depuis septembre 2000
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Du mardi 7 au mardi 28
mai 2024
Atelier
décriture à la médiathèque de Vitry-le-François
Première séance, mardi 7
mai :
Cet atelier, proposé dans le cadre
de la 28ème édition (ouahhh
) du Festival de lécrit, initié par
lassociation Initiales sest organisé en deux temps, trois mouvements
avec quatre séances prévues, chaque mardi matin du joli mois de mai.
Nous nous retrouvons ainsi pour cette première séance à la médiathèque de
Vitry-le-François, dans une vaste salle. Les participants sont déjà installés par deux
ou trois autour de tables. Jai galéré un peu pour trouver la médiathèque aux
milieu des immeubles et je suis arrivé 10 mn en retard.
Je mattendais à trouver 18 personnes selon la liste des participants quon
ma fournie auparavant avec 11 nationalités différentes et des niveaux en français
allant du grand débutant à la maitrise parfaite de la langue. Pour ce premier cours, 9
personnes sont venues. Les Afghans sont en majorité, un groupe constitué de 6 jeunes
hommes. A une table, deux mamans marocaines et un français égaré complètent le groupe,
ainsi que trois accompagnateurs, membres dInitiales.
Jignore que les séances suivantes ajouteront lAlgérie, la Serbie, la
Roumanie et même la Sibérie à cette carte du monde
En guise de présentation, je montre rapidement mon travail décrivain, plus
histoire de mexprimer plutôt que dasseoir une quelconque légitimité, qui ne
représente rien pour eux. Jai lhabitude dexposer ma quinzaine de livres
dans un panier, comme une sorte de maraîcher venu vanter ses salades. Mais je vais vite
droit au but : cest à eux de parler, plutôt quà moi. Je demande à
chacun de se présenter en écrivant leur prénom en acrostiche. Cela permet de connaître
rapidement le niveau de compréhension, de lecture et décriture en français et le
dialogue sinstaure rapidement (« A comme Assia, ma fille », écrit
Aicha : ce qui me donne loccasion de nouer connaissance, combien
denfants, quels âges, de comparer avec ma progéniture
etc.). Les Afghans
sortent rapidement leur portable, dictent en Dari ou en Pachtoun leurs idées et recopient
contentieusement les mots traduits en français dans lalphabet latin nouveau pour
eux. Depuis peu dannées, le portable, google trad et autres, modifient radicalement
notre perception de lalphabétisation et nous devons nous y adapter.
Nous continuons par des phrases du type « jaime / je naime pas »,
histoire de parfaire ces premiers contacts. Tous éprouvent de grande difficultés à
écrire des phrases simples. A la fin de cette première séance, la marche me paraît
haute pour arriver à ce que chacun puisse présenter un texte correct pour notre concours
du Festival de lécrit.
Deuxième séance, mardi 14 mai :
Surprise cette semaine, deux Afghans ne sont pas revenus, les
mamans marocaines sont revenues ainsi que le jeune français, mais surtout quatre jeunes
femmes, algérienne, roumaine, russe (de Sibérie) et serbe complètent notre petit groupe
polyglotte. Réunir sept nationalités si différentes alors que nous vivons dans une
ville de quinze mille habitants semble extraordinaire. Nen déplaise aux tenants
dextrême-droite, soucieux de préserver une préférence nationale, il faudra faire
avec, et leur volonté de sintégrer et de travailler balaie dun revers de
main les petits ronchonnements franchouillards de leurs candidats (anti)européens.
Bref, on avance. Jai eu la bonne idée de venir avec un atlas, qui circulera
beaucoup parmi les participants, chacun ayant à cur de montrer la région natale de
leurs pays dorigine. Jai aussi préparé pour loccasion un florilège
mondial de poésies et je passe quelques minutes à parler des poètes haïtiens, des
haïkus japonais, de Pablo Neruda au Chili, de Gabriel Garcia Marquez en Colombie, de
Blaise Cendrars parti au Brésil. Jai même apporté un ghazal de Hafez, poète
persan, dont la langue est proche de celle de lAfghanistan (javais eu
loccasion de me recueillir sur son mausolée
en Iran, il y a quinze ans et le poème que jai apporté y est gravé).
On écrit donc de la poésie cette semaine et cest loccasion de citer beaucoup
dexemples commençant par « Il y a ». Cet inducteur sert à faire
émerger des idées, à favoriser lexpression.
Les quatre jeunes femmes qui nous ont rejoint ont un bon niveau de français et écrivent
avec aisance. Je nai pas donné de consignes quant au choix du sujet, mais beaucoup
racontent leur vie passée, leurs espoirs, leurs regrets. Quelques larmes perlent au coin
des yeux. Écrire, cest laisser parler lémotion, et tous ont vécu des
épreuves, des arrachements soudain, des brisures.
Troisième séance, mardi 21 mai :
La jeune femme de Sibérie, qui était accompagnée dun
charmant bambin de trois ans, nest pas revenue : elle a trouvé un boulot. De
même pour un des jeunes afghans, qui mavait écrit un texte de dix lignes dans
lequel le mot « travail » figurait cinq fois.
Aujourdhui, les « Je me souviens » de Georges Perec, débutent
idéalement les écrits déjà commencés la semaine dernière où chacun a évoqué sa
vie davant. Les Afghans écrivent de plus en plus et les difficultés qui les
empêchaient dexprimer leurs idées, sestompent. Les textes deviennent plus
fournis. Les bénévoles qui accompagnent notre petit groupe participent grandement à
cette émergence. Une ambiance à la fois amicale, bienveillante et dynamique sest
instaurée. Nous nous sentons à labri ici, intouchables, nous pouvons laisser libre
court à nos rêves, sans retenue.
Le soir, lorsque je recopierai les textes, cette émotion, cette énergie sera encore
palpable : magie dune écriture authentique, sans artifice, sans paravent.
Quatrième séance, mardi 28 mai :
Les textes que jai recopiés me paraissent suffisamment forts pour constituer la
base de ce que chacun pourrait proposer lors de ce Festival de lécrit. Jai
donc décidé de travailler avec chacun des participants pour approfondir leurs écrits.
Première étape : il faut recentrer les textes, percevoir ce qui en constitue
loriginalité, ce qui provoque lémotion. Il faut aussi supprimer des
inducteurs (des « il y a » ou des « je me souviens » parfois trop
répétitifs, qui font trop « procédé »). Nous passerons la totalité de la
séance à préciser, revoir, approfondir, placer les phrases dans un sens différent. Ce
travail ne peut se faire quen sasseyant longuement auprès de chacun, en
discutant : quest-ce que tu as voulu dire. Comment je le perçois. Comment
peut-on lécrire autrement. Chaque bénévole travaille également à cette
retranscription. Mais cest avant tout le texte et les mots même des participants
qui importent. Pour preuve, cette jeune femme, qui, après avoir remanié en profondeur
son texte, déclare : je ne laime pas, je préfère le poème que javais
écrit la fois précédente. Et cest bien sûr, celui que nous allons proposer au
concours.
Au final, je suis très content de cet atelier : au total, 14 participants seront
venus, 11 nationalités différentes, chacun avec un vécu et des aspirations distinctes.
Douze textes solides, emprunts dhumanité, ont émergé et seront proposé pour le
Festival de lécrit.
Je nai quune hâte : participer à la restitution de celui-ci qui aura
lieu en octobre, espérer que leurs textes seront nombreux à être choisi dans le recueil
traditionnel qui résumera cette 28ème édition et, bien sûr, jespère
avoir la joie de revoir la plupart des participants.
(02/06/2024)
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