depuis septembre 2000
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Il se pourrait que je
disparaisse
un jour sans trace
parution janvier 2019
Histoire
de l'histoire (enfin des trois histoires)
Échos -
presse
Histoire
de l'histoire :
L'histoire de ce livre a commencé à me
trotter dans la tête alors que je travaillais encore. C'était probablement pendant
l'année 2016. Mon job à Orange consistait à faciliter le départ des salariés en fin
de carrière vers des associations d'intérêt public et je venais de visiter Emmaüs pour
un collègue intéressé par cette structure qui s'occupe de ramasser ce que nous ne
voulons plus garder. L'idée initiale était très floue, représenté à la fois par
cette fuite formidable et insensée des objets et le quotidien précaire des compagnons
qui y uvraient. L'idée de la disparition était déjà présente. Je me souviens en
avoir parlé deux fois avec l'écrivain Michel
Bernard, la seconde fois en janvier 2017 au moment où j'arrêtais mon activité,
remplacée par un labeur intense pour terminer enfin la thèse
entreprise depuis longtemps. Le livre est ainsi resté en suspens jusqu'au dimanche 12
novembre 2017 (j'ai l'habitude d'indiquer les dates de début et de fin d'écriture).
Entre temps, la parenté de cette histoire avec celle de Robinson Crusoé m'était
apparue, c'est pourquoi le titre choisi est une citation de Michel Tournier dans Vendredi
ou les limbes du pacifique. Bien sûr, les mises à jour de Feuilles de route
ont régulièrement évoqué l'avancement de ce livre : voir ci-dessous.
(07/01/2019)
Nom de code ST : ça veut dire comme d'habitude que j'ai
commencé à écrire un nouveau livre sous cette abréviation. ST comme
"sans temps" mort, on pourrait dire puisque j'ai démarré ce nouveau texte le
12 novembre, tandis que ma thèse en version définitive date du 24 octobre. Je renoue
avec plaisir avec l'écriture d'invention, sans l'obligation d'argumenter chacune de mes
phrases et de citer mes sources ! Ceci dit, j'ai tout de même pris grand plaisir à
l'exercice académique pendant la quasi année qu'a duré la rédaction finale. Mais
l'écriture d'un nouveau texte est un instant désarçonnant : il est vrai que j'en avais
l'idée depuis plusieurs mois, gardée bien au chaud en attendant que le projet
universitaire prenne fin : même avec l'habitude de mener plusieurs projets de front, il
aurait été difficile de lier les deux écritures de surcroît si différentes dans leurs
principes même. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai un peu traîné sur le chemin de ma
thèse : pas moins de cinq livres sont venus s'intercaler au cours de mes recherches.
depuis 2009. Il est bien sûr trop tôt pour dire si ST verra le jour. Le texte
que j'entrevois est dans une phase de balbutiements, la voix, les voies sont encore à
trouver.
(Notes d'écriture du 28/11/2017)
Deux notes d'écriture sur Michel Tournier et pourquoi Robinson Crusoé :
" Car il en est des écrivains comme des coureurs : il y a des sprinters et des
spécialistes du fond et du demi-fond. Certains bouclent leur uvre en trois
semaines. On dit que Stendhal dicta La Chartreuse de Parme en cinquante-deux
jours. Á d'autres, il faut du temps, beaucoup de temps. Ce sont des marathoniens.
J'appartiens à cette sorte. Un manuscrit mûrit dans ma tête et sur ma table quatre ou
cinq années. Je comparerais volontiers à une grosse marmite mijotant à très petit feu
et dont je soulèverais à tout moment le couvercle pour ajouter quelque ingrédient
nouveau. Ou à une maison que je construirais seul autour de moi, n'ayant rien d'autre
pour m'abriter, et donc grelottant au début sur un chantier informe battu par tous les
vents, puis aménageant un espace de plus en plus avenant. La dernière année est
angoissante et délicieuse à la fois. Parce que le roman approchant de son achèvement,
mon esprit parcourt avec un bonheur naïf ses pièces et ses dépendances, apportant
par-ci, par-là des améliorations de détail, mais il est fatigué en même temps de cet
édifice trop lourd, trop compliqué dont il est le seul habitant et dont il a hâte de se
débarrasser pour se livrer à des jeux nouveaux et en attendant interdit. Car rien n'est
plus séduisant que les uvres futures, rêvée pendant que s'achève dans la douleur
un travail de longue haleine. Elles ont toutes la fraîcheur gratuite et légère qui
manque au livre en chantier, Sali par les efforts et les incertitudes. Il n'empêche que
la rupture est blessante et marque le début d'une période errante et désemparée.
