depuis septembre 2000
| |
Notes d'écriture
Lhomme debout est maintenant disponible en
DVD chez LHarmattan. Jai écrit cela dans cette même rubrique le 2 février
dernier.
Avec la réalisatrice, Florence Vignon nous tenions beaucoup à disposer dun support
numérique autre quimmatériel. Rien navait été prévu par le producteur et
le DVD représente encore un standard même si certains dentre nous ont tendance à
renoncer aux lecteurs Blu-ray de salon.
Dabord, on trouve généralement des bonus dans les DVD, ce qui nest pas
le cas pour la VOD. Pour Lhomme debout, trois conversations racontent le
making-off du film. Elles réunissent Florence Vignon, Côme Aguiar, auteur de la musique
originale, Aurélien Marra, directeur de la photographie et moi-même.
Ensuite, sous le sapin et pour les étrennes, cest plus sympa doffrir un DVD
emballé dans du papier cadeau, car le but de cette rubrique est de vous donner des idées
pour les fêtes !
En plus, si vous passez sur mes pages pour lire cette rubrique, cest que vous me
connaissez un peu. Vous pouvez toujours frimer devant le bénéficiaire en indiquant que
le type qui est à lorigine du film ne vous est pas inconnu et, même, suprême
délicatesse, vous pouvez en même temps offrir mon roman Ils désertent.
Le problème, cest de dénicher les produits
Pour le DVD de Lhomme debout, il ne figure pas au catalogue de
Lharmattan, un comble !
Seule solution pour le trouver, cest
daller ici
Pour le livre Ils désertent, qui date de 2012, lédition chez France Loisirs
et au Livre de poche sont désormais indisponible, sauf en occasion au Livre de poche (avec, sur les visuels, une
curieuse mention « le livre à lorigine du film Lhomme debout »
alors que le livre de poche ne la pas réédité à ma connaissance).
Cependant, il reste des exemplaires neufs en grand format. Vous pouvez les commander chez
votre libraire ou directement chez mon
éditeur Fayard.
Joyeuses fêtes !
(13/12/2024)
Dans un mois, la nouvelle année sera là. Après la trêve des
confiseurs, les affaires littéraires vont reprendre et autant dire que 2025 sera bien
occupée.
Tout dabord, le nouveau roman au nom de code J verra le jour pour la rentrée
de septembre. Ce qui veut dire que le printemps sera dévolu aux derniers aspects du
livre, corrections, ultimes ajouts, couverture, quatrième de couverture, présentation
aux libraires, aux représentants de mon éditeur, service de presse... Il paraîtra
toujours chez Fayard, sous la direction de Jean-François Dauven, avec qui je travaille
depuis plus de vingt ans. De quoi faire oublier les remous récents dans lesquels ma
maison dédition a été plongée (voir dans cette même rubrique les notes des 15
mars et 9 mai).
Pour autant, écrire et être publié, ne se résume pas quà ce seul travail
éditorial, les « revenus accessoires » des activités annexes (cest le terme officiel) sont désormais bien organisés. « Profession
écrivain » ou « profession romancier », pour reprendre les termes de
Jack London ou dHaruki Murakami, il était temps quen France, on se dote
dune représentation plus solide de lartiste-auteur, dont les revenus de
publications ne suffisent pas à faire bouillir la marmite.
Des ateliers décriture sont ainsi déjà programmés, sans que je puisse déjà
tous les inscrire dans lagenda. Trois
journées auront lieu dans une école primaire de la Marne, un projet supervisé par la
Maison des écrivains. Six autres seront réparties dans différents lieux de la Meuse en
partenariat avec le Ministère de la justice et lassociation Initiales. Tout
cela avant mai. Avec Initiales, dautres projets viendront probablement se
rajouter. Côté ateliers encore, même si celui effectué avec la Médiathèque de Reims Croix-rouge est
terminé, il me reste à élaborer le recueil de nouvelles qui sera édité au printemps,
ce qui devrait représenter presque cent pages.
Côté rencontres, je suis invité le 5 février à Bédarieux par lassociation
Lectures Vagabondes pour mon roman Yougoslave. Je profite de cette incursion dans
le Sud pour un autre rendez-vous autour de mes livres, qui aura lieu la veille à la
Médiathèque dArgelès-sur-Mer. La semaine suivante, luniversité de
Bourgogne minvite à Dijon le 14 février pour une journée détude intitulée
« les 1000 vies du livre » et jy évoquerai la belle adaptation
cinématographique dIls désertent avec le film LHomme debout.
