| |
La vie en noir
Atelier d'écriture de Dijon
C'est assez drôle, la vie en noir : je suis étudiant à Dijon depuis
trois ans, via l'enseignement à distance quand on me propose cet atelier à destination
de mes congénères, coéquipiers, étudiants comme moi. J'y interviens en qualité
d'écrivain donc, recommandé par la Maison des Ecrivains dans le programme Le Temps
de l'université et avec l'association Arthur,
dynamique mouvement qui tente de donner vie et liens entre les différentes pelouses du
campus.
Six séances sont prévues les jeudi 1, mardi 6, jeudi 15 février, puis les jeudis
15, 29 mars et 12 avril 2007, à la Bibliothèque Universitaire Lettres-Droit.
Le thème général rejoint toute une
série de rencontres prévues autour du noir (d'où son titre) et auxquelles
s'associent la Ville de Dijon dans son Festival Temps de paroles, avec les
acteurs institutionnels régionaux et l'Université.
Cette page présente les différentes séances, elle sert d'aide mémoire pour les
participants et de fourre-tout sur la préparation de cet atelier. C'est évidement brut
de fonderie et sans retouche, comme la totalité de Feuilles de Route...
1° février 2007,
Le canevas qui suit est issu de la préparation nébuleuse mais énergétique de
cette première séance. C'est donc de l'a-priori. Cela s'est passé à peu près comme
cela, in live (en livres ?) comme disent les rocks stars. J'espère que je
n'aurai pas été trop touffu. Les participants sont des participantes : c'est devenu une
constante dans l'implication de toute vie universitaire et sociale, surtout dans les
domaines littéraires ; ça nous apprendra à avoir cantonné nos garçons dans les
petites voitures, la mécanique et les ordinateurs...
Canevas de la séance :
18h00 Présentation : moi, mes livres comme manifestes (avec les mots
mains et fêtes dedans), insister sur le fait que je ne suis pas un pro des ateliers
(quelle horreur
), pas de méthode préconçue, pas de créative writing à
langlo saxon, on nest pas des Raymond Carver, pas un atelier type aleph, ne
rien coller, juste un canevas lâche, vaguement savoir où on veut aller (écrire du
" noir " comme prétexte), les six fois quon va se voir
ensemble et gare à celui qui me traite danimateur : bon dieu, il va bien en
ressortir quelque chose non ?
Comme preuve de ma bonne volonté : je ne connais rien à rien au noir.
Autre postulat : la présence des participants seule compte.
Pas de naïveté : jai une sainte trouille de ne pas savoir où aller,
donc, tout est préparé (non mais, vous vous attendiez à quoi ?)
cependant, savoir que "Le Fleuve de
laction mapporte les larmes, le sang et la sueur que je ne trouve jamais dans
le fleuve de lécriture. Dans ce nouveau fleuve, jai des rencontres
dâme à âme sans avoir à me soucier des mots. Cest aussi le plus
destructeur des fleuves et je comprends sans peine pourquoi peu de gens sen
approchent " Mishima et que, au bout du compte " C'est l'affaire de l'auteur à effacer le travail. Vous mettez le
lecteur dans un paquebot. Tout doit être délicieux. Ce qui se passe dans les soutes, ça
ne le regarde pas. Il doit jouir des paysages, de la mer, du cocktail, de la valse, de la
fraîcheur des vents. Tout ce qui est mécanique, ou servitude, ou service, ne le regarde
pas du tout. " Céline.
Voilà
18h15 Donc, questions ouvertes : eux, sur moi, moi sur eux. Que sont-ils venus
chercher dans cette galère
18h30 Comment on va bosser : les six séances en forme de campagne, fin
prévue juste avant les élections, leur rythme " idéal ! ",
deux heures avec en comprimant à chaque fois, un apport
" théorique " (pouf pouf pouf
), une mise en pratique, une
écriture au long cours sur le thème du noir et poursuivie sur les six séances
Flexion, extension, genoux, genoux, genoux, on reste ferme dans cette culture
imphysique
18h40 Bon, on attaque la gymnastique : écrire, cest quoi,
çest fait comment la matière des mots ? Cest élastique ? On peut
toucher ?