" (Michel Tournier, Le Vent Paraclet, Pléiade, p. 1435-1436.)
(15/01/2018)
En 1719 paraît le roman de Daniel Defoe Robinson Crusoé. Il est inspiré par
une histoire réelle, celle du marin anglais Alexandre Selkirk qui fût débarqué en 1704
sur une île déserte de l'archipel Juan Fernandez et y vécut pendant 4 ans. Récupéré
au hasard d'un bateau, son retour et son aventure fait le tour de l'Angleterre, avant que
le marin ne renoue avec la mer à bord d'un négrier et y périsse de la fièvre jaune ou
de noyade en 1721, à l'âge de 45 ans. En réalité, le récit de Defoe qui connut un
grand succès, est considéré comme un écrit précurseur de la forme prédominante du
roman occidental, de même que le Don Quichotte de Cervantes, rédigé en Espagne
un siècle plus tôt (selon Marthe Robert, Origine du roman, roman des origines).
Ce dernier, qui appartient à la littérature picaresque, a en commun avec Robinson, son
inépuisable énergie qui dote pareillement les deux héros, et aussi l'accompagnement
d'un tiers dévoué mais qui reste dans l'ombre : Sancho Panza et Vendredi. La question de
l'invention d'un romanesque est importante car les caractéristiques d'une telle fiction
n'ont pas changé : irruption du hasard et des péripéties, uvre d'imagination,
tension avec le réel (notamment pour Robinson qui s'appuie sur une aventure vécue). Le
thème en particulier du monde neuf qui est à construire avec Robinson connaît un
engouement. L'irruption du " bon sauvage " cher à Rousseau (qui tenait le roman
de Defoe en grande estime) rassure un monde à l'aube d'un colonialisme européen qui
s'accapare les dernières terres à découvrir. Les robinsonnades inspirées par le récit
de Defoe vont dès lors fleurir. Le principe est toujours le même : le héros échoué
seul (ou pas) dans une contrée inhospitalière doit organiser sa survie. Évidemment, de
nos jours, il n'y a plus beaucoup d'endroits inhabités (quoique : la désertification
qu'induit l'aménagement mondial du territoire vers les grandes villes va probablement
révéler des zones de moins en moins habitées, par exemple, mon département rural a
perdu 25% de sa population en 50 ans...). Les robinsonnades nouvelles manières mettent
souvent en scène la science-fiction, planètes à découvrir, stations spatiales
abandonnées, guerres nucléaires en regard desquelles le film Seul au monde
demeure une robinsonnade classique. On peut aussi imaginer d'autres déserts : virtualité
du Web, solitudes urbaines
Peu importe l'intrigue, en fait la robinsonnade met en
jeu toujours trois éléments : Robinson, Vendredi et l'environnement. Ou, décliné
autrement, notre prise avec la sauvagerie, notre allégeance à l'institution,
l'éducation, le besoin de règles et, a contrario, notre créativité qui a besoin de
s'affranchir d'un monde pensé par d'autres, de trouver des voies originales : on le voit,
la robinsonnade est très actuelle. Tour à tour, nous sommes dans une même journée
Robinson, en accord avec le monde, Vendredi en révolte, et nous prenons souvent la place
de l'institution avec nos incessants yakafaukons. Michel Tournier, à l'aube de
la génération 68, avait tout misé sur des thèmes philosophiques pour sa robinsonnade,
notre rapport à la mort, à la vie
L'actualité est plus prosaïque : on cherche
maintenant des préjudices d'anxiété pour exorciser nos peurs. Nous voulons des vies
lisses, Robinson est devenu trouillard et Vendredi se cache parmi les migrants.
