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Etonnements 2003

La nouvelle tombe en ce dimanche : on vient de capturer Saddam Hussein ! Je devrais me réjouir, participer à la liesse populaire de voir un dictateur tomber. Il n'en est rien. A mon grand étonnement, j'ai accueilli cette nouvelle avec un curieux sentiment de défaite, sans doute celle de voir perdre le pot de terre contre le pot de fer, encore plus car je devine quelles en seront les conséquences.
A court terme, le triomphalisme américain qui ne fera pas dans la demi-mesure, l'élection de Bush quasi assurée… A plus court terme, cet agacement de voir les médias jouer le jeu du spectacle, ne rien faire dans la sobriété, et cette envie étrange et violente de couper toute information. Ce que j'ai fait par ailleurs en éteignant le poste de télé dés que j'ai vu qu'on commençait à exhiber les amygdales d'un Saddam barbu, trifouillé par un médecin qui devait certainement y chercher des armes de destruction massive. M'a-t'on montré celles de Bush s'étouffant avec un bretzel ? A court terme aussi, attentats revanchards, on n'a pas fini de pleurer les morts… A court terme, donc, je vais fuir la télé, qui n'était déjà que rarement ouverte et qu'au moment des infos, donc exit la grande manipulation moutonnière qu'on va nous concocter…
A long terme, ce sera la rancœur qui va continuer à s'enkyster dans les milliards de personnes placées du mauvais côté du monde bipolaire capitalistique (appelé maintenant mondialisation, c'est tout dire…), ou de ceux qui, comme moi, en refusent les manipulations publicitaires, marketingées et télévisuelles. La rancœur, lit de toutes les guerres…
Mais l'évènement, ce n'est pas l'arrestation de Saddam… Il y a bien plus important : le projet d'une convention européenne a échoué et c'est un drame dont on ne mesure pas les conséquences. J'avais le secret espoir que ce début de texte fondateur aurait pu voir le jour et avec, la volonté commune de bâtir un machin un peu moins étriqué que les règles qui régissent notre pays de chauvins. Hélas !
A court terme donc… Il n'y a pas de court terme, rassurez-vous : vous pouvez continuer à vous repaître tranquille des images de la capture du grand fauve, à court terme personne ne s'émeut de ce non -évènement, c'est la politique du chacun chez soi qui prime. Cela se joue sur du long terme : l'Europe a pris un sale coup et il faudra longtemps pour qu'on accepte de part et d'autre de nouvelles règles. En attendant, dans notre moyen terme de franchouillards, nous allons continuer à défendre nos petites valeurs et nos dérisoires prés carrés, à offrir des boulevards pour élire des Le Pen.
Aurélie Filippetti dans son livre " les derniers jours de la classe ouvrière " (note de lecture du 26/11/03) montre bien comment ce sont les italiens, les polonais, bref les européens que les guerres et les conditions économiques ont de tous temps exilés, qui ont construit notre présent. Son père italien, le mien yougoslave, et le vôtre ? Alors pourquoi n'avons-nous pas voulu de l'ébauche d'une Europe, avec tout ce qu'on imagine comme ouverture au monde pour se sortir de nos sordides petites histoires de défense d'idée laïque, nos réflexes sécuritaires ? Pourquoi couper l'espoir de ce qu'on aurait pu imaginer aussi comme contrepoids à certaines politiques envahissantes jusqu'aux amygdales ?
Nous sommes des frileux…
(17/12/2003)

 

Raccourci de visite : le musée Picasso à Paris est classé par époque. Premiers débuts, génie précoce, période bleue tout de suite (la guide insiste : " gardez toujours en mémoire que Picasso est le plus classique de nos modernes : il y a en lui ce balancier incessant entre le retour au classicisme, Velasquez, Ingres et la plus grande modernité qui n’appartient qu’à lui). Sans doute vrai. Puis période rose, rose des peaux, les corps, les figures géométriques des corps. Masques africains. Puis le pas inévitable vers le cubisme, 1907, les Demoiselles d’Avignon, elles n’y sont pas dans ce musée (André Breton les avait vantés à un collectionneur américain, c’est de sa faute si elles sont parties hors de France, et nous maintenant, nous aurions voulu garder sa collection ?) Inévitables comparaisons avec Braque. La guide : le cubisme. Imaginez que l’on fixe une caméra en tout point du corps et que l’on projette cela sur une feuille plane. Nature morte à la chaise cannée, beau tableau ovale entourée d’une tresse de jonc. Puis les femmes, inévitables femmes de Picasso, fameux portrait d’Olga. Dora, égérie de la guerre d’Espagne, Marie Thérèse, constante et revenant sans cesse, douceur ? Puis l’âge de déraison qui vient, Vallauris, poteries, sculptures, déformation des classiques, déjeuner sur l’herbe. Puis vieillesse, derniers portraits en peintre chapeauté, curieux yeux comme des billes. Puis fauché comme jeune à 92 ans, la mort qui vient " avec sa gueule de raie ", disait Paul Guimard.
(10/12/2003)


A l'heure ou je mets en ligne la quatrième de couverture de " Paysage et portrait en pied-de-poule ", avec " cette histoire (qui) est aussi celle d'un monde qui finit, où les petites exploitations meurent… ", un jugement rendu à la Cour d'appel de Dijon confirme un total de 65 mois de peines de prison et 10800 euros d'amendes contre 15 agriculteurs syndicalistes coupables d'avoir dégradé les grilles de la Préfecture de Chaumont lors d'une manifestation. Le meneur est même condamné à deux mois ferme, temps pendant lequel il aura tout le loisir du repentir. Il pourra par exemple comparer cette justice capable d'annoncer le même jour, 18 mois en sursis et 15000 euros à l'encontre d'un politicien reconnu coupable d'un détournement prémédité pendant plusieurs années d'1,3 millions d'euros.
Quels sont les critères d'appréciation de la justice : montant du préjudice ? (le rapport est de 1/100 entre la réparation des grilles et le détournement de fond), coup de colère légitime quand on arrive plus à faire vivre sa famille contre préméditation cupide et égoïste? La réponse est sans doute plus simple : prison ferme et retour au silence pour celui qui s'est exprimé brutalement, liberté conservée pour le politicien qui continuera de à faire son travail d'homme public, comme par exemple vanter les valeurs de la république et la sérénité de la justice…
Qu'il soit dit que mon nouveau livre serve d'engagement politique fort en faveur de ces " portraits " modestes et opprimés dans un " paysage " navrant…
(26/11/2003)



Quel ne fut pas mon étonnement (d'où place dans cette rubrique) de découvrir que l'excellente rubrique du duo Hasselmann et F Bon sur Remue.net révélait un de mes livres sur l'étal d'une librairie nouvellement créee. Bonheur bien sûr de découvrir un nouveau lieu de lecture, peu s'en créent au-delà des lignes de supermarché, joie à la fois de trouver les petits livres d'Inventaire-Invention, peu distribués, encore moins montrés, et bizarrerie de s'apercevoir qu'un livre vit tout seul, comment dire, sans son auteur. Bien sûr, je suis plus souvent habitué à ne pas trouver mes livres, surtout dans les Fnac (mais pourquoi diable je persiste à y aller ?) les rouages du marketing n'ayant plus de secrets pour moi, je sais bien que mes bouquins disparaissent au bout des quelques mois qui suivent leur parution. Mais là, voir cette photo, avec ce modeste " Vers Aubervilliers " et dont ce n'est pas moi qui ait constaté la présence : c'est difficile à expliquer comme sensation. Ainsi, quelque chose s'est échappé, que je n'ai pas maîtrisé. Quel étrange sentiment d'orgueil de le savoir ?
(19/11/2003)

 

Mirecourt des Vosges et Crémone d'Italie se ressemblent peu. A Crémone, entre Florence et Venise, tout rappelle le faste de la Toscane : maisons cossues, place avec campanile élancé. La vie est typique de l'Italie, pizzeria, pasta, et cette sorte de simplicité désinvolte et gentille dans la manière de vivre des habitants (un garagiste aura aimablement et gratuitement rechargé la batterie de ma voiture qui présentait des signes de faiblesse). Mirecourt est plus discrète, plus petite aussi, c'est un gros bourg qui semble émerger sans tambour ni trompette au milieu de la verdure des Vosges. Ni tambour, ni trompette, mais des violons, ce sont les points communs, les raisons d'être de Mirecourt et Crémone. On y vient donc pour cela, passionné de lutherie et c'est dire si finalement, ces villes accueillent avec bonheur peu de touristes. D'abord Crémone est à l'écart de l'axe Florence-Venise et il y a tant déjà à voir en Toscane ! Crémone ne figure parfois même pas sur les guides touristiques. Pourtant, la ville doit sa notoriété depuis le XVIII ° siècles à son principal luthier, Stradivarius. Un beau musée lui est consacré, bien agencé, avec quelques belles pièces comme l'émouvant linteau de bois de son atelier qui porte son nom. A Mirecourt, pas de Stradivarius, et qui connaît Vuillaume ? L'artisan ne devra sa notoriété après " être monté " à Paris, ce qui laisse méditatif devant le fonctionnement des deux pays où Stradivarius n'eut pas besoin de rejoindre Rome pour y devenir célèbre… Ainsi Mirecourt existe peu, c'est tant mieux. Il faut arpenter ses rues dans la quiétude d'une matinée de septembre pour en sentir tout le charme. Généralement, pour qui entretient ses violons, la matinée aura commencé par une visite chez son luthier habituel, des discussions bavardes de passionnés et l'attente d'un remêchage de l'archet par exemple prolonge les heures. On peut en profiter pour visiter le musée des instruments mécaniques, celui de la lutherie, on peut aussi flâner, aller au marché du samedi, s'arrêter dans une pâtisserie pour déguster des gâteaux " à la crème de luthier " (crème de marron). Mais que ce soit à Crémone où à Mirecourt, la petite boîte en bois qui produit d'aussi jolis sons, crée l'ambiance, étend sa magie et sa forme parfaite partout.
(29/10/03)

 

L’autre jour, j’ai croisé un ami dans la rue (histoire qui commence comme Raymond Queneau dans Exercices de style – notes de lecture du 01/01/03 et 21/03/01 ). Après avoir échangé quelques banalités, il m’a demandé si " ça allait le boulot ". Comme je répondais par l’affirmative et surtout par une réponse succincte afin d’éviter d’autres questions (j’étais pressé comme toujours), il a eu cette remarque en guise de conclusion : Bon, ben c’est bien, le reste c’est de la littérature… Cette phrase m’a laissé rêveur, moi qui étais enfoncé dans des jongleries extrêmes entre un boulot prenant et tardif, des corrections urgentes à rendre à l’éditeur et un projet jusqu’ici en sommeil et qui se réveillait soudain en dernière limite pour Radio France. Le reste, oui, justement, c’est la littérature… Dans le reste, il y avait tout ce qui tourne autour de l’organisation de ce reste, justement : le micro qui n’accepte plus la création de pages web, le bureau bousculé par la présence d’une correspondante allemande… La tentative d’exposition du travail littéraire qui fait la substance de ce site en est restée à la phase tentative, tentation de la mise à jour et abandon devant le temps qui file si vite. Sans doute que l’important est le mot tentative, l’idée du travail littéraire qui submerge tant au point d’en oublier de l’exposer. Ne reste que la tentative. Le reste, c’est de la littérature.
(22/10/2003)