Un peu de poésie japonaise en guise de Tai Chi Chuan, décorticage de
Ils sont sans parole,
lhôte linvité
et le chrysanthème blanc
(Ryôta 1718-1787), ce quon éprouve, les sensations, limpression de
temporalité, présent passé futur, le narrateur indéfini, indistinct, la place du
verbe, le temps du verbe. Quel narrateur, quel temps du récit, peut-on se passer des
verbes : fondement initial de toute préoccupation décriture
19h00 - Séance décriture, distribuer plusieurs haïkus. Lecture
dabord. Ce que c'est que lire, respiration plutôt de précipitation : la
lecture est le seul moment où lon peut maîtriser son temps face à la narration,
face à un locuteur si lecture à voix haute (choisir ou non daller plus loin, quel
rythme), donc, philosophiquement comment on se rapproche de la mort (cest osé comme
extension, non ? Mais c'est le thème du noir qui oblige...)
Puis réalisation de plusieurs haïkus et relecture
Mardi 6 février 2007,
La semaine dernière cétait haïku mais comme me faisait remarquer à
juste titre Sarah sur limpossibilité de reproduire pour nous occidentaux
lesprit oriental de ces poèmes, je ne suis donc pas venu ici pour ânonner en
permanence quelques réflexions de gourou d'un air exotique donc, on embraye de suite sur
une définition du roman noir : wikipédia, bien sûr, nous dit que "le
roman noir se distingue du roman policier par le chemin qui mène à l'assassin ",
c'est un peu réducteur. Autour de la table on préfère penser Edgard Poe comme
précurseur, Baudelaire qui va avec, Shelley, Lovecraft, Le Silence des Agneaux,
toute la vague du fantastique, j'y ajoute Raymond Roussel et Locus Solus, le
genre est vaste. Mais ce qui caractérise le noir, c'est le cadre des
stéréotypes (la vamp, le looser, le privé, le tueur sans
scrupule, la femme fatale, le policier corrompu, le compagnon fidèle
et bien sûr
lopposition entre le bien et le mal...). Du coup, nous nous interrogeons sur
les apports de la fiction dans le roman noir. En effet, les stéréotypes induisent une
sorte de double détente fictionnelle (comme dans un fusil de chasse pour rester dans
l'ambiance glauque...) puisque d'un côté nous reconnaissons facilement le policier forcement corrompu, le compagnon obligatoirement fidèle et la femme, à l'évidence, fatale, l'écrivain peut donc
se glisser dans d'autres ressorts narratifs, une histoire originale, place à
l'imagination et au plaisir d'écrire. Mais comme le disait une participante, l'écrivain
reste prisonnier du genre et de ces poncifs (voir aussi "Stéréotypes du roman et
parapharmacie" note d'écriture du 15/02/2007).
N'oublions pas cependant l'élégance du noir, comme disait Margot , oui,
il y a de cela dans notre thème et nous embrayons sur une série d'extraits tous issus du
noir contemporain, Jean-Claude Izzo et Thierry Jonquet. Le premier exercice d'écriture
est une expérimentation nouvelle pour moi. D'ordinaire, on demande de continuer un texte
à partir d'un extrait, ici, ce sont deux fin de roman et il nous appartient d'en remonter
le cours, ce qui demande imagination et technique puisqu'il s'agit de rester dans la forme
voulue par l'auteur. Je suis merveilleusement surpris par la qualité des textes et
j'espère qu'on les retrouvera numérisés bientôt, ici ou sur le site de l'association Arthur.
A l'inverse, puisque nous avons commencé par la fin, qui auraient
d'ailleurs pu constituer des débuts comme me faisait remarquer Françoise, nous
travaillons ensuite sur l'Incipit, première phrase d'un texte, importante donc puisque
c'est celle qui donne l'élan a plusieurs centaines de pages... Aux exemples célèbres de
Camus, Proust, à "Aujourd'hui maman est morte" et "Longtemps je me suis
couché de bonne heure" suivent d'autres exemples divers et variés, malin et
péremptoires comme Yann Moix "Ce que les femmes préfèrent chez moi, c'est me
quitter" (Jubilation du ciel) ou magnifiquement étouffants comme chez
Claude Simon (Histoire). Le travail consiste bien entendu dans les dernières
minutes qui nous restent à bâtir une première phrase, un incipit donc qui nous ouvrira
les portes d'un texte, nouvelle ou pourquoi pas début de roman à poursuivre pendant nos
autres séances.
Liens utiles : sur Fabula, Roman noir et fictionalité
et dans le Dictionnaire des Termes littéraires
pour les stéréotypes du "noir"
Jeudi 15 février 2007,
Ecrire en conscience : Vaste programme ! Cela semble évident et nécessaire pour
tout écrivain. Mais comprendre les mécanismes qui président à l'écriture n'est pas si
facile dans la profusion des mots, des phrases, des paragraphes.
