depuis septembre 2000

retour accueil


Actualités

Agenda

Etonnements

Notes d'écriture

Notes de lecture

Webcam

Bio

Biblio

La Réserve, 

Central

Composants

Paysage et portrait en pied-de-poule

1937 Paris - Guernica
    
CV roman

Bestiaire domestique

Retour aux mots sauvages

Ils désertent

Faux nègres

Journal de la Canicule

Vie prolongée d’Arthur
Rimbaud

Sans trace

Yougoslave

Dernier travail

Littérature 
du travail

Ateliers
d'écriture

pages spéciales


Archives

 

 

Il se pourrait que je disparaisse
un jour sans trace

parution janvier 2019

sp2018-3.jpg (13532 octets)

Histoire de l'histoire (enfin des trois histoires)       

Échos - presse

 

Histoire de l'histoire :

L'histoire de ce livre a commencé à me trotter dans la tête alors que je travaillais encore. C'était probablement pendant l'année 2016. Mon job à Orange consistait à faciliter le départ des salariés en fin de carrière vers des associations d'intérêt public et je venais de visiter Emmaüs pour un collègue intéressé par cette structure qui s'occupe de ramasser ce que nous ne voulons plus garder. L'idée initiale était très floue, représenté à la fois par cette fuite formidable et insensée des objets et le quotidien précaire des compagnons qui y œuvraient. L'idée de la disparition était déjà présente. Je me souviens en avoir parlé deux fois avec l'écrivain Michel Bernard, la seconde fois en janvier 2017 au moment où j'arrêtais mon activité, remplacée par un labeur intense pour terminer enfin la thèse entreprise depuis longtemps. Le livre est ainsi resté en suspens jusqu'au dimanche 12 novembre 2017 (j'ai l'habitude d'indiquer les dates de début et de fin d'écriture). Entre temps, la parenté de cette histoire avec celle de Robinson Crusoé m'était apparue, c'est pourquoi le titre choisi est une citation de Michel Tournier dans Vendredi ou les limbes du pacifique. Bien sûr, les mises à jour de Feuilles de route ont régulièrement évoqué l'avancement de ce livre : voir ci-dessous.
(07/01/2019)

Nom de code ST : ça veut dire comme d'habitude que j'ai commencé à écrire un nouveau livre sous cette abréviation. ST comme "sans temps" mort, on pourrait dire puisque j'ai démarré ce nouveau texte le 12 novembre, tandis que ma thèse en version définitive date du 24 octobre. Je renoue avec plaisir avec l'écriture d'invention, sans l'obligation d'argumenter chacune de mes phrases et de citer mes sources ! Ceci dit, j'ai tout de même pris grand plaisir à l'exercice académique pendant la quasi année qu'a duré la rédaction finale. Mais l'écriture d'un nouveau texte est un instant désarçonnant : il est vrai que j'en avais l'idée depuis plusieurs mois, gardée bien au chaud en attendant que le projet universitaire prenne fin : même avec l'habitude de mener plusieurs projets de front, il aurait été difficile de lier les deux écritures de surcroît si différentes dans leurs principes même. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai un peu traîné sur le chemin de ma thèse : pas moins de cinq livres sont venus s'intercaler au cours de mes recherches. depuis 2009. Il est bien sûr trop tôt pour dire si ST verra le jour. Le texte que j'entrevois est dans une phase de balbutiements, la voix, les voies sont encore à trouver.
(Notes d'écriture du 28/11/2017)

Deux notes d'écriture sur Michel Tournier et pourquoi Robinson Crusoé :