(22/01/2018)
Le nouveau livre avance assez vite, à un rythme d'environ 80 pages par
mois (du moins retranscrit en pages habituelles d'un format de roman). Je pense avoir
dépassé la moitié de cette histoire, ce qui me remplit d'aise : si je fais un
parallèle avec la course à pied, c'est souvent à partir du 12ème kilomètres pour un
semi-marathon, par exemple, que l'on devient à peu près certain de terminer une
compétition de fond. Donc, je devrais mener au bout cette histoire qui commence par
ailleurs à fabriquer elle-même sa propre logique, sa propre explication, ce que j'ai
l'habitude d'appeler le roman du roman. C'est un grand soulagement pour moi, car jusqu'à
début février, je n'étais pas persuadé avoir choisi un bon sujet, ni commencé à
trafiquer quelque chose qui me correspond. Maintenant, je n'ai plus d'hésitation. Pour ce
livre, mais de plus en plus comme pour les précédents, lorsque je m'assois à mon bureau
(ma table de peine, comme dirait Pierre Bergounioux) pour reprendre la suite de mon
écriture, je relis à haute voix le chapitre écrit les veilles. Cependant, pour ST,
ce gueuloir à la Flaubert s'est modernisé : je me sers du micro intégré à mon
micro-ordinateur pour enregistrer ma lecture. Je peux ainsi repasser ma lecture numérique
indéfiniment à la manière d'un livre audio. Ces écoutes supplémentaires me permettent
de savoir si le texte tient bien en bouche, mais surtout contribuent à me rassurer. Je
trouve ainsi que j'ai une très belle voix c'est déjà ça !
(Notes d'écriture du 12/03/2018)
Écrire pourquoi ? Tandis que je relatais la semaine dernière cette
question qui m'avait été posée ainsi qu'à un collectif d'écrivains, c'est plutôt
l'inverse cette semaine : " écrire pourquoi ne pas " tant je constate
l'évitement à continuer le livre en cours. Pourtant tout fonctionne bien : le livre au
nom de code ST a reçu l'assentiment de mon éditrice et c'est le principal. Je
prévois qu'il sera terminé au début de l'été. J'ai dépassé 200 pages en format
roman et l'histoire s'achemine dans son dernier tiers probablement. Mais depuis une
quinzaine de jours, force est de constater que je n'avance pas beaucoup. Pour ma défense
(ou plutôt celle du livre), la semaine dernière a été chargée, Paris, Thiers,
Clermont, et jusqu'à neuf personnes chez nous pour le week-end pascal.
Il a toutefois d'autres explications à ce ralentissement. L'idée d'abord que ce livre
n'est pas essentiel pour moi, ou du moins, n'est pas (ne sera pas) remarquable dans mon
parcours. C'est une sorte de livre " de passage ", un livre " en attendant
". En effet, il m'importait tout d'abord de me remettre en selle rapidement dans
l'écriture d'invention, romanesque, après l'année 2017 consacrée entièrement à
l'écriture pointilleuse et argumentée de ma thèse. La question de savoir si les
réflexes qui président au roman reviennent, n'était pas si évidente que cela : au
moins je suis rassuré, c'est déjà cela. L'histoire de ST, en revanche, ne
m'apparaît pas essentielle. Rien de déconnant par ailleurs, je laboure les terres que je
connais, les thèmes qui me sont chers, c'est du Beinstingel, on n'est pas dépaysé.
Mais justement, est-ce vraiment très neuf ? Ou peut-être ai-je justement envie
d'emprunter d'autres voies ou de revenir à d'anciennes ? Deux livres me trottent dans la
tête. L'un, qui doit s'écrire à la culotte des choses, pourrait me faire revenir de
plain-pied dans le monde du travail, délaissé depuis "Ils désertent ".
L'autre est un projet qui me tient beaucoup à cur, mais c'est aussi le genre
d'histoire qui marque un écrivain, le genre de chose que l'on repousse, à se demander si
tout ce qu'on a écrit précédemment ne va pas se cristalliser dedans, bref, cette
fois-ci un livre essentiel à mes yeux. Je l'ai longtemps repoussé, ce n'était pas
encore le moment, mais l'échéance approche et j'ai moins peur de m'y atteler. Voilà :
écrire, pourquoi ne pas
commencer, continuer
etc., petits atermoiements
momentanés me semblent liés à une période un peu charnière.
Par ailleurs, charnière aussi me semble ma situation dans le monde : après cette année
de retrait, revient la grande envie de participer à nouveau, d'autant plus que le monde
change, politiquement et socialement pour du moins bien, je sais que je ne pourrais pas
taire longtemps les énervements qui me font réagir (d'où Contre-feux de Pierre
Bourdieu en note de lecture cette semaine, baume au cur).
