depuis septembre 2000

retour accueil


Actualités

Agenda

Etonnements

Notes d'écriture

Notes de lecture

Webcam

Bio

Biblio

La Réserve, 

Central

Composants

Paysage et portrait en pied-de-poule

1937 Paris - Guernica
    
CV roman

Bestiaire domestique

Retour aux mots sauvages

Ils désertent

Faux nègres

Journal de la Canicule

Vie prolongée d’Arthur
Rimbaud

Sans trace

Yougoslave

Dernier travail

Littérature 
du travail

Ateliers
d'écriture

pages spéciales


Archives

 

 

 

Du mardi 7 au mardi 28 mai 2024

Atelier d’écriture à la médiathèque de Vitry-le-François

 

vitry2024-1.JPG (40216 octets) vitry2024-2.JPG (47962 octets)

 

Première séance, mardi 7 mai :

Cet atelier, proposé dans le cadre de la 28ème édition (ouahhh…) du Festival de l’écrit, initié par l’association Initiales s’est organisé en deux temps, trois mouvements avec quatre séances prévues, chaque mardi matin du joli mois de mai.
Nous nous retrouvons ainsi pour cette première séance à la médiathèque de Vitry-le-François, dans une vaste salle. Les participants sont déjà installés par deux ou trois autour de tables. J’ai galéré un peu pour trouver la médiathèque aux milieu des immeubles et je suis arrivé 10 mn en retard.
Je m’attendais à trouver 18 personnes selon la liste des participants qu’on m’a fournie auparavant avec 11 nationalités différentes et des niveaux en français allant du grand débutant à la maitrise parfaite de la langue. Pour ce premier cours, 9 personnes sont venues. Les Afghans sont en majorité, un groupe constitué de 6 jeunes hommes. A une table, deux mamans marocaines et un français égaré complètent le groupe, ainsi que trois accompagnateurs, membres d’Initiales.
J’ignore que les séances suivantes ajouteront l’Algérie, la Serbie, la Roumanie et même la Sibérie à cette carte du monde…
En guise de présentation, je montre rapidement mon travail d’écrivain, plus histoire de m’exprimer plutôt que d’asseoir une quelconque légitimité, qui ne représente rien pour eux. J’ai l’habitude d’exposer ma quinzaine de livres dans un panier, comme une sorte de maraîcher venu vanter ses salades. Mais je vais vite droit au but : c’est à eux de parler, plutôt qu’à moi. Je demande à chacun de se présenter en écrivant leur prénom en acrostiche. Cela permet de connaître rapidement le niveau de compréhension, de lecture et d’écriture en français et le dialogue s’instaure rapidement (« A comme Assia, ma fille », écrit Aicha : ce qui me donne l’occasion de nouer connaissance, combien d’enfants, quels âges, de comparer avec ma progéniture…etc.). Les Afghans sortent rapidement leur portable, dictent en Dari ou en Pachtoun leurs idées et recopient contentieusement les mots traduits en français dans l’alphabet latin nouveau pour eux. Depuis peu d’années, le portable, google trad et autres, modifient radicalement notre perception de l’alphabétisation et nous devons nous y adapter.
Nous continuons par des phrases du type « j’aime / je n’aime pas », histoire de parfaire ces premiers contacts. Tous éprouvent de grande difficultés à écrire des phrases simples. A la fin de cette première séance, la marche me paraît haute pour arriver à ce que chacun puisse présenter un texte correct pour notre concours du Festival de l’écrit.

vitry2024-3.JPG (50536 octets) vitry2024-5.JPG (49022 octets)

 

Deuxième séance, mardi 14 mai :