" Car il en est des écrivains comme des coureurs : il y a des sprinters et des spécialistes du fond et du demi-fond. Certains bouclent leur œuvre en trois semaines. On dit que Stendhal dicta La Chartreuse de Parme en cinquante-deux jours. Á d'autres, il faut du temps, beaucoup de temps. Ce sont des marathoniens. J'appartiens à cette sorte. Un manuscrit mûrit dans ma tête et sur ma table quatre ou cinq années. Je comparerais volontiers à une grosse marmite mijotant à très petit feu et dont je soulèverais à tout moment le couvercle pour ajouter quelque ingrédient nouveau. Ou à une maison que je construirais seul autour de moi, n'ayant rien d'autre pour m'abriter, et donc grelottant au début sur un chantier informe battu par tous les vents, puis aménageant un espace de plus en plus avenant. La dernière année est angoissante et délicieuse à la fois. Parce que le roman approchant de son achèvement, mon esprit parcourt avec un bonheur naïf ses pièces et ses dépendances, apportant par-ci, par-là des améliorations de détail, mais il est fatigué en même temps de cet édifice trop lourd, trop compliqué dont il est le seul habitant et dont il a hâte de se débarrasser pour se livrer à des jeux nouveaux et en attendant interdit. Car rien n'est plus séduisant que les œuvres futures, rêvée pendant que s'achève dans la douleur un travail de longue haleine. Elles ont toutes la fraîcheur gratuite et légère qui manque au livre en chantier, Sali par les efforts et les incertitudes. Il n'empêche que la rupture est blessante et marque le début d'une période errante et désemparée. " (Michel Tournier, Le Vent Paraclet, Pléiade, p. 1435-1436.)
(15/01/2018)

En 1719 paraît le roman de Daniel Defoe Robinson Crusoé. Il est inspiré par une histoire réelle, celle du marin anglais Alexandre Selkirk qui fût débarqué en 1704 sur une île déserte de l'archipel Juan Fernandez et y vécut pendant 4 ans. Récupéré au hasard d'un bateau, son retour et son aventure fait le tour de l'Angleterre, avant que le marin ne renoue avec la mer à bord d'un négrier et y périsse de la fièvre jaune ou de noyade en 1721, à l'âge de 45 ans. En réalité, le récit de Defoe qui connut un grand succès, est considéré comme un écrit précurseur de la forme prédominante du roman occidental, de même que le Don Quichotte de Cervantes, rédigé en Espagne un siècle plus tôt (selon Marthe Robert, Origine du roman, roman des origines). Ce dernier, qui appartient à la littérature picaresque, a en commun avec Robinson, son inépuisable énergie qui dote pareillement les deux héros, et aussi l'accompagnement d'un tiers dévoué mais qui reste dans l'ombre : Sancho Panza et Vendredi. La question de l'invention d'un romanesque est importante car les caractéristiques d'une telle fiction n'ont pas changé : irruption du hasard et des péripéties, œuvre d'imagination, tension avec le réel (notamment pour Robinson qui s'appuie sur une aventure vécue). Le thème en particulier du monde neuf qui est à construire avec Robinson connaît un engouement. L'irruption du " bon sauvage " cher à Rousseau (qui tenait le roman de Defoe en grande estime) rassure un monde à l'aube d'un colonialisme européen qui s'accapare les dernières terres à découvrir. Les robinsonnades inspirées par le récit de Defoe vont dès lors fleurir. Le principe est toujours le même : le héros échoué seul (ou pas) dans une contrée inhospitalière doit organiser sa survie. Évidemment, de nos jours, il n'y a plus beaucoup d'endroits inhabités (quoique : la désertification qu'induit l'aménagement mondial du territoire vers les grandes villes va probablement révéler des zones de moins en moins habitées, par exemple, mon département rural a perdu 25% de sa population en 50 ans...). Les robinsonnades nouvelles manières mettent souvent en scène la science-fiction, planètes à découvrir, stations spatiales abandonnées, guerres nucléaires en regard desquelles le film Seul au monde demeure une robinsonnade classique. On peut aussi imaginer d'autres déserts : virtualité du Web, solitudes urbaines… Peu importe l'intrigue, en fait la robinsonnade met en jeu toujours trois éléments : Robinson, Vendredi et l'environnement. Ou, décliné autrement, notre prise avec la sauvagerie, notre allégeance à l'institution, l'éducation, le besoin de règles et, a contrario, notre créativité qui a besoin de s'affranchir d'un monde pensé par d'autres, de trouver des voies originales : on le voit, la robinsonnade est très actuelle. Tour à tour, nous sommes dans une même journée Robinson, en accord avec le monde, Vendredi en révolte, et nous prenons souvent la place de l'institution avec nos incessants yakafaukons. Michel Tournier, à l'aube de la génération 68, avait tout misé sur des thèmes philosophiques pour sa robinsonnade, notre rapport à la mort, à la vie… L'actualité est plus prosaïque : on cherche maintenant des préjudices d'anxiété pour exorciser nos peurs. Nous voulons des vies lisses, Robinson est devenu trouillard et Vendredi se cache parmi les migrants.
(22/01/2018)

