depuis septembre 2000
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Atelier d'écriture Les Islettes
(Mars -mai 2023)
Les Islettes, cest un joli nom pour ce village de 700
habitants situés en Argonne, dans la Meuse à lOuest de Verdun, tout près du
département la Marne. Il me faut une heure pour my rendre par un dédale de petites
routes, désertes et campagnardes : un vrai régal lorsque jy suis allé la
première fois le 30 mars : forêts et chants doiseaux, coucous sur les
bas-côtés, quelques fermes isolées aperçues dans la trouée dune clairière.
Les participants sont venus en force cette année, 12 personnes, grâce au soutien de
Francine, qui mène seule la bibliothèque du village. Et 12 personnes fragiles mais
enthousiastes, heureuses quon sintéressent à elles. Un vrai bonheur.
(extrait de la note d'écriture du 14/04/2023).
Première séance du 30 mars 2023
Cest reparti pour le Festival de lécrit. Cest
ma troisième participation à cette manifestation destinée à fédérer les ateliers
décriture qui se déroulent partout dans le Grand Est. Personnellement,
jinterviens dans le département voisin de la Meuse. Après deux ateliers à Bar le
Duc en 2021, deux à Verdun en 2022, je pensais laisser la place à dautres
écrivains, mais on ma proposé ce petit atelier de quatre séances seulement aux
Islettes pour un public en situation de handicap.
Après avoir programmé les journées avec Francine, qui me reçoit dans sa médiathèque
de village, me voici pour la première après-midi, le jeudi 30 mars.
Jarrive à lheure, mais 12 personnes mattendent déjà, sagement
assises, autour dune grande table, déjà enthousiastes. Il faut dire que les
quelques foyers daccueil aux alentours sont isolés et peu sintéressent à
visiter les « isles » si reculées au milieu des mares de la forêt
dArgonne. La venue dun visiteur ici est très rare.
Pas le temps de souffler, donc, il faut vite démarrer. Jopte pour une présentation
en fanfare, histoire de ne pas couper lélan dynamique qui se profile. Certains ont
déjà participé à dautres éditions du festival de lécrit et lisent
volontiers leurs textes. Jen profite pour repérer les prénoms. Il est important
que je puisse identifier chacun rapidement, les caractériser, leur donner une présence
particulière. Tous ont des vies difficiles et sont dans limpossibilité de vivre en
dehors des foyers où ils résident. Certains ont aussi des problèmes physiques, tous ont
subi une cassure dans leur existence. Il est important pour moi de connaître leur niveau
décriture, quelles seront leurs difficultés ou plutôt de repérer quelles seront
leurs capacités de réussite.
Je préfère nettement de tels ateliers destinés aux personnes fragiles, dotées de
handicaps, celles que lon nomme pudiquement dans la sphère culturelle, les
« publics éloignés », qui comprennent aussi les migrants, les allophones. En
plus quand ça se passe dans des lieux où laccès à la culture est très lointain,
je me sens beaucoup plus utile, car les enjeux pour eux dépassent largement la simple
reconnaissance à travers lécriture, il sagit de leur redonner ni plus ni
moins une fierté dexister dans une vie qui les a malmenés.
Pour la première séance, autant démarrer avec des activités faciles à mettre en
uvre : par expérience, lexercice « Je me souviens »,
inspiré de Georges Perec, fonctionne à tous les coups, autant commencer par ce classique
et, si cela marche bien, je pourrai viser dautres thèmes plus ardus. Pour faciliter
les recherche dans leur mémoire, nous énumérons les cinq sens : Je me souviens de
ce que jai vu, entendu, goûté, touché, senti
Ça fonctionne et même très bien, tous écrivent leurs souvenirs, à part un participant
qui ne peut dépasser le stade de recopier les cinq sens que jai écrit au tableau.
Je vois déjà les personnalités saffirmer. Alex écrit dans une langue châtiée,
au passé simple et sans faute ; Sylvie note « je me souviens de mes 31 ans
dusine ». Certains évoquent des grand-mères, des pâtisseries, des voyages,
des copains au foot. Certaines ont eu des enfants. Hervé tente décrire tout en
rimes. Lune est bloquée : elle voudrait rédiger « sa vie
davant » et je me rends bien compte que le mot « avant » est ce
qui la contrarie, la cassure est probablement trop douloureuse. Alors on écrit ce mot,
une fois pour toute : « je me souviens davant » et la suite peut
ainsi couler plus sereinement
Je repars, comme toujours, gonflé à bloc.
Deuxième séance du 13 avril 2023
Dès larrivée, je leur distribue les textes quils
ont rédigés la dernière fois et que jai recopiés à lordinateur. Le
festival de lécrit impose une organisation sans faille, il y a plusieurs centaines
de textes à récolter au total et il convient de ne pas en perdre, cest pourquoi je
me charge de cette partie numérique fastidieuse.
