depuis septembre 2000
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"Lire c'est trancher"
Atelier artistique et d'écriture à Saint-Dizier,
associé aux associations Relai 52 et Initiales
Septembre-décembre 2019, Saint-Dizier
Première séance, mercredi 18 septembre 2019 :
Grande
envie de relater au fil de l'eau l'expérience hebdomadaire que je vais vivre avec ceux
qu'on appelle les migrants, mot horrible, horripilant, qui a remplacé celui d'immigrés
des années 60, lui-même s'étant substitué à celui d'étrangers survenu à la fin des
Guerres Mondiales, bref, à chaque fois que le terme usité prenait une connotation trop
douce, pas assez actualisée pour remettre en selle dans nos cerveaux les vieux réflexes
xénophobes. Donc les migrants, des jeunes, et c'est la dernière fois que je prononce ces
deux caractéristiques, migrants et jeunes ne sont pas une matière, mais des personnes,
des gens à deux jambes et deux bras d'origine, muni d'un cerveau comme vous et moi, ayant
vécu parfois plus que vous et moi en l'espace de quelques années. Ces personnes donc, je
vais les rencontrer une fois par semaine dans un atelier d'écriture ou plutôt un atelier
artistique où se mêlera écriture et musique. Et j'ai ainsi envie de raconter ces
séances comme je l'avais fait pour l'atelier mené au
CHS du Jura de Dole car c'est chose précieuse de pouvoir par la suite s'en inspirer
ou que ça serve à d'autres.
Cette première rubrique sera ainsi intégrée dans une page dédiée à cet effet et
placée dans le bandeau de la page d'accueil. Il me faut un titre et celui qui me vient
spontanément est " Lire c'est trancher ", phrase prononcée lors de cette
première séance par Youssouf, un des participants.
Et combien ce titre me paraît correspondre à ce qu'on va faire : trancher dans le vif,
à commencer dans le de nos propres certitudes ; trancher dans leur vif à eux, les
participants (les personnes), à chacun de se déprendre de la méfiance et d'apprendre
ensemble.
Première séance donc, ou plutôt la deuxième en réalité, la première ayant été
dévolue la semaine précédente à une présentation générale de ce qu'on pouvait
proposer, associations et intervenants, eux et nous. La semaine a ainsi été mise à
profit pour échanger. Contrairement à l'atelier de Dole, ou j'ai souvent intervenu seul,
je suis gâté : un des chefs de service du centre d'accueil, personnage haut en couleur
et que je connais par ailleurs participe, et surtout l'association qui chapeaute l'action
délègue une animatrice hors pair avec qui j'élabore le contenu des interventions et la
philosophie globale du machin. Donc, nous arrivons tous deux fin prêts à la date et à
l'heure idoines, pour faire connaissance avec tous, nos petits jeux d'écriture en poche.
Déjà (mais nous nous en doutions) il faut réunir les participants logés sur place et
qui ont un sens des horaires assez large. Quatorze personnes arriveront étalés sur une
demi-heure. Cela devrait se réguler par la suite, mais rien n'est sûr, le groupe devrait
être à géométrie variable selon les dispositions, affectations, transbahutements des
arrivants.
Le premier exercice que nous proposons est d'écrire d'abord leur prénom, se nommer,
avoir une identité est important, et je leur demande de rajouter un mot qu'ils aiment un
autre qu'ils détestent. De cette manière, nous pouvons entamer le dialogue, percevoir
leur degré de compréhension, aborder leurs sensibilités. Grande joie : tous participent
et se prennent au jeu d'emblée. Les mots racisme et esclavage sont présents dans les
détestations, y compris le mot " foutaise ", aucun d'entre eux n'accepterait
qu'on se " foute " de lui, qu'on le traite comme un citoyen de seconde zone,
préoccupation bien légitime et qui répond au mot " respect " plusieurs fois
mentionné dans ce qu'ils aiment.
Le second exercice est lié à l'atelier lui-même : comme il s'agira d'écriture, nous
leur demandons de compléter les phrases telles que " écrire c'est comme... " ;
" lire c'est comme
". Le résultat est plus difficile à obtenir car
" écrire " et " lire ", ont à la fois une connotation abstraite et
concrète. Les plus habiles se lancent dans la discussion et nous nous percevons vite que
pour eux, l'écriture et la lecture sont des préoccupations pragmatiques (échanger et
recevoir des connaissances). En réalité, assez ébloui par la qualité et la maturité
de leurs réflexions à l'oral, j'en étais arrivé à occulter que la plupart n'ont suivi
qu'une scolarité très faible, parfois moins de trois mois, certains (l'un en
particulier, parfaitement anglophone) ne pratiquent pas encore le français ou très peu.