Une année sans champignon, donc : c’est la sécheresse qui veut ça. Pas le moindre champignon de bois, même vénéneux à l’époque où les amanites tue-mouches foisonnent, où d’énormes lactaires blancs se repèrent à vingt mètres. Mais là, rien. Un sol dur qui laisse résonner les pas, un peu d’humidité pourtant avec la rosée qui accroche des barbes à la mousse et tend ses filets par-dessus les herbes. Il est tôt, le temps est frisquet, 3° à découvert, je remonte la fermeture du blouson de cuir, clin d’œil à la tenue préférée de mon beau-frère du sud-ouest, grand acharné des cèpes et des bolets, et lecteur régulier de Feuilles de route. Depuis la tempête, les chemins sont encore méconnaissables. Les arbres couchés donnent l’impression d’immenses leviers abaissés à l’horizontale et capables par leur action mécanique de déployer dans un chaos de terre remuée de grands éventails de racines de quatre mètres de diamètres. On avance ainsi en se demandant combien de décennies faudra t’il pour effacer toutes ces traces, je pense que j’avais eu les mêmes réflexions (avec quelques autres…) un 12 septembre 2001 dans une promenade similaire (Etonnements 19/09/01).
L’immédiat du temps change la donne et l’évenement d’importance sera cette année sans champignon, c’est ainsi et je me hâte dans les chemins, déjà résigné à rentrer bredouille, encore plus pressé quand j’entends des abois de chiens se rapprocher. Le clocher d’un village sonne neuf heures, déjà le soleil inonde la route.
(01/10/2003)

 

C’est un texte de Samuel Beckett issu de " Pour en finir encore et autres foirades ". Le texte n’a pas de titre : sur le livre, au-dessus des premiers mots imprimés, j’ai écrit au crayon celui que je lui ai trouvé " Pour Mathieu, 16 ans, et ses amis qui l’ont aimé ". Je recopie donc ici ces belles pages, en pensant à cette cérémonie à laquelle je ne peux aller, à ce texte que j’aurais aimé lire. Quant à la mention du titre au crayon, elle disparaîtra dans le livre rendu à la bibliothèque municipale, avec autant de chance d’être découverte qu’une bouteille à la mer.
"J’ai renoncé avant de naître, ce n’est pas possible autrement, il fallait cependant que ça naisse, ce fut lui, j’étais dedans, c’est comme ça que je vois la chose, c’est lui qui a crié, c’est lui qui a vu le jour, moi je n’ai pas crié, je n’ai pas vu le jour, il est impossible que j’aie une voix, il est impossible que j’aie des pensées, et je parle et pense, je fais l’impossible, ce n’est pas possible autrement, c’est lui qui a vécu, moi, je n’ai pas vécu, il a mal vécu, à cause de moi, il va se tuer, à cause de moi, je vais raconter ça, je vais raconter sa mort, la fin de sa vie et sa mort, au fur et à mesure, au présent, sa mort seule ne serait pas assez, elle ne me suffirait pas, s’il râle, c’est lui qui râlera, moi je ne râlerai pas, c’est lui qui mourra, moi je ne mourrai pas, on l’enterra peut-être si on le trouve, je serai dedans, il pourrira, moi je ne pourrirai pas, il n’en restera plus que des os, je serai dedans, il ne sera plus que poussière, je serai dedans, ce n’est pas possible autrement, c’est comme ça que je vois la chose, la fin de sa vie et sa mort, comment il va faire pour finir, il est impossible que je le sache, je le saurai, au fur et à mesure, il est impossible que je le dise, je le dirai, au présent, il ne sera plus question de moi, seulement de lui, de la fin de sa vie et de sa mort, de l’enterrement si on le trouve, ça finira là, je ne vais pas parler de vers, d’os et de poussière, ça n’intéresse personne, à moins de m’ennuyer dans sa poussière, ça m’étonnerait, autant que dans sa peau, ici un long silence, il se noiera peut-être, il voulait se noyer, il ne voulait pas qu’on le trouve, une eau profonde et une meule au cou, élan éteint comme les autres, mais pourquoi un jour à gauche plutôt que dans une autre direction, ici un long silence, il n’y aura plus de je, il ne dira plus jamais je, il ne dira plus jamais rien, il ne parlera à personne, personne ne lui parlera, il ne parlera pas tout seul, il ne pensera pas, il ira, je serai dedans, il se laissera tomber pour dormir, pas n’importe où, il dormira mal, à cause de moi, il se lèvera pour aller plus loin, il ira mal, à cause de moi, il ne pourra plus rester en place, à cause de moi, il n’y a plus rien dans sa tête, j’y mettrai le nécessaire."
(17/09/2003)

Les éditions Flohic, entreprise familiale. Catherine Flohic vous reçoit, non pas dans un beau bureau directorial, ni un espace prévu pour cela, neutre, genre salle de réunion, non, Catherine vous reçoit à son bureau couvert de papiers, de livres, de revues, encombré des choses diverses et banales du travail, bureau qui ne se distingue en rien des autres accolés au sien. Elle s’assoit ainsi au milieu d’un vaste espace, vous invite à vous asseoir à votre tour sur une chaise libre. Derrière des écrans d’ordinateurs, des employés vous sourient, on se sent bien, on ne ressent pas la tension habituelle aux lieux de labeur, pourtant combien y a t’il d’employés dans cette salle, dix, vingt ? Elle parle d’une voix calme, on dirait posée et qui vous invite à la confidence, à parler de vous, de vos projets. On comprend que les éditions Flohic ont plusieurs activités, celle qui réunit une collection de livres touristiques par département, ou par thèmes, la poste, les avions… tout un travail abondamment illustré, professionnel, et le versant artistique qui n’en est pas moins sérieux avec la revue d’art et d’avant garde Twenty, suite des Ninety, Eighty ou le rayon littérature qui parfois rejoint l’art pictural comme la luxueuse collection Musées Secrets. Il y a aussi les très beaux livres d’entretiens avec des auteurs dont le dernier en date est le magnifique Pierre et Gabriel Bergounioux (Notes de lecture du 25/06/2003 ). Catherine vous parle de ses projets, ceux d’associer photos et textes comme le B17G de Bergounioux encore (Notes de lecture du 30/10/2001 ). Elle vous parle des auteurs qui s’y associent : Jacques Serena, François Bon, Pascal Quignard, Djian, Savistzkaya… Elle vous demande de les rejoindre. Oui, oui, bien sûr, être en si bonne compagnie ! Mais il faut matière… Les mois, un ou deux ans passent : Catherine vous rassure, vous avez le temps…
Oui, le temps… Un jour, vous recevez un mail, vous ne retenez qu’un seul mot, l’adjectif triste, triste aventure, triste temps des faillites, il faut mettre la clef sous la porte. Vous l’appelez. Vous pensez aussi à tous ces employés qui semblaient participer à cette échappée éditoriale avec sérénité. L’aventure est finie : les collections vont finir de se vendre lentement au fond des librairies. A l’autre bout du fil, Catherine, qui n’est certainement plus à son petit bureau perdu au milieu des autres, vous parle avec courage. Vous pensez à ces autres derrière leurs écrans et qui vous souriaient les deux fois où vous y êtes allés. Que font-ils ? Où sont-ils ? Dans quels bureaux perdus, égaillés pour les plus chanceux ? Le mot " égaillés " pour cette triste réalité économique qui sépare, dissèque, brise, démonte ce qui se construit, sans cœur, gros rouleau compresseur fait de chiffres, de bilans. Les chiffres parlent d’eux-mêmes a t’on l’habitude de dire. Non, un chiffre ne dit rien. Quel est ce monde où les chiffres prennent le pouvoir face aux cœurs, aux vies ? Catherine, donc, parle avec courage de repartir, de continuer Oui, Catherine, je vous accompagnerai, soutiendrai, enfin bref, tout ce qu’il sera possible de faire, soyez en sûre…
(10/09/2003)

 

Détachement : au départ, le cordon ombilical. Détachement : bruit mat de la chute d’un fruit trop mur. Détachement, détacher, bruits, odeurs, couleurs qui vont avec. Détaché : enlever les tâches. Pas un mot neutre, non. Détaché, prendre le large, rompre les amarres, être détaché, prendre un air détaché, jmenfoutiste. Détachement, baisser les bras, laisser tomber. Détaché : enlever les taches, le travail. Désœuvrement. Plus de boulot, l’esprit qui gamberge, détaché. Détachement, bizarre coup du sort, c’est le motif d’un travail retrouvé : s’occuper des détachements de fonctionnaires vers une autre administration. Détaché là-bas, dans un service de personnel, nouveau boulot. Détaché : grade administratif de la fonction publique. Détachement des détachés.
Attaché aussi, grade administratif, exemple : attaché d’ambassade. Attachement, contraire de détachement. Rejoindre au lieu de s’éloigner : s’attacher aux détachements des fonctionnaires, c’est le nouveau boulot. S’attacher, s’occuper, s’y coller. S’y coller, aimer. Etre collant, attachant (vieille blague familiale ayant renommé l’adjectif en " attachiant " à l’occasion des câlins si fréquents, si mignons du petit dernier : voyez comme il est attachiant…) Attachant, s’attacher, parfois avec passion, fureur : attachant comme attaque, défense, être sur la défensive. Attacher : cette vieille poêle attache. On s’attache à ses petites bêtes là (en parlant du chien, du chat, des poissons rouges). Attachant, attaché, attachement : s’atteler à la tâche. Nouveau boulot.
(03/09/2003)

 

Fare niente, rien faire : l’écrivain polyglotte Samuel Beckett utilisait cette expression en son sens italien. Il est facile d’imaginer en quelles circonstances, peut-être dans sa maison d’Ussy où il aimait échapper aux multiples sollicitations depuis le succès de Godot. Dans sa correspondance, on relève beaucoup d’allusions à cet état particulier où la créativité semble mise à mal par l’inactivité, pourtant, dans ce paradoxe cité par de nombreux écrivains, l’écriture n’en continue pas moins de se construire.
Fare niente, bien sûr, on pense aux vacances. Depuis quelques années, nous avons pris l’habitude familiale d’alterner les journées de farniente avec celles plus actives des visites.

Cette année, en Sicile, les moments passés à arpenter les temples grecs en pleine chaleur étaient suivis d’une journée à l’ombre de ce " rien faire ". Cet état d’esprit est parfois déstabilisant tant la vie et la pression nous obligent à être productif, utile, tourné vers l’avenir sans jouir du présent.
Circonvolutions du corps, déambulations de l’esprit, molles occupations au hasard des heures qui tournent lentement. Par chance, la maison que nous avions louée présentait un cadre propice à cette errance. Mes pieds nus gardent le souvenir de marches brûlantes sur les dalles de terre cuite avant de rejoindre un banc de pierre ombragé non sans avoir annoncé à tous (j’ai cette manie de toujours dire à mes proches ce que je fais) que je rejoignais mon " banc de méditation " souvent pour y lire. Mais le " rien faire " est difficile et la lecture était souvent interrompue pour aller par exemple dans la chaleur du verger chercher un citron pour une boisson bien fraîche ou rejoindre la petite famille disséminée un peu partout sur les terrasses et tout aussi vaguement occupée et silencieuse. Petits plaisirs minuscules chers à Philippe Delerm…
Dans l’ombre de la salle à manger, l’ordinateur portable attendait les corrections de PPPP (voir note d’écriture de la semaine précédente), mollement mais sûrement retravaillé, sorte de préoccupation tranquille et combien le mot de préoccupation est par ailleurs bien imagé, alliant la réflexion avant l’action.
(27/08/2003)

 