Quant à ST, nulle inquiétude, il avance de son train de sénateur, et sait-on
jamais, le succès d'un livre est toujours une histoire de malentendu.
(Notes d'écriture du 06/04/2018)
ST : nom du fichier sous lequel j'enregistre les versions
successives du roman en cours. Et justement, je suis en train de terminer ST
précisément. J'ai fini ce qu'on pourrait appeler le premier jet et qui n'est que le
moment où l'on achève le dernier chapitre : c'était vendredi dernier. Fin provisoire,
il reste des corrections à faire, mais on se sent finisher tout de même, et, à deux
jours du Marathon que je relate en rubrique Étonnements, il m'a semblé important que
l'écriture puisse s'achever avant, il y a tout même un ordre des priorités dans ma vie
et celle de mes passions.
J'ai donc aligné ce vendredi une somme importante de phrases pour m'acheminer vers la
ligne d'arrivée ; j'ai ainsi dû rédiger pas loin de vingt pages (l'équivalent de 20 km
?). Lorsque je reprends ce fichier le lendemain du marathon, à la relecture, il me semble
que la fin de ST tient la route et je décide de laisser tel quel ce premier jet.
La tête encore dans les nuages de ma course à pied, je me sens ainsi double finisher.
D'un côté, cinq heures et vingt-neuf minutes pour la course à pied, de l'autre
exactement six mois et vingt-sept jours pour l'écriture. Reste à vivre le plus
intéressant : se plonger dans le futur livre pour tout relire, corriger et harmoniser.
(Notes d'écriture du 12/06/2018)
J'ai terminé ST. J'en avais déjà parlé dans cette même
rubrique le 12 juin dernier. Poser le dernier mot d'un livre, sentir que c'est fini est
une joie considérable. Presque un peu incroyable. On se demande si le récit entrepris
est vraiment achevé. Parfois c'est évident : Pour VPAR (Vie prolongée
d'Arthur Rimbaud) la prolongation de vie que j'avais imaginée de Rimbaud prend fin
à la seconde mort que je lui invente. Pour ST, c'est différent. Tout d'abord il
a fallu que je renoue avec les réflexes de la fiction. L'écriture argumentative de ma
thèse pendant un an avait entamé plus que je ne le pensais ma capacité de création
romanesque. Pendant toute l'écriture de ce nouveau récit, j'ai souvent eu l'impression
que j'en faisais trop, ou pas assez. Et puis, même avant la thèse, les derniers romans
avaient été différents : en 2016, VPAR était marqué à la culotte par la
véritable histoire de Rimbaud, au jour le jour ou presque. En 2015, j'avais repris Journal
de la canicule à partir d'un texte conçu en 2009. Il faut peut-être remonter à
2013-2014 au moment de l'écriture de Faux nègres pour retrouver ces moments de
doute, tous relatifs d'ailleurs. La triple histoire que j'ai conçue pour ST est
par ailleurs assez déstabilisante. Je n'ai cessé de me demander si je faisais le bon
choix de disperser ainsi mes protagonistes.
C'est pourquoi au moment de la dernière phrase, il m'a paru essentiel de tout reprendre,
de donner du liant, de la cohérence au récit, cohérence qui existait bien sûr, mais
bon, je voulais me rassurer. C'est chose faite.
J'ai noté en bas de mon tapuscrit cette petite mention " Dimanche 12 novembre 2017,
vendredi 08 juin 2018, fin des corrections le 28 juin 2018 ". J'aurai donc mis sept
mois et seize jours avant d'envoyer le jour même de la fin de mes corrections le
manuscrit/tapuscrit à mon éditrice. D'ailleurs comment nommer le fichier numérique que
l'on remet par messagerie ? Manuscrit est impropre : rien n'est manuel chez moi, je
n'écris jamais au stylo. Tapuscrit ? Mais cela suppose que j'imprime au préalable sur
papier un document, or je n'en fais rien non plus. Je n'imprime jamais rien. Lorsque j'ai
envie de relire certains passages d'une manière confortable, je transforme mon fichier en
version pdf, plus facile à récupérer sur ma tablette. En fait, la véritable fin d'un
livre pour moi revient au moment où j'essaie d'imaginer l'apparence qu'il aura en tant
qu'objet livre. Par exemple, je suppose que ce nouveau roman devrait approcher (atteindre
? dépasser ?) 300 pages. Toutefois rien n'est fait et ce projet, bien qu'il ait été
régulièrement suivi par ma maison d'édition, n'est pas encore officialisé. Pour rester
dans l'air du temps, je me sens un peu comme un footballeur qui vient de déposer son
ballon au point de pénalty : le plus important est à venir.