Cela complique en apparence l'atelier, mais c'est sans compter l'enthousiasme réel que je
sens poindre chez eux. Dans la seconde séance, nous aborderons Georges Perec, rien de
moins car comme nous, ils méritent le meilleur.
(30/09/2019)
Deuxième séance, mercredi 2 octobre 2019 :
Et rendez-vous qui est déjà devenu hebdomadaire avec les participants de
l'atelier. Nous intervenons dans leurs locaux. Chez eux, c'est une toute une cage
d'escalier d'un vieil immeuble de quatre étages. Les niveaux supérieurs sont réservés
à leurs chambres et le premier étage est dévolu à la structure d'accueil, animateurs,
chefs de service, directeur. Comme il s'agit d'anciens appartements, l'ensemble est peu
adapté, chambres en guise de bureaux, et salle de réunion réservée à la plus grande
pièce, un salon salle à manger avec une séparation malcommode au milieu. C'est là que
nous nous entassons, une quinzaine ou plus, je ne sais pas au total combien sont là.
L'ambiance est assez étrange, familiale. Il a un canapé et des fauteuils relégués au
fond. Six tables entourées de chaises, un tableau blanc donnent l'aspect d'une petite
salle de classe. Mais contrairement à la semaine dernière les participants sont plus
nombreux à être à l'heure, même s'il demeure encore perturbant de voir arriver des
retardataires qui s'installent sur les canapés, tous cependant semblent attentifs,
curieux, prêt à en découdre avec la langue française et ce que nous leur proposons.
Cette semaine, j'ai choisi les deux textes Emménager et Déménager de
Georges Perec (dans Espèces d'espaces), constitués uniquement de verbes. La
grammaire est ainsi réduite à l'infinitif des verbes, on va à l'essentiel de la
compréhension. Beau moment de lecture de ces deux textes où tous participent avec
sérieux et entrain. Cela permet de mesurer leur habileté à la lecture, leur capacité
de compréhension des mots. Leur étonnement et leur intérêt devant un texte uniquement
constitué de verbes sont vivifiants, rassurants même et lorsque nous demandons la mise
en pratique sur une journée type uniquement qu'avec des verbes, tous s'y collent. Cette
première réussite est importante. Elle se double d'un exercice collectif où nous
inscrivons au tableau les verbes qu'ils proposent sur le thème de faire une fête ("
fêter ") qu'ils ont choisi. Pour eux l'exercice ne s'arrête pas là et nous trions
les mots par chronologie suivant l'avancée de la fête. C'est à la fois touchant et d'un
excellent augure puisque dans l'inconscient de chacun se bâtit une véritable histoire.
Nous terminons par le même exercice cette fois-ci sur le thème de l'école, car pour eux
qui ont écourté leurs études cette notion est très importante.
D'un commun accord, nous décidons d'aborder ce thème travers quelques exemples,
concernant notamment Prévert, la semaine prochaine.
Troisième séance, mercredi 9 octobre 2019 :
Peu de participants, 6 ou 7 seulement. Il faut s'habituer à ces groupes à géométrie
variable. Les résidents sont ballottés de ville en ville, au gré des régions qui se
les répartissent selon des critères purement administratifs où le bien-être de ceux
qu'on est censé aider passe au second plan. Comment construire un suivi dans ces
conditions ? Comment intégrer ceux, qui de toute manière resteront là, dans
l'impossibilité pour la plupart de revenir chez eux dans l'immédiat ? Bref
Nous
poursuivons l'échange sur l'école de la semaine dernière et nous discutons sur les
poèmes de Prévert, " Le cancre " et " Page d'écriture ". Puis, à
partir des cinq sens (je vois, je sens, je touche, j'écoute, je parle), nous bâtissons
leurs propres souvenirs d'école. Il est complexe d'arriver à les faire écrire, mais en
revanche, l'oral leur permet d'organiser mieux les consignes. Je résume par le texte
suivant ce qu'ils ont raconté :
" II y a l'arrivée à l'école.