Le nouveau livre avance assez vite, à un rythme d'environ 80 pages par mois (du moins retranscrit en pages habituelles d'un format de roman). Je pense avoir dépassé la moitié de cette histoire, ce qui me remplit d'aise : si je fais un parallèle avec la course à pied, c'est souvent à partir du 12ème kilomètres pour un semi-marathon, par exemple, que l'on devient à peu près certain de terminer une compétition de fond. Donc, je devrais mener au bout cette histoire qui commence par ailleurs à fabriquer elle-même sa propre logique, sa propre explication, ce que j'ai l'habitude d'appeler le roman du roman. C'est un grand soulagement pour moi, car jusqu'à début février, je n'étais pas persuadé avoir choisi un bon sujet, ni commencé à trafiquer quelque chose qui me correspond. Maintenant, je n'ai plus d'hésitation. Pour ce livre, mais de plus en plus comme pour les précédents, lorsque je m'assois à mon bureau (ma table de peine, comme dirait Pierre Bergounioux) pour reprendre la suite de mon écriture, je relis à haute voix le chapitre écrit les veilles. Cependant, pour ST, ce gueuloir à la Flaubert s'est modernisé : je me sers du micro intégré à mon micro-ordinateur pour enregistrer ma lecture. Je peux ainsi repasser ma lecture numérique indéfiniment à la manière d'un livre audio. Ces écoutes supplémentaires me permettent de savoir si le texte tient bien en bouche, mais surtout contribuent à me rassurer. Je trouve ainsi que j'ai une très belle voix c'est déjà ça !
(Notes d'écriture du 12/03/2018)

Écrire pourquoi ? Tandis que je relatais la semaine dernière cette question qui m'avait été posée ainsi qu'à un collectif d'écrivains, c'est plutôt l'inverse cette semaine : " écrire pourquoi ne pas " tant je constate l'évitement à continuer le livre en cours. Pourtant tout fonctionne bien : le livre au nom de code ST a reçu l'assentiment de mon éditrice et c'est le principal. Je prévois qu'il sera terminé au début de l'été. J'ai dépassé 200 pages en format roman et l'histoire s'achemine dans son dernier tiers probablement. Mais depuis une quinzaine de jours, force est de constater que je n'avance pas beaucoup. Pour ma défense (ou plutôt celle du livre), la semaine dernière a été chargée, Paris, Thiers, Clermont, et jusqu'à neuf personnes chez nous pour le week-end pascal.
Il a toutefois d'autres explications à ce ralentissement. L'idée d'abord que ce livre n'est pas essentiel pour moi, ou du moins, n'est pas (ne sera pas) remarquable dans mon parcours. C'est une sorte de livre " de passage ", un livre " en attendant ". En effet, il m'importait tout d'abord de me remettre en selle rapidement dans l'écriture d'invention, romanesque, après l'année 2017 consacrée entièrement à l'écriture pointilleuse et argumentée de ma thèse. La question de savoir si les réflexes qui président au roman reviennent, n'était pas si évidente que cela : au moins je suis rassuré, c'est déjà cela. L'histoire de ST, en revanche, ne m'apparaît pas essentielle. Rien de déconnant par ailleurs, je laboure les terres que je connais, les thèmes qui me sont chers, c'est du Beinstingel, on n'est pas dépaysé.
Mais justement, est-ce vraiment très neuf ? Ou peut-être ai-je justement envie d'emprunter d'autres voies ou de revenir à d'anciennes ? Deux livres me trottent dans la tête. L'un, qui doit s'écrire à la culotte des choses, pourrait me faire revenir de plain-pied dans le monde du travail, délaissé depuis "Ils désertent ". L'autre est un projet qui me tient beaucoup à cœur, mais c'est aussi le genre d'histoire qui marque un écrivain, le genre de chose que l'on repousse, à se demander si tout ce qu'on a écrit précédemment ne va pas se cristalliser dedans, bref, cette fois-ci un livre essentiel à mes yeux. Je l'ai longtemps repoussé, ce n'était pas encore le moment, mais l'échéance approche et j'ai moins peur de m'y atteler. Voilà : écrire, pourquoi ne pas…commencer, continuer…etc., petits atermoiements momentanés me semblent liés à une période un peu charnière.
Par ailleurs, charnière aussi me semble ma situation dans le monde : après cette année de retrait, revient la grande envie de participer à nouveau, d'autant plus que le monde change, politiquement et socialement pour du moins bien, je sais que je ne pourrais pas taire longtemps les énervements qui me font réagir (d'où Contre-feux de Pierre Bourdieu en note de lecture cette semaine, baume au cœur).
Quant à ST, nulle inquiétude, il avance de son train de sénateur, et sait-on jamais, le succès d'un livre est toujours une histoire de malentendu.
(Notes d'écriture du 06/04/2018)