Cela fait déjà quelques années que j’ai jeté mon dévolu pour des vacances à l’étranger, en particulier en Italie. L’étranger permet de s’aérer, de s’ouvrir l’esprit, de s’éloigner du français râleur, donneur de leçon et sûr de lui. En Italie, même avec la barrière de la langue, tout paraît plus facile, moins agressif (ici, il fait 40 tous les étés, on n'en fait pas une polémique), plus simple sauf à se reconnaître dans la multiplicité des routes… En Sicile, destination choisie cet été, île aussi grande que deux départements de notre pays, le réseau routier particulièrement dense et bien construit permet de visiter facilement des villes distantes de plus de 200 km, comme Palermo et Catania, les deux principales rivales de toujours. Palermo laisse ses splendides palais et églises de l’occupation normande ou souabe (et même angevine) au milieu de quartiers populaires, car, tout comme à Naples et contrairement à nos grosses agglomérations peuplées de fiers bourgeois, les villes appartiennent à leurs habitants les plus modestes : on n’hésite pas à vous renseigner, vous interpeller avec une réelle gentillesse. Hélas, d’après notre expérience, les villes du nord de l’Italie se rapprochent plus du modèle français… Catania, ville de l’Etna, aussi populeuse, s’agite également dans une joyeuse et charmante pagaille… sauf à l’heure de la sieste - jusqu’à 17 heures ! – qu’on peut passer sur une des plages très fréquentées mais si agréables du sud de la ville, où imiter les touristes perdus au milieu de ruines antiques en pleine chaleur, seuls vestiges à demeurer ouverts. La présence grecque est omniprésente : Agrigento, Selinunte, Segeste, Siracusa nous gratifient de temples extraordinaires avec souvent un très intéressant musée attenant. A ce sujet, ne pas manquer Le Palais Bellomo de Syracuse (étape obligatoire pour tout haut-marnais soucieux de respecter la mémoire de notre compatriote Bernard Dimey, auteur de la merveilleuse chanson) où se trouve une très belle (mais hélas abîmée) " Annonciation " d’Antonello da Messina, peintre majeur de l’Ile, mais aussi " L’enterrement de Sainte Lucie " du Caravage, tableau dont l’émotion coupe le souffle, à rester des heures devant. Par ailleurs, les ruines de Siracusa sont à mon avis les plus belles : ah, penser qu’Eschyle a fait jouer ses pièces dans le théatre grec ! Eviter Taormina, beauté surfaite, fabriquée, suite d’échoppes et d’artisanat convenu, où, bizarrement, réapparaissent tous les Français de l’île qui semblaient avoir disparus… Et pour terminer cette visite touristique, il faut vanter l’hospitalité extraordinaire des siciliens, merci en particulier à Teresa et Sergio car la réussite de ce séjour tient beaucoup à eux.
(20/08/2003)

 

Voir les Stones, c’est un vieux rêve comme pour beaucoup : trente ans après les avoir découvert avec Aftermath à quinze ans et du même coup autre chose que Sardou plus d’autres variétés ressassées à longueur de transistor, autre chose qui fit apprendre la guitare, copier quelques rifs sur des imitations japonaises de Fender ou Gibson. Vieux rêve que le hasard ne permit pas de réaliser jusqu'ici et là, cette occasion d'y aller dans la structure sécurisante d'un comité d'entreprise, voyage en car Dijon Paris, aller et retour. J’arrive donc avec mon cousin Hervé sur la pelouse brûlante du Stade de France (enfin, pelouse recouverte de plaques pour la protèger), peu de monde, il est dix-sept heures trente. On attend dans le soleil de cet été exceptionnel sans s’émouvoir que notre adolescence va rejoindre dans un raccourci de quelques heures cet âge qu’on dit adulte et tout ce qui va avec, famille, boulot, enfants devenus grands et dont on prend mutuellement des nouvelles, histoire de patienter.
Dix-neuf heures trente, Stéréophonics en première partie. Le gros son (comme dirait François) se déverse des vingt-cinq amplis empilés devant nous. Nous sommes plutôt bien situés, ce qui veut dire qu’on arrive à apercevoir les musiciens, hormis l’écran géant, en se levant sur la pointe des pieds. Stéréophonics joue fort, simple, avec un son et un look qui rappelle les années soixante-dix, toutefois le chanteur a cette voix éraillée aux intonations stéréotypées d’aujourd’hui qui me fait penser à ce qu’écoute ma fille en dehors du répertoire d’NRJ. Je lui filerai le CD promotionnel qui m’a été distribué à l’entrée.
Ce premier groupe permet de sentir la foule qui se masse un peu plus autour de nous, sentir aussi les premiers pétards et l’odeur de cigarette que je ne supporte pas, non merci je ne fume pas. Voir aussi quelques premiers dandinements sur le rythme basique mais efficace. Avec mon cousin, nous sommes du genre statique, pas très expansif, ce qui nous donne l’air de nous emmerder, même que c’est même pas vrai.
A ce sujet, une anecdote qui n’a rien à voir avec les Stones mais avec le Stade de France : lors de la Coupe du Monde 98, le hasard a voulu que nous regardions ensemble cette fameuse finale lors d’un repas en famille en plein air dans un verger de notre campagne profonde, excellent souvenir immortalisé par une cassette vidéo où la joie de voir la France gagner peut se lire chez le cousin Hervé par un décroisement des bras dans l’autre sens, seule manifestation de sa joie et devenue ensuite un sujet de plaisanterie : Hervé est content, il décroise les bras…
Bon, pour en revenir à notre concert, mettons que nous avons décroisé les bras plusieurs fois timidement dans cette première partie mais surtout dans l’attente des Stones…
L’attente des stones : il nous faut patienter une heure et demie après Stéréophonics pour entendre un brouhaha annonciateur et qu’éclatent les premières mesures de Brown Sugar. On aperçoit Mick et Keith par intermittence et je commence à craindre que l’absence d’écran géant devienne une sacrée gène… Mais après cette introduction, la fantastique scène s’ouvre et un système de sept panneaux modulables nous gratifie de visions exceptionnelles : il y a même une caméra fixée au bout du manche de guitare de Ron Wood !
Décrire l’effet que produit la musique des Stones sur moi est difficile. A l’avance, je connais toutes les intonations, trente ans à les écouter régulièrement et c’est comme un sang habituel dans les veines. Je ne sais pas ce qui produit cette alchimie. J’ai cependant cette impression d’être à chaque fois vidé, viscères aspirés et remplacés par une floppée d’émotions et de sentiments mais comment dire, immédiatement reconnaissables, historiquement reconstitués. Ainsi, titre après titre, c’est une vie qui défile, " Honky Tonk Women " et l’inévitable pensée vers Philippe, l’autre cousin, frère d’Hervé, encore aux Etats Unis et qui là-bas n’a même pas pu trouver une place dans la tournée des Stones ; " Angie " et revoir la pochette jaune de Got’s head soup à côté du tourne disque " La voix de son maître " chez mes parents. On pourrait appeler cela l’effet du plein-vide : le plein est cet engouement, ces repères qui durent depuis 30 ans, des signes immédiatement reconnaissables, impression de liberté etc… une respiration qui fonctionne exactement comme dans le corps humain, par système de capillarité entre vaisseaux et alvéoles pulmonaires, échanges gazeux, l’expression donnez-moi de l’air, une bouffée d’oxygène, rendue possible que par la pression que nous demande la vie et qui mérite bien une réaction au vide, c'est à dire les brimades du boulot, les claques sociales, le sarcosisme, les raffarinades, les donneurs de leçons, cravatés et conformistes de tous poils, tout cela passé aux rouleaux compresseurs de la batterie Gretsch de Charlie, épinglé par les guitares de Keith et Ron, moqué par la voix de Mick. Que " Sympathy for the devil " coule dans nos veines avec son hululement de train repris en cœur ! Bref une respiration, un apport de sang neuf et, du coup, on en comprend presque le rôle de ce à quoi on s’est toujours tenu à l’écart, drogue, clope, tout ce vent, cette fumée qui pourrait jouer la même chose que cette musique des diables, remplacer nos vies mornes pour un monde coloré, pourtant, restons conscient, tout un folklore, un côté macho-brown-sugar-marketing qui accompagne le rock, qu’on ne cautionnera jamais et dont on continue à penser qu’il est caricatural, superflu, fausse route.
" Satisfaction " puis " Jumpin’ Jack Flash " et le vieux rêve s’est réalisé, on a même oublié de compter combien de fois nous avons croisé/décroisé les bras…
On quitte Le Stade de France pour une nuit blanche dans le bus sans savoir que l’obsession durera des jours, étonnament puissante, à y penser sans cesse, à reprendre parfois la guitare sèche pour jouer au feeling et à l’oreille les quatre accord de " Wild horses ".

- Lire aussi l’excellent récit du concert de l’Olympia par François Bon, deux jours après le Stade de France (ou écouter à nouveau, du même auteur, le feuilleton "Les Rolling Stones racontés comme votre vie même", tous les jours à 11h sur France Culture).
- Tout savoir sur le World Tour 2002/2003 des Stones sur le site www.sympathyforthedevils.com
(23/07/2003)

 

-La Raison et les Remèdes, Essai sur l'imaginaire et le réel dans la thérapeutique contemporaine, thèse principale de Doctorat es Lettres, Puf, collection Galien, Paris, 1964.
-Gaston Bachelard, sa vie, son oeuvre, avec un exposé de sa philosophie, Puf, Paris, 1965.
-Méthodes et Doctrines dans l'oeuvre de Pasteur, thèse complémentaire Doctorat es Lettres, Puf, collection Galien, Paris, 1967.
-Tableaux et Langages de la chimie, Seuil, Paris, 1969.
-Le Catalogue de la vie, étude méthodologique sur la taxinomie, Puf, collection Galien, Paris, 1970. -Dix peintres Langrois, Langres, 1973.
-Ecriture et Iconographie, Vrin, Paris, 1973.
-Pour une Théorie Générale des Formes, Vrin, Paris, 1975.
-Une épistémologie de l'espace concret, Néogéographie, Vrin, Paris, 1977.
-Mémoire pour l'avenir, vers une méthodologie de l'informatique, Vrin, Paris, 1979.
-Faces, Surfaces, Interfaces, Vrin, Paris, 1982.
-Mort du paysage ? Philosophie et Esthétique du paysage, Champ-Vallon, Seyssel, 1982.
-Le Musée sans fin, Champ-Vallon, Seyssel, 1984.
-Le Nombre et le Lieu, Vrin, Paris, 1984.
-Philosophie de l'Image, Vrin, Paris, 1984.
-Rematérialiser, Matières et Matérialisme, Vrin, Paris, 1985.
-Etienne Jules Marey, la passion de la trace, Hazan, Paris, 1987.
-La Maîtrise du Vivant, Hachette, Paris, 1988.
-Eloge de l'objet, Pour une Philosophie de la Marchandise, Vrin, Paris, 1989.
-Nature, Vrin, Paris, 1990. -Corps réfléchis, O.Jacob, Paris, 1990.
-Philosophie de la Propriété, l'Avoir, Puf, Paris, 1992.
-Pour l'art d'aujourd'hui, De l'objet d'art à l'art de l'objet, éd.Dis Voir, Paris, 1992.
-Le corps multiple et un, Delagrange, Paris, 1992.
-Le cerveau citadelle, Les Empêcheurs de penser en rond, Synthelabo, Paris,
-La peau découverte, Les Empêcheurs de penser en rond, Synthelabo, Paris, 1993.
-Pasteur sans la légende, Les Empêcheurs de penser en rond, Synthelabo, Paris, 1994.
-L'invention de notre monde; L'industrie : Pourquoi et comment ?, Encre Marine, Lyon, 1995.
-Les Dieux sont dans la cuisine, Philosophie des objets et objets de la philosophie, Les Empêcheurs de penser en rond, Synthelabo, Paris, 1996.
-Pour une philosophie de la maladie, entretien avec Philippe Petit, Textuel, Paris, 1996. -Cheminement, Entretiens avec Patrick Vighetti, éd.Paroles d'Aube, Vénissieux, 1996.
-Georges Canguilhem, philosophe de la vie, Les Empêcheurs de penser en rond, Synthelabo, Paris, 1997.
-Des détritus, des déchets, de l'abject : une philosophie écologique, Les Empêcheurs de penser en rond, Synthelabo, Paris, 1998.
-Savoir et pouvoir en médecine, Les Empêcheurs de penser en rond, Synthelabo, Paris, 1998.
-Une nouvelle morale, Les Empêcheurs de penser en rond, Synthelabo, Paris, 1998.
-La mort vue autrement, en collaboration ave Tobie Nathan, Les Empêcheurs de penser en rond, Synthelabo, Paris, 1999.
-Les outils de la réflexion, Les Empêcheurs de penser en rond, Synthelabo, Paris, 1999.
- Faut-il brûler Régis Debray ? Champ Vallon, 1999.
-Cent mots pour commencer à philosopher, Les Empêcheurs de penser en rond, Paris, 2001.
Cette bibliographie, qui n'est pas exhaustive, donne une idée de l'importance du philosophe François Dagognet, né à Langres, le 24 avril 1924. Philosophe ? Pas seulement? Après de brillantes études de Philosophie (Capes en 1947 et agrégation en 1949 - reçu premier du premier coup à ces deux examens), il fut élève de Bachelard et de Georges Canguilhem, et fidèle au principe selon lequel tout philosophe doit s'exercer à s'enquérir des autres savoirs, il s'engagea alors dans un cycle complet d'études médicales à Dijon et à Lyon. Nommé docteur en psychiatrie, François Dagognet reçoit le premier prix de la faculté de médecine de Grange-Blanche en 1957. Il exerce au centre du Prado à Lyon 7e, puis est nommé consultant par le Barreau de Lyon auprès des prisonniers de la prison Saint-Paul. En même temps, il enseigne la philosophie au lycée Ampère, puis à l'université Lyon III jusqu'en 1985, année où il est nommé professeur à la Sorbonne. Cette double appartenance, scientifique et philosophique, en font un analyste particulièrement pertinent, mêlant un optimisme raisonné dans les progrès de la science, n'hésitant pas parfois à provoquer le public dans ses conférences comme lorsqu'il réclame " la nationalisation des corps " pour aider à la transplantation d'organes ! Philosophe toutefois pétri de " bon sens ", il partage bien des points communs avec Diderot et j'aime à penser que notre lieu de naissance commun, ceint de murs, apporte le contraire de l'enfermement mais une vision contemplative en observant le monde au-delà des remparts, sur la romantique et millénaire promenade. Capable de s'intéresser à bien des sujets, ce qui est le propre de la philosophie, il disserte également sur l'art avec une admiration particulière et sans concession pour l'avant-garde. (voir aussi en note d'écriture) A noter un ouvrage pour mieux comprendre l'œuvre de F.Dagognet dans la très belle collection. Paroles d'Aube: " Cheminement ", Entretiens avec Patrick Vighetti, 1996.
(16/07/2003)