Et quitter le grand soleil pour l'ombre de la classe. Et repérer d'un seul coup
d'il l'exercice marqué au tableau noir. S'il n'y a rien (ou si l'exercice est
déjà fait), les yeux se tournent vers le sol : est-ce que la salle est sale ? Quelques
papiers échoués, la feuille d'un arbre coincée sous une table-banc, un crayon tombé
d'un pupitre et oublié par terre. Je me penche pour l'attraper, mais Abdoulaye est plus
rapide ! Nous rions en nous poursuivant. Par les fenêtres, le soleil jaune nous coupe en
tranches. Cavalcade, bruit de nos pas. " Attention, il arrive ! ", crie
quelqu'un. Je vois le maître qui traverse la cour dans la grande chaleur, son allure, son
pas tranquille : ne pas s'y fier et gare à nous si le désordre règne ! En un instant,
tout le monde est installé.
Il y a la montée des couleurs.
Chaque matin (et parfois chaque soir), le directeur choisit un élève. C'est à mon tour.
Attendre les ordres : " Attention pour la montée des couleurs !... prêt ! ".
Derrière moi, les élèves commencent à chanter l'hymne national. J'empoigne la corde et
commence à tirer : le drapeau s'élève lentement. C'est tout un art pour arriver à
doser la vitesse des couleurs. Trop vite et le maître vous reprochera d'avoir atteint le
sommet du mat avant même la fin du premier couplet, comme si vous vouliez vous
débarrasser de cette corvée. Trop lentement et l'hymne se termine alors que le drapeau
n'est qu'à la moitié de son ascension : là encore, vous avez échoué.
Il y a l'arbre.
Je me souviens de l'arbre au milieu de la cour. Je me souviens un jour y avoir pleuré,
avoir espéré que ma mère vienne me rechercher. Quand le maître me disait " tu as
la cour à nettoyer ", c'était encore près de cet arbre. Je revenais avec des
outils pour couper les broussailles qui repoussaient toujours au pied du tronc. Les
européens croient qu'un balai suffit pour nettoyer une cour d'école, mais ici il faut
une pioche et une machette.
Il y a le maître.
Toujours soûlé, encore soûlé, de plus en plus soûlé, incapable de faire cours. J'en
ris aujourd'hui, mais j'aurais aimé qu'il le soit moins et que je puisse apprendre plus.
Heureusement d'autres sont venus et m'ont donné le goût de poursuivre et d'étudier. Je
rêve à nouveau d'une classe et d'un maître attentif, je rêve d'être interrogé et de
connaître les réponses.
Il y a l'EPS.
Le sport, la course, pendant au moins trente minutes, quarante minutes. J'aimais cela,
mais je ne suis resté que trois mois à l'école. J'aurais aimé courir moins et rester
plus en classe. J'aurais appris à bien maîtriser la lecture et l'écriture pour pouvoir
me débrouiller dans la vie et avoir un métier. Je connais beaucoup de choses et
plusieurs langues : tout le monde ne peut pas en dire autant et ceux qui me donnent des
leçons devraient y réfléchir. Je veux bien échanger tous les mots que je connais
contre cette entente entre vous et moi.
Il y a les souvenirs.
Il y a la règle, l'équerre, le compas, tous de couleur jaune et accrochés à côté du
tableau noir. Il y a l'ardoise grise et son chiffon de mousse pour effacer les résultats
de nos craies qui hésitent. Il y aura plus tard les cahiers à double interlignes
lorsqu'on saura bien écrire au stylo. Il y a la chicotte. La chicotte, nous apprend
Internet, "désigne un fouet à lanières tressées, traditionnellement en cuir
d'hippopotame ou de rhinocéros ". La matière a changé, c'est souvent une longue
baguette, parfois un roseau, un bout de gaine électrique ou un fragment de câble, mais
le mot est resté et la vexation aussi lorsque le maître nous punit.
