/05/2001)
Les Robinsons des Galapagos, de Margaret Wittmer (Albin Michel)
Le thème du Robinson a encore frappé : on a tous
rêvé de sinstaller dans une île déserte ; Margaret Wittmer la
fait ! Ce livre, publié en 1960 et illustré de photographies, raconte
linstallation de la famille Wittmer dans lîle de Floréana dés 1932 (Heinz,
Margaret, leur fils Harry, puis Rolf et Inge nés là-bas). Mais ce témoignage qui
sétale pendant vingt-cinq ans, vaut aussi par la perception dune civilisation
qui parvient de temps à autre au gré des bateaux : événements historiques comme
la seconde guerre mondiale ou plus anodins comme les visites de scientifiques,
journalistes ou de nouveaux Robinsons qui tentent de sinstaller. Le cliché palmiers
et mer bleue nest pas de mise : le labeur incessant, les relations de voisinage
parfois tendues et de tristes événements font partie du quotidien. Dautres
personnages extravagants sont aussi à découvrir dans ce livre : le misanthrope Dr
Ritter, médecin et philosophe ou la fausse baronne Bosquet dont les frasques et la
disparition inspirèrent à Georges Simenon, son roman " Ceux de la
soif ".
Floréana, quen est-il maintenant ? Voyages organisés qui proposent juste une
escale, quelques plongées, et cest tant mieux, cette vie comme ce tonneau utilisé
comme boîte aux lettres et qui attend le courrier depuis plus dun siècle au bon gré des navires de passage .
Si comme moi, vous tombez sur cet introuvable, à lire le soir avant de dormir : beaux
rêves aventureux sur fond diguanes et roches volcaniques garantis. (25/04/2001)
Tramway de Claude Simon (ed de Minuit)
" Limpalpable et protecteur brouillard de la
mémoire ". Cest la dernière phrase et on referme le livre avec le
plaisir, oui , limmense plaisir de cette belle lecture. Un livre de Claude Simon
(comme beaucoup d'autres par ailleurs
) ne se raconte pas : le tramway et sa
jeunesse, lhôpital et la vieillesse, et, entre les deux, tout ce quon voit,
entend, ressent à travers les mots, cest à dire ses images à lui mélangées à
nos souvenirs à nous, le tramway de plage remplacé par la Micheline entre Calvi et Ile
Rousse, des souvenirs denfance quon croyait oubliés, les premières libertés
de vacances, les promenades dans la campagne de Perpignan ou à San Feliu de Guixols.
Cest cela la force de Claude Simon, nous faire lire notre propre histoire au delà
de ses mots à lui. (15/04/01)
Pour inaugurer ce site rénové, on commence par un
inventaire à la Prévert :
- 10 tomes de Proust A la recherche du temps Perdu, éditions
1949, Gallimard, manque les tomes 1, 2, 5, 6.
- La Reine Margot de Dumas, Edition Illustrée de 1860, reliure cuir.
