depuis septembre 2000
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Atelier d'écriture à Saint-Dizier, associé
aux associations Relais 52 et Initiales
Septembre 2021- début 2022, Saint-Dizier
De la même manière qu'un atelier artistique
avait été organisé en 2019-2020 avec la même structure Relais 52, un nouvel atelier
d'écriture est programmé depuis cet automne 2021 avec des migrants MNA (mineurs non
accompagnés).
Cette année, le Lions Club Saint-Dizier Grand Der est notre partenaire et s'interesse
vivement à l'action d'alphabétisation que mêne initiales : à ce sujet, une
conférence que j'ai eu l'honneur d'organiser a eu lieu le 20 octobre dernier.
Ce journal retrace les séances qui se déroulent chaque mercredi après-midi dans les
locaux de l'UJB (Union des Jeunes Bragards).
Première séance, mercredi 3 novembre 2021 :
La première séance possède des enjeux fort, notamment
celui de découvrir chaque participant, leurs attentes, d’évaluer leur capacité
individuelle à comprendre, lire, écrire le français mais aussi (surtout) à mesurer
leur manière de « faire groupe », de s’intégrer ensemble dans une
aventure culturelle, bénéfique et construite, ce qui demeure l’objectif principal.
Pour l’épopée qui s’annonce, je serai efficacement aidé par Alizée, relai
local de l’association Initiales à Saint-Dizier.
Ces enjeux et l’hétérogénéité des participants nous conduiront à remettre en
cause presque à chaque séance notre fonctionnement. C’est pourquoi, deux jours
avant, nous avons pris le parti de nous rencontrer pour un briefing/débriefing et
élaborer/modifier le programme.
Pour cette première séance, après les présentations d’usage, nous avons décidé
d’un jeu participatif pour se présenter (le jeu du crocodile : une rivière est
occupée par un crocodile lettré, qui ne laissera partir les participants dans leur
pirogue que si ils s’y range par ordre alphabétique). Cette animation permet de
donner du mouvement, favorise les premiers échanges et permet de retenir les prénoms de
chacun. Ainsi, nous accueillons pour cette première séance, Abdoul, Aman, David, Demir,
Dominique, Ismael Keita, Ismael Soumahoro, Madiago, Mahamadi, Mahamadou, Mohamed, Moussa,
Romaric.
Afin de parfaire notre connaissance de chacun, nous leur demandons de choisir un mot
qu’ils aiment bien et un autre qu’il déteste. Certains montrent leur intérêt
pour la politique comme Abdoul qui n’aime pas Zemmour ! Beaucoup sont attachés
à des valeurs comme l’honnêteté, le respect des règles, la volonté
d’apprendre.
Un autre exercice est de leur demander ce qui les a le plus étonné en arrivant en
France. La encore, beaucoup de réponses concernent la vie (parisienne) pressée, le
manque d’écoute, la complication européenne. La possibilité de voir des hommes ou
des femmes ensemble est également un motif d’étonnement et provoque un débat entre
eux.
L’impression d’ensemble après cette première séance est celle d’une
grande disparité liée à l’apprentissage de la langue, certains écrivent
rapidement et sans faute plusieurs paragraphes, d’autres on du mal à écrire un ou
deux mots. Le cas d’Aman, afghan, doit être pris également en considération. En
revanche, le groupe semble enclin au dialogue. Il faudra peut-être privilégier cette
dynamique et travailler plus en collectif, en sous-groupe, emmené notamment par les plus
forts.