Allez, disons-nous que quelques règles linguistiques vous nous y aider...
Si on reprend la séparation académique entre récit et discours, ce sont surtout
les verbes et les sujets qui servent à déterminer ce à quoi on a affaire, ce sont eux
qui déterminent le sens de la phrase, le reste apparaissant comme un remplissage, une
fois l'option décidée de quel verbe, à quel temps, et avec quel sujet.
Le choix n'est pas anodin, on engage une bonne partie des phrases à venir,
paragraphes, chapitres, texte entier... C'est Duras optant pour le dialogue dans Hiroshima
mon amour, Proust introduisant le personnage d'Odette en face de Swann avec un
"elle" magnifié...
Rappelons quelques règles, donc, mais souvenons nous qu'en littérature toute
règle DOIT être transgressée... Discours :
verbe : tous temps sauf passé simple, sujet : contient forcement des pronoms
personnels de rang 1 et 2 (je, tu, et les pronoms "étendus" vous, nous).
Cas particuliers :
- le "discours rapporté" inséré dans un récit est très fréquent et
a tendance à emmêler la reconnaissance des caractéristiques d'un texte.
- l'entre deux du "discours intérieur" (d'ailleurs, comment on se parle
à soi-même ? Est-ce qu'on se fait des vraies phrases ?) mériterait d'être plus
approfondi, étudié : j'ai l'impression que nous reconnaissons "par défaut" un
"discours intérieur" à tout passage d'un texte qui nous semble atypique,
dont les destinataires de ce discours ne sont pas clairement désignés : allocutaire,
narrataire, voire même lecteur qui ne sait pas si le narrateur s'adresse vraiment
à lui, par défaut donc...
récit :
tous temps mais le passé simple est le temps typique. Pronoms personnels de rang 3
(il, elle, leurs pluriels et on). Convient aux descriptions, à l'arrière fond...
Voici pour la distinction traditionnelle récit/discours qui n'est pas à négliger
même si elle est trop figée, schématique. Plus intéressantes sont à observer la
particularité des verbes et de leurs conjugaisons et la "couleur" des
différents pronoms personnels...
verbes :
distinguer les temps de l'accompli, inaccompli, hérités du latin (perfectum et
infectum). Savoir reconnaître des verbes conclusifs (action sans durée ex : entrer
-sortir) ou non conclusifs.
Pronoms personnels sujets :
Quelques sensations (toutes personnelles...)
je = moi, mon enveloppe
tu = non-je- familiarité -intimité - s'adresse à un entier, un égal
il : sujet ou chose, déconsidération (L'infirmière au malade : il a pris son
cachet...) il =non (je+tu)
nous : pluriel, étendu, généralité, voir politesse (nous roi de France)
contient le "je "
vous : pluriel, étendu, vous de politesse, contient le "tu"
ils : extérieur pur, opinion
on : fourre tout, caméléon
Remarque : à propos de politesse, le "tu" et le "vous" ne
laissent présager en rien de la politesse même si le traditionnel "vous"
contient cette réserve : on peut copieusement faire sentir l'irrespect indifféremment
dans l'un des deux pronoms, c'est bien connu...
Dans les exemples que nous voyons lors de cette séance, nous remarquons
"l'écriture en conscience" de Nathalie Sarraute (Tropismes) qui
utilise le "ils" associé à l'imparfait, temps de l'inaccompli comme l'indique
son nom (c'est un temps de l'arrière plan rarement utilisé seul mais "parfait"
par d'autres temps accomplis).Ce parti-pris donne un texte magnifique possédant une
mélancolie, un peu distante et sombre, "un banal qui se fait beau" comme le
souligne Elisabeth...
Nous enchaînons pour continuer dans la même maîtrise du texte par un texte de
Raymond Carver, "la cabine téléphonique" et le travail
d'écriture proposé qui va avec : en quelques lignes, monter une anecdote qui raconte un
coup de fil espéré, attendu ou alors complètement inattendu en faisant intervenir un
dialogue intérieur et en faisant d'en faire varier les modalités (récit ou discours,
mode et temps des verbes, essais de différents sujets
).
A la lecture des textes (très élaborés et imaginatifs !), on constate que le
temps "présent", mode intemporel par excellence, et le discours direct marqués
par la ponctuation, les verbes introducteurs est la forme la plus spontanément utilisée.