- Choix de Fables de La fontaine, édition 1907
- Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, poche
- Pierre Monlaur, Imhotel, le mage du nil, poche
- Colette, le blé en herbe, poche
- Louis noir, la vénus cuivrée, début du siècle
- Croc blanc de Jack London, Bibliothèque verte
- la cuisine moderne, (pas dauteur)
- revue Europe sur Albert Camus
- Magret Wittmer, les robinsons des Galapagos, 1960, Albin Michel, avec photos
- Langevine, René Fallet
- Le journal de Mickey du 15 février 1995
- Diolé et Cousteau, Les dauphins de la liberté
- Paccalet et Cousteau, les surprises de la mer
- Anatomie dun Choeur, Marie Nimier, Gallimard
- Eugène Savitzkaya, Marin mon coeur, Minuit
- Blaise Cendrars, Bourlinguer
- Diderot, Oeuvres romanesques
- Le Clézio, La guerre
- Le Clézio, Terra Amata
- G Perec, un homme qui dort
- C Simon, La bataille de Pharsale
- M Duras, lamour
- E Glissant, La lézarde
- M Genevoix, un homme et sa vie
(les 9 livres précédents sont cartonnés " spécial bibliothèque ")
- F Sagan, réponses 1954-1974
- Carlos Baker, Hémingway, 1er tome, 1899-1936
- Paul Guimard, la rue du Havre, ed Cercle du Bibliophile
- Michel Butor, la modification, ed Cercle du Bibliophile
- Lannée de léveil, Charles Juliett, POL
- P Quignard, le salon du Wurtemberg, Gallimard
- M Genevoix, Jardin sans murs
- M Duras, Lamant
Ces 43 livres ont été acquis à La foire dAmnesty International pour la
modique somme de 330 Francs en 3 passages, dimanche de 10h30 à 12h, retour à 12h10 pour
prendre Proust, retour de 17 à 18 h avec ma femme et mon fils, achat de la Reine
Margot entre autres.Ce même jour, 19h18 mn : pour fêter cela en remplissant la
bibliothèque, on écoute la folia de la spagna de Grégorio Panigua (Enregistrement juin
1980, Harmonia Mundi) - (11/04/2001)
Camille Laurens à propos de l'écriture de Claude Simon
:
Quand je mets plusieurs participes
présents dans une phrase, je sais que c'est Claude Simon, je pense à lui. On se demande
toujours quand on écrit des romans quel temps on va utiliser, on a le présent, bon, mais
pour ce qui est du passé, Claude Simon dit que le passé simple n'est pas possible, parce
que c'est un temps fini. J'explique ça à mes élèves: c'est l'action terminée dans le
passé. "Il passa trente ans en prison." Les élèves disent toujours: le passé
simple on l'utilise quand c'est une action brève. Ah bon, mais "il passa trente ans
en prison" n'est pas une action brève, c'est une action terminée, si on dit qu'il
passa trente ans en prison, c'est qu'il n'y est plus. Et Claude Simon dit qu'il ne peut
pas utiliser le passé simple, parce que le souvenir, ce n'est jamais fini, il n'y a pas
de commencement ni de fin.
Et puis il y a une autre chose - outre la parenthèse, dire quelque chose à côté, et
puis fermer la parenthèse et revenir à ce qu'on disait, c'est comme ça dans la vie
courante et puis quand on écrit, aussi, on voudrait pouvoir tout mettre - c'est le
"comme si", il dit ça sans arrêt, il y a une phrase très longue et puis il
dit "comme si", et il reprend, on se déplace, c'est à la fois
"comme" (la comparaison) et puis "si", l'hypothèse, et il part sur
autre chose, une autre image, une autre façon de le dire. Cela donne un souffle épique,
qui s'accorde à la guerre, l'homme toujours représenté balayé par l'Histoire, la mort,
le temps, le ravage. On est dans une espèce de rêve, c'est pour ça que ce n'est pas le
réalisme, il y a quelque chose d'onirique, dans ces "comme si", on est
déplacé toujours d'un lieu à un autre, comme dans les rêves. (03/04/2001)
La route des Flandres, Claude
Simon
Au départ, on ne la pas lu mais écouté ! Javais
emprunté une cassette à la bibliothèque. Tous les jours, pendant les 50 minutes que
dure le trajet maison/travail, jai eu le cheval mort de la route des Flandres devant
le capot de la voiture et toutes les images de cette formidable épopée qui avance pas à
pas, difficilement dans le grand magma confus dun instant de guerre. Et cest
là, en écoutant la musique de ses mots quon saperçoit avant même de le
lire que Claude Simon manie comme par magie une formidable langue auditive en même temps
qu'il fait naître des images en nous. (28/03/2001)
Linfra-ordinaire, Georges Perec.