Deuxième séance, mercredi 10 novembre 2021 :
Moins de participants pour cette deuxième séance,
certains sont partis en stage. Nous retrouvons ainsi à six, Ismael Keita, Moussa,
Dominique, Abdoul, Aman et Abdoulaye, un nouveau qui n’était pas présent à la
séance précédente.
Je présente mon travail d’écrivain et les livres que j’ai écrits. Tous sont
très intéressés et demandent des précisions. Les questions sont très
pertinentes : Est-ce qu’il faut déterminer le titre avant d’écrire ?
(Ismael) Qui choisit la couverture ? Comment est-on édité ? Je leur fais un
petit cours sur la fabrique d’un livre, les intermédiaires et qui gagne quoi sur le
prix d’un livre. (je présente également en anglais pour Aman, l’afghan qui a
du mal encore avec notre langue)
Puis nous travaillons sur la manière d’écrire une phrase simple (le chat mange la
souris) et d’en détourner les mots. Enfin, nous reprenons le thème des cinq sens et
je leur demande par binôme de travailler sur l’ouie, l’odorat et la vue et de
choisir des verbes qui s’y rapportent. La consigne est très bien comprise et les
choix proposés montrent un vocabulaire riche et une grande maitrise en général de notre
langue. On invente certains mots qui trouvent immédiatement leur sens : fleurer
(sentir les fleurs), nauséabonner, répulsiver. Aman explique qu’en Dari, le verbe
« écouter » se dit « chenedam » (me chenedam :
j’écoute) et il l’écrit en caractère arabe.
Nous les faisons parler ainsi de leurs différentes langues, beaucoup d’entre eux
parlent parfois cinq ou six langues en plus du bambara ou d’autres langues
africaines. Notre pauvreté linguistique d’européen fait piètre figure à côté,
mais Ismael et d’autres explique qu’ils n’ont pas le choix d’adopter
la langue de ceux qui viennent les visiter, par rapport à nos langues prépondérantes
comme le français ou l’anglais.
Cet échange très riche, ouvre des perspectives pour les textes à construire où nous
pourrions mêler tous ces vocabulaires. Ismael nous parle d’une lecture de contes
africains, « Topé l’araignée » de Toure Théophile Minan, un auteur de
Côte d’Ivoire.

Troisième séance, mercredi 17 octobre 2021 :
Toujours peu de participants pour cette troisième séance.
Nous retrouvons ainsi Ismael Keita, Moussa, Abdoul, Aman et Abdoulaye, mais aussi Romaric
et Madiago venus à la première séance.
Nous lisons un des contes de Topé L’araignée, de Toure Théophile Minan, un auteur
de Côte d’Ivoire, lecture que nous avions évoquée à la séance précédente. Nous
analysons collectivement le texte nous nous demandons qu’elle est la morale de ce
conte et la profondeur de leur réflexion est grande : l’intelligence est la
facilité de compréhension et la sagesse est la facilité de discernement : ce sont
les mots précis des participants !
Je propose que l’on écrive un nouveau conte de Topé l’araignée. Après
quelques instants de tâtonnements bien compréhensifs (il est toujours difficile de se
lancer dans l’écriture), l’intrigue se met en place : Topé
l’araignée, toujours douée de sa sagesse légendaire sera une sorte d’ange
gardien pour un jeune homme qui décide de rejoindre l’Europe. Le nom de ce jeune
héros est vite trouvé : shaka.
Le reste de la séance est dévolu au début de ce texte où Shaka décide de partir de
son village d’Afrique. Les participants écrivent jusqu’à la dernière minute.
Aman, qui a du mal encore avec la compréhension de la langue française a eu droit à une
explication du conte particulière et décide de dessiner la maison de village de
Shaka : son rôle est tout trouvé pour la suite de cette histoire. Nous nous
acheminons vers une histoire illustrée…

Atelier MNA, 4ème séance,
24/11/2021
Six participants pour cette quatrième séance : Ismael Keita, Moussa, Abdoul, Aman
et Romaric sont présents, rejoints par David qui avait assisté à la première séance.
Nous reprenons le travail de la semaine précédente. Nous leur distribuons les textes
qu’ils ont écrits et que j’ai repris à l’ordinateur. Chacun lit sa propre
production et Alizée et moi lisons celles d’Abdoulaye et de Madiago qui sont absents
cette semaine. Puis je leur restitue le texte collectif où j’ai mêlé tous leurs
textes en leur expliquant ce que j’avais trouvé de bien dans chacun d’eux.
Des applaudissements montrent que j’ai touché juste : nous sommes exactement
dans la morale de Topé l’araignée, le héros intelligent des contes africains qui
nous inspirent : la sagesse est destinée à être partagée !
Je propose que nous poursuivions cet essai réussi pour aboutir à une nouvelle
qu’initiale pourrait éditer. A raison d’un chapitre par séance, nous
approcherons une quarantaine de pages, surtout si Aman nous gratifie ce recueil
d’illustrations.
L’idée semble séduire mais une polémique s’installe : avons-nous le
droit d’utiliser le personnage de Tôpé l’araignée ? Je vais tenter de
contacter l’auteur Toure Théophile Minan mais il est probable que nous
n’enfreignons aucune règle : nous ne faisons aucun plagiat, au contraire, nous
louons la sagesse du personnage qui a été beaucoup apprécié des lecteurs.
Du coup, nous commençons le deuxième chapitre avec un peu de retard et l’écriture
produite (deux fois plus longue que la semaine dernière) prouve que ce projet leur tient
à cœur. En revanche, Aman, que nous pensions intéressé pour illustrer ce conte,
préfère dans cette séance reprendre les mots difficiles et les écrire : je suis
là pour apprendre le français nous fait-il comprendre. A nous de faire en sorte
qu’il se sente le plus possible intégré au groupe et trouve pleinement sa place.