(Notes d'écriture du 03/07/2018)
Nouvelle toute fraîche : j'ai rencontré hier mon éditrice de la grande
maison Fayard. J'évoquais dans la précédente note d'écriture l'envoi du fichier
correspondant à ST le 28 juin dernier. Cette rencontre a entériné le projet : ST
devrait effectivement paraître en janvier prochain. Même si l'affaire avait toujours
été engagée sur ces bases, il y avait toujours le risque que le texte complètement
achevé ne plaise pas. Or, ce n'est pas le cas, donc youpi.
Il me reste à peaufiner quelques relâchements du texte, un début un peu trop
tarabiscoté, des relations entre personnages à affirmer. Peu de choses au final,
quelques paragraphes à modifier, quelques phrases à ajouter pour lever des ambiguités.
J'aime ce travail du texte et j'aime aussi que l'éditeur joue ainsi pleinement son rôle.
Mes deux précédents éditeurs avaient à chaque fois refusé le deuxième manuscrit que
je leur avais présenté (à juste raison d'ailleurs), je n'ai jamais insisté, ni
adressé ailleurs ces projets. J'ai toujours pensé qu'en agissant ainsi, ils avaient en
quelques sorte gagnés leurs galons d'éditeur, capables d'encenser un texte, mais aussi
capables de stopper quelque chose qu'on ne sent pas. Pas de refus cette fois-ci pour le
premier vrai projet suivi en entier par mon éditrice dans un réel rôle de décideur, de
l'idée initiale à la conclusion. Ce qui n'exclut pas une lecture fine et des suggestions
judicieuses et c'est vraiment ce que j'attendais. Je suis parfois du genre à ne pas voir
l'arbre qui cache la forêt, à laisser une structure bancale s'installer et il est bon
que ces aléas obligatoires de la créativité me soient signifiés. J'ai toujours pensé
que l'écriture était un travail d'équipe, dont acte.
En même temps, notre rencontre a permis d'éclaircir ce qui se dessine par la suite,
d'imaginer quelques échéances futures. Beaucoup de choses se mettent en place, il est
trop tôt pour en parler mais déjà il convient d'organiser tout cela. Et relater ces
perspectives encore floues sur FdR un vendredi 13 me paraît la meilleure date.
Je ne suis pas superstitieux, mais je ne passe pas sous les échelles.
Au fait, le titre, s'il est accepté, sera long et portera comme initiales ISPQUJJDST :
avis aux amateurs de devinettes.
(Notes d'écriture du vendredi 13/07/2018)
[...] la tâche de correction de ST m'apparaît plus ardue que je ne pensais :
l'un des trois personnages principaux est un peu faible au regard des deux autres, je m'en
aperçois à la relecture, je dois l'affirmer, le préciser davantage et cela va encore me
prendre probablement une quinzaine de jours.[...]
(Notes d'écriture du 17/08/2018)
[...] ma maison d'édition m'a gentiment contacté hier pour le futur
projet ST : quel plaisir d'entendre à nouveau parler de projet de couverture, de
quatrième, bref, tout ce qui s'annonce. Les affaires reprennent donc, sans compter Y,
nouveau nom de code, donc de futur bouquin (enfin j'espère). Etrangement, je pensais à
cela en me remémorant mon périple entre Marne et canal, Y devrait être un
" roman-fleuve ", dans tous les sens du terme. Mais il est encore temps d'en
parler même si l'impatience de m'y mettre est grande. En attendant, en route vers la
publication de ST et la sortie de VPAR en poche !
(Notes d'écriture du 24/08/2018)
" Ils sont trois.
Elle enseigne l'allemand dans un lycée mais tente aussi d'inculquer des notions de
français à des migrants accueillis par une association humanitaire.
Lui a accepté le travail le plus étrange de sa vie : gardien d'une station de pompage
même plus en service et si isolée au milieu d'interminables champs de maïs que son
employeur a dû l'y faire déposer en hélicoptère.