ST : nom du fichier sous lequel j'enregistre les versions successives du roman en cours. Et justement, je suis en train de terminer ST précisément. J'ai fini ce qu'on pourrait appeler le premier jet et qui n'est que le moment où l'on achève le dernier chapitre : c'était vendredi dernier. Fin provisoire, il reste des corrections à faire, mais on se sent finisher tout de même, et, à deux jours du Marathon que je relate en rubrique Étonnements, il m'a semblé important que l'écriture puisse s'achever avant, il y a tout même un ordre des priorités dans ma vie et celle de mes passions.
J'ai donc aligné ce vendredi une somme importante de phrases pour m'acheminer vers la ligne d'arrivée ; j'ai ainsi dû rédiger pas loin de vingt pages (l'équivalent de 20 km ?). Lorsque je reprends ce fichier le lendemain du marathon, à la relecture, il me semble que la fin de ST tient la route et je décide de laisser tel quel ce premier jet. La tête encore dans les nuages de ma course à pied, je me sens ainsi double finisher. D'un côté, cinq heures et vingt-neuf minutes pour la course à pied, de l'autre exactement six mois et vingt-sept jours pour l'écriture. Reste à vivre le plus intéressant : se plonger dans le futur livre pour tout relire, corriger et harmoniser.
(Notes d'écriture du 12/06/2018)

J'ai terminé ST. J'en avais déjà parlé dans cette même rubrique le 12 juin dernier. Poser le dernier mot d'un livre, sentir que c'est fini est une joie considérable. Presque un peu incroyable. On se demande si le récit entrepris est vraiment achevé. Parfois c'est évident : Pour VPAR (Vie prolongée d'Arthur Rimbaud) la prolongation de vie que j'avais imaginée de Rimbaud prend fin à la seconde mort que je lui invente. Pour ST, c'est différent. Tout d'abord il a fallu que je renoue avec les réflexes de la fiction. L'écriture argumentative de ma thèse pendant un an avait entamé plus que je ne le pensais ma capacité de création romanesque. Pendant toute l'écriture de ce nouveau récit, j'ai souvent eu l'impression que j'en faisais trop, ou pas assez. Et puis, même avant la thèse, les derniers romans avaient été différents : en 2016, VPAR était marqué à la culotte par la véritable histoire de Rimbaud, au jour le jour ou presque. En 2015, j'avais repris Journal de la canicule à partir d'un texte conçu en 2009. Il faut peut-être remonter à 2013-2014 au moment de l'écriture de Faux nègres pour retrouver ces moments de doute, tous relatifs d'ailleurs. La triple histoire que j'ai conçue pour ST est par ailleurs assez déstabilisante. Je n'ai cessé de me demander si je faisais le bon choix de disperser ainsi mes protagonistes.
C'est pourquoi au moment de la dernière phrase, il m'a paru essentiel de tout reprendre, de donner du liant, de la cohérence au récit, cohérence qui existait bien sûr, mais bon, je voulais me rassurer. C'est chose faite.
J'ai noté en bas de mon tapuscrit cette petite mention " Dimanche 12 novembre 2017, vendredi 08 juin 2018, fin des corrections le 28 juin 2018 ". J'aurai donc mis sept mois et seize jours avant d'envoyer le jour même de la fin de mes corrections le manuscrit/tapuscrit à mon éditrice. D'ailleurs comment nommer le fichier numérique que l'on remet par messagerie ? Manuscrit est impropre : rien n'est manuel chez moi, je n'écris jamais au stylo. Tapuscrit ? Mais cela suppose que j'imprime au préalable sur papier un document, or je n'en fais rien non plus. Je n'imprime jamais rien. Lorsque j'ai envie de relire certains passages d'une manière confortable, je transforme mon fichier en version pdf, plus facile à récupérer sur ma tablette. En fait, la véritable fin d'un livre pour moi revient au moment où j'essaie d'imaginer l'apparence qu'il aura en tant qu'objet livre. Par exemple, je suppose que ce nouveau roman devrait approcher (atteindre ? dépasser ?) 300 pages. Toutefois rien n'est fait et ce projet, bien qu'il ait été régulièrement suivi par ma maison d'édition, n'est pas encore officialisé. Pour rester dans l'air du temps, je me sens un peu comme un footballeur qui vient de déposer son ballon au point de pénalty : le plus important est à venir.
(Notes d'écriture du 03/07/2018)