Atelier MNA, 5ème séance,
01/12/2021
Cinq participants pour cette quatrième séance : Ismael, Moussa,
Madiago et Romaric sont présents, rejoints par Dominique qui revient de stage.
Alizée fait une présentation des offres « à la carte » qu’Initiales
peut proposer à chacun d’entre eux en fonction de leurs projets, puis nous
visionnons le film que nous avions réalisé en 2019 avec leurs prédécesseurs à Relai
52
Nous reprenons le travail de la semaine précédente. Nous leur distribuons les textes que
j’ai repris à l’ordinateur. Chacun lit sa propre production. Puis je leur
restitue le texte collectif. Mais la manière dont j’ai mêlé les trajets de leurs
errances, par méconnaissance, ne restitue pas la réalité.
Nous examinons une carte et précisons au tableau les différentes étapes.
Je suis heureux de cette « prise de pouvoir » sur la structure même du texte,
cela prouve leur intérêt pour ce projet !
Nous commençons ainsi le troisième chapitre avec l’idée précise de ce qu’il
faut raconter (la traversée du Mali, de Bamako à Gao). Comme ils sont arrivés assez
tard, l’écriture se prolonge jusqu’à 18h30 et il partent rapidement sans que
nous ayons le temps de laisser tomber la tension de l’écriture.
Certains enchaînent aussitôt avec des entrainements de football ou de boxe et je me
demande quel mélange provoque l'éxercice physique dur et parfois violent avec cette
écriture assidue et sage, remarquable par sa densité en peu de temps.


Atelier MNA, 6ème séance,
08/12/2021
Huit participants pour cette 6ème séance : Ismael, Moussa,
Abdoul, Abdoulaye, David, Dominique, Aman et Yaya, qui n’est jamais venu. Ce dernier,
qui n’a jamais participé, a du mal à rejoindre le groupe, cependant il nous est
difficile de l’inclure d’emblée dans cette aventure collective et Yaya,
d’un abord plutôt maussade, restera en retrait.
Comme c’est désormais l’habitude, nous reprenons le travail de la semaine
précédente. Nous leur distribuons les textes écrits et que j’ai repris à
l’ordinateur. Chaque présent lit sa propre production et je lis la totalité de la
production, aidé par David. Ils peuvent mesurer déjà l’ampleur exceptionnelle de
leur travail. Hormis les fautes d’orthographe, je ne reprends pas leurs textes, tant
ils sont cohérents et bien écrits.
Ils reprennent alors la suite de leur récit : les voici dans le désert… Il est
étonnant de voir comment ils se servent du personnage de Shaka pour raconter leur propre
histoire (je leur fais part de ma découverte en reprenant le prénom de Shaka, donné par
Ismael : Shaka = « chacun » d’eux…). Moussa invente un
« Moussa junior », ami de Shaka, et croit bon me préciser que « Moussa
junior », c’est lui…
Grande joie aussi, Aman, a qui j’avais offert un bloc de dessin car il est doué pour
les illustrations nous gratifie de trois dessins pour illustrer l’histoire. En effet,
notre ami afghan est un peu éloigné du trajet d’Afrique qui s’est imposé à
tous et la barrière de la langue rend difficile sa participation. Ses dessins figureront
dans la publication que nous envisageons.
Nous terminons la séance enthousiaste quant à la qualité de leur travail et de leur
implication. Deux d’entre eux ont pris l’habitude de me contacter via SMS, en
m’appelant « Monsieur Thierry », cette déférence et leur politesse
m’émeuvent un peu… Reste maintenant à « faire groupe » comme
disait Maud qui m’aidait dans la précédente session en 2019. Cette année, Alizée
avec qui je partage cette aventure d'une manière tout aussi efficace, est également de
cet avis : nous les sentons encore méfiants les uns envers les autres, une somme
d’individualités très sérieuses pour de jeunes mineurs, mais enfin, leur situation
précaire n’incite pas à une joie débordante.