La troisième, encore aux études, gagne sous le manteau un peu d'argent en rendant visite
à un garçon autiste que celle qui se présente comme sa mère cache aux services sociaux
dans un immeuble de la périphérie voué à une démolition prochaine.
Tous les trois vont faire, à des degrés divers, l'expérience de l'effacement, de la
perte des repères et des habitudes qui tiennent lieu le plus souvent d'identité. Mais si
c'était pour mieux découvrir ce que vivent d'autres gens, et notamment les plus faibles
? "
Voici l'argumentaire pour ST proposé par ma maison d'édition.
Je le trouve simple, efficace, allant droit au but. C'est drôle parce que la plupart du
temps, je ne sais pas évoquer l'histoire (l'intrigue ?) de mes propres livres. En
particulier pour ce dernier, je bredouille vaguement qu'il s'agit d'une histoire à trois
voix, et rapidement j'oblique vers le rapport avec Robinson et Vendredi, parce que mes
éternelles questionnements sur les îles désertes, l'impossibilité de découvrir des
terres vierges, notre instinct à vouloir toujours refaire ce que nous connaissons, notre
peur devant le trublion qui vient nous déranger, ont été à la base de ce livre. Mais
je confonds cette cuisine interne qui a mené au livre avec un résumé. Elle n'est pas la
préoccupation première du lecteur. Il veut savoir ce que ça raconte (à ce propos, le
titre d'un roman de la rentrée littéraire Ça raconte Sarah est un argumentaire à lui
tout seul
). Seulement, je suis persuadé qu'un auteur est probablement le moins apte
à décrire son livre parce que bien des réticences l'empêche de le formuler. Le mot
" migrants ", par exemple, il est vrai que pas mal de migrants traversent cette
histoire, ce ne sont des personnages principaux, ils se fondent dans le paysage comme
actuellement, mais en même temps ça m'importune de réduire cette histoire à ce thème
actuel qui traverse la littérature française, mais il y aurait beaucoup à dire sur ma
réticence, sur ce thème aussi, pourquoi est-il si émergent ? (dans une future note
d'écriture ?). En même temps de voir étalé ainsi le résumé me place devant le fait
accompli : c'est bien un roman que j'ai fait. Ce n'est pas si évident de se l'avouer.
" L'ère du soupçon ", expliquée par Nathalie Sarraute nous taraude encore,
nous qui avons entrepris d'écrire avant la fin du siècle dernier. Avec un roman de
facture classique, je bafoue les interdits littéraires alors édictés, je choisis "
mes personnages ", je bâtis " mon histoire ", bref je prends le pouvoir
comme les romanciers du XIXème, et le pouvoir c'est le mal, disait-on alors.
(Notes d'écriture du 28/09/2018)
La parution prochaine de ST en janvier bouscule le calendrier. Je
feins de m'en étonner, pourtant quoi de plus normal de prévoir déjà en octobre la
réunion des " repré. ", abréviation de représentants que les " pro.
" de ma maison d'édition laissent parfois échapper. Le représentant est à la
maison d'édition ce que l'ancêtre de mon roman Ils désertent est au papier
peint : tous deux sont des sortes de grossistes et travaillent avec d'autres
professionnels, qu'ils soient libraires ou revendeurs en tapisserie. Le rôle du "
repré. " est important : il vise à la bonne visibilité de ces livres, il annonce
les nouveautés. Pour Fayard, il y a beaucoup à faire, le catalogue est diversifié et la
littérature française occupe une place, certes méritable, mais pas exclusive de sa
production. C'est justement cette variété qui m'a toujours plu dans cette maison : ne
pas être exclusivement sur la sellette d'une collection exclusivement littéraire, mais
voisiner avec des essais politiques, sociaux, des documents historiques. Bref, me voici ce
mercredi confronté avec les " repré. " de la maison, une bonne trentaine
réunis dans un hôtel de Paris. Je repère des visages connus, ce n'est pas la première
fois que je me frotte à l'exercice. Comme d'habitude, j'ai bafouillé pendant quinze
minutes, j'ai essayé d'être vivant et de persuader, mais ce n'est jamais facile. Pour
autant, je serai " repré. ", je serais content qu'un auteur vienne m'expliquer
pourquoi il a conçu un livre, un roman, un essai. J'ai l'impression qu'on retient mieux
l'argumentaire qu'on va présenter aux libraires. Et puis, c'est l'occasion pour moi
d'entériner cette future parution : elle devient réelle, je l'explique, j'en suis très
heureux.