 

Lors d’un passage dans mon département, le ministre Patrick Devedjian, débattant avec quelques syndicalistes sur le problème des retraites, a agité le spectre du FN en expliquant : " si nous ne réformons pas ce pays, nos électeurs se sentiront cocus et iront chez Le Pen. ". Il a raison sur ce risque qui est la conséquence d’une politique qui se veut musclée et nous savons combien ces électeurs sont rassurés par les gros bras… Ceci dit, les 25 % d’électeurs FN méritent forcement par leur nombre qu’on s’intéresse à eux et sont des gens comme vous et moi. Ce qu’on appelle discours sécuritaire n’est que le besoin légitime de se sentir en confiance dans une société qui agite à l’envi le spectre d’une mondialisation devenue incontrôlable. Depuis vingt ans, le travail s’est ainsi défilé dans les mailles des plans sociaux, le langage des entreprises nous a appris combien nous n’étions que des pions, des ressources humaines dont l’expérience au boulot ne valait rien. Pour garder le pouvoir, les " décideurs " (qui ont gardé ce vocable pour se désigner) ont introduit le dénigrement et la peur de tout (du chômage, de la concurrence, des autres, de soi-même…). Ce sont les mêmes qui ont tout fait pour que l’on prenne en horreur le travail et l’initiative (c’est à dire in extenso la participation au monde qui nous entoure) et qui s’offusquent du succès des 35 heures. Et ainsi, ce sont les mêmes partisans d’une telle politique qui viennent maintenant tirer la sonnette d’alarme : il faut remettre la France au travail ! Et de façon brutale, allons-y ! Que ceux qui bossent déjà dans la trouille travaillent plus et plus longtemps ! (Tiens, on oublie de revenir sur quelques acquis bien confortables pour les décideurs, stocks options, retraites cumulables d’élus…etc.)
Le gouvernement radicalise son discours, empiète comme Devedjian sur les terres du FN en redonnant d’une façon démagogique de " la valeur au travail ", lui qui n’a cessé au travers de représentants d’entreprises comme le Medef de traiter par le mépris ceux qui modestement n’avaient que le boulot comme raison d’exister. Et que penser de cette peur installée volontairement, qui fait voter FN, et que maintenant on agite pour justifier ces mesures qui ne profiteront certainement pas aux modestes ? Au fait que devient le décret prévu par l’UMP (même pas une loi votée, un décret…) qui relève de 60 fois le plafond d’appels d’offres des marchés publics, histoire d’augmenter magouilles et copinages entre " décideurs " ? Et l’immunité du Président (même Georges Bush n’en bénéficie pas…) ? Mais je m’aperçois que je m’agite aussi dans ma peur, je vois de la magouille partout, je vais bientôt être mûr pour voter moi-aussi FN… C’est marrant, c’est exactement le processus inverse qui se produit, contrairement à ce que pense Devedjian: continuez bien Sarko, Raffarin, Devedjian d’agiter la peur de nos lendemains et nous aurons bientôt le gros bouledogue pour Président… Arroseur arrosé…
(02/07/2003)

 

2ème AG de Remue.net, vendredi 20 juin : annoncé comme cela, on dirait le titre d’un article journalistique d’un quotidien de province, coincé entre les mariés du week-end et la distribution des prix à l’école municipale de musique. Et d’ailleurs, c’est bien cela : association, loi de 1901, donc, AG annuelle, et celle là était la deuxième. On a beau retourner dans tous les sens l’évènement (ou plutôt le non évènement) auquel on a participé, on ne voit pas l’extraordinaire.
Non, vraiment. A la réflexion, ce qui reste c’est cette sensation d’avoir passé une excellente soirée, bien prévisible par ailleurs, une sorte de contentement qui persista pendant le trajet du retour en train, l’arrivée vers une heure du matin au domicile, le lever à sept heures pour rejoindre à huit heures un verger à entretenir avec mon fils et deux oncles, et, plus tard, rejoint par toute la famille, poursuivre cet excellent week-end par un pique-nique joyeux, parties de badminton, puis le lendemain, assister à la fête de la musique avec l’ensemble philharmonique dans lequel mon épouse joue du violon, modeste fête de quartier pour un beau soir d’été.
Donc, rien d’extraordinaire… On s’habitue très bien au bonheur… Bonheur, bonnes heures… Il y a dans ce mot, quelque chose de plus fort que le bonjour qu’on échange, disons, 24 fois plus fort. Et ce n’est pas peu dire pour résumer ce que l’on a ressenti avec comme point de départ cette AG attendue. Plaisir de retrouver pour la deuxième fois des visages déjà familiers, la timidité dont nous avions plaisanté et qui s’en va, on se découvre bavard, rien que de très naturel et prévisible.
Mais quand on y pense, tout cela grâce à la virtualité d’Internet… Un webmaster a gardé en première phrase de son site l’extrait d’une interview que j’avais accordée à Libération Maroc : " Oui pour travailler avec Internet en tant qu’outil, non pour qu’il devienne une philosophie de vie ". Si la philosophie de la vie est le bonheur, je module donc mes propos, tant apparaît le lien évident entre cette joie et ce qui est contenu dans ce titre journalistique " 2ème AG de Remue.net ".
Et bien sûr, puisque je crois maintenant à l’implication d’Internet dans le bonheur, j’espère pour tous ceux qui n’ont pu se rendre à notre AG (cher Phil, chère Catherine) en partager à distance avec vous.
(25/06/2003)

 

" Laissez-moi dans un cercueil de bois simple, en habits ordinaires. Qui sait si trois de mes cellules veulent refaire une triade, nous revivrons ensemble. Je n’ai fait que mon devoir pour l’amour de toutes et de tous et je suis toujours avec vous positif et optimiste. La vie est simple et courte, il faut la vivre le plus intensément possible, sans provocation ni excès mais en toute plénitude et liberté ! Ce message s’adresse aux jeunes et aux générations futures avec la certitude de la survie et du progrès continu vers le point gamma ou nous nous retrouverons… ".
C’est le dernier messager de Guy Baillet, écrit quelques jours avant son décès.
Maire de Langres pendant 24 ans, homme de gauche, il laisse l’image d’un humaniste passionné, acharné même. Mais plus que ces discours convenus et unanimes retracés dans les éditions du Journal de la Haute-Marne, je voudrais y ajouter ma touche personnelle. Guy Baillet a été mon prof d’allemand et au moment où récemment l’amitié franco-allemande a été fêtée, je n’ai pu m’empêcher de penser à lui, aux rencontres qu’il organisait entre jeunes de ces deux pays et qui ont été pour moi une ouverture extraordinaire au monde.
En 1977, nous, ses élèves, l’avions acclamé dans son premier succès aux municipales, succès qui alors détonnait tellement, semblait si improbable dans la ville bardée de remparts et de casernes, siège de l’évêché et aux nombreuses congrégations,  alors complètement repliée sur elle-même. Combien la ville natale de Diderot nous semblait éteinte, si loin du siècle des lumières ! Les conservateurs de tous poils avaient prédit chienlit et sept plaies d’Égypte : un socialiste à Langres, c’était comme si les chars russes franchissaient les portes millénaires ! Il avait été réélu 4 fois et, déjà malade, avait renoncé à se représenter pour un cinquième mandat.
Il est venu à toutes mes séances de dédicaces organisées dans ma ville natale et nous avions plaisir à nous retrouver. A l’occasion d’une expo sur l’histoire du téléphone que j’avais coordonné, nous avions inauguré une place du nom d’un ancien maire de Langres, Léon Mougeot, secrétaire d’état aux PTT en 1901 et à l’origine de la structure du réseau téléphonique encore actuel. Ajoutons qu’il était aussi un écrivain hors pair et qu’il avait publié un très beau récit récemment, " La dame blanche ", aux éditions Guéniot.
(18/06/03)

 

Prince des monte-en-l'air et de la cambriole
Toi qui eus le bon goût de choisir ma maison
Cependant que je colportais mes gaudrioles
En ton honneur j'ai composé cette chanson

Sache que j'apprécie à sa valeur le geste
Qui te fit bien fermer la porte en repartant
De peur que des rôdeurs n'emportassent le reste
Des voleurs comme il faut c'est rare de ce temps

Tu ne m'as dérobé que le strict nécessaire,
Délaissant dédaigneux l'exécrable portrait
Que l'on m'avait offert à mon anniversaire
Quel bon critique d'art mon salaud tu ferais

Autre signe indiquant toute absence de tare
Respectueux du brave travailleur tu n'as
Pas cru décent de me priver de ma guitare
Solidarité sainte de l'artisanat.

Pour toutes ces raisons vois-tu, je te pardonne
Sans arrière pensée après mur examen
Ce que tu m'as volé, mon vieux, je te le donne,
Ca pouvait pas tomber en de meilleures mains.

D'ailleurs moi qui te parle, avec mes chansonnettes
Si je n'avais pas dû rencontrer le succès,
J'aurais tout comme toi, pu virer malhonnête,
Je serais devenu ton complice, qui sait

En vendant ton butin, prends garde au marchandage,
Ne vas pas tout lâcher en solde aux receleurs,
Tiens-leurs la dragée haute en évoquant l'adage
Qui dit que ces gens-là sont pis que les voleurs.

Fort de ce que je n'ai pas sonné les gendarmes
Ne te crois pas du tout tenu de revenir
Ta moindre récidive abolirait le charme
Laisse moi, je t'en prie, sur un bon souvenir

Monte-en-l'air, mon ami, que mon bien te profite
Que Mercure te préserve de la prison
N’aies pas trop de remords, d'ailleurs nous sommes quittes
Apres tout ne te dois-je pas une chanson

Post-Scriptum : si le vol est l'art que tu préfères
Ta seule vocation, ton unique talent,
Prends donc pignon sur rue, mets-toi dans les affaires
Et tu auras les flics même comme chalands.