Chaque livre de Pérec est une leçon de choses. Comment
retracer le quotidien qui nous entoure (Linfra-ordinaire) ? Ce qui nous semble
la plupart du temps insignifiant et indigne dinterêt. Georges Perec nous livre
quelques méthodes : decrire une rue à des moments différents, écrire 200 cartes
postales de vacances
ETC. François Bon a raison de se référer à Georges Perec
(Tous les mots sont adultes, méthode pour ateliers décritures voir si
dessous), Car il demeure un auteur majeur pour qui écrit et qui lit. A chaque fois, Perec
laisse un goût de bonheur que lon nomme poésie. (21/03/2001)
Les Exercices de Style, Raymond Queneau.
Ma fille de 13 ans avait à
retracer la vie de Raymond Queneau. Comme tout ce qui est institutionalisé dans nos
collèges, la méfiance était de mise à légard de cet auteur. Pour
lamadouer, je lui ai lu quelques Exercices de Style et la voilà conquise !
Nous avons passé quelques jours à inventer de nouvelles versions de lhistoire,
comme par exemple, une version slogan publicitaire : Au début d une belle
journée avec lami Ricoré, prenant le bus, ignorant à nous SNCF de vous faire
préferer le train, je vis soudain un inconnu qui vous offre des fleurs, cest cela
leffet Impulse, marcher sur les chaussures Bata dun autre, il faudrait être
fou pour dépenser plus, et lautre glapissant, Synthol, cest bon où cela fait
mal. Plus tard, je le retrouvai avec un autre pékin qui lui tripotait le bouton de sa
veste : il faut é-li-mi-ner
(21/03/2001)
MD de Yann Andréa
Japporte St John Perse à lire en Guadeloupe et je
découvre les pérégrinations de Marguerite Duras enfermée dans une clinique à Neuilly
pour y suivre une cure de désintox. Pas grand chose de MD. Yann Andréa se donne le beau
rôle du garde malade. Pourtant le style convainc, sobre et beau mais que diable ai-je eu
à lire ce livre, dans la moiteur des nuits tropicales. Mieux aurait valu relire Cendrars
ou " pour fêter une enfance " de St John Perse. Tout cela pour dire
que les livres mêmes excellents ont des moments pour vivre en nous et d'autres pour
passer à côté. (14/03/2001)
St John Perse (Alain Bosquet,
Poêtes daujourdhui, Seghers) et revue Europe sur lui.
Le poète est fêté en Guadeloupe : un musée lui est
consacré, des librairies portent son nom. Pourtant, que dire ici de ce poète,
descendance de blancs békés aisés qui quitta très tôt son île, qui de surcroît ne
voulut jamais y retourner, qui a tissé une façade austère en ne mélangeant ni sa vie
de poète, ni sa vie de diplomate. Mais il reste lécriture de ses poèmes et
le plus bel hommage vient de Maryse Condé dans son éloge de St John Perse (revue
Europe), on mesure le chemin parcouru de la pensée : comment se définit le pays
natal, lAntillais ? la créolité na-t-elle pas de multiples
aspects ? Je partage souvent lavis de Maryse Condé (la poésie de St John
Perse ne me procure ni jouissance, ni même plaisir, je la trouve verbeuse, froide...),
pourtant, et cest miracle de la poésie, je reviens toujours aux incantations de
" pour fêter une enfance " :
" ma bonne était métisse et sentait le ricin ; toujours jai vu
quil y avait les perles dune sueur brillante sur son front, à lentour
de ces yeux - et si tiède, sa bouche avait le goût des pommes-rose, dans la rivière
avant midi. " (07/03/2001)
Koltes. Tout lire, tout écouter
On célèbre Koltes
dans le Magazine Littéraire. De lui, il y a autant à lire quà écouter.
A lire, je me souviens dun texte sans doute un souvenir de ses périgrinations en
afrique avec tout ce que peuvent ressentir les occidentaux, visions surprenantes,
sentiments bouleversés par la lumière crue du soleil, des réalités, morts brutales,
misères noires, richesses blanches.