A suivre
(06/12/2024)
Jai évoqué dans cette même rubrique mes écrits de
jeunesse, retrouvés récemment. Jai également récupéré parmi mes tapuscrits
ceux que lon ma refusés.
Je passe sous silence les récits que jai envoyés à des éditeurs avant
dêtre édité. Je ne tenais pas à être publié à tout prix, et, si je me
rappelle avoir envoyé mon tout premier roman Martin Martin à deux ou trois
éditeurs au milieu des années 90 (dont Gallimard bien entendu), très rapidement, je ne
men suis plus préoccupé et je nen ai gardé quasi aucun souvenir. Vers 1998,
nouvellement inscrit aux écrivains de Haute-Marne, jai rencontré Dominique
Guéniot, un éditeur local, qui sest déclaré intéressé par La Réserve, terminé
quelques mois plus tôt et dont Yvon Lallemand, le président de lassociation, en
avait été le tout premier lecteur. Le roman a fini par voir le jour sous sa bannière en
avril 2000, et, quelques mois plus tard, à la rentrée littéraire de septembre,
cest Central qui a été publié chez Fayard, sous la houlette dOlivier
Bétourné.
Je me remets ainsi à écrire la même année un texte au nom écolo, Trottoirs et
potagers, que je propose au même OB, et qui le refuse en janvier 2001 (Feuilles de
route venait dêtre créé : il reste des traces de Trottoirs et
potagers dans cette même rubrique
entre novembre 2000 et janvier 2001).
Je viens de relire ce texte : cest vrai quil était mal fichu. Cest
lhistoire dun type qui cherche à retrouver la terre originelle, celle
davant toute trace humaine. Il finira par être inculpé de dégradation
lorsquil plante une aubergine en plein dans le site historique de Pompéi. Je me
souviens quOB avait dit que ça partait dans tous les sens, sans forcément aboutir.
Et cest la réalité. Il y a parfois de bonnes réflexions, une langue et des idées
précises, un style que javais voulu segmenter entre un « vous » (le
protagoniste, lextérieur, létranger) et un « nous » destiné à
représenter lhumain, le sens commun, lesprit grégaire. Ma prose était
encore bien marquée par le Nouveau roman. La fin est ratée, elle se déroule juste
après la tempête de 1999, sans quon arrive à la relier avec la faible intrigue.
Cétait la première fois quon me refusait un livre (du moins, par
quelquun qui mavait édité). Je nai pas eu envie de reprendre ce machin
et de le retravailler, comme me lavait proposé OB. Six mois plus tard, je me suis
glissé dans lécriture de Composants, qui lui, fut accepté et remporta la
mention du Wepler. Pour en revenir à Trottoirs et potagers, même après ma
récente relecture et avoir laissé le texte reposer pendant 24 ans, je nai pas
envie non plus de le reprendre. Je pourrais me recentrer sur la folie de mon anti-héros,
développer cet axe et mener une intrigue plus aboutie, mais ce serait carrément refaire
un nouveau livre.
Ce nest pas le seul texte que lon ma refusé. Quelques années plus
tard, entre janvier et décembre2007, je me suis attelé à un roman intitulé Hendrix
vieillit bien. Comme pour le précédent écrit, on en trouve des traces dans cette
même rubrique (mais sans évoquer le titre ; dailleurs, cest la
première fois que je le dévoile dans FdR). Jai ainsi proposé fin décembre
ce texte (note décriture du 19/12/2007)
et Elisabeth Samama, ma nouvelle éditrice ma fait part de son refus en janvier (note décriture du 20/01/2008). Il
faut dire quelle avait remis en selle CV roman quelques mois auparavant,
juste après que jaie publié 1937 Paris-Guernica, chez Maren Sell, en
faisant une infidélité à ma maison dédition. Ça faisait beaucoup en peu de
temps. Et surtout ES a trouvé que le récit faisait trop « pieds nickelés »,
selon son expression. En effet, ce récit picaresque, sorte de fable inspirée des Vieux
de la vieille de René Fallet (jen parle plus longuement dans ma note de lecture
cette semaine) dénotait en regard du tarabiscoté mais sérieux CV roman, tout
juste paru. Ce décalage dimage ne me servait guère
Ce ne sera pas le
cas de Bestiaire domestique qui sera accepté, toujours sous la houlette dES,
six mois plus tard. Mais il faut dire que ce recueil de nouvelles, un brin poétique,
concurrençait moins frontalement mon précédent récit.