(Georges Brassens, Stances à un cambrioleur)
(11/06/2003)

 

La semaine dernière, la télé interviewait un étudiant : qu’est ce que vous voulez faire plus tard ? Fonctionnaire, car ils ne foutent rien et sont bien payés… Caricature bien sûr, de même que mon beau-père croit qu’un fonctionnaire est payé de ses jours de grève (ce que, personnellement je n’ai jamais constaté…). Bref, information, désinformation… Il faut bien justifier la politique de baisse de la fonction publique, moins d’état, moins de fonctionnaires. Ne nous y mêlons pas : c’est ce que nous pensons dans les jours bien lunés en faisant confiance à nos députés et autres élus (à propos, sont-ils bien payés ? Qui les paye ? Qu’est-ce qu’ils foutent) et c’est reparti la rengaine du " tous des pourris ", etc, etc… Donc la politique nous fait tourner en rond.
Et si c’était une question de rhétorique ? Essayons : remplaçons " moins d’état, moins de fonctionnaires " par " plus d’état, plus de fonctionnaires " et le discours s’en trouve changé, de nouveaux héros au service du public sourient à la Poste, aux Impôts car il faut justifier la maxime plus d’état, plus de fonctionnaires… Rêvons… Jusqu’à ce qu’un esprit chagrin et libéral nous assène cette vérité première : plus d’état, plus de fonctionnaires, oui, mais pour produire quoi dans le monde nouveau ?
Rhétorique, rhétorique, vient à mon secours ! Le contraire qui avait bien réussi jusqu’alors transforme l’expression " produire le monde nouveau " par un " détruire le monde ancien ", donc plus d’état, plus de fonctionnaires pour détruire le monde ancien (tiens, cela sonne comme un slogan de 68 : cours, le monde ancien est derrière toi…). Plus d’état, plus de fonctionnaires pour détruire le monde ancien : la rhétorique sera toujours plus puissante que la politique.

Dans une lettre au collectionneur Jean Planque (voir l’excellente exposition –gratuite- à l’Hôtel de Ville de Paris), le peintre Dubuffet expliquait qu’un arbre situé à gauche devant une maison, peut voir sa perspective passer à droite si l’on se déplace, mais c’est toujours le même arbre et la même maison, alors qu’est-ce que ça change " moins d’état, moins de fonctionnaires pour produire le monde nouveau " par rapport à " plus d’état, plus de fonctionnaires pour détruire le monde ancien " ?
(28/05/2003)



La rame arrive. Peau d’un visage appuyée sur la vitre, corps coincés, souvenir d’une valse lente, impossible.
La micheline s’arrête à Blesmes-Haussignemont, autant dire en rase campagne. Blesmes et Haussignemont sont deux villages minuscules, la gare est à mi chemin de chacun comme l’enjeu d’une gare de TGV construite entre deux villes importantes et qui ne cèdent pas d’un pouce sur l’orgueil d’être une ville qui compte.
Merde, poussez pas, dit une dame, qui elle-même devait bousculer les autres à une station précédente.
Micheline est un prénom qui va bien : deux wagons renflés à vieille robe rouge et jaune, comme une ménagère à qui on ne la fait pas.
Ceux restés sur le quai, faute de n’avoir pu monter, aident les portes à se refermer, poussent ici un sac, rentrent là un parapluie.
Le contrôleur joue également au chef de gare, il descend sur le quai, si l’on peut appeler ainsi la petite surélévation de goudron trouée d’herbes folles.
Les portes se referment dans un essoufflement pneumatique, la rame repart. On se rapproche un peu plus du bord en espérant que la prochaine fournée sera la bonne.
Il regarde à droite et à gauche la venue d’un improbable voyageur. Des oiseaux chantent. Il sort aussi son sifflet, remonte : il faut mettre les formes réglementaires de la SNCF, même dans la plus petite gare.
Enfin, on monte, poussé, aspiré, on ne sait plus, on se retrouve coincé dans la forêt des corps, le bras se faufile pour attraper un appui.
La micheline repart, rechigne à avancer, veut rester encore un peu dans le petit coin tranquille. Quelque part, à Blesmes ou Haussignemont, une vieille femme entend le grincement du petit convoi qui s’ébranle et regarde l’heure par habitude sur un carillon mural.
On entend des réflexions sur le droit de grève, toujours les mêmes mots, passagers en otages, avantages des fonctionnaires. Serrés comme des sardines, on ne peut même plus se regarder le nombril.
Centimètre par centimètre, on passe devant la salle d’attente semblable à un arrêt de bus ou un abri pour vélo : armature métallique rouillée, toit en plastique ondulé, vitres fendues.
Ejecté sur le quai, on respire enfin, chercher la correspondance. Haut-parleur : par suite d’un mouvement social le trafic est perturbé sur l’ensemble des lignes…
On pourrait recycler l’abri en serre, casser le béton du sol, y planter des courgettes, qui trouverait à redire ?
Ligne 12, métro toutes les vingt minutes, ça se gâte… Il faut réfléchir, voyons : de Montparnasse à Corentin Celton, un quart d’heure, plus l’attente et comparé au trajet à pied, simple mais long, descendre la grande rue de Vaugirard jusqu’à la Porte de Versailles…
Dans les herbes folles poussées sur le quai, il y a une petite troupe de coquelicots, même variété fragile que celui cueilli un jour en attendant un train à Vitry-le-François :
" sais-tu que j’ai trouvé un jour un coquelicot :
il est dans "Histoire" de Claude Simon,
comme un marque page séché maintenant "
C’est une note d’écriture du 27/11/2002. On pense aussi à " Paysage fer " de François Bon.
La rame arrive enfin. Il faut jouer à nouveau des coudes, mais enfin, on arrivera bientôt au terme du voyage. Et le soir, même galère pour repartir sans doute…
C’est le soir, quelques secousses encore, la micheline accélère poussivement. Les petites robes rouges des coquelicots s’éloignent, Blesmes-Haussignemont retourne à sa torpeur. Dans des bureaux, on prépare le journal télévisé : au menu, grèves, galères du métro pour une vieille femme sous le regard d’un carillon.
(21/05/2003)

 

Quatre lieux essentiels évoquent le poète en son île natale. Deux gardent encore pour moi leur total mystère même au bout de ce cinquième voyage. Saint John Perse, de son vrai nom Alexis Leger, est né dans l’îlet familial de " Saint Leger les Feuilles ", repéré maintenant "îlet aux Feuilles" sur les cartes, un de ses nombreux récifs mystérieux, souvent couverts de végétation et qui émergent à quelques encablures des côtes en excitant l’imagination des touristes alanguis sur les plages. L’îlet natal de Saint John Perse est sans doute par sa situation l’un des moins tranquilles. A l’embouchure du grand cul de sac marin et de sa luxuriante mangrove, il est tout proche du port de Pointe à Pitre et, de ce fait, il doit rarement s’écouler une seule heure sans que ce récif ne soit frôlé par un navire, qu’il s’agisse de la modeste barque d’un pêcheur saintois venu vendre ses dorades sans mettre pied à terre, jusqu’au grand voilier d’un milliardaire oisif et blasé. Je ne l’ai jamais aperçu, ou identifié. J’essaie de regrouper mes souvenirs de promenades sur les quais de la ville, juste à côté du marché ou les " doudous " vous apostrophent, je ne me souviens pas de cet îlet. Deux fois, je me suis retrouvé à prendre le frais sur la terrasse d’une maison qui surplombait d’une vue pourtant magnifique cette baie : l’îlet est demeuré invisible caché derrières les lumières du port, dans les senteurs du crépuscule.
Le deuxième lieu a garder son mystère est l’habitation Bois-Debout, autre propriété familiale du poète. Dévolue à la culture de la banane et de la canne, facile à trouver, elle se trouve juste en bout de la fameuse allée Dumanoir, très photographiée avec sa double rangée de palmiers royaux. Je n’ai aucune excuse d'avoir évité ce lieu : mes escapades m’ont plusieurs fois emmené à côté d’une des routes à droite qui doivent y mener, au milieu des bananeraies. De même, n’ai-je pas osé visiter un petit cimetière d’esclaves mentionné comme curiosité touristique et que l’on devine avoir été occupé par " les faces insonores couleurs de papaye et d’ennui qui s’arrêtaient derrière nos chaises comme des astres morts ".
Le lieu le plus touristique sans doute n’a jamais été connu du poète. Peut-être par contre a t’il admiré, enfant, les balcons de fer cette très belle maison créole que l’on dit construite par Effeil (auteur d’une autre maison quasi identique, la maison Zevallos) et qui abrite le musée Saint John Perse à Pointe à Pitre. On peut y admirer quelques objets personnels, des photographies de sa famille. Je l’ai déjà visité deux fois et c’est un havre de paix en plein centre ville à deux pas des rues commerçantes, une demeure charmante, typiquement créole avec les fenêtres ouvertes aux alizés et à la fraîcheur du jardin.
Le dernier lieu est un rêve laissé en suspens lors de mon dernier voyage (voir étonnement du 07/03/2001) : suite à une carte imprécise, je n’ai pu aller jusqu’à " La Joséphine ", deuxième habitation d’enfance de Saint John Perse dévolue à la culture du café. Le chemin s’arrêtait brusquement en pleine forêt, les profondes ravines de la rivière Matouba et le fouillis tropical m’avaient perdu, pourtant je sentais la maison toute proche. Cette année, j’ai repéré un nouveau chemin et je suis arrivé très facilement à l’habitation avec la chance de tomber sur la présence de la gardienne de cette propriété privée et de pouvoir visiter le jardin et le vieux cimetière familial tout comme Jackie Kennedy l'avait fait en son temps. La maison, entièrement détruite lors du cyclone de 1964, a été reconstruite récemment d’une façon traditionnelle (ah, l’odeur merveilleuse des bois utilisés…). On peut virtuellement la visiter sur le site Internet de la famille Dormoy, descendants du poète. A 800 m de là, le saut d’eau du Matouba, en pleine forêt permet de complèter la méditation, de se rafraîchir et pourquoi pas de ramener un galet en souvenir…
(07/05/2003)

 

Cinquième voyage en Guadeloupe donc, 1995, 1997, 2000, 2001 et maintenant 2003. La présence de famille là-bas explique ces voyages (les vacances se passent bien ? comme disent à chaque fois Yvon et Emma, avec leur accent créole, autour d’un traditionnel colombo de cabri et de poulet...). Tourisme donc, mais, comment dire, au bout de cinq voyages, même si nous continuons à découvrir cette île, les clichés cocotiers-plages pourtant bien agréables, se doublent d’une perception plus profonde. Balades donc dans la forêt tropicale, rencontres nombreuses et c’est bien là le principal attrait de la Guadeloupe qui sait beaucoup donner, sans retenue, sans artifice et avec plaisir, ceci pour démonter l’anti-publicité forgée il y a quelques mois par des intérêts financiers soucieux d’emprisonner leurs clients dans des complexes touristiques d’îles voisines. Alors oui, la Guadeloupe est énervante pour eux puisqu’elle laisse s’échapper au gré des routes les visiteurs et que tout le monde en profite, la marchande de sandwichs qui nous a préparé de merveilleux bokits pour un prix dérisoire, la très efficace association Vallée Verte qui tente de réintroduire la culture du café... etc. La Guadeloupe est gênante pour les promoteurs qui ne peuvent construire partout, simplement parce que les gens y vivent et s’y sont installés et qu’heureusement les lois françaises ne permettent pas tout même si parfois certains blancs installés ici depuis longtemps se plaignent à dénigrer un laxisme tropical (Pierre qui me comparait sa Haute Saône natale et ici – est-ce comparable ?- où ce voisin énervé parce que je m’étais installé sur sa place habituelle de parking qui a fini par se radoucir et m’a laissé entendre qu’il en avait marre d’ici, heureusement qu’une mutation prochaine allait venir). Les blancs-métro pour parler comme là-bas sont souvent amers après quelques années où étrangement désabusés, silencieux, semblant déconstruire un à un leur vie, comme fondu par la chaleur, les coupures d’eau, d’électricité, tout ce qu’ils assimilent à ce laxisme tropical. Ceux qui sont nés là-bas, qu’ils soient " neg’marrons " ou " z'indiens " ne font pas attention à ces préoccupations de " métros ". Et moi, touriste avec cette force de celui qui reste trop peu de temps, je ressens de plus en plus ces différences et ce qui me semble être leur origine et qu’on pourrait appeler colonisation. Car il demeure, malgré les plaintes des blancs, une évidence : leur sort et leur niveau de vie est resté beaucoup plus élevé que chez ceux issus de l’esclavage et de l’exploitation. C’est sans doute une des pensées qui restera de ce dernier voyage : l’envie de demander pardon simplement parce que notre couleur de peau blanche est responsable de l’un des plus grands drames humains à l’échelle planétaire et historique. Mais aussi combien d’autres visions plus qui reviendront au hasard au fil des mois : cette superbe villa dans les hauteurs, avec piscine Jaguar et vue magnifique sur la baie de Pointe à Pitre dans laquelle nous fûmes invités plusieurs fois, cette case en planches, juste aperçue un instant à la faveur d’un embouteillage en plein centre ville, avec rien dedans hormis une vieille femme. Contrastes, ombres et lumières. Et puis encore le bruissement de palmes au matin, les odeurs de fruits murs, les noms des lieux (Goyave, Petit Canal, Dugazon, Morne rouge...) ou ces étonnantes et inattendues roches gravées découvertes en pleine campagne (non pas celles bien balisées du parc du même nom à Trois Rivières, mais d’autres, cachées, méconnues pour être sauvegardées), derniers signes des premiers habitants, les indiens caraïbes, bien avant l’arrivée de l’homme blanc, Christophe Colomb et tout ce qui s’en suivit.
C’est tout cela que l’on retrouve déjà pêle-mêle dans l’avion en essayant en vain de dormir malgré le décalage et c’est ce soir, au bout de quarante heures de veille que l’on essaie de le restituer. On ne sait même plus si on rêve comme Pierre Bergounioux accomplissant son voyage à Cuba (Back in the sixties, Verdier) et qu’on a lu aussi avec l’interview menée avec son frère Gabriel - on en reparlera – sans oublier bien sûr Saint John Perse, l’un des buts initiaux de ce cinquième voyage.
(30/04/2003)