A écouter, je me souviens de Quai ouest vu il y a trois mois, le goût rémanent que cela
laisse, mon étonnement devant linterêt de ma fille de douze ans pour cette pièce.
(14/02/2001)
Lor, de Blaise Cendrars
Lu il y a déjà plusieurs années, on en garde le souvenitr
dun style extraordinaire, rapide, allant à lessentiel. On en garde aussi le
lieu de la lecture : en Corse, assis sur le carrelage brulant dune minuscule
terrasse nue, juste le ciel au-dessus, comme caché du monde à lheure de la sieste.
(07/02/2001)
Hémingway " nouvelles
complètes " (quarto-Gallimard) et " Le fou
dHémingway "de Gerhard Köpf (Métaillié)
Hémingway est similaire à Saint Exupéry :
aventurier, héros, celui que lon surnomme " papa " est
représentatif dun certain art de vivre solide et macho, anglo-saxon davant
guerre et même daprès. Ceci pour le personnage folklorique quil laisse. Et,
de même que pour Saint Exupéry, il laisse une abondante prose très marquée par
limmersion dans le réèl, réèl quil sait traduire dune façon
étrangement sentimentale et féminine. Ainsi, Gerhard Kôpf laime en narrant sa
passion dans " le Fou dHemingway " sur fond de lintrigue
(véridique) de la valise quil oublia. Hémingway tire ainsi sa gloire de tous les
signes quil a laissé derrière lui. Je me souviens dun reportage au fin fond
de lafrique ou un vieil autochtone conduisait le journaliste vers les débris encore
visibles de lavion dans lequel " Papa " échappa à la mort en
1954. Quest-ce qui crée un mythe ? est-ce tout ce que le personnage
" laisse ", ainsi que ses nouvelles semblant être écrites
dhier ? (31/01/2001)
Le théatre des
opérations de Maurice Le Dantec
Cest un journal
métaphysique. A savoir que sous ce vocable Maurice Le Dantec, post-punk, y trouve
dinlassables arguments pour répandre son " no-future ". Ses
théories se résument à : évoluons le plus vite possible à grand coups
dhégémonies techniciennes, sociales, brûlons nos vieux concepts (surtout le
marxisme, me semble-t-il) et quun homme nouveau paraisse. Cest crispant, on
retrouve lobligation de prendre parti, le lecteur qui doit choisir, au minimum se
reconnaître.
Cela rappelle ce que jai déjà dit pour Angot (Quitter la Ville), Beigbeder (99f).
On peut mettre dans ce paquet Houellebecq (Extension du domaine de la lutte). Ce qui
gène, cest que ces auteurs ont été régroupés sous lappelation
"davant-gardes " dans le Magazine Littéraire. De la à penser que
dans lavenir on ne reconnaitra quà eux cette étiquette et donc lavenir
de la littérature à travers leur verve violente, semble déjà inéluctable et ainsi
inquiétant. (24/01/2001)
Jours tranquilles à Belleville, de
Thierry Jonquet
Cette chronique de jours ordinaires dans
ce quartier de Paris est organisée par thèmes. Les loubards de cités populaires
voisinent avec les parisiens chics des immeubles réhabilités. Lespace public
(parcs, recoins, trottoirs, métro) est colonisé par tous, habitants, commerçants,
marginaux. On napprend pas grand chose, ce sont des images de déjà-vu :
villes tentaculaires et ses débords. Mais ce nest pas nimporte quelle ville,
cest Paris et lincongruité dy vivre, les sacrifices pour le faire me
retournent mon éternelle question de provincial : que trouve-t-on de plus que dans
nimporte quel bourg rural comme sentiments humains ? (17/01/2001)
Les petits chevaux de Tarquinia de
Marguerite Duras
On retrouve lambiance
de "Dix heures et demie du soir en été". Les dialogues ont la même puissance
que ceux de Raymond Carver : ce sont les mots qui ne sont pas écrits et que le
lecteur inconsciemment restitue qui font la force des situations, ce sont les
" dit-elle ", " dit-il ", véritables coups de
dés que ces deux auteurs utilisent pour graver les mots dans le marbre, chaque répartie
dans la vie, comme si le sort de lécrivain se jouait à chaque seconde.