Jeudi 15 mars 2007 :
Nous avions décidé, lors de la dernière séance d'aborder le contexte de
l'édition.
Ce fut fait et en voici le canevas :
Petit point sur l'édition en 2007
- l'organisation du monde littéraire " moderne " date du XIX° :
Au départ, l'initiative des éditeurs organise le secteur. Les instances professionnelles
et les processus économiques sont issus de cette organisation : Contrats, syndicat des
éditeurs, des libraires, des Gens de Lettres, Maison des écrivains
Les éditeurs historiques demeurent encore les plus importants: Gallimard, Fayard, Albin
Michel, Flammarion. Les " petits " éditeurs se sont multipliés.
- point en 2007 :
Mort annoncée du livre mais qui résiste : augmentation des sorties (dilution apparente
des tirages
)
Adaptation aux enjeux libéraux : regroupements financiers. Hachette, Le Seuil, Albin
Michel, Gallimard
Le secteur de l'édition reste un " petit secteur " en
moyens humains (10000 personnes ?), mais fort demandé et qui jouit d'un prestige
intellectuel.
Réticence aux médias nouveaux (Internet)
- un schéma pour comprendre :
Sur un livre : 30% va à l'éditeur, 30% au distributeur, 30% aux libraires, 10 % à
l'auteur.
L'éditeur, en tentant de diriger le processus de distribution assure ses revenus et
maîtrise la concurrence. Les libraires indépendants sont démunis face aux "
chaînes " du livre (et, fait nouveau, à la vente Internet (cas d'Amazon, qui
demande 30% sur les commissions
).
L'auteur, à l'origine du livre, est le grand perdant d'un point de vue économique et ne
peut assurer ses revenus avec ses seuls droits d'auteurs.
Le processus d'édition
Dans l'absolu : rédaction du livre, envoi aux maisons d'éditions,
édition
Mais concurrence : par exemple Gallimard reçoit 6000 manuscrits par an par
la poste. Les chances sont minimes mais existent. Ce qu'il faut retenir : un très bon
manuscrit est quasi-toujours repéré (Ex : Voyage au bout de la nuit). Corollaire : au
bout de la 15° lettre de refus, se remettre en question, votre livre auquel vous avez
consacré un ou dix ans, ne vaut pas tripette (votre livre, pas vous !) Comment les
maisons choisissent-elles ? Lecteurs et comité de lecture (ex Gallimard), travail en solo
(ex Fayard). Processus moins avouables (contrats à compte d'auteurs, attention aux
leurres d'Internet
). De toute façon, un lecteur n'a que quelques minutes ou une
heure ? pour se convaincre de la possibilité d'édition dans une ligne éditoriale.
Importance (relative) de la cooptation, copinage
Vous êtes retenus ! Il doit y avoir un contrat à compte d'éditeur (bannir toute autre
forme de contrat
) mentionnant, pourcentage de droits, à-valoir, droits de
préférence, droits dérivés, adaptation, date de remise du manuscrit, nombre
d'exemplaires d'auteurs
etc. Questions à se poser, où, quelle collection, quelle
visibilité, quel service de presse associé ?
Généralement, retravail sur le manuscrit : passages à revoir
etc. Très riche
d'enseignement, ne pas se braquer contre. Par exemple, il est parfois difficile de
supprimer un passage auquel on tient pour des raisons personnelles : se poser la question
de leur pertinence vis à vis du lecteur. Bannir absolument toute généralité ou avis
personnels
se méfier des phrases qui nous paraissent jolies. Tout cela est plus
facile à dire qu'à faire. Remarque importante : le plus gros de ce travail a déjà
été entrepris avant l'acceptation du manuscrit sinon, il n'aurait jamais été accepté.
La correction ne concerne que les " scories ", le mouvement général du texte,
des choses qui vous ont échappé, place des chapitres, où commence vraiment le texte ?
où se finit-il ? bref, toutes ces choses.
Manuscrit définitif accepté : épreuve de la correction : fôtes d'orthaugrafe,
tournures, régionalismes, incompréhensions diverses. Phase exaltante si l'on travail de
concert avec le (la ) correcteur. S'ensuit la première épreuve, qu'on relit et renvoie :
important, c'est le texte quasi-définitif que vous validez. Puis deuxième épreuve et
bon à tirer dont on n'entend jamais parler sauf si vous le réclamez. La quatrième de
couverture est généralement rédigée par l'éditeur.