 

Une heure et demie de bonheur à écouter Pierre Bergounioux et son frère sur France Culture : échappé de la vie, réfugié dans la voiture, garé devant un parc. Soleil, merles sous les buissons, amoureux sur les bancs publics, deux enfants passaient sur des trottinettes en forme de chenilles vertes, un loir grignotait l’écorce d’un marronnier proche. Voix de Pierre Bergounioux, léger accent de Brive, langue superbe pour nous parler d’une Corrèze oubliée, de Faulkner, de chasse aux insectes, de collections de pierres, de souvenirs d’enfance, de citadins, de provinciaux, bref du monde entier.
Echappé de la vie, donc : heures volées mais à qui ? A moi ? Se voler du temps à soi-même ? Paradoxal, inconcevable comme s’interdire ou s’autoriser. Donc à qui, à quoi. Au boulot, à un ordre social ? Admettons. Dans ce cas, cette résistance (ou plutôt ce relâchement) doit s’apparenter à l’anarchie, une sorte de chienlit comme aurait dit De Gaulle en 68 (et Pierre Bergounioux précisant la date du 31 mai 68 ou le même homme décide que la récréation est finie). Trop tard, le ver est dans le fruit, pour l’instant en ce début de printemps à peine une larve, du genre de celle que doivent chercher les merles sous les buissons. Et nous nous retrouvons, lui et moi, lui, évoquant des souvenirs au soleil de la mémoire, moi, devant la lumière extraordinaire d’un parc. Devant, deux amoureux débutants sur un parc, timides et sages, comment dire, personnifiant incroyablement ce à quoi il me semble qu’on croit lui et moi, une humanité et bien plus en ces temps troublés, un bonheur immédiat, un espoir à venir.
(09/04/2003)


Ma fille a reçu une correspondante allemande à la maison. C’était juste au moment ou la guerre en Irak commençait. Tandis qu’elle me demandait les dernières nouvelles de cette grave actualité et que je lui expliquais les premières " bavures " américaines qui avaient fait des victimes dans leurs propres rangs, les deux filles ont eu cette réaction inquiétante, abominable, qui fait peur mais logique, celle de se réjouir des premiers revers d’un monde que l’on imaginait jusque là insolamment indestructible.
A quinze, seize ans donc, quelles images navrantes donnons-nous à cette génération nouvelle et quelles en seront les conséquences quand cette génération aura à son tour pris les rênes du monde ? Notre responsabilité est évidemment énorme, il n’est pas question de diaboliser un camp plutôt que l’autre et, même si les discours officiels des pays opposés à la guerre tentent à la fois de reconnaître la dictature de Saddam, prôner une légalité des nations et éviter l’angélisme du pacifisme, il faudra quand même dans chaque famille, dans chaque groupe social de tous les pays, discuter avec nos enfants de la violence comme négation du monde.
Le 12/12/2001, trois mois après les attentats de New-York, je citais Ariel Charon comme responsable de l’histoire mondiale en marche dans Feuilles de route. Rien n’a changé. La précipitation des évenements nous oblige à avoir la mémoire courte, mais " Ground Zéro " n’a pas marqué le jour J tombé du ciel sur les américains, c’est bien leur soutien inconditionnel à Charon qui a permis le fanatisme des pilotes arabes s’abattant sur les tours. S’attaquer à l’Irak (pour des questions pétrolières et de fortunes personnelles, proches du pouvoir Bush, ne soyons pas dupes…) dilue cette responsabilité mais il faudra bien s’asseoir autour d’une table tôt ou tard et négocier la question palestinienne avec conscience, écoute et surtout équité. Tout cela pour éviter que beaucoup d’enfants, y compris les miens, ne versent pas dans le fanatisme et la violence.
(02/04/2003)


Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas

Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas

Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sur la mer
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara

Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien

Jacques Prévert (26/03/2003)

 

Ce sont six militaires aperçus en rang d’oignons, l’un derrière l’autre, attendant que le feu du passage piéton passe au vert. On ne voit que le premier, pull vert sombre et pantalon de treillis. Quelques secondes plus tard, ils traversent, toujours en file indienne au travers des zébras, rejoignent le trottoir et c’est là que je les croise et que je m’aperçois avec stupeur que le premier, regard ténébreux de jeune homme décidé, est suivi par cinq jeunes filles, identiquement habillées en kaki, queues de cheval blondes ou brunes flottant sous le rythme de la marche. Pas un regard échangé. Je crois percevoir une sorte de gène d’être ainsi surprises dans un tel accoutrement et surtout dans une telle attitude militaire à moins que cela soit mon interprétation de leur sérieux à s’appliquer ainsi à marcher au pas.
N’empêche que leur pantalon kaki me fait penser à cette interview de la courageuse sœur de Soanne, brûlée vive dans une " cité " comme on dit, où persiste cette obligation pour les filles d’être vêtue en survêtement, c’est à dire de la façon la moins féminine possible.
Et bien entendu, le " suivisme " de ces femmes envers l’homme qui marche devant, donne la cadence, cette apparente docilité fait froid dans le dos.
La semaine de la femme s’est tenue la semaine dernière et, à travers quelques émissions, j’ai gardé ce sentiment que nous n’avons jamais su réaliser de véritable égalité entre les deux sexes, plus inquiétant encore, que les réticences à instaurer une véritable parité n’ont jamais été aussi puissantes, injustes et injustifiées.
Mon père et ma mère ayant travaillé tous deux et la cuisine et les tâches ménagères ayant toujours été naturellement partagées, je n’ai jamais vraiment compris, encore moins accepté, les inégalités de statuts, de traitement entre hommes et femmes et surtout qui s’arrêtent bien souvent au niveau le plus matériel de la vie quotidienne Combien de fois ai-je été choqué de certaines réflexions (quelqu’un (une femme) m’a demandé si ça ne me gênait pas que mon épouse gagne plus que moi) ou de m’apercevoir ce que mon intervention au milieu d’une conversation sur la cuisine, les enfants ou le repassage à la vapeur pouvait représenter comme gène de la part de la gent féminine. Car si les hommes ont du chemin à parcourir (et ne nous trompons pas de combat, c’est bien à eux de faire les plus grands pas), l’égalité se heurte aussi paradoxalement aux réticences culturelles des femmes.
L’attitude des médias me semble souvent aller à l’opposé de la réalité comme si il y avait interêt à présenter encore et toujours cette inégalité latente - et il y a un interêt économique de laisser parler les différences, d’exacerber les tensions pour aggrandir encore les marchés économiques et les besoins. Pourtant, autour de moi, nombreux sont ceux qui ont instauré dans leur famille une égalité plus grande que celle qu’on nous laisse entrevoir.
Et ainsi, au delà de ces réflexions, j’aurais aimé faire un sourire à ce défilé militaire improvisé et qu’elles me répondent simplement pour rétablir ce qui me semble naturel entre hommes et femmes, comment dire, faire comprendre qu’au-delà des deux sexes, l’appartenance au genre humain justifie de se reconnaître dans le respect le plus total et sans arrière pensée de domination.
J’aurais aimé aussi ne pas voir ces filles en uniforme et couleur kaki dont on risque hélas de suivre l’actualité dans les jours qui viennent. J’ai gardé en mémoire quelques chansons de Renaud ou Jean Ferrat chantant Aragon et qu’une moitié de l’humanité ne fasse pas la guerre me parait la meilleure des inégalités. Qu’au moins on conserve cela... (19/03/2003)

 

Le garage de Goncourt a entièrement été ravagé lundi dernier par un incendie. Quel choc ! Un choc personnel car les écrivains de Haute-Marne s’y installèrent le temps d’un dimanche pour la première édition d’une foire aux livres en 2000. J’étais placé sous une banderole " ici contrôle technique " et à côté d’une pompe de mélange deux temps pour mobylettes, tronçonneuses et autres tondeuses à gazon. C’était en novembre et j’en garde le souvenir d’un froid pinçant, d’amitiés réchauffantes et d’un lieu inattendu et magique. Quel rapport avec Albert Kritter, me direz vous ? Notre cher Albert qui s’acheminait déjà sur ses quatre-vingt dix éternels printemps, était juste en face de moi, enfoncé dans son manteau et nous avons bu un thé chaud ensemble pour se réchauffer.
L’année suivante, pour la deuxième édition, nous étions dans un bâtiment préfabriqué et, en 2002, la manifestation ne s’est pas renouvelée. C’était prévisible, il est très difficile de persister à maintenir un semblant d’activité culturelle ou autre dans une campagne touchée par la désertification, on ne peut même pas dire touchée par le chômage puisque les chômeurs sont déjà tous partis. Il ne reste que quelques agriculteurs, une poignée d’artisans aux alentours, des retraités peu mobiles et la nécessité de ratisser sur au moins 100 kilomètres pour réussir à réunir 200 visiteurs un dimanche de novembre. Ainsi tombe peu à peu dans l’oubli le village qui donna son nom aux frères Goncourt. Et même le formidable enthousiasme local qui a contribué à monter ces deux foires aux livres, et même l’opiniâtreté des quelques rares commerçants qui tiennent bon, comme l’épicerie du coin malicieusement nommée "Au prix Goncourt " n’y peuvent rien. Ainsi l’incendie du garage de Goncourt n’est pas qu’un choc personnel, j’en mesure les conséquences pour l’activité du village.
Et il est une coïncidence à laquelle je dois être le seul à penser : c’est juste au moment où le garage crépitait dans les flammes que notre cher Albert avec qui j’avais partagé ce dimanche frileux, a rendu son dernier soupir.
(12/03/2003)

 

Aux premières heures du 9 décembre 1981, Mumia Abu-Jamal, chauffeur de taxi, est grièvement blessé lors d'une fusillade dans le quartier sud de Philadelphie où il venait de déposer un client et est arrêté pour le meurtre de l'officier Daniel Faulkner.
Malgré ses dénégations et une enquête inéquitable (expertises balistiques inexistantes, balles non identifiables, absence de relevé d'empreintes, témoins intimidés, rapports de police contradictoires ), Mumia est condamné à mort le 3 juillet 1982.
Par deux fois en 1995 et 1999, une mobilisation a empêché son exécution. En 1999 Arnold Berverly confesse à Maître Rachel H. Wolkenstein qu'il est l'auteur du crime. En juillet 2001 cette avocate publie d'autres révélations. En décembre 2001, sa condamnation à mort est écartée. Les avocats de Mumia ont déposé récemment une requête auprès de la Cour Suprême de Pennsylvanie pour replacer la condamnation de Mumia dans le contexte historique de discrimination raciale.
A l’heure actuelle, Mumia est encore dans le couloir de la mort.
Mumia Abu-Jamal, né en1954, avait déjà été arrêté et battu pour avoir protesté contre un meeting d’un candidat ultra-raciste à l'âge de 14 ans. Membre du Black Panther Party, il a été journaliste de radio, surnommé "La voix des sans-voix" pour sa critique ouverte des méthodes brutales et de la corruption de la police et des dirigeants politiques locaux.