Nouvelle toute fraîche : j'ai rencontré hier mon éditrice de la grande maison Fayard. J'évoquais dans la précédente note d'écriture l'envoi du fichier correspondant à ST le 28 juin dernier. Cette rencontre a entériné le projet : ST devrait effectivement paraître en janvier prochain. Même si l'affaire avait toujours été engagée sur ces bases, il y avait toujours le risque que le texte complètement achevé ne plaise pas. Or, ce n'est pas le cas, donc youpi.
Il me reste à peaufiner quelques relâchements du texte, un début un peu trop tarabiscoté, des relations entre personnages à affirmer. Peu de choses au final, quelques paragraphes à modifier, quelques phrases à ajouter pour lever des ambiguités. J'aime ce travail du texte et j'aime aussi que l'éditeur joue ainsi pleinement son rôle. Mes deux précédents éditeurs avaient à chaque fois refusé le deuxième manuscrit que je leur avais présenté (à juste raison d'ailleurs), je n'ai jamais insisté, ni adressé ailleurs ces projets. J'ai toujours pensé qu'en agissant ainsi, ils avaient en quelques sorte gagnés leurs galons d'éditeur, capables d'encenser un texte, mais aussi capables de stopper quelque chose qu'on ne sent pas. Pas de refus cette fois-ci pour le premier vrai projet suivi en entier par mon éditrice dans un réel rôle de décideur, de l'idée initiale à la conclusion. Ce qui n'exclut pas une lecture fine et des suggestions judicieuses et c'est vraiment ce que j'attendais. Je suis parfois du genre à ne pas voir l'arbre qui cache la forêt, à laisser une structure bancale s'installer et il est bon que ces aléas obligatoires de la créativité me soient signifiés. J'ai toujours pensé que l'écriture était un travail d'équipe, dont acte.
En même temps, notre rencontre a permis d'éclaircir ce qui se dessine par la suite, d'imaginer quelques échéances futures. Beaucoup de choses se mettent en place, il est trop tôt pour en parler mais déjà il convient d'organiser tout cela. Et relater ces perspectives encore floues sur FdR un vendredi 13 me paraît la meilleure date. Je ne suis pas superstitieux, mais je ne passe pas sous les échelles.
Au fait, le titre, s'il est accepté, sera long et portera comme initiales ISPQUJJDST : avis aux amateurs de devinettes.
(Notes d'écriture du vendredi 13/07/2018)

[...] la tâche de correction de ST m'apparaît plus ardue que je ne pensais : l'un des trois personnages principaux est un peu faible au regard des deux autres, je m'en aperçois à la relecture, je dois l'affirmer, le préciser davantage et cela va encore me prendre probablement une quinzaine de jours.[...]
(Notes d'écriture du 17/08/2018)

[...] ma maison d'édition m'a gentiment contacté hier pour le futur projet ST : quel plaisir d'entendre à nouveau parler de projet de couverture, de quatrième, bref, tout ce qui s'annonce. Les affaires reprennent donc, sans compter Y, nouveau nom de code, donc de futur bouquin (enfin j'espère). Etrangement, je pensais à cela en me remémorant mon périple entre Marne et canal, Y devrait être un " roman-fleuve ", dans tous les sens du terme. Mais il est encore temps d'en parler même si l'impatience de m'y mettre est grande. En attendant, en route vers la publication de ST et la sortie de VPAR en poche !
(Notes d'écriture du 24/08/2018)

