depuis septembre 2000
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Atelier de Saint-Memmie
Collège Jean Moulin
Janvier - juin 2025
Cet atelier sinscrit dans le cadre du projet national
déducation artistique organisé par la Maison des écrivains et de la littérature
« Par nature, des ateliers littéraires avec le vivant », qui vise
à réunir 100 auteurs et autrices, 100 établissements scolaires, avec 100 classes de
collège et de lycée réparties à travers la France. Cette année, la conférence des Nations
Unies sur locéan, qui aura lieu en juin à Nice, fournit un excellent sujet de
réflexion pour sensibiliser la jeunesse.
Première
séance, lundi 27 janvier 2025.
Le collège Jean-Moulin qui maccueille est un
établissement récent. La professeure de français, Fabienne Martin, nouvellement
nommée, soccupe dune classe de 6ème. Elle a à cur de
développer des projets autour de la littérature. Aussi, cest avec une grande joie
quelle et sa classe ont candidaté pour le projet denvergure mené par la MÉL
depuis quelques années.
Nous avons déjà échangé par téléphone et, pour cette première rencontre, nous avons
opté pour un travail en plusieurs ateliers. Lun soccupera plus
particulièrement du vocabulaire qui concerne la nature et lécologie, un autre sera
axé sur lexpression orale et la lecture à voix haute et jai prévu
danimer le troisième sur lécriture poétique.
La rencontre a lieu au CDI et nous nous répartissons rapidement dans la vaste salle.
Fabienne anime le premier atelier dévolu au vocabulaire, la responsable du CDI
soccupe de loralité et je réunis mon groupe autour dun paperboard. Les
élèves sassoient par terre ou sur des chaises et nous démarrons.
Jai prévu de les faire travailler sur des inventaires et des poèmes
« marabout » (Jen ai marre marabout - bout de ficelle
etc.)
En effet, la situation de notre planète nest, hélas, quune longue liste de
défaillances qui senchainent et semboitent les uns avec les autres :
réchauffement climatique, fonte des glaces, élévation du niveau des océans
).
Mais avant, histoire de tester ces élèves de sixième sur leur capacité à
sexprimer et à formuler des idées, je propose de prendre exemple sur le livre des
questions, écrit par Pablo Neruda. A la fois poétiques et déroutantes (« Combien
le jour a-t-il dabeilles ? » ; « Si je suis mort, à qui vais-je
demander lheure ? »), ces questions interpellent. Nous en lisons
dabord quelques-unes, puis nous listons les mots interrogatifs (pourquoi, combien,
qui, quoi, où, quand
) et chacun dans son coin écrit une ou plusieurs questions à
la manière de Neruda. Les élèves réagissent bien. Cest un groupe vivant avec des
interactions fortes, super ! En revanche, le travail sur les inventaires et les
poèmes « marabout » a du mal à démarrer. Lexpression poétique
nest pas leur fort, ils sont plutôt imaginatifs et bien ancrés dans le concret.
Une élève demande à propos de lécologie : Est-ce que cest mal si je
jette mon chewing-gum par terre ? Haro de ses camarades ! Nous imaginons alors
collectivement le trajet de ce déchet de légout à la rivière, puis de la
rivière à la mer. Nous somme dans le thème ! Ainsi, plutôt quun poème,
nous allons bâtir un conte sur lépopée de ce chewing-gum qui vogue vers la mer.
Ce sera le travail à bâtir pour les prochaines rencontres.
Deuxième
séance, le lundi 5 mai 2025