Jai ainsi relu Hendrix vieillit bien et, contrairement à Trottoirs et
potagers, lhistoire se tient plutôt bien : deux copains se retrouvent en
maison de retraite avec comme passion commune la musique et Jimi Hendrix. De quoi
développer tout une flopée de personnages attachants ou caricaturaux et quelques
situations burlesques. Lécriture est assez vive, plutôt visuelle, ça ferait une
belle comédie cinématographique
Jai toujours considéré que léditeur qui refusait un texte faisait preuve de
professionnalisme. Ça ne ma jamais gêné, bien au contraire. Jai
limpression quen agissant ainsi il gagne ses galons déditeur. Cela
montre quil nest pas prêt à tout accepter dun auteur déjà publié
(donc, quil lit très bien et en détail) et cela permet à lauteur en
question de réfléchir à sa manière décrire (un livre raté, ça existe, autant
éviter sa publication). Ça permet aussi dexaminer limage extérieure que
donnent nos écrits dans la maison dédition, leurs cohérences entre eux, ainsi que
la possibilité de faire évoluer ceux-ci, et dans quelle mesure. Un refus est toujours
lié à un seul texte. Lorsquon se sent vexé par un tel rejet, cest notre ego
qui parle et lego ne devrait pas sacoquiner avec la littérature en
général.
(22/11/2024)
Dernières séances avant lhiver, les rendez-vous de
lagenda 2024 se terminent. Au total, 24
rendez-vous, pour la plupart dus à des ateliers décriture, 5 cette année. Si je
compte en plus les mini-ateliers animés également lors les séances de restitution
festival de lécrit, jy aurai au total consacré une cinquantaine de sessions
et rencontré plusieurs centaines de participants. Toute cette organisation
préparations, temps de trajets, animations, tâches administratives, nécessités
comptables - représente un gros temps partiel de boulot. On me croit en retraite mais
« ma petite
entreprise ne connaît pas la crise », comme le chantait Bashung.
Donc, ce jeudi 7 novembre clôturait à la fois le Festival de lécrit, organisé
par Initiales, et latelier de la médiathèque de Reims Croix-Rouge. Direction
Bar-le-Duc à 8h30 avant de partir précipitamment pour Reims pour 3h datelier avant
le retour à 22h30 chez moi, après 300 km. Aucune fatigue cependant, bien au contraire,
tant ces expériences donnent la pêchent et sont riches en émotion.
Émotion partagée dans la Meuse, dernier département à recevoir les restitutions du Festival de
lécrit. Émotion, car jai revu avec beaucoup de plaisir les participants
des années précédentes, ceux rencontrés à Verdun ou aux Islettes. Émotion aussi pour
Nathalie, une comédienne qui a animé un atelier sur la lecture à voix haute :
jamais elle navait été confrontée à un tel public aussi chaleureux et
participatif. Je partage également ce que dit mon ami Vincent Bardin, le musicien qui
accompagne la lecture des textes depuis plusieurs années : avec ces rencontres, on
sait vraiment pourquoi on fait ce métier
Autre ambiance, mais tout aussi chaleureuse et travailleuse à Reims pour notre sixième
et dernière séance autour du thème « dans latelier de
lécrivain ». Ainsi, nous aurons évoqué la place du narrateur et des
personnages, la construction du style, la temporalité, les plages de descriptions, la
respiration des dialogues, et pour terminer, la finalisation du texte. En réalité,
ces sujets, qui pour moi constituent la charpente de nos préoccupations décriture,
sont passés, non pas inaperçus, mais plutôt noyés dans les petits exercices (que
jespère ludiques) et les exemples qui les ont illustrés. Étude des incipits, (comment
on commence un texte), puis surviennent les personnages, comment doit-on les nommer ?
avec quels pronoms personnels ? quest-ce que ce choix induit sur la
narration ? où se trouve le narrateur ? Nous avons comparé la logorrhée de
Proust et de Claude Simon, la concision de Beckett et de la poésie japonaise. Nous avons
écrit au futur, au conditionnel. Nous avons expérimenté des dialogues. Nous avons
rédigé des sonnets, tenté de continuer le Bateau ivre de Rimbaud. Questions,
interrogations et semblants de réponse, tout cela appliqué plus ou moins au sein
dune ou deux nouvelles à paraître dans un vrai recueil collectif qui sera édité
au premier semestre 2025. Mission accomplie donc
(suite de ce texte et descriptif des séances à retrouver en page spéciale).