Heureusement, il y a la cloche ou la sirène qui annonce la récréation. Et quitter
l'ombre de la classe pour le grand soleil. "
Quatrième séance, mercredi 16 octobre 2019 :
Dix personnes au total participent dont un tout nouveau, arrivé d'hier et originaire
du Mali. Nous allons continuer la séance débutée la semaine précédente sur les
trajets d'école. Je leur lis le texte que j'ai élaboré d'après ce qu'ils ont raconté
(voir ci-dessus). Applaudissements : je suis heureux car ce que j'ai synthétisé
correspond tout à fait à ce qu'ils désiraient raconter. Puis nous visionnons un film extrait des Chemins
de l'école qui se passe au Mali. Grand risque que ce court métrage de 25mn soit
vu uniquement avec notre regard d'europeén et ne correspond pas à la réalité
africaine. Mais de nouveau applaudissements après la vidéo qui évoque parfaitement ce
que chacun a ressenti pour aller à l'école en Guinée, au Sénegal, en Côte d'ivoire ou
en Gambie. Les échanges sont nourris et ils sont heureux à la fois de se remémorer des
lieux familiers et en même temps de nous apprendre quelque chose.
Je propose maintenant de travailler sur les couleurs. Nous lisons d'abord deux poèmes en
rapport de Senghor et de Cendrars (voir ci dessous). Puis séance d'écriture et ce moment
magique et émouvant où chacun se recueille pour écrire. Le résultat est très
satisfaisant, tous respectent la consigne et produisent en quelques minutes des textes de
plusieurs lignes. je photographie leurs textes dans l'apparition brute et leurs
hésitations et je ne peut m'empecher de les insérer aussi en rubrique Webcam.
Certains émettent le vu d'aller plus loin, de transmettre aussi qu'elle est
l'histoire de leur pays. Ils ont grande envie d'être écouté. Au bout de cette
quatrième séance j'ai l'impression que quelque chose démarre
L'OISEAU BLEU, de
Blaise Cendrars
Mon oiseau bleu a le ventre
tout bleu
Sa tête est d'un vert mordoré
Il a une tache noire sous la gorge
Ses ailes
Sont bleues avec des touffes de petites plumes jaune doré
Au bout de la queue il y a des traces de vermillon
Son dos est zébré de noir et de vert
Il a le bec noir les pattes incarnat et deux petits yeux de jais
Il adore faire trempette se nourrit de bananes et pousse
Un cri qui ressemble au sifflement d'un tout petit jet de vapeur
On le nomme le septicolore
***
Poème à mon frère
blanc, de Léopold Sédar SENGHOR
Cher frère blanc,
Quand je suis né, jétais noir,
Quand jai grandi, jétais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.
Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors, de nous deux,
Qui est lhomme de couleur ?
***



5ème séance, mercredi 23 octobre
Cette séance s'est déroulée sans moi, je suis en effet en train de randonner
dans la Cordillère des Andes au même moment ! Nicolas, musicien et chef d'orchestre
accompli, a prévu une séance musique sur Georges Aperghis,
compositeur grec, auteur des Récitations. La Récitation N°
10 notamment reprend une phrase par le dernier mot de la fin et progresse ainsi
syllabe par syllabe jusqu'à avoir à la fin le texte complet. Dans la même idée, je
reprendrai la production de la séance précédente (la quatrième) afin de proposer une
vision répétitive mais très imagée des " couleurs de l'école " que les
participants avaient élaboré.
6ème séance, mercredi 6 novembre
Restitution tout d'abord de leurs écrits des " couleurs de l'école ", ainsi que la mise
en commun collective sur l'exemple de la Récitation N°10 de Georges Aperghis.
Puis, je ne peux passer sous silence le voyage en Équateur que je viens de faire où j'ai
photographié à leur intentions des écoles et des chemins d'élèves équatoriens,
certains dans des villes, d'autres dans des villages de montagne, sans oublier cette
école perdue en pleine forêt amazonienne à l'attention d'une communauté indigène.
C'est l'occasion de dresser des ponts universels sur les préoccupations communes de
chaque enfant : apprendre, lire et écrire.
Nous enchaînons sur une extension de leur école à leurs quartiers d'enfance, villages
ou villes. Là aussi il convient d'avoir un exercice simple, permettant à tous de
démarrer facilement. Je me sers de l'idée initiale qui avait présidé à la première
nouvelle de mon recueil Bestiaire domestique (les cochons) où j'avais utilisé
la locution " Il y a " d'une manière répétitive pour déclencher mes
descriptions. (" Il y a l'escalier de fer qui descend de la cuisine. Il y a les
remontées claquantes des marches pour reprendre un bout de pain, une barre de chocolat.
Il y a la cour sèche de l'été, les vieilles flaques transformées en poussière. Il y a
la grand-mère paraissant sur le seuil, les conciliabules entre cousins, les vantardises
avec les voisines. Il y a les cochons. "). Les textes sont fournis et, pour la
première fois, chacun marque son nom sur sa propre production !