Atelier MNA, 7ème séance,
15/12/2021
Huit participants pour cette 7ème séance : Ismael, Moussa, Abdoul,
Abdoulaye, David, Aman, ainsi que Demir et Mahamadou qui ne sont venus qu’à la
première séance.
Nous avions, comme d’habitude, préparé la séance deux jours auparavant avec
Alizée, c’est important pour nous deux, les participants doivent ressentir une
cohésion et un équilibre dans la coanimation. Aussi, c’est Alizée qui démarre et
qui propose un jeu simple de questions, que chacun tire et s’efforce de répondre (du
genre : Qu’est-ce qui te rend triste ? Raconte une histoire. Quel est le
moment de la journée que tu aimes le plus ? le moins ?). Le but était de leur
proposer une manière ludique de démarrer la séance, nous les trouvons en effet
« trop sérieux », de véritables stakhanovistes de la production
littéraire ! Et les échanges entre eux sont ainsi trop restreints pendant les
séances. Le jeu fonctionne au-delà de toute espérance, tout le paquet des questions y
passe et, pour la première fois, nous les voyons rire et se vanner entre eux.
Ce jeu a aussi l’avantage d’intégrer Demir et Mahamadou qui débarquent après
6 séances dans un projet d’écriture déjà bien avancé. Et cette introduction a
manqué la semaine précédente pour accueillir Yaya qui était dans le même cas et que
je n’ai pas su incorporer au groupe : il n’est pas revenu à cette
séance…
Le temps a déjà passé et je prends le parti de ne pas restituer leurs textes de la
dernière séance (à ne pas renouveler au risque que chacun se sente décalé par rapport
à l’avancement du texte). J’explique cependant à Demir et Mahamadou le travail
déjà entrepris. La somme déjà produite leur fait peur et provoquent des réactions de
rejet : Demir, l’albanais, se sent peu concerné par le périple de ses amis
africains et résume son opposition par « le passé, c’est le
passé ! ». Il n’a pas tort car l’avenir et ses perspectives doit en
toute logique aboutir. Mais il ne parviendra pas à en écrire davantage, même si nous
échangeons tous les deux sur ses difficultés actuelles : la vie dans un centre
d’hébergement n’est pas facile, les règles de vie peuvent devenir étouffantes
parfois bien que nécessaires. Mahamadou, en revanche, bien qu’il ait beaucoup de
difficultés orthographiques, s’évertuera à écrire un paragraphe avec lenteur mais
opiniâtreté.
Les autres continuent leurs histoires et je suis toujours étonné de la manière dont
« ils se remettent dedans » avec facilité. Ismael et David écriront deux
pages de cahier grand format (Ismael, le lendemain, me photographiera 10 pages
d’écriture pour la suite !)
Aman, pour sa part, a été pris en main avec Alizée pour lui expliquer à l’aide
d’un traducteur afghan la manière dont on aimerait qu’il nous aide. Son
français qu’il arrive de mieux en mieux à lire est encore hésitant et il ne
comprend pas toujours ce qu’on attend de lui.
Au final, la séance se termine encore d’une manière dense. La semaine prochaine
sera la dernière de 2021.