Cette affaire encore en cours, est étonnante par l’homonymie du policier Faulkner qui fut tué (j’ai même trouvé sur le web, une confusion totale avec l’écrivain…). Rappelons que William Faulkner prit plusieurs fois parti courageusement contre les lynchages et la discrimination raciale et parfois maladroitement : il avait répondu lors d’une interview qu’il n’hésiterait pas à se battre pour le Mississippi contre les Etats Unis même si cela signifait descendre dans la rue et tirer sur des Noirs.
(05/03/2003)

 

Le parking de mon lieu de travail a été rénové, c’est à dire qu’on a repeint les emplacements, redistribué les modalités de circulation, aménagé des ralentisseurs, le grand jeu, quoi… Ainsi, rien n’a été laissé au hasard. Par exemple un couloir de circulation est réservé au piétons, étrangement zébré de peinture blanche (on pourrait également comprendre qu’il est interdit de fouler cette partie…) et bordé de plots réfléchissants. Flèches de circulation, bordures de stops, gabegies de ralentisseurs à chaque coin, le parking ressemble, comment dire à une forteresse de signes : pas un mètre carré où le regard puisse échapper à ces injonctions de stop, sens interdits, sens obligatoires, trajets balisés. On ressent une curieuse impression de malaise, agressé, tiraillé de toute part par cette peinture blanche, ces ralentisseurs de plastique. Et tout cela pour un monde déjà clos (il y a une barrière et un gardien à l’entrée), accueillant une centaine d’employés et d’une capacité d’une quarantaine de voitures.
Je pensais aux concepteurs de cette rénovation, responsables de locaux sans doute, qui, sous prétexte de sécurité, ont bâti un monde à leur image : procédurière et compliquée (combien a-t’il fallu de réunion, de CHSCT pour arriver à se mettre d’accord sur l’aménagement de ce parking ?). Monde nouveau qui se substitue au monde ancien sans que l’on en comprenne la nécessité : les abus étaient rares et sans conséquences, tout au plus fallait-il de temps à autre faire déplacer un véhicule mal garé afin de faciliter l’accès à un camion, par exemple. J’ai pensé aussi au livre de Guillaume Marbot " La ville " (Notes de lecture du 17/10/2001) dans lequel trois frères jouent au petites voitures dans un grenier et bâtissent leur ville idéale. Le premier mot qui m’est venu à l’esprit en voyant les ouvriers monter des ralentisseurs, peindre des bandes, des zébras est l’expression " réflexe sécuritaire " tant entendu depuis les élections présidentielles. Ce parking est la manifestation de ce réflexe : Sarkozy peut venir et féliciter ces concepteurs de l’ordre, ces rois du passage protégé. Quant à moi, il me revient la phrase de Brassens en mémoire : " je suis un anarchiste, c’est à dire que je traverse toujours dans les clous pour ne pas avoir affaire avec la maréchaussée ".
(26/02/2003)


Il y avait dans le métro, quelques lycéennes ou étudiantes à l’heure de sortie des cours. L’une disait attendre le résultat de son permis de conduire envoyé par la poste. Elle ne pensait pas l’avoir. Ses copines plaisantaient sur son éternel pessimisme. Elle a promis de leur envoyer aussitôt un SMS si ce fameux permis de conduire était obtenu. Et puis, changement de sujet, une autre a demandé si elles allaient à la manif de samedi. Certaines ont répondu ne pas être encore décidées, le mot d’ordre s’appliquant aussi à la Palestine et qu’il ne fallait pas mélanger. Il y eu d’autres remarques : la Chine s’associant au véto, c’était vachement bien.
J’ai compris qu’elles parlaient de la guerre. Je me suis demandé s’il y aurait une manif dans ma province.
Guerre, Palestine, Israel. J’ai passé l’après midi avec deux israéliens, jeunes tous les deux. Les sièges de leurs sociétés étaient à Tel Aviv et Jérusalem. L’un accompagnait l’autre en Europe et parlait très bien français, sa société était spécialisée dans la réussite de contacts commerciaux, l’autre, industriel, proposait un produit qui interessait mon entreprise. La présentation à eu lieu en Anglais et en visio conférence avec deux autres villes françaises interessées par la recherche. J’ai tout compris, même le langage technique, mais je n’ai pas trop su me présenter (I work in a customers ‘s agency for professionnels, avais-je dû marmonner). Puis le grand ballet de l’économie, marché, technologies de pointe, compréhension devant le progrès technique qui satisfait tout le monde des affaires s’est déroulé pendant trois heures. Nous nous sommes mutuellement souhaité bon retour and good business.
Tout cela n’a pas de rapport avec la guerre en Irak et avec la Palestine mais je n’ai pu m’empêcher d ‘y penser tout de même. Et eux, que pensaient-il de tout cela ? Et mon cousin, en amérique pour un an encore, comment réagissait-il à la préparation de l’opinion au conflit ?
La vie continue, c’est une remarque stupide, évidente. J’étais bêtement content d’avoir échangé en anglais avec deux israéliens préoccuppés par leurs affaires. Je souhaitais du fond du coeur que cette lycéènne ait son permis, je ne voulais pas la guerre, mais là, c’était une chose quasi-impossible.
(19/02/2003)


Les livres ne prêchent pas toujours dans le désert :
La 3ème séance du 3 décembre 2002, placée sous la présidence de Madame Paulette Guinchard-Kunstler était commencée depuis 22h. L'ordre du jour portait sur la déclaration d'urgence du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité venait de présenter son projet, destiné à réclamer l'abrogation de la loi dite de la " modernisation sociale ". Au nom du groupe socialiste, Jean le Garrec énonce une exception d'irrecevabilité. Extraits de son intervention et réactions :
M. Jean Le Garrec. Et je voudrais remercier M. Dord des propos qu'il a tenus sur cette difficulté sociale, car il a parlé juste. C'est effectivement la situation la plus terrible que puissent connaître des salariés : angoisse, rupture totale avec un environnement, perte d'identité même si les conditions de travail dans l'entreprise étaient extrêmement dures, comme dans l'industrie du textile - tous les élus le savent. C'est cette dimension que nous devons avoir en tête. Etant élu dans le Nord - Pas-de-Calais - région qui, depuis le deuxième choc pétrolier, à savoir depuis 1978, enchaîne plans sur plans, licenciements sur licenciements -, j'ai la prétention de savoir de quoi je parle. Que ceux que cela intéresse lisent un peu ce qui est écrit dans les ateliers d'écriture, écoutent ce qui est dit dans les pièces de théâtre montées dans les municipalités, comme à Roubaix par exemple avec des salariés du secteur textile.
M. Jean Ueberschlag. Au fait !
M. Jean Le Garrec. Qu'ils lisent ces deux excellents romans : "Je vais craquer, mais quand ?" de Franck Ribault et "Composants" de Thierry Beinstingel
M. Jean-Louis Léonard. Seize ans de socialistes, voici le résultat !
M. Jean Le Garrec. Monsieur le député, votre remarque est absurde et injurieuse ! Gardez-la pour vous !
M. Jean-Louis Léonard. C'est un fait, et les faits sont têtus !
M. Michel Terrot. Vous êtes bien chatouilleux, monsieur Le Garrec !
M. Jean Le Garrec. Voilà la réalité ; elle est incontournable.
M. Jean-Michel Fourgous. La réalité économique !
M. Jean Ueberschlag. Vous ne dites que des banalités !
Mme Catherine Génisson. Licencier, ce n'est pas une banalité !
M. Gaëtan Gorce. La droite n'aime pas que l'on ne pense pas comme elle !
M. Jean Le Garrec. Bien entendu, l'entreprise se crée, se développe, rencontre des difficultés,...
M. Jean-Michel Fourgous. Sans blague !
M. Jean Le Garrec. ... qu'elle maîtrise ou non, elle doit parfois prendre des décisions difficiles...
M. Jean Ueberschlag. Quelle clairvoyance !
M. Jean Le Garrec. Je veux bien m'arrêter une minute !
M. Jean-Louis Léonard. Ce ne sera pas assez !
M. Alain Vidalies. Il faut les laisser reprendre leurs esprits !
M. Hervé Novelli. Ce sera la meilleure partie de votre discours !
Mme la présidente. Continuez, monsieur Le Garrec !
M. Alain Néri. Il faudrait d'abord qu'ils respectent les travailleurs et les hommes !
M. Gaëtan Gorce. Leur attitude est scandaleuse. Ils refusent absolument toute contradiction !
M. Jean Le Garrec. Mais toutes les entreprises ne sont pas vertueuses et compétentes. Ce serait une erreur de croire que tout se passe dans le meilleur des mondes et que les responsabilités ne sont pas aussi du côté de l'entreprise, même si je reconnais, monsieur Dord, que la situation n'est pas la même pour la petite entreprise, où le chef d'entreprise est proche de ses salariés, que dans les grands groupes où le salarié est anonyme, très éloigné, où les décisions ne sont pas prises en fonction de cette dimension. J'ai déjà eu l'occasion de dire, et cela n'est pas discutable, que les neuf présidents-directeurs généraux de grandes entreprises dont les salaires sont extraordinaires - je ne peux même pas les citer - ont, à eux seuls, provoqué 900 000 licenciements dans le monde entier… "
(12/02/2003)


Victor Hugo écrivit " Booz endormi ", le 12 janvier 1871 (voir en Notes de lecture " Corps du roi " de Pierre Michon). Rimbaud avait 16 ans, deux mois et 23 jours. C’était une période faste et pleine d’espoir envers la poésie. Mais Hugo ressemblait trop à Booz, où " le jeune homme est beau et le vieillard est grand ". Quelques mois plus tôt, c’est à Théodore de Banville qu’Arthur avait envoyé trois poèmes. Justement, ce 12 janvier 1871, le poète Armand Silvestre consacra un article élogieux à Banville (" En plein siège, pendant que les obus prussiens éventraient çà et là nos maisons, Armand Silvestre, le poète exquis des Rimes neuves et vieilles et des Renaissances, a consacré à mes strophes, qui paraissaient alors dans Le National, une étude dans laquelle il me louait avec une fraternelle sympathie dont je serai éternellement fier "). Mais où était Rimbaud ce jour précis ? Fugueur impénitent, il était parti en octobre vers Bruxelles, puis avait rejoint Douai dans la famille d'Izambard, son professeur qui lui avait fait découvrir Banville… et Hugo. Etait-il toujours à Douai, attendant le retour d’Izambard sur le point d’être démobilisé et qui refusait au même moment un poste de professeur à Saint-Pétersbourg, pour un poste de vacataire dans sa ville natale ? On sait que quelques jours plus tard, en février, Arthur partit pour Paris. De cela, il ne reste rien, quelques rimes bien sûr, écrites dans le " cahier de Douai " avec ce :
" Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse "
et qui répond aux derniers vers de Booz :
" Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été
Avait en s’en allant, négligemment jeté
Cette faucille d’or dans le champ des étoiles ".
J’ai habité la rue Armand Silvestre à Toulouse, j’y ai fêté mes 20 ans, et c’est là bas que j’ai commencé à écrire (voir notes d’écriture du 20/12/2000). Cette rue, ce nom, c’est sans doute le seul point commun entre Hugo, Banville, Rimbaud et moi.
(05/02/2003)

 