Service de presse : signer les exemplaires juste avant le lancement. Et enfin, attente
fébrile
Nota : dans une maison d'édition, on a affaire à l'éditeur, au correcteur, à la
secrétaire, à l'attachée de presse, au directeur financier, au manutentionnaire, au
coursier
Très petite maison d'édition : tous les rôles sont confondus
En résumer écrire et franchir le premier pas : quelques sentiments
personnels
Diluer en soi les barrières psychologiques : l'intention initiale, les
sentiments, la manière, le choix du sujet.
Se poser des questions sans concession : est-ce que le sujet sera original ? traité de
façon inédite ? avec un style neuf ? est-ce que c'est intéressant et pour quel lectorat
? Pour quel éditeur ?
Savoir refuser d'envoyer soi-même un manuscrit qu'on juge innabouti.
Ecrire et peser chaque mot, Bannir absolument toute généralité ou avis personnels. Se
méfier des phrases qui paraissent jolies.
Connaître où on envoie son manuscrit et pourquoi (et si possible à qui).
Se méfier des sirènes malveillantes (importante maison d'éditions recherche
auteurs
Tu parles
)
Ne pas faire une affaire personnelle des lettres de refus.
A l'inverse, ne pas prendre l'écriture " par dessus la jambe ", genre, j'ai
écrit une petite bafouille sans importance
Jeudi 29 mars 2007 :
On commence par une petite partie théorique, c'est devenu une habitude. Et
d'abord par un complément chipé dans un cours de Stylistique sur "les instances
d'un texte littéraire", inspiré de Beneviste sur l'enonciation littéraire.
1°) Ecrivain, narrateur, personnages, narrataire, lecteur :
A travers ces cinq instances, on réalise le schéma complet d'un travail
littéraire :
L'écrivain : on le connaît, c'est vous et moi, intervenant ou
participant d'un atelier d'écriture
Le narrateur : Point de départ de tout récit. Choix du récit ou
du discours, choix des temps, choix des voix narratives, des pronoms-sujets : il ? Je ?
Autre ?
Les personnages : constituent le corps du récit, l'intrigue. Personnage ou absence
de personnage. Bref, la trame de fond de l'histoire.
Le narrataire : lecteur fictif "convoqué par l'écrivain".
Rarement pris en compte lorsqu'on écrit. Pourtant très important car il est le dernier
maillon avant le lecteur. C'est léditeur en phase finale qui assure le lien entre
le narrataire et les lecteurs habituels de la collection dans laquelle vous allez être
édité : d'où le travail de correction, très important pour rendre le texte
compréhensible et raccourcir cette distance narrataire-lecteur.
Le lecteur : en espérant qu'il y en ait beaucoup...
Beneviste laisse entendre que ces instances réalisent un schéma complet et
chronologique de la création d'un texte littéraire. En réalité, ces cinq phases sont
en permanence présentes à l'esprit de l'écrivain : c'est donc une sorte d'oscillation
entre chaque phase tout le temps que le texte se construit. Ainsi, écrire "en toute
conscience" consiste à réaliser dans quel état (instance) nous nous trouvons à
chaque instant. Cette appréhension de la "conscience d'écriture" aide à
surmonter les difficultés de structure que l'on trouve inévitablement dans la
construction d'un texte au long cours.
Voir aussi la Note d'écriture
du 29/11/2006.
2°) Ecrire avec Régis Jauffret et ses Microfictions (Gallimard,
janv 2007)
Extrait d'une critique de Télérama :
" .../... Une microfiction, selon Jauffret, cest une page et demie,
pas plus, une petite histoire qui raconte beaucoup. Maître de lattaque et de la
chute, il va au plus pressé, à lessentiel, à rebrousse-poil, par déflagrations
anticonformistes, par frappes (phrases) chirurgicales. Exemple : " Je connais la
misère, et la respecte. Le spectacle de la pauvreté est sans charme. Il peut atteindre
le moral des plus fragiles dentre nous. Mais nous devons lendurer avec
dignité. Cest notre devoir de riches. " Ses narrateurs, il faut bien en
convenir, ne nous ressemblent guère quoique... Tous pervers, égocentriques,
alcoolos, dépressifs, bestiaux des antihéros. Jauffret leur invente quelques
scènes, mêle mélancolie et violence, écrit en négatif un bonheur à lodeur
rance ou qui na jamais existé. Amours moribondes, sexualité torturée, relations
parents-enfants déjantées, racisme très ordinaire : Jauffret souffre et écrit le
bêtisier qui nous sert de société, une " humanité moderne " étranglée par
les humiliations, les mensonges, les terreurs. Ses personnages sont au choix pharmacien
cupide, mollasson du cerveau, gens du show-biz épris de charité et de tentes monoplaces,
prof avili, papy libidineux, journaliste prostitué, mère idem, cadre inférieur,
touriste abonné au crétinisme, accro de télé, pétasse miteuse et, aux côtés
de tous ceux-là, des gamins déboussolés. Lauteur plonge dans limmonde,
décrasse les clichés, et sans pudeur, avec acharnement même, revendique un peu
damour. Il y a, au fil de ses histoires qui souvent flirtent avec la fantaisie ou
lincongru, comme des relents de tendresse pour lenfance, ces vies à peine
écloses et déjà maltraitées, déjà dévoyées..."