(10/01/2001)
Jabandonne, de Philippe Claudel
De ce livre lu il y a quelques mois, cest une
impression à froid qui reste, quelque chose de rémanent, le sentiment dune
bouffée doxygène dans cette rentrée littéraire où le markéting vient couper
lenvie de lire et on loupe sans doute dexcellents ouvrages matraqués. Ce
nest pas le cas du livre de Philippe Claudel, dont on est un fervent lecteur depuis
la parution de son premier roman (le choix dun premier roman dont forcement on ne
connaît rien est souvent aléatoire. Pour moi, ce fut de mapercevoir que Claudel
était, non seulement provincial mais surtout des Ardennes... comme Rimbaud).
" Jabandonne " est un livre qui dénonce cette violence devenue
usuelle dune société qui pratique un humour vachard et stupide au point où on ne
sait plus quosciller entre cet humour destructeur et raciste (mais attention,
cest de lhumour !) et une complaisante et organisée solidarité pour se
donner bonne conscience. Ne pas osciller avec le troupeau, cest se sentir
completement étranger, presque au sens aussi fort que Camus, cest avoir le
sentiment de se marginaliser. Claudel réagit avec ses tripes et lon
saperçoit quon est plus seul, on respire. Oui, cest une bouffée
doxygène. (03/01/2001)
N6 de François
Taillandier
Lauteur nous convie à un
voyage de Paris à Turin par la nationale 6. Ce pourrait être la suite de quitter la
ville dAngot, un lieu où la route relie des lieux de province, chargés
dhistoire que François Taillandier analyse subtilement pour les relier à notre
présent galopant. En quelque sorte, un voyage dans lespace pour mieux maîtriser la
course folle du temps et des hommes. (27/12/2000)
Caîn et Abel avaient un frère
de Philippe Delaroche. La boîte de François Salvaing
Deux auteurs, deux époques mais
même histoire : familles de cadres dynamiques, reflets de la nouvelle économie. Ce
quil y a en commun dans les deux livres : la dissection dune époque qui
mange lhomme, labnégation de ces cadres qui se débattent mais ne se
révoltent jamais. Ce qui fait leurs différence : dans celui de Philippe Delaroche,
le protagoniste se débat pendant un laps de temps assez court, tout va très vite, on
constate lépoque, une intrigue baroque nous révèle un humour féroce, un comique
de situations échevelées et typiquement parisienne ; dans celui de François
Salvaing, létude de plusieurs décénnies est plus profonde et plus complète, plus
provinciale aussi, les protagonistes dépeints sur plusieurs années en deviennent moins
sympathiques, calculateurs et cyniques, lhumour qui ne manque pas dans le livre nous
met mal à laise.
Les deux sont de beaux romans, osons le titre
" dentreprise " ! (20/12/2000)
" Un cabinet
damateur " de Georges Perec
Ce court roman bâtit
une collection de tableaux jusque dans ses moindres détails. Histoires parallèles,
entrecroisées, impasses, ouvertures, cest un extraordinaire modèle de récit avec
en filigrane, une réflexion subtile sur le vrai, le faux, la réalité, la fiction.