(15/11/2024)
Il y a quelques semaines, par hasard, jai fouillé mes
placards à la recherche dun vieux recueil de sonnets de ma composition.
Javais comme idée de faire étudier cette forme de poésie à contrainte lors de
latelier décriture de Reims Croix-Rouge. Je lai retrouvé et, bien
entendu, jai aussi trouvé vraiment génial ce que javais composé
probablement au début des années 1990. Nous venions demménager dans notre maison
toujours actuelle et japprivoisais à pied le chemin qui me menait au central
téléphonique situé à moins dun kilomètres en réfléchissant à quelques
formules poétiques. Cétait un bel été (le sous-titre cest Jours
dété, heures jetées) et lévocation de ces moments qui datent de plus
de 30 ans mont empli de nostalgie : jétais jeune papa à lépoque,
la vie se construisait tranquillement et sans heurts.
Du coup, cette nostalgie ma incité à chercher dautres tapuscrits de cette
époque où jalignais des mots sans souci dune quelconque publication. Écrits
de jeunesse, si lon peut dire, puisque mes 2 premières publications ont eu lieu en
2000, année de mes 42 ans. Je garde un souvenir assez précis des textes et de leur
chronologie qui ont précédé mon entrée dans lédition (mais beaucoup moins sur
leur contenu, jen reparlerai). Je suis plutôt conservateur dans le domaine
littéraire et jai su les dénicher assez facilement, de même que la plupart des
fichiers informatiques. Côté tapuscrits, jen ai donc dans mon bureau mais aussi au
grenier depuis 20 ans (voir Webcam des 6 octobre et
29 septembre 2004, la mémoire de FdeR est bien utile
). Et côté
fichiers informatiques, comme tout le monde, jai changé maintes fois
dordinateur de bureau et de portables, de supports de stockage, disques amovibles,
CD, DVD, clés USB
Pour ces fichiers qui datent davant lan 2000,
cétait des disquettes 3 pouces ¼ comme on disait à lépoque. Il y a
quelques années, jai pris la précaution de les recopier sur divers supports. A
quelques exceptions près, jai à peu près tout récupéré.
Donc les écrits de jeunesse, à commencer par le premier dentre eux, le légendaire
Martin Martin commencé à 20 ans à Toulouse en 1978 et repris 10 ans plus tard à
Saint-Dizier (dans lancienne maison - je navais pas encore déménagé).
Jai déjà évoqué plusieurs fois sur mon site ce premier roman (notes décriture des 1 et 8 février 2012) :
13 ans pour écrire un premier livre, à ce train denfer ma carrière
décrivain semblait compromise. Jai recommencé à re-écrire seulement au
printemps 1996, avec cette fois un défi : rédiger un roman de taille classique, 200
pages, en 3 mois, un peu à linstar de ce que faisait René Fallet ou autres
Stakhanovistes des lettres. Jai opté pour une intrigue policière et
exotique : Aventures au Cap-Vert. Jai réussi mon pari : écriture
de mars à juin et ma belle-mère fût ma première lectrice. A partir de ce moment, le
virus ne ma plus quitté. Jai enchaîné un roman tous les 6 mois : Monsieur
Noël, daoût à novembre 1996 ; La réserve, de janvier à mai
1997 (le dernier quaura lu ma belle-mère) ; Rouge Ferrari, rose fleur,
daoût 1997 à février 1998 ; Piano muet, de mars à août 1998 ; Roller,
de décembre 1998 à Février 1999.
Bien-sûr, jai entrepris de relire ces romans de jeunesse. Jai évité Martin
Martin, dont le souvenir est assez présent et renouvelé parce que je le considère
comme le tout premier. Je nai pas relu immédiatement Aventures au Cap-Vert,
dont lintrigue mest restée en mémoire, mais je prévois de le faire.
Jai également délaissé La réserve, puisquil fait partie dun des deux premiers romans édités en 2000
(dabord chez Dominique Gueniot, puis repris - et augmenté- en 2021 chez Liralest).