" Ils sont trois.
Elle enseigne l'allemand dans un lycée mais tente aussi d'inculquer des notions de français à des migrants accueillis par une association humanitaire.
Lui a accepté le travail le plus étrange de sa vie : gardien d'une station de pompage même plus en service et si isolée au milieu d'interminables champs de maïs que son employeur a dû l'y faire déposer en hélicoptère.
La troisième, encore aux études, gagne sous le manteau un peu d'argent en rendant visite à un garçon autiste que celle qui se présente comme sa mère cache aux services sociaux dans un immeuble de la périphérie voué à une démolition prochaine.
Tous les trois vont faire, à des degrés divers, l'expérience de l'effacement, de la perte des repères et des habitudes qui tiennent lieu le plus souvent d'identité. Mais si c'était pour mieux découvrir ce que vivent d'autres gens, et notamment les plus faibles ? "

Voici l'argumentaire pour ST proposé par ma maison d'édition. Je le trouve simple, efficace, allant droit au but. C'est drôle parce que la plupart du temps, je ne sais pas évoquer l'histoire (l'intrigue ?) de mes propres livres. En particulier pour ce dernier, je bredouille vaguement qu'il s'agit d'une histoire à trois voix, et rapidement j'oblique vers le rapport avec Robinson et Vendredi, parce que mes éternelles questionnements sur les îles désertes, l'impossibilité de découvrir des terres vierges, notre instinct à vouloir toujours refaire ce que nous connaissons, notre peur devant le trublion qui vient nous déranger, ont été à la base de ce livre. Mais je confonds cette cuisine interne qui a mené au livre avec un résumé. Elle n'est pas la préoccupation première du lecteur. Il veut savoir ce que ça raconte (à ce propos, le titre d'un roman de la rentrée littéraire Ça raconte Sarah est un argumentaire à lui tout seul…). Seulement, je suis persuadé qu'un auteur est probablement le moins apte à décrire son livre parce que bien des réticences l'empêche de le formuler. Le mot " migrants ", par exemple, il est vrai que pas mal de migrants traversent cette histoire, ce ne sont des personnages principaux, ils se fondent dans le paysage comme actuellement, mais en même temps ça m'importune de réduire cette histoire à ce thème actuel qui traverse la littérature française, mais il y aurait beaucoup à dire sur ma réticence, sur ce thème aussi, pourquoi est-il si émergent ? (dans une future note d'écriture ?). En même temps de voir étalé ainsi le résumé me place devant le fait accompli : c'est bien un roman que j'ai fait. Ce n'est pas si évident de se l'avouer. " L'ère du soupçon ", expliquée par Nathalie Sarraute nous taraude encore, nous qui avons entrepris d'écrire avant la fin du siècle dernier. Avec un roman de facture classique, je bafoue les interdits littéraires alors édictés, je choisis " mes personnages ", je bâtis " mon histoire ", bref je prends le pouvoir comme les romanciers du XIXème, et le pouvoir c'est le mal, disait-on alors.
(Notes d'écriture du 28/09/2018)