Enthousiasmé par la première séance, jai décidé de leur faire écrire une
fable. Nous menons dabord un travail sur les proverbes, qui sont souvent
lexpression dune morale. Et puis nous lisons deux fables de la fontaine
« Le laboureur et ses enfants » et le célèbre « Le corbeau et le
renard ». Je me rends vite compte que le passage à lécriture
dinvention dune fable, trouver une morale, des animaux à mettre en jeu est
dune grande difficulté. Je leur propose décrire une variante de la fable
« Le corbeau et le renard », si cela leur paraît plus facile, mais quelques
participants restent sur le carreau, faute dinspiration.
Nous terminons cette deuxième séance par la rédaction plus facile dun acrostiche
de leur prénom. Comme à chaque fois, nous terminons par la lecture des textes produits,
étape toujours joyeuse et qui démystifie lécriture.
Troisième séance du 20 avril 2023
1 h de route pluvieuse et à peine 5° lorsque jarrive aux Islettes. Les
participants sont fidèles au rdv, sauf Maxime qui a préféré abandonner par manque
dintérêt, mais il navait pas réussi à écrire les deux première fois.
Nathalie est absente pour la deuxième fois consécutive, elle est avec sa fille. Dommage,
car elle avait fait un premier texte prometteur mais on est déjà à lavant
dernière séance de ce mini atelier. Jaime beaucoup citer les prénoms des
participants, peut-être parce que je nai pas beaucoup de mémoire, mais cest
pour moi une marque de respect de pouvoir identifier chacun. Tous ont leur particularité,
tous sont attachants. Ils viennent en deux groupes, lun débarque en car,
lautre possède un minibus, certains ont des difficultés pour se déplacer, pour
parler mais tous ont un large sourire lorsquils arrivent.
Cette séance est placée sous le signe de la poésie. Je commence par Le livre des
questions de Pablo Neruda. Éric précise beaucoup déléments sur le poète
chilien : il a vu un reportage il y a peu.
Chacun essaie dimiter des questions pertinentes et poétiques à la manière de
Neruda. Cest un exercice ardu qui met en branle limagination. Les vies
réglées des participants naident pas à sévader sur demande et la
difficulté de lexercice est darriver à sortir de formulations trop
évidentes du genre « Pourquoi la nuit succède-t-elle au jour ». Certains
réussissent à faire le pas de côté nécessaire (Pourquoi la nuit tous les chats sont
noirs ?).
Jai prévu également de les faire rédiger un texte avec la locution « Il y
a ». Kevin me signale que JJ Goldman a signé une chanson intitulée « Il y a ».
Lannée dernière, un participant, au même exercice, avait évoqué la chanson de Vanessa
Paradis. Cela sajoute aux poètes qui ont déjà utilisé le procédé, comme
Arthur Rimbaud ou Guillaume Apollinaire.
Ce deuxième exercice est plus facile que le précédent. Beaucoup utilise la locution
pour décrire leur chambre qui constitue lessentiel de leur univers.
En dernier, tandis que le traditionnel café, jus de fruit et gâteau clôt la séance, je
leur passe la bande annonce de Lhomme-debout, leur parle du tournage, leur
montre quelques photos et je lis également un extrait dils désertent dont
la réplique figure dans la bande annonce.
Dernière séance dans 3 semaines, cest presque trop peu.
Quatrième séance du 11 mai 2023
Pour cette dernière séance, jai prévu de leur faire parler du futur, de
lavenir, de leurs souhaits, de leurs désirs : belle manière de terminer ce
mini atelier décriture, car il ma semblé que 4 séances cétait trop
peu. En même temps, quel travail accompli par chacun !
Pour parler de lavenir, je me sers de 3 poèmes, dont deux chansons : le fameux
« Demain dès laube
» de Victor Hugo, « Un jour tu
verras », chanté par Mouloudji et « Octobre » de Francis Cabrel. Les
trois textes sont écrits au futur. Et leur faire écouter la complainte de Mouloudji ou
les superbes images que propose Cabrel est suffisant pour faire démarrer les
participants : très beaux écrits, dont certains viendront compléter les textes à
proposer pour le Festival de lécrit.
Nous terminons la séance avec des « recettes de cuisine » où, là encore,
limagination des participants fait merveille.
Hélas, il est temps de terminer latelier. Je massure que jaurai toutes
les fiches dinscription au Festival de lécrit. Je traîne un peu, je
nai pas envie de quitter ce groupe sympathique, mais enfin, nous nous verrons pour
le Festival prévu à Bar-le-Duc, le 26 octobre prochain.
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