7ème séance, mercredi 13 novembre
La restitution de la séance
précédente a permis de faire un jeu
rythmique autour de la séquence " Il y a ", qui avait prévalu pour chaque
texte. Ce démarrage en mouvement rencontre un grand succès et pourquoi pas, préfigure
un pont entre la partie " littéraire " de cet atelier et sa partie "
musicale " prévue ultérieurement si nous y arrivons. Du coup, la suite est un peu
plus aisée à mettre en place, même si nous abandonnons avec brusquerie leurs souvenirs
d'enfance (l'école, le village, l'Afrique) pour la découverte non moins brutale qu'ils
ont eue de la France. A partir des cinq sens, le jeu d'écriture s'élabore à partir des
locutions " la première chose/fois - que j'ai vue /sentie/ goûtée/ mangée/
ressentie ". Une dizaine de texte me parviennent à la fin et maintenant tous
participent avec sérieux.
8ème séance, mercredi 20 novembre
Maintenant institutionalisée, la restitution de la séance précédente
se complique autour du jeu rythmique : on tente de mêler quatre voix ! Difficile mais pas
impossible. Ensuite,j'ai l'idée de leur faire écrire une lettre pour faire connaître à
leurs proches ou amis restés en Afrique la découverte de la petite ville française où
désormais ils vivent. Pour expliquer cette séquence, je leur présente le chemin inverse
(d'Afrique à destination de la France) à travers plusieurs lettres qu'Arthur Rimbaud
écrivit à sa famille, à son arrivée à Aden et au Harar en 1880. Nous poursuivrons sur
le thème de la correspondance (lettres et cartes postales) à la séquence suivante.
9ème séance, mercredi 27 novembre
S donc de la séance précédente où nous avions commencé un travail épistolaire basé
sur la correspondance Afrique-Europe de Rimbaud. Pour nos participants, c'était
évidement l'inverse que nous leur demandions, d'écrire ainsi à ceux qu'ils ont laissé
en Côte d'Ivoire, au Mali, en Guinée ou en Gambie. Nous poursuivons cette quête et tous
s'y mettent avec une application extraordinaire (Ah, l'instant magique où toutes les
têtes sont penchées pour écrire - réflexe de les avoir photographié à cette
seconde). Le résultat que ces jeunes participants mineurs lisent sans manière (lettres
à leurs amis, leur famille, leur maman). C'est très émouvant. Nous continuons à
explorer le domaine épistolaire avec les cartes postales. Tout d'abord, nous nous
appuyons sur Georges Perec et ses 243 cartes postales qu'il écrivit à Italo Calvino.
Ensuite, nous leur demandons de choisir une des cartes postales que nous avons apportées
en nombre et d'écrire par le biais du hasard en tirant un nom de participant dans un
chapeau. Evidement, le destinataire n'est pas au courant, et je joue au facteur en
distribuant les cartes postales ainsi récoltées que chaque destinataire lit alors. Le
jeu se poursuit avec une deuxième carte postale envoyée à qui ils souhaitent.
Cette relation épistolaire pour laquelle ils n'ont pas l'habitude sera complétée pour
ceux qui le souhaitent par l'envoi de véritables lettres à leurs proches.


10ème séance, mercredi 4 décembre
Pas d'écriture cette semaine, mais nous somme dans un atelier culturel ou d'autres arts
ont leur place, notamment la musique. Nous commençons d'abord par la découverte de
quelques instruments venus du monde entier, jusqu'au Setâr iranien que j'ai réparé et
réaccordé pour l'occasion. Tout de même, si toutefois nous nous abstenons d'écrire,
nous mettons l'accent sur les textes indissociables des musiques, à travers
l'exemple de "l'auvergnat "de Brassens dont nous regardons attentivement les
paroles et le sens. Puis, nous essayons de faire deviner à nos participants l'origine de
différentes musiques, et, plus difficile, d'essayer de deviner la "couleur" de
la chanson, triste, gaie, de quoi parle-t-elle. La dernière partie est réservée à nos
participants : chacun nous fait découvrir les musiques qu'il aime. Et rien à voir avec
les ritournelles dont on nous rabat les oreilles à la radio. Les médias ne
tourneraient-ils pas en dehors du vrai monde ?
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