Atelier MNA, 8ème séance,
22/12/2021
Seulement cinq participants pour cette 8ème séance, la proximité de la
trêve de Noël n’aide pas à l’assiduité, mais nous n’avons prévu
qu’une seule séance de repos la semaine prochaine. Sont donc présent Ismael,
Moussa, Abdoulaye, Aman, et Dominique qui était parti en stage.
Comme la semaine dernière, Alizée démarre la séance par un jeu de rapidité ou chacun
doit faire deviner à son partenaire le maximum de mots en un temps défini. Comme la
dernière fois, grand succès, y compris pour Aman qui progresse vraiment beaucoup en
français.
En revanche, succès mitigé pour la séance d’écriture. Nous leur remettons la
totalité de ce qu’ils ont déjà produit jusqu’ici individuellement. Ismael est
toujours autant volontaire et corrige « ses épreuves » comme un vrai auteur.
Je discute avec Moussa qui semble satisfait de ce qu’il a produit jusqu’à
présent, et qui m’explique ce que je peux négliger dans sa prose. En fait, le
voyage de Shaka, même sous l’apparence d’une fiction reste l’histoire de
leur terrible voyage et la force de l’écriture se heurte aux émotions. Ainsi,
Abdoulaye qui avait terminé son récit la fois précédente au bord de la mer
n’arrive pas à continuer. Il réussit juste à dire les dents serrées qu’il
est resté une semaine sur la mer et que c’est impossible à évacuer. De son côté,
Romaric, revenu de stage après 3 semaines d’absences, a du mal à renouer avec le
cours de l’histoire.
Je me demande ainsi si ce que nous avions prévu n’est pas en train de nous
déborder.
Ce qu’ils ont déjà produit est bien-sûr une matière magnifique à valoriser dans
un recueil spécifique, mais la forme que nous avions imaginée, un texte collectif qui
suivrait leurs étapes, devient difficile à réaliser tel quel. Il y a trop d’écart
entre Ismael pour qui l’aisance et l’urgence d’écriture est manifeste (il
me photographie de nombreuses pages écrites en dehors de l’atelier) et les autres.
Il me faudra ainsi revoir totalement la composition du récit.
D’autre part, le temps, me semble-t-il joue contre nous. Nous pourrions continuer
ainsi à accumuler des séances et des séances à écrire, et, à la fin, il ne resterait
qu’Ismael. Nous avions prévu dix séances et même si nous dépassons d’une ou
deux, il serait illusoire de continuer ainsi (D’ailleurs je vais bientôt ne plus
avoir le temps matériel de m’y consacrer autant). Il faut provoquer une rupture,
soit dans le récit (par exemple commencer par la fin, l’arrivée dans leurs
hébergements actuels et remonter le temps), soit dans l’animation (changer de sujet,
évoquer leurs musiques préférées, autres choses…) Bref, il nous faut réfléchir
à tout cela.

Atelier MNA, 9ème séance,
05/01/2022
Première séance de l’année et sept participants : Moussa, Romaric et Aman
pour les habitués, Demir et Madiago, qui seront venus ainsi deux fois, et Mohamed, qui
n’était pas réapparu depuis la séance initiale. Manquait Ismael, qui assure à lui
seul les trois quarts de la production des écrits. Autant dire que le cœur
n’était pas à l’écriture et si le Doodle en introduction déride Aman qui
progresse décidément beaucoup, les autres restent attentifs et méfiants, impossible de
les motiver pour l’écriture. Nous terminons la séance par les rêves pour 2022
énoncés collectivement et l’élaboration de cartes postales kitch.
La sensation que nous avions perçue la fois précédente se confirme, ce n’est plus
la peine de continuer, nous n’apportons plus grand-chose. La rupture que nous
espérions pour achever le récit n’aura pas lieu. Ceci, dit, cela ne remet pas en
cause la nouvelle qui a déjà été produite jusqu’alors et Ismael, qui m’a
contacté par la suite, viendra à la prochaine séance. On s’achemine donc vers une
production dissociée, la restitution de leurs textes collectifs et le témoignage de
très grande valeur d’Ismael qui a pris une toute autre dimension individuelle et
qu’il me faudra accompagner s’il le souhaite. C’est ainsi un constat de
semi-échec que nous faisons : nous avions espéré avec Alizée continuer sur une
dynamique qui s’avérait productive et très prometteuse, mais qui se sera
essoufflée.