Surprise cette semaine, deux Afghans ne sont pas revenus, les mamans marocaines sont revenues ainsi que le jeune français, mais surtout quatre jeunes femmes, algérienne, roumaine, russe (de Sibérie) et serbe complètent notre petit groupe polyglotte. Réunir sept nationalités si différentes alors que nous vivons dans une ville de quinze mille habitants semble extraordinaire. N’en déplaise aux tenants d’extrême-droite, soucieux de préserver une préférence nationale, il faudra faire avec, et leur volonté de s’intégrer et de travailler balaie d’un revers de main les petits ronchonnements franchouillards de leurs candidats (anti)européens.
Bref, on avance. J’ai eu la bonne idée de venir avec un atlas, qui circulera beaucoup parmi les participants, chacun ayant à cœur de montrer la région natale de leurs pays d’origine. J’ai aussi préparé pour l’occasion un florilège mondial de poésies et je passe quelques minutes à parler des poètes haïtiens, des haïkus japonais, de Pablo Neruda au Chili, de Gabriel Garcia Marquez en Colombie, de Blaise Cendrars parti au Brésil. J’ai même apporté un ghazal de Hafez, poète persan, dont la langue est proche de celle de l’Afghanistan (j’avais eu l’occasion de me recueillir sur son mausolée en Iran, il y a quinze ans et le poème que j’ai apporté y est gravé).
On écrit donc de la poésie cette semaine et c’est l’occasion de citer beaucoup d’exemples commençant par « Il y a ». Cet inducteur sert à faire émerger des idées, à favoriser l’expression.
Les quatre jeunes femmes qui nous ont rejoint ont un bon niveau de français et écrivent avec aisance. Je n’ai pas donné de consignes quant au choix du sujet, mais beaucoup racontent leur vie passée, leurs espoirs, leurs regrets. Quelques larmes perlent au coin des yeux. Écrire, c’est laisser parler l’émotion, et tous ont vécu des épreuves, des arrachements soudain, des brisures.

vitry2024-6.JPG (46415 octets) vitry2024-7.JPG (41494 octets)

 

Troisième séance, mardi 21 mai :

La jeune femme de Sibérie, qui était accompagnée d’un charmant bambin de trois ans, n’est pas revenue : elle a trouvé un boulot. De même pour un des jeunes afghans, qui m’avait écrit un texte de dix lignes dans lequel le mot « travail » figurait cinq fois.
Aujourd’hui, les « Je me souviens » de Georges Perec, débutent idéalement les écrits déjà commencés la semaine dernière où chacun a évoqué sa vie d’avant. Les Afghans écrivent de plus en plus et les difficultés qui les empêchaient d’exprimer leurs idées, s’estompent. Les textes deviennent plus fournis. Les bénévoles qui accompagnent notre petit groupe participent grandement à cette émergence. Une ambiance à la fois amicale, bienveillante et dynamique s’est instaurée. Nous nous sentons à l’abri ici, intouchables, nous pouvons laisser libre court à nos rêves, sans retenue.
Le soir, lorsque je recopierai les textes, cette émotion, cette énergie sera encore palpable : magie d’une écriture authentique, sans artifice, sans paravent.

vitry2024-9.JPG (43660 octets) vitry2024-11.JPG (34146 octets)

Quatrième séance, mardi 28 mai :

Les textes que j’ai recopiés me paraissent suffisamment forts pour constituer la base de ce que chacun pourrait proposer lors de ce Festival de l’écrit. J’ai donc décidé de travailler avec chacun des participants pour approfondir leurs écrits. Première étape : il faut recentrer les textes, percevoir ce qui en constitue l’originalité, ce qui provoque l’émotion. Il faut aussi supprimer des inducteurs (des « il y a » ou des « je me souviens » parfois trop répétitifs, qui font trop « procédé »). Nous passerons la totalité de la séance à préciser, revoir, approfondir, placer les phrases dans un sens différent. Ce travail ne peut se faire qu’en s’asseyant longuement auprès de chacun, en discutant : qu’est-ce que tu as voulu dire. Comment je le perçois. Comment peut-on l’écrire autrement. Chaque bénévole travaille également à cette retranscription. Mais c’est avant tout le texte et les mots même des participants qui importent. Pour preuve, cette jeune femme, qui, après avoir remanié en profondeur son texte, déclare : je ne l’aime pas, je préfère le poème que j’avais écrit la fois précédente. Et c’est bien sûr, celui que nous allons proposer au concours.
Au final, je suis très content de cet atelier : au total, 14 participants seront venus, 11 nationalités différentes, chacun avec un vécu et des aspirations distinctes. Douze textes solides, emprunts d’humanité, ont émergé et seront proposé pour le Festival de l’écrit.
Je n’ai qu’une hâte : participer à la restitution de celui-ci qui aura lieu en octobre, espérer que leurs textes seront nombreux à être choisi dans le recueil traditionnel qui résumera cette 28ème édition et, bien sûr, j’espère avoir la joie de revoir la plupart des participants.

vitry2024-12.JPG (40710 octets) vitry2024-13.JPG (44681 octets)

vitry2024-14.JPG (47638 octets)

(02/06/2024)