Autre motif de satisfaction, j'ai reçu les premières corrections concernant mon texte.
Elles sont importantes : on commence à travailler dans la cohérence du texte, on
déniche les lourdeurs, les répétitions, la concordance des temps, on débusque les
maladresses, les fautes. Je travaille ainsi sur une version du texte qui sera proche de ce
qu'on appelle les épreuves, donc qui donnent déjà l'aspect final du livre : celui-ci
dépassera comme je le pensais 300 pages. Je me suis ainsi glissé avec beaucoup de
plaisir dans ces premières corrections. J'ai toujours été sensible à l'aspect physique
d'un livre et tout ce qui peut m'en rapprocher est évidement bienvenu. Et puis c'est une
manière de me réapproprier le livre, d'en devenir son premier lecteur et dieu sait si
pour ST je me suis senti bizarrement loin jusqu'à présent. Nouveauté : pour ce
livre, je procède de deux manières : d'abord je valide et j'intègre les suggestions
dans le texte, puis, chose inédite, j'enregistre le chapitre à voix haute (j'ai ainsi
une version audio complète de mon livre). Il n'est pas rare que je débusque alors
d'autres corrections à apporter. En plus d'être le premier lecteur, je suis ainsi le
premier auditeur à écouter la voix de l'auteur qui est moi : quelle schizophrénie !
A noter que j'en ai profité pour repérer deux contrepèteries, évidemment
volontairement intégrées : c'est une manie, une sorte de porte-bonheur voulu par mon
esprit carabin. Chacun de mes romans en contient au moins une. Avis aux amateurs : pour ST,
elles figurent aux chapitres 32 et 34.
Au final, je suis très content que la réunion des " repré. " de mercredi ait
coïncidé avec cette série de premières corrections, d'abord je me suis aperçu que
j'arrivais à mieux en parler, ensuite certaines appréhensions que j'avais au sujet de
cette histoire emberlificotée se sont dissipées : le titre, que je jugeais trop long par
exemple passe bien, et l'histoire qualifiée de " magnifique " m'a fait
évidemment très plaisir.
(Notes d'écriture du 05/10/2018)
ST se précise. Il est temps, car la parution aura lieu dans deux
mois, pour la rentrée de janvier. J'ai corrigé les premières épreuves avant mon
départ et au retour voici les traditionnelles secondes et dernières épreuves avant le
fameux " bon à tirer " qui lancera la production du livre. Restait aussi à
finaliser la " couv. " comme on dit, l'illustration de couverture. J'ai toujours
aimé ce moment où d'une façon collégiale avec l'éditeur nous choisissons parmi les
différents projets. Le titre de ST qui commence a circuler parmi les sites en
ligne des libraires est long. Une fois n'est pas coutume, j'ai voulu essayer un titre
imagé, une phrase complète qui renseigne le lecteur (ou le fourvoie
). Bref (enfin
si l'on peut dire), ça s'appelle Il se pourrait qu'un jour je disparaisse sans trace
(quatorze syllabes, d'où le sigle ST, plus rapide pour nommer mon machin). C'est
une citation de Michel Tournier dans Vendredi ou les limbes du Pacifique et il y
a forcément un rapport avec l'histoire. Ça fait aussi Marc Levy comme titre (ou Fred
Vargas). En fait, j'espère secrètement attirer par ce truchement quelques dix mille
lecteurs supplémentaires
Trêve de plaisanterie, avec un titre pareil,
l'illustration de couverture ne pouvait être qu'abstraite, histoire de ne pas ajouter à
la surenchère d'images provoquée par cette longue suite de mots. Nous avons donc choisi
une couverture " bleu pétrole " avec un entrelacs de vagues bitumeuses. Et
comme j'en ai déjà beaucoup dit, je la laisse encore un peu en suspens.
(Notes d'écriture du 12/11/2018)
ST, bandeau et autres préparatifs : une semaine après le choix de la
couverture, ma maison d'édition me demande mon avis pour un bandeau amovible avec photo,
qui doublera mon nom. Cette option a été prise dès la rentrée littéraire
précédente, sans doute histoire de donner une plus grande lisibilité au rayon "
littérature générale " qui le mérite bien. Le cliché de mézigue est de Richard
Dumas, excellent photographe qui m'avait fasciné par sa manière de travailler uniquement
à l'argentique. Anecdote : alors qu'on échangeait sur la difficulté de trouver des
appareils de ce type, il m'avait raconté en avoir acheté un en Russie, très rustique,
qui avait consenti à ne livrer que douze photos sur une pellicule de 36 poses. Et
d'ajouter avec un sourire désarmant : " C'était forcément les meilleures ! ".