Atelier MNA, 10ème séance,
12/01/2022
Beaucoup l’ignoraient mais c’était la dernière séance de cet atelier. En
effet, la participation s’essoufflait, la nouvelle que tous avaient écrites touchait
à sa fin, mieux valait arrêter (voir compte-rendu de la semaine précédente), mais en
même temps, il y a l’idée d’avoir construit ensemble un texte aussi fort. Pour
la dernière séance, par chance, ceux qui s’étaient le plus impliqués étaient
présents : Moussa, Romaric, Ismaël, David, Abdoulaye (manquait Aman qui
s’apprêtait à jouer du violon dans un atelier jazz). Nous avons pu ainsi présenter
le résultat de leur travail, un texte collectif de 50 000 signes, qui sera
agrémenté des dessins d’Aman et de photographies prises pendant l’atelier. Le
projet est lancé et cette petite édition promise par Initiales devrait voir le
jour rapidement.
Car notre travail n’est pas terminé : lorsque le livre sera paru (au
printemps), nous organiserons une belle restitution avec tous les officiels et ceux qui
les ont soutenus. La séance a été mise à profit par une distribution de leurs écrits
et chacun a tenu à lire sa propre prose.
A la fin, Alizée a demandé de résumer en un mot ce qu’ils ont pensé de cet
atelier et leurs impressions (voir photo ci-dessous) font chaud au cœur.
Prochaine séance, le 18 janvier, avec une visite archéologique au musée, histoire de
terminer correctement l’atelier.

Atelier MNA,
restitution le 28/06/2022
On avait arrêté un peu brutalement notre atelier en janvier
dernier à la dixième séance. Une onzième, histoire de clôturer provisoirement notre
travail avait eu lieu au musée de la ville, histoire d’ancrer ces migrants
déracinés dans un passé et une culture qui était un peu les leurs désormais.
Je gardais en mémoire cependant le livre promis : on avait une belle matière à
disposition avec leurs écrits foisonnants. Au printemps, comme convenu, Le voyage de
Shaka a ainsi vu le jour, édité par Initiales. Restait à trouver une date pour se
revoir et distribuer en premier lieu au 16 participants « leur » livre. Les
élections présidentielles et législatives ont différé le rendez-vous : nous
tenions à ce que la préfecture soit présente, ou du moins les services de l’état
en charge des migrants et notamment des mineurs non accompagnés, MNA comme on dit. A
cause des calendriers des uns et des autres, de la reprise effrénée des activités
après la Covid, la date choisie a finalement eu lieu plus de six mois après notre
dernière séance, le 28 juin. Allions nous retrouver nos jeunes ? Le monde des
migrants bouge beaucoup, décisions administratives, écoles, apprentissages, foyers…
Par chance, Alizée qui m’avait accompagné dans cet atelier, avait continué
d’accomplir un travail remarquable, et gardait le contact avec beaucoup d’entre
eux pour des cours d’alphabétisation ou de français. De mon côté, j’avais
revu certains d’entre eux : Abdoulaye était désormais serveur dans un
restaurant et son patron ne tarissait pas d’éloges sur lui ; je m’étais
occupé de financer via le Lions Club, le permis de conduire d’Abdoul, lui aussi en
passe d’obtenir un métier technique avec d’excellents résultats.
Bref, le jour prévu, tous étaient présents, heureux, émus et désireux de montrer
le chemin parcouru depuis Le Voyage de Shaka qui raconte leurs péripéties, la
force qu’il leur a fallu pour surmonter les dangers. Ceux qui étaient présents,
amis, animateurs, travailleurs sociaux, représentants de l’état ou
d’associations, au total une trentaine, étaient également enchantés du résultat
inespéré de leurs parcours.
Reste pour témoigner de cela Le Voyage de Shaka, cette mémoire qui les rend
fiers, cet écrit qui restera comme une trace : nous l’avons fait !
J’avais préparé des extraits de quelques lignes, je tenais à ce que chacun puisse
lire ses propres mots devant le public. Tous ont joué le jeu, chacun a tenu à lire haut
et fort, même celui pour qui le peu d’école avait rendu la diction hésitante, cela
m’a touché.
A la fin, ces véritables auteurs se sont prêtés au jeu des dédicaces, manière de
signer, d’affirmer à la face du monde l’importance de ce qu’ils
représentent, leur volonté de s’intégrer.
Deux articles dans les journaux
témoignent de notre action : le JHM
et L'Union



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