Entre cette
première et deuxième rencontre avec les élèves de sixième du collège Jean Moulin, il
sest écoulé plus de trois mois. Un temps toutefois mis à profit pour peaufiner ce
beau projet proposé par la M.E.L. Contacts réguliers avec la maison des écrivains,
visioconférence réunissant les participants : nous sommes plusieurs dizaines
d'écrivains et de classes dans toute la France.
Malheureusement, la M.E.L. dispose de peu de crédits (la baisse récurrente des sommes
affectées à la culture est un pléonasme) et lidée initiale de faire venir chaque
classe à Paris pour y déclamer son « discours » écologique a du plomb dans
laile au milieu de ce projet pourtant bien balisé. Mais cette adversité
conjoncturelle est bénéfique : autant profiter dun espace de liberté
supplémentaire et démontrer ce que nous sommes capables dinventer.
Au collège Jean Moulin de Saint-Memmie, nous avons choisi dimaginer un conte
retraçant le trajet dun chewing-gum de la grille dégout située devant le
collège jusquà la mer.
Et cette idée me fait penser à un autre projet soutenu par lorganisation
internationale Lions concernant lécologie : la dotation de plaques de fonte
marquée dune inscription « ici commence la mer » et que les clubs Lions proposent aux
mairies intéressées afin de les sceller devant certaines grilles dégout pour
sensibiliser les habitants à ne pas jeter nimporte quoi nimporte où. Je
prends contact avec le club local qui se déclare enthousiaste et propose de doter le
collège Jean Moulin dune telle plaque apposée devant létablissement.
Formidable rebond ! Ainsi, notre conte nest plus voué à demeurer une action
pédagogique parmi dautres, aussitôt terminée, aussitôt oubliée, mais au
contraire, chacun des 27 élèves de sixième ayant participé à notre aventure pourra se
souvenir de la marque de notre projet en la voyant physiquement devant le collège pendant
encore 3 ans !
Notre conte ainsi, devient pertinent : le trajet de ce chewing-gum jusquà la
mer, cest réellement « ici commence la mer ». Le titre simpose à
nous comme une déclinaison plus locale : Ici commence la Marne.
Ce projet grandissant, il nous faut également prévoir une restitution digne de ce
nom à l'intérieur de l'établissement. Elle aura lieu le vendredi 13 juin, à partir de
17h15, au collège Jean Moulin, en présence des enseignants, de la direction, mais
surtout des élèves et de leurs parents, avec bien entendu quelques membres des clubs
Lions qui sont partenaires de notre action.
Cest avec ces éléments que jaborde la seconde rencontre. Mais
auparavant, les élèves ont magnifiquement travaillé : la professeure, très
impliquée, a proposé à chacun décrire laventure de ce chewing-gum
indestructible
à la maison, en profitant des vacances. Le résultat est
étonnant : certains ont réalisé de véritables dissertations qui nont rien
à envier aux classes supérieures. Tous se passionnent pour ce sujet. La difficulté
désormais est de réaliser un seul « discours » à envoyer à la M.E.L. pour
respecter les conditions du concours.
Nous choisissons de travailler en 3 sous-groupes : Le trajet du chewing-gum dans les
égouts, puis dans la rivière et le fleuve, enfin, dans la mer. D'autres enseignants se
sont joint à nous, une professeure de SVT (qui réalise en paralèlle avec les élèves
une exposition sur la mer et ses déchets), et la responsable du CDI.
Elément très dynamique et qui correspond aux attentes dun véritable conte :
il nous faut personnifier chaque rencontre queffectuera notre chewing-gum, nommé
pour loccasion Machouille. La base des péripéties de notre conte est ainsi posée,
cest déjà très vivant.
Reste à agglomérer tout cela, à le rendre cohérent, lisible et à le mettre en
bouche : cest le travail de préparation de notre troisième et dernière rencontre
prévue le 19 mai.
Troisième
séance, le lundi 19 mai 2025



Avant cette séance, avec Fabienne, leur professeure, nous avons
travaillé à lélaboration du conte qui sera remis à la Maison des écrivains et
de la littérature. Tâche pas facile, car il nous a fallu assembler chaque texte issu des
travaux en sous-groupe. Lensemble de ce conte qui porte pour titre « Ici
commence la Marne » est proposé aux élèves. Très bon retour, une collégienne
verse même quelques larmes démotion « parce que cest
beau ! ». Autre succès, dix volontaires se déclarent pour lire le conte lors
de la restitution publique du 13 juin.
Le lundi, jaborde ainsi cette dernière séance de travail avec beaucoup de ferveur.
Les élèves sont heureux de ce projet et les professeurs qui se sont associés à
Fabienne, la responsable du CDI et une professeure de SVT sont également
enthousiastes : une exposition sera préparée sur la pollution de la mer par
latelier science dans lequel travaillent certains élèves de 6ème.
Mais le plus important pour moi reste la visibilité de ce que Fabienne appelle « la
matière première », cest-à-dire les 27 textes réalisés pendant les
vacances davril en devoir à la maison par les élèves. Ainsi, les élèves les
recopient sur des grandes feuilles qui seront exposées au CDI. Je circule parmi eux
tandis quils sappliquent sur leurs écrits.
Mais bientôt, il est temps daccueillir les présidentes des clubs Lions venues
présenter la plaque en fonte « Ici commence la mer » qui sera scellée aux
abords du collège. Chaque collégien soupèse la plaque rectangulaire qui pèse 4
kg ! Puis trois élèves lisent le conte que nous avons élaboré devant
lassemblée. Un autre lit également le texte quil avait écrit et pour lequel
il est très fier.
Avant de quitter le collège, nous offrons et déposons la plaque chez la principale. Nous
avons hâte dêtre au 13 juin, date de notre restitution publique.

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