Les Microfictions ont été écrites durant dix mois, à raison parfois de trois ou
quatre textes par jour. " Jai travaillé dans un seul mouvement, tout
repentir métait alors impossible. Je my suis coulé totalement. Ce nest
pas un défi, juste une question de générosité, et puis dénergie, de santé, de
colère. La force me venait de lécriture elle-même. Je ne suis pas du genre à
vivre avec mes personnages. Lun chasse lautre. "
Ce qui s'inscrit tout-à-fait dans notre thème "la Vie en noir"...
Voir aussi, sur régis Jauffret, les Notes de lecture
et d'écriture du 04/04/07
Jeudi 12 avril 2007 :
Et voici déjà notre dernière séance ! Notre "Vie en Noir" se
termine dans une étuve : il fait chaud et les salles annexes de la bibliothèque sont
stupidement conçue comme une serre, sans climatisation bien sûr... On devrait obliger
l'architecte lauréat du marché de ces bâtiments admistratifs néo-futuristes à habiter
un an ici !
Bref, nous pous retrouverons dehors sur les bancs et au grand air pour écrire nos
derniers textes...
Au menu, une partie théorique basée sur la réécriture avec le très bel
exemple des deux textes de Camus, La Mort heureuse et L'étranger, que
l'on trouvera en Notes d'écriture du 20/12/2006
Et pour la partie qui va nous conduire à écrire, j'ai pensé que l'humour
cloturerait bien cette Vie en Noir. Je propose donc un maître en la matière en
la personne de René Fallet qui plaît beaucoup en ce jour de printemps.
Il faut dire que quand, comme René Fallet, on est capable d'écrire ce qui suit,
l'écriture en est comme facilitée...
" C'était une petite fille blonde avec des yeux de porcelaine qui
conservaient l'enfant comme un oiseau entre les mains. "
" Au ciel de fin janvier montait comme étouffées les fumées du quartier
avec leurs pauvres gestes de feuilles mortes " - Banlieue Sud Est -,
" L'aventure commençait, on se sentait l'âme comme un rideau à fleurs
" - Le Braconnier de Dieu-...
" je voudrais une tombe avec un numéro dans le dos comme un joueur de
hockey, sans fleur ni larmes et que la Toussaint se mue en 14 Juillet "-Carnets de
jeunesse
" Et sur ces paroles, le Christ s'éleva avec la majesté d'une fusée à
Cap Carnaveral. Baboulot et Quatresous suivirent du regard, impressionnés, cette
Ascension qui n'était pas sans rappeler celle, fulgurante, de Fausto Coppi durant le Tour
de France de 1952. - le Braconnier de Dieu
" Mère Pampine, posée sur paillasson comme un caca de dinosaure, comme un
monticule de tripaille dans un recoin d'abattoir, une méduse ballottée là par une
marée prosaïque " Paris au mois d'août -
" dans son arrière-boutique, la fleuriste cultivait des arrières pensées
" - Le Triporteur
En complément, pour les inconditionnels de René Fallet : page
spécial sur le musée de René Fallet sur ce site...
et quelques Notes d'écriture du 08/02/2006 :
car il faut s'attendre à tout de la part d'un auteur capable d'écrire que " La
littérature se pratique tantôt avec les mains, tantôt avec les pieds. On dit
aussi : embrasser la littérature ou faire des pieds et des mains
"
Merci à toutes pour vos participations dynamiques et bonnes continuations dans
tous vos projets estudiantins et autres !
|