Cest beau, cest du Pérec, un ouvrage pas assez connu peut-être :
découvrez-le ! (13/12/2000)
99 F de Frédéric
Beigbeder
Au début, ça paraît pas mal, ce type qui
part dénoncer la publicité. Très vite, cela vire à sexe, drogue (en plus sans rock n
roll). Je ne suis pas forcément puritain, mais je ne me reconnais pas dans ce
fatras : je ne fume pas, je ne bois pas (trop), des filles alanguies ne tournent pas
autour de moi, je ne parie pas mon boulot sur des magouilles oisives. Donc, si vous êtes
comme moi, si la vie de la jeunesse parisienne décadente (celle des quartiers chics
attention
) ne vous attire pas, évitez ce livre au risque de passer un peu tôt pour
un vieux con. Vous naurez pas perdu grand chose et même gagné du temps. Je ne me
reconnais pas dedans et cest bien le danger de ce livre qui comme tout discours
démagogique, oblige le quidam à se reconnaître dans un truc, un groupe, une norme, là
en loccurrence ce serait en tant quanti-publicitaire à travers un livre
quun marketing habile incite à acheter ! Suivez donc les conseils initiaux de
lauteur : trop de pub, passez votre chemin
(06/12/2000)
Les belles âmes, Lydie Salvayre
De ce voyage organisé au
pays des pauvres d'europe, on retient l'humour féroce, la leçon de tolérance et d'anti
voyeurisme. Dans le même genre, on se souvient d'un Aller simple de Van Cauvalert. Le
livre vaut beaucoup mieux que ce qu'en avait dit Lydie Salvayre à Pivot. (28/11/2000)
Les règles de lart, Génese et Structure
du champ littéraire. Pierre Bourdieu
On le lit comme on lit ces pavés de 500 pages peu
engageants : on pioche au hasard et le hasard fait bien les choses, on aboute les
paragraphes, on y prend goût, on trouve son compte. Les paragraphes " le
marché des biens symboliques", le " point de vue de lauteur",
les multiples exemples, largumentation fouillée. Tout cela met à nu, dépouille,
dissèque la création artistique avec acuité. Cest le genre de livre qui, après
lavoir lu, on saperçoit que ça nous manquait beaucoup. Tous, artistes,
auteurs, écrivains, tous, on devrait lavoir lu. (22/11/2000)
Parti, François Salvaing
Ce livre me ramène a dautres souvenirs :
avoir passé deux jours en 1980 à Paris, chez un type qui avait une bibliothèque
extraordinaire, je ne me souviens plus pourquoi jétais là-bas, une histoire de
boulot peut-être, jai juste le souvenir de bouquins sociaux, et limpression
que le type était membre du Parti. Et puis, jai tout oublié. Elections après
élections, jai regardé comme tout le monde le Parti dégringoler, le rose partout,
lémergence de la bête dextrème droite, la chute du mur, le grand mélange
au point que maintenant on ne sait plus si la mondialisation est une idée de gauche ou de
droite, si Mac Do est une philosophie, si la chute du mur cétait avant ou après
Walesa, avant ou après la création du Kosovo. Et puis je lis
" Parti ", je retrouve la mémoire, non pas la chronologie exacte, ça
ne minteresse pas, mais juste la chronologie de mes sentiments qui se sont
succédés évenements après évenements. Merci François Salvaing. (15/11/2000)
Terrasse à Rome, Pascal Quignard
Je commence le livre et hop ! le
lendemain, Pascal Quignard reçoit le Grand prix de lAcadémie Française pour ce
roman : quel pouvoir ais-je donc ? Du coup, le prix me pollue la
lecture : mérite-t-il ou ne mérite-t-il pas ? Du coup, on ne sait plus
apprécier, on est influencé par lauteur qui a déclaré vivre en ermite à la
remise de son prix. " Terrasse à Rome " devient lhistoire de
Meaume, le graveur, lermite, le Quignard. A la fin, tout de même, on se souvient de
la langue très belle et dépouillée de ce livre. (08/11/2000)
Le degré zéro de lécriture, Roland
Barthes
Oui, je ressors cette vieille lune