Il est donc temps de dévoiler la couverture :
(Notes d'écriture du 19/11/2018)
Service de Presse pour ST : je retrouve avec plaisir Fayard, rue du
Montparnasse. Plaisir de sonner à laccueil, de voir Dominique et Jean-François, de
croiser Carole et Pauline (failli pleurer de rire avec elle en évoquant ensemble nos
périples à Morges en 2014 - voir Webcam du
10/09/2014)). Le Service de Presse, le SP comme disent les pros, est un exercice
fastidieux, autant le faire dans la bonne humeur. Dominique ma préparé une liste
de journalistes divers et variés, à peu près deux cents, auxquels je dois envoyer mon
nouveau livre, agrémenté dune dédicace, que, généralement, je personnalise.
Autant dire que lécriture ne chôme pas pendant trois à quatre heures. Pour se
faire, je suis reclus dans une petite pièce à côté de lopen-space des
attaché(e)s de presse, endroit dont la porte reste ouverte et donne sur les casiers
dévolus au courrier. Ainsi pas mal de monde passe par ici et cest plus sympathique.
Mais surtout, cest loccasion de découvrir le livre, tout juste
fabriqué : il est vraiment très beau avec un bandeau du plus bel effet, une belle
photo de moi (la photo est belle, elle est de Richard
Dumas ; limage du type dessus mindiffère même sil a une vague
ressemblance avec celui que je croise dans le miroir de la salle de bain). Jai
apporté un sac pour ramener mes propres exemplaires dauteurs, mais le premier de la
pile que je touche devient mon exemplaire, cest comme cela depuis mon premier livre,
vieux fétichisme
Bref je mattelle au SP à un rythme denfer toute la
matinée et découvre dès les premières dédicaces que le titre long, sil
présente un désavantage pour le retenir par cur, est en revanche parfait pour
personnaliser celle-ci, car il sonne comme un début de phrase qui attend sa conclusion.
Ainsi Il se pourrait que je disparaisse sans trace
est complété au gré des exemplaires par « le plus tard possible »,
« mais pas avant que vous ayez parlé de mon livre » et autres
mentions loufoques. En début daprès-midi, Gaspard-Marie
Janvier vient me saluer, nous étions ensemble à la rentrée littéraire de septembre
2012 et avions obtenu tous deux notre nomination au Goncourt, lui pour Quel trésor ! et moi pour Ils désertent. Nous partageons à nouveau une
rentrée littéraire, cette fois-ci en janvier et échangeons nos livres. En route
maintenant pour de nouvelles aventures !
(17/12/2018)
Échos - presse
5 janvier 2019 : article de Claire Devarrieux
dans Libération : Miséricorde à bras-le-corps, relayé par les recommandations du Cahier Livres
19 janvier 2019 : merci à François Bon d'en parler si chaleureusement dans son service de presse N°
58 (vers la 19ème mn)
23 janvier 2019 : coup
de cur d'Emmanuelle de La maison du livre de Rodez sur Onlalu
23 janvier 2019 : article de Christan Palvadeau pour la Médiathèque
départementale du Doubs
23 janvier 2019 : merci à Clara et les mots pour cet article élogieux
27 janvier 2019 : article de Danactu-résistance
28 janvier 2019 : article de Nicole Grundlinger dans Mots pour Mots
30 janvier 2019 : article de Bernard Quiriny dans le nouveau Magazine Littéraire
31 janvier 2019 : article
de Jean-Claude Lebrun dans L'Humanité
03 février 2019 : Interview de Thomas
Bougeliane et critique de Françoise Ramillon dans le Mag du Journal de la Haute
Marne
07 février 2019 : article
de Christian Authier dans Le Figaro Littéraire
08 février 2019 : article
dans Le blog du petit carré jaune
03 mars 2019 : article dans Les livres de Joëlle
23 mars 2019 : article de Pierre Darracq dans Sans connivence
28 mars 2019 : article dans Les Livres de K79
6 février 2020 : article dans Hop ! sous la couette
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