La parution prochaine de ST en janvier bouscule le calendrier. Je feins de m'en étonner, pourtant quoi de plus normal de prévoir déjà en octobre la réunion des " repré. ", abréviation de représentants que les " pro. " de ma maison d'édition laissent parfois échapper. Le représentant est à la maison d'édition ce que l'ancêtre de mon roman Ils désertent est au papier peint : tous deux sont des sortes de grossistes et travaillent avec d'autres professionnels, qu'ils soient libraires ou revendeurs en tapisserie. Le rôle du " repré. " est important : il vise à la bonne visibilité de ces livres, il annonce les nouveautés. Pour Fayard, il y a beaucoup à faire, le catalogue est diversifié et la littérature française occupe une place, certes méritable, mais pas exclusive de sa production. C'est justement cette variété qui m'a toujours plu dans cette maison : ne pas être exclusivement sur la sellette d'une collection exclusivement littéraire, mais voisiner avec des essais politiques, sociaux, des documents historiques. Bref, me voici ce mercredi confronté avec les " repré. " de la maison, une bonne trentaine réunis dans un hôtel de Paris. Je repère des visages connus, ce n'est pas la première fois que je me frotte à l'exercice. Comme d'habitude, j'ai bafouillé pendant quinze minutes, j'ai essayé d'être vivant et de persuader, mais ce n'est jamais facile. Pour autant, je serai " repré. ", je serais content qu'un auteur vienne m'expliquer pourquoi il a conçu un livre, un roman, un essai. J'ai l'impression qu'on retient mieux l'argumentaire qu'on va présenter aux libraires. Et puis, c'est l'occasion pour moi d'entériner cette future parution : elle devient réelle, je l'explique, j'en suis très heureux.
Autre motif de satisfaction, j'ai reçu les premières corrections concernant mon texte. Elles sont importantes : on commence à travailler dans la cohérence du texte, on déniche les lourdeurs, les répétitions, la concordance des temps, on débusque les maladresses, les fautes. Je travaille ainsi sur une version du texte qui sera proche de ce qu'on appelle les épreuves, donc qui donnent déjà l'aspect final du livre : celui-ci dépassera comme je le pensais 300 pages. Je me suis ainsi glissé avec beaucoup de plaisir dans ces premières corrections. J'ai toujours été sensible à l'aspect physique d'un livre et tout ce qui peut m'en rapprocher est évidement bienvenu. Et puis c'est une manière de me réapproprier le livre, d'en devenir son premier lecteur et dieu sait si pour ST je me suis senti bizarrement loin jusqu'à présent. Nouveauté : pour ce livre, je procède de deux manières : d'abord je valide et j'intègre les suggestions dans le texte, puis, chose inédite, j'enregistre le chapitre à voix haute (j'ai ainsi une version audio complète de mon livre). Il n'est pas rare que je débusque alors d'autres corrections à apporter. En plus d'être le premier lecteur, je suis ainsi le premier auditeur à écouter la voix de l'auteur qui est moi : quelle schizophrénie !
A noter que j'en ai profité pour repérer deux contrepèteries, évidemment volontairement intégrées : c'est une manie, une sorte de porte-bonheur voulu par mon esprit carabin. Chacun de mes romans en contient au moins une. Avis aux amateurs : pour ST, elles figurent aux chapitres 32 et 34.
Au final, je suis très content que la réunion des " repré. " de mercredi ait coïncidé avec cette série de premières corrections, d'abord je me suis aperçu que j'arrivais à mieux en parler, ensuite certaines appréhensions que j'avais au sujet de cette histoire emberlificotée se sont dissipées : le titre, que je jugeais trop long par exemple passe bien, et l'histoire qualifiée de " magnifique " m'a fait évidemment très plaisir.
(Notes d'écriture du 05/10/2018)

ST se précise. Il est temps, car la parution aura lieu dans deux mois, pour la rentrée de janvier. J'ai corrigé les premières épreuves avant mon départ et au retour voici les traditionnelles secondes et dernières épreuves avant le fameux " bon à tirer " qui lancera la production du livre. Restait aussi à finaliser la " couv. " comme on dit, l'illustration de couverture. J'ai toujours aimé ce moment où d'une façon collégiale avec l'éditeur nous choisissons parmi les différents projets. Le titre de ST qui commence a circuler parmi les sites en ligne des libraires est long. Une fois n'est pas coutume, j'ai voulu essayer un titre imagé, une phrase complète qui renseigne le lecteur (ou le fourvoie…). Bref (enfin si l'on peut dire), ça s'appelle Il se pourrait qu'un jour je disparaisse sans trace (quatorze syllabes, d'où le sigle ST, plus rapide pour nommer mon machin). C'est une citation de Michel Tournier dans Vendredi ou les limbes du Pacifique et il y a forcément un rapport avec l'histoire. Ça fait aussi Marc Levy comme titre (ou Fred Vargas). En fait, j'espère secrètement attirer par ce truchement quelques dix mille lecteurs supplémentaires… Trêve de plaisanterie, avec un titre pareil, l'illustration de couverture ne pouvait être qu'abstraite, histoire de ne pas ajouter à la surenchère d'images provoquée par cette longue suite de mots. Nous avons donc choisi une couverture " bleu pétrole " avec un entrelacs de vagues bitumeuses. Et comme j'en ai déjà beaucoup dit, je la laisse encore un peu en suspens.
(Notes d'écriture du 12/11/2018)

 

ST, bandeau et autres préparatifs : une semaine après le choix de la couverture, ma maison d'édition me demande mon avis pour un bandeau amovible avec photo, qui doublera mon nom. Cette option a été prise dès la rentrée littéraire précédente, sans doute histoire de donner une plus grande lisibilité au rayon " littérature générale " qui le mérite bien. Le cliché de mézigue est de Richard Dumas, excellent photographe qui m'avait fasciné par sa manière de travailler uniquement à l'argentique. Anecdote : alors qu'on échangeait sur la difficulté de trouver des appareils de ce type, il m'avait raconté en avoir acheté un en Russie, très rustique, qui avait consenti à ne livrer que douze photos sur une pellicule de 36 poses. Et d'ajouter avec un sourire désarmant : " C'était forcément les meilleures ! ".
Il est donc temps de dévoiler la couverture :