Il avait fallu démonter une à une les vieilles vitres dépolies de l’auvent et pour cela installer l’escabeau au-dessus de la porte d’entrée, puis le replier parce qu’il n’était pas assez haut, puis emprunter l’échelle au voisin, puis se coincer les doigts en la dépliant. Enfin, ainsi appuyée contre les pierres de la façade (le notaire avait dit " véritables pierres de Savonnières, comme un gage de luxe justifiant le prix de la maison), il avait pu dégager chaque carreau de la gangue de vieux mastic, redescendre et remonter à l’échelle, effectuer à chaque fois un va et vient jusqu’à l’arrière de la maison pour constituer un petit tas de verre (il projetait de recycler les vitres dans un la construction de châssis ou d’une serre pour les plantes, enfin, ne savait pas trop). Tout ce petit manège le mena vers midi et demi avec des crampes aux mollets à force de grimper et de se tenir en équilibre sur les barreaux.
Après le repas, s’y remettre. Il restait l’ossature de l’auvent en vieux fer forgé et il avait présumé que quelques coups de marteaux suffiraient à abattre l’entrelacs de tiges rouillées. Bernique ! Le notaire avait omis de vanter la qualité des matériaux de construction de ce temps là, ce qui n’était pas plus mal d’ailleurs, le prix de la maison aurait certainement encore bondi de quelques milliers d’euros supplémentaires. Abandonnant le marteau, il cassa quelques lames d'une scie à métaux avant de se rendre une fois de plus chez le voisin pour emprunter une disqueuse ou quelque chose comme cela, si par hasard vous en aviez une, ce serait vraiment sympa de…
Il y retourna quelques minutes plus tard pour savoir s’il pouvait aussi emprunter un peu d’électricité car l’EDF n’était pas encore intervenue pour le changement de compteur, vous savez combien c’est lent de…
Après avoir compris le mécanisme de la disqueuse, après être remonté en haut de l’échelle pour tenter de scier les pattes de métal ancrées dans le mur, il y eu un bruit sec et la machine refusa immédiatement de fonctionner malgré l’interrupteur fébrilement actionné. Juron quand il constata que l’axe supportant le disque était fendu. Fendu ! Comment était-ce possible ? Et que dirait le voisin ? Certainement, il devait y avoir une faiblesse pour que…
Avant de revenir penaud rendre l’engin cassé, il décida qu’il aurait la peau de ce satané auvent de malheur, descendit rechercher le marteau et un lourd burin de fer dans le coffre la voiture. On entendit tout l’après midi des coups sonores dans le quartier et le voisin maudissait déjà cet encombrant et bruyant voisin. A trois heures de l’après-midi, la première patte fut descellée, la deuxième trois-quart d’heure plus tard. A la troisième, les enfants qui revenaient de l’école, regardèrent avec perplexité cet homme en sueur en haut d’une échelle, s’acharnant à taper comme un sourd sur ces magnifiques pierres de Savonnières.
Enfin, après avoir cassé les oreilles de l’entourage, après avoir maudit le notaire, après s’être inquiété du prix d’une disqueuse de remplacement pour le voisin, après tant d’acharnement donc, il y eu un craquement sec et la marquise sortit à cinq heures…
(29/01/2002)

 

La vente de l'appartement d'André Breton provoque bien des remous, ondes, champs magnétiques. Ce qui ne semblait à priori qu'une opération marketing de plus à l'échelle planétaire et ainsi aucunement sujet à discussion dans le grand consensus commercial, devient un sujet de polémique d'une évidence criante. Tout est paradoxal dans cette affaire depuis l'accumulation par Breton même d'un véritable musée dans son appartement. Ainsi peut-on se poser la question si, dans la discipline du surréalisme, Breton ne risquait-il pas l'exclusion prônée par lui, en satisfaisant à cette manie de garder des objets chers à son cœur et à son inspiration, en quelque sorte un embourgeoisement, par cette action donnant ainsi à ces choses un passé, présent, futur allant à l'évidence à l'encontre de la spontanéité de l'écriture automatique, par exemple. Voilà, les dés sont pipés au départ… Ainsi comment raisonner ? Disperser la collection est en quelque sorte juger l'exclusion de Breton et la garder précieusement pourrait être trahir le surréalisme. Pas facile. On le voit bien, cela se conjugue sur tout les modes : disperser la collection, c'est adhérer au grand marchandage de la mondialisation, la garder précieusement, c'est répondre à un réflexe petit bourgeois ; disperser la collection, c'est donner raison aux intérêts privés et au fric, la garder sur des fonds publics, c'est récupérer l'insociabilité du mouvement ; disperser la collection, c'est laisser exploser le concept, la garder, c'est conserver l'explosif avec tous les inconvénients que cela induit. L'ombre lumineuse de Breton et du surréalisme plane encore sur nos contradictions et c'est tant mieux. (22/01/2003)

C’est un oncle qui vient d’acquérir une voiture puissante. Et d’expliquer " qu’heureusement qu’il y a un limiteur de vitesse, sinon… ". Sinon quoi ? Limiteur, connaître ses limites, " Limites " aussi le titre d’un récit de François Bon. Limiteur de vitesse, les deux mots qui s’affrontent. Ainsi on irait trop vite. Ainsi on aurait besoin d’une " électronique embarquée " (comme il est d’usage de le dire maintenant pour bien souligner que les voitures actuelles s’apparentent plus aux jets supersoniques qu’aux premières " deux chevaux " à essuie-glaces manuels). Il a donc fallu inventer un mot, un dérivé de " limite ", avec une terminaison comme dans " aspirateur ", un vague machin technologique, destiné à se faciliter la vie, sauf qu’il ne s’agit pas d’une simple aide ménagère, capable d’effectuer une tâche, mais bien d’un véritable assistant personnel, destiné à prendre une décision à votre place, vous freiner dans la frénésie de vitesse qu’implique nos vies de plus en plus rapides et actives en apparence. Ainsi, avec le limiteur de vitesse, plus besoin de se contrôler, on se lâche. C’est cette absence de self control que je trouve dangereuse. Se contrôler, se limiter, c’est bien sûr au premier abord réfréner une partie du plaisir, de l’excitation que provoque l’idée même d’un " no-limit ", se dépasser, se mettre en danger soi-même…etc. Avec le limiteur de vitesse, on s’abandonne à la technologie qui va décider à notre place mais on garde cette exagération personnelle qui, comme à chaque fois, se réalise au détriment des intérêts de notre entourage, même si l’on prend le prétexte cynique, dans notre cas, d’une meilleure sécurité routière pour la collectivité. Pour autant, doit-on penser que le concept de " limiteur de vitesse " est inutile ? Peut-être est-ce plutôt son application qui est mal choisie ? Personnellement, plutôt que de le visser sous le capot des voitures, je le préfèrerais en implant corporel dans la tête à Bush ou Sharon, histoire de les ralentir un peu…
(15/01/2003)

 

Vous avez fait bon voyage ? Ça fait plaisir de vous avoir pour les fêtes. Elles sont belles les filles à Did ! Je suis en fac de com, ça me plaît bien. Les trains arrivent toujours en retard. On fait le réveillon chez toi ou chez moi ? Les jumeaux sont sages maintenant. Un chapon, ce sera mes parents qui l’apporteront. Les manteaux ça doit les changer, eux qui sont toujours en tee shirt. J’ai fait un stage de pub à Saint Denis, trop cool. Oui, il est en cinquième maintenant et délégué de sa classe. Non, il ne sera pas là pour le nouvel an. Je peux aller au cinéma ? Tu as 40 pages de mots d’anglais à apprendre. Il arrive quand le père Noël ? On regarde juste les résultats de Star Académy. Ils viennent samedi dans la nuit. Il fait nuit, je te raccompagne ? On va monter les matelas dans les chambres des enfants. Des épées ? tu veux que le père Noël t’apporte une zépée alors ? J’ai vingt et un ans et quand je vais à la fac c’est autrement plus craignos. Je peux aller au cinéma avec Solène ? 40 pages de mots d’anglais. De toute façon, pour Noël elle ne veut que des DVD. Vraiment , ça me fait plaisir, on ne l’avait pas fêté ici depuis au moins dix ans. Le Seigneur des Anneaux, Harry Potter. Je te laisserai une porte ouverte et les lits seront fait. Très bonne la farce du chapon ! Le lycée, ça change par rapport à la troisième. Qui va à la messe de minuit ? Vous repartez déjà demain alors ? Bien le bonjour à ta maman. Oui, cette nuit et ils ont été très discrets, on ne s’est même pas réveillé. Le foie gras sera poêlé avec des pommes. Il est revenu une demi heure plus tard, il avait oublié ses papiers. Quelle pluie, ça n’arrête pas. Moi, je préfère les sapins en plastique à cause des aiguilles. J’ai lu " Composants ", je ne savais pas que tu étais extrême gauchiste. J’ai oublié le Sauternes. Je peux aller au cinéma ? Tes mots d’anglais à apprendre. Je compte environ 400 pages et 250 illustrations, fin prévue vers 2004. J’ai pris des grosses huîtres. Tu penses, il doit s’emmerder, tout seul dans son île. C’est une bonne idée une patinoire en pleine ville mais cette pluie. Bonne année ! Bonne santé ! Composants, je le lirai au printemps, tranquille au bord de la piscine. Et les filles, lâchez un peu vos portables et vos SMS ! On n’a pas de gui pour s’embrasser dessous ? Quand il écoute Vivaldi, c’est toujours à fond la caisse. Il a fallu démonter la table pour la passer dans la salle à manger. Je peux aller au cinéma ? Tes mots d’anglais. A la météo, ils annoncent du froid. Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour 2003, plein de livres ? Vivement le printemps. Lundi, on remet ça. Nous revenons en Juillet. Vous n’oublierez pas votre Thermos ? Alors lapin, tu repars en Guadeloupe ? Il commence à neiger. Papa, je peux aller au cinéma ? Mots anglais. Alors bon voyage, hein, rentrez bien ! Il faudrait empiler les matelas plutôt que les remonter au grenier. On est resté dix heures dans l’avion avant qu’il décolle, enfin maintenant ça va. Juste une soupe de légumes pour ce soir. Avant Vitry, ils n’avaient pas dégagé. Je peux aller au cinéma ? Anglais. Ils ont oublié le thermos. Lundi, on remet ça, fait suer.
(08/01/2003)


2002, en vrac, mais mensuel :
Janvier : on sait qu’on va traîner l’après onze septembre toute l’année. Lancement du projet d’une anthologie des écrivains de Haute-Marne. Achat de la maison des voisins.
Février : une semaine au ski dans les Alpes. Côté écriture, petit succès de Rimbaud présenté à la médiathèque de Chaumont. On commence à corriger sérieusement Composants
Mars : faut qu’on bosse un peu beaucoup : le Medec (salon des médecins) est là pour nous rappeler à nos devoirs francetélécomique. Expo sur le surréalisme à Beaubourg. Salon du livre. Composants perd son titre.
Avril : on se dote d’une webcam qui fonctionnera une fois. Elections, rien ne va plus. Composants avait perdu son titre, il y revient, ça se précise. La Palestine nous obsède et nous attriste. On bosse sur l’anthologie des écrivains de Haute-Marne.
Mai : Elections, rien ne va plus toujours, c’est dur à digérer, Palestine again. On bosse sur l’anthologie des écrivains de Haute-Marne. On retape la maison des voisins. On vient voir à Chaumont 2 classes de seconde qui ont étudié Vers Aubervilliers
Juin : Composants se précise : photos d’Ulf Andersen. On relooke léger le site. Moment important : l’assemblée générale de Remue.net. Locataires dans la maison des voisins.
Juillet : service de presse de Composants. Je taille ma haie.
Août : vacances à Naples et à Venise. Parution en rentrant de Composants. On tente d’écrire.
Septembre : premières réactions sur Composants et fête de l’Huma mais on est aussi au cœur des Stones de l’ami François, grands moments…
Octobre : premières radios chez France Culture, ça commence à se bousculer sérieux avec de bons articles presse pour Composants. Lire en Fête à Saint-Dizier avec l’ami Michel Séonnet.
Novembre : Mention spéciale du Wepler pour Composants ! Parution de notre anthologie " 52 écrivains de Haute-Marne ". Francetélécomique-troupier accuse 70 milliards d’euros de dette, je vous le jure, je n’y suis pour rien. Décembre : promotion de notre anthologie. Le boulot nourricier évolue. A suivre...
(01/01/2003)