Quant aux autres, grandes claques à chaque fois : je navais gardé aucun
souvenir du contenu de Roller, de Piano muet, de Rouge Ferrari, rose
fleur et de Monsieur Noël, lus dans cet ordre. A un tel point que
jai cru que quelquun dautre les avait composés. Javais vraiment
limpression dêtre un lecteur découvrant un nouveau livre. Je les ai lus
ainsi, sans aucun jugement pour le type qui les avait écrits, parfois amusé de certaines
trouvailles stylistiques, parfois y trouvant des longueurs, mais rien de vraiment
dennuyeux, des romans ordinaires écrit par un type banal. Ceci est un livre, comme
le dit mon épouse lorsquelle lit mes romans (et cest le meilleur compliment
quelle puisse me faire). Je me sens ainsi comme larroseur arrosé et ça me
fait un bien fou.
Jai décidé den faire également des notes de lecture : aujourdhui, le
premier que jai relu, Roller.
(01/11/2024)
Si ma note dÉtonnements du jour donne un aspect
dépressif de la vie de province, en revanche, celle-ci est chaleureuse à bien des
égards sur le plan culture. Cette vivacité doit beaucoup aux initiatives locales et
régionales, lensemble passant généralement inaperçu au niveau national.
Latelier décriture de la médiathèque de Reims Croix-Rouge en est un bon
exemple. La manifestation est reconduite chaque année, en alternance dans les deux
médiathèques principales de Reims. Je dois saluer la gentillesse des bibliothécaires,
animés par une vraie passion et qui ne comptent pas leurs heures pour diffuser le plaisir
de la lecture. Bien-sûr, ça coûte un peu dargent pour pérenniser de telles
animations, mais peut-on croire à une culture statique, enfermée dans les pages de
livres ?
Le public qui me fait lhonneur de maccompagner pour cet atelier
décriture est constitué de beaucoup dhabitués. La liste dattente, qui
a accompagné les inscriptions, indique un véritable attrait pour les mystères de
lécriture. Jai rarement connu une telle convivialité entre les participants.
Tant mieux, jai limpression que cet atelier, dont je viens de terminer
lavant dernière séance, correspond à leur attente. Je ne dis pas « vivement
la dernière », car je vais avoir du mal à rentrer dans mes pénates. Et bien sûr,
je me réserve le droit de revenir en toute amitié, notamment lorsque notre petit recueil
qui constitue à la fois un enjeu et une mémoire de ce qui se fait ici sera
paru. Notre avant dernière séance nous a permis, comme à chaque fois, davancer
avec enthousiasme sur les chemins de lécriture comme lindique le
compte-rendu habituel : « Nous avons commencé par faire le point sur notre
projet de recueil. Sil est prévu pour le printemps prochain, il est bien quil
puisse bénéficier du dynamisme de notre atelier et vraiment tout le monde joue le jeu et
tient beaucoup à finaliser cet enjeu. Chacun ma envoyé une ou deux nouvelles (ou
prévoit de le faire). Cest le moment de discuter de chaque nouvelle : est-elle
dans le ton du recueil ? De combien de signes est-elle composée ? »
(la suite est à retrouver dans la page
dédiée à latelier)
Cet atelier nest pas la seule manifestation à laquelle jai participé cet
automne. Jai arpenté dautres médiathèques de la région : Jean Falala
à Reims, située idéalement juste en face de la magnifique cathédrale et de lAnge
au sourire, Troyes et son magnifique fond de livres anciens, Charleville-Mézières qui
célèbre en permanence Rimbaud, je me suis rendu à Chaumont et jirai à Bar-le-Duc
à lhôtel de département en novembre, tout cela grâce au Festival de
lécrit qui, cette année, fête sa 28ème édition. Lengouement ne faiblit
pas : plus de 600 participants et des dizaines dassociations sociales ou
culturelles relaient cette initiative dans chaque département. Jy participe depuis
plusieurs années et je repars à chaque fois avec une pêche denfer,
limpression de servir à quelque chose, de savoir pourquoi jexiste et pourquoi
jécris. Les amis musiciens qui mettent en musique les textes, Vincent et Céline
Bardin rejoignent mon enthousiasme : On sait pourquoi on fait ce métier !
sexclame Vincent avec ses 40 années dexpérience. Toutes ces rencontres font
du bien, chaque