BEINSTINGEL_TRACE_BANDEAU V1-2.jpg (41225 octets)

(Notes d'écriture du 19/11/2018)

Service de Presse pour ST : je retrouve avec plaisir Fayard, rue du Montparnasse. Plaisir de sonner à l’accueil, de voir Dominique et Jean-François, de croiser Carole et Pauline (failli pleurer de rire avec elle en évoquant ensemble nos périples à Morges en 2014 - voir Webcam du 10/09/2014)). Le Service de Presse, le SP comme disent les pros, est un exercice fastidieux, autant le faire dans la bonne humeur. Dominique m’a préparé une liste de journalistes divers et variés, à peu près deux cents, auxquels je dois envoyer mon nouveau livre, agrémenté d’une dédicace, que, généralement, je personnalise. Autant dire que l’écriture ne chôme pas pendant trois à quatre heures. Pour se faire, je suis reclus dans une petite pièce à côté de l’open-space des attaché(e)s de presse, endroit dont la porte reste ouverte et donne sur les casiers dévolus au courrier. Ainsi pas mal de monde passe par ici et c’est plus sympathique.
Mais surtout, c’est l’occasion de découvrir le livre, tout juste fabriqué : il est vraiment très beau avec un bandeau du plus bel effet, une belle photo de moi (la photo est belle, elle est de Richard Dumas ; l’image du type dessus m’indiffère même s’il a une vague ressemblance avec celui que je croise dans le miroir de la salle de bain). J’ai apporté un sac pour ramener mes propres exemplaires d’auteurs, mais le premier de la pile que je touche devient mon exemplaire, c’est comme cela depuis mon premier livre, vieux fétichisme… Bref je m’attelle au SP à un rythme d’enfer toute la matinée et découvre dès les premières dédicaces que le titre long, s’il présente un désavantage pour le retenir par cœur, est en revanche parfait pour personnaliser celle-ci, car il sonne comme un début de phrase qui attend sa conclusion. Ainsi Il se pourrait que je disparaisse sans trace est complété au gré des exemplaires par « le plus tard possible », « mais pas avant que vous ayez parlé de mon livre » et autres mentions loufoques. En début d’après-midi, Gaspard-Marie Janvier vient me saluer, nous étions ensemble à la rentrée littéraire de septembre 2012 et avions obtenu tous deux notre nomination au Goncourt, lui pour Quel trésor ! et moi pour Ils désertent. Nous partageons à nouveau une rentrée littéraire, cette fois-ci en janvier et échangeons nos livres. En route maintenant pour de nouvelles aventures !
(17/12/2018)

 

 

Échos - presse

5 janvier 2019 : article de Claire Devarrieux dans Libération : Miséricorde à bras-le-corps, relayé par les recommandations du Cahier Livres

19 janvier 2019 : merci à François Bon d'en parler si chaleureusement dans son service de presse N° 58 (vers la 19ème mn)

23 janvier 2019 : coup de cœur d'Emmanuelle de La maison du livre de Rodez sur Onlalu

23 janvier 2019 : article de Christan Palvadeau pour la Médiathèque départementale du Doubs

23 janvier 2019 : merci à Clara et les mots pour cet article élogieux

27 janvier 2019 : article de Danactu-résistance

28 janvier 2019 : article de Nicole Grundlinger dans Mots pour Mots

30 janvier 2019 : article de Bernard Quiriny dans le nouveau Magazine Littéraire

31 janvier 2019 : article de Jean-Claude Lebrun dans L'Humanité

03 février 2019 : Interview de Thomas Bougeliane et critique de Françoise Ramillon dans le Mag du Journal de la Haute Marne

07 février 2019 : article de Christian Authier dans Le Figaro Littéraire

08 février 2019 : article dans Le blog du petit carré jaune

03 mars 2019 : article dans Les livres de Joëlle

23 mars 2019 : article de Pierre Darracq dans Sans connivence

28 mars 2019 : article dans Les Livres de K79

6 février 2020 : article dans Hop ! sous la couette