qui date de 1953, pierre angulaire incontournable de toute étude universitaire de lettres
modernes (il fait bien de dire quon " relit " Roland Barthes, de
même quil fait bien de dire quon " relit " Proust. Pour
ma part, Roland Barthes, je le découvre et Proust reste un inconnu, et même si jai
la naïveté de lavouer, jai le temps pour moi). Limpression est celle
dun immobilisme de la littérature depuis ce constat très lucide effectué depuis
47 ans ! Le problème de la vieille forme romanesque ou non, figée dans un langage
inadapté au monde reste actuel (rappelons que ce livre écrit seulement 8 ans après le
choc de la 2° guerre mondiale pouvait légitimement laisser espérer, induire une
évolution logique de la littérature). A la réflexion, limmobilisme que je
perçois nest peut-être dû quà la répétition, à la banalisation des
chocs guerriers depuis cette époque, car, finalement, la littérature évolue et de
nouvelles formes rendent compte depuis bien des années du monde moderne. Comme
dhabitude, ce monde, effrayé par sa modernité et sa marche rapide, encense nos
vieilles formes romanesques héritées du XIX° comme un repère rassurant. Pour ma part,
par conviction et espoir dans la marche du temps, je reste définitivement dans la
position inconfortable de la modernité, du côté de Roland Barthes.
Dix heures et demie du soir en été,
Marguerite Duras
Delle, cest le premier
quon a lu, emprunté à la bibliothèque (emprunté gratuitement, je veux dire pas
de paiment au nombre douvrages, ce qui fait quon na pas eu de jugement
faussé par un rapport à largent ne serait-ce que de 5F
) On a fini par
lacheter à force de le relire, cest plus pratique (et ce qui montre bien que
prêt gratuit en bibliothèque ne tue pas le buizenesse
). On en retient
lapparente facilité des phrases au présent qui ma incité à les observer à
la loupe pour en percer le mystère. Résultat : il ny a rien. Rien
dapparent tout du moins. Il ne reste quune formidable musique et les images
fantastiques de la nuit espagnole quelle suscite.
(25/10/2000)
Muriel Barbery, Une gourmandise
(Gallimard)
Que reste-il dun
livre lu ? De celui-là, une langue parfaite et maîtrisée, ce qui ne veut pas
dire insipide. Ce livre mérite mieux que son bandeau racoleur, étonnant pour Gallimard
(" métaphysique de la sardine grillée "). Phrases délayées comme
des sauces avec toutefois quelques mots toujours bien placés pour lesthétisme,
sans oublier la réflexion. On attend la suite de ce premier roman.
(18/10/2000)
Maurice Nadeau Grâces leur soient rendues,
Albin Michel
Les mémoires de Maurice Nadeau.
Classé par rencontre, on commence dans le désordre par les plus connus : Beckett,
Miller, puis on avance, on termine au hasard par Zilda la mère de Maurice. Il reste en
mémoire un formidable panorama de littérature (on en apprend des choses :
interactions entre écrivains éditeurs, époques !) poussé par laventure
dun homme hors du commun.
(11/10/2000)
Quitter la ville, Christine
Angot
Au dela de la séduction
purement formelle (voir article ci-dessous), Quitter la ville pose tout de même
la question du contenu et du fond, la question de lengagement de l'écrivain au sens
de Sartre. Et même si sur la forme, la vie moderne oblige de plus en plus à une
réversibilité des phrases (par exemple, p 70, "qui c'est qui se cache dans
l'avenir ? Ce n'est pas l'objet de ce livre" pouvant aussi bien signifierle
contraire), une habile rhéthorique n'empechera pas qu'engagement et désengagement, culte
de la personnalité et dépersonnalisation, ne sont pas aisément retournables. Cela
rappelle le discours de régimes extremistes. Ainsi le fond (l'histoire) apparaît sous
une forme finalement malsaine.
(11/10/2000)
Vu du ciel, Not to be, Sujet Angot,
Linceste, Christine Angot.
On lit tout cela avec ce sentiment
étrange de voyeur, de celui qui ne peut pas sempêcher de. On prend un autre livre
qui renvoie à de précédents. Au bout du compte, on narrive pas complètement à
détester, on apprécie même la langue brutale. Contrairement à Flaubert (Madame Bovary,
cest moi) Christine Angot passe son temps à expliquer que narrateur et auteur sont
différents. Comme on écrit aussi, on aime. On achetera le dernier " Quitter la
ville ".
(04/10/2000)
J6m.com Jean Marie Messier ; www.capitalisme.fr
Alain Minc
Bon sens macroéconomique,
capitalisme patrimonial, mythe de lexploitation de lhomme, illusion de
lépanouissement individuel, concurrence globale, forte rentabilité, interessement
rémunérateur, nouvelles régulations, élites, poids des structures. Quelques mots
puisés au hasard dans les deux lectures ci-dessus. Allez ! Reprenez avec moi tous en
cur : Bon sens macro
(27/09/2000)
"Tous les mots sont adultes", François Bon,
Fayard
Il considère tous ceux avec qui il travaille dans les ateliers
décriture. Jamais il ne dit, on vous a retiré le langage, je vais vous le
redonner, mais plutôt, vous avez un langage, il faut quil sorte. F Bon,
séfface, tout le monde réfléchit et les mots prennent leur envol, libérés et
adultes.
(27/09/2000)
Par moment, quand on lit les autres, cest
beau tellement quon se sent nul, bête, idiot envers soi-même, encombré dune
littérature inutile, on aimerait rentrer dans un trou de souris, on comprend
lexpression " avoir droit au chapitre ". (Cette phrase
réversible est également dans notes décriture)
(20/09/2000)
" Les choses de la vie " Paul Guimard
On lit le livre après avoir vu le film. Dailleurs qui
na pas vu le film ? On lit le livre et on associe laccidenté à Michel
Piccoli, hélène à Romy Schnéider. Jamais un film na été si proche dun
livre. Merci Claude Sautet. Pour ce qui est du roman, cest terriblement efficace,
fort, beau comme un destin en marche. On retiendra cette phrase (découpée au scalpel et
aussi belle quun haïku ) au moment précis où laccidenté va
disparaître : voici la mort,
avec sa gueule de raie.
(20/09/2000)
"Marguerite Duras", Laure Adler,
Gallimard
Adler aime Duras et ça se
voit. Mais ce n'est pas de l'amour aveugle. Tout y est argumenté, détaillé, on comprend
mieux cet enfant terrible de la littérature tour à tour géniale ou imbue d'elle même,
peut-être tout simplement seule. Une très belle biographie.
(17/09/2000)
Un atoll et un rêve, Paul
Zumbiehl, Guide Européenne du Raid, Albin Michel
Par hasard, on commence par
ce livre. Par hasard, on vient de créer un site web qui se nomme Feuilles de routes. Par
hasard, on a recopié Iles de Blaise Cendrars. Le bouquin est au pied du lit, on l'a lu
tout à l'heure en attendant la sortie du cours de solfège. Il y a un cocotier sur la
couverture, le sous-titre est une île, un homme, une femme,on a hâte que vienne la nuit
pour reprendre la lecture et accompagner le narrateur au milieu des plages. On l'a déjà
emprunté plusieurs fois gratuitement à la bibliothèque, on oublie l'histoire, elle
n'est pas importante.
Il n'y a pas de petite ou de grande littérature, il n'y a pas de genre, romans,
témoignages, nouvelles, récits, poésies. Il n'y a que des mots, des lettres, taches
noires dans une banquise de page blanche, on avance, encore un effort, on grimpe jusqu'à
la prochaine lettre, on s'aventure.
Un atoll et un rêve, comme tant d'autres bouquins, c'est tout cela, pas grand chose en
fait.
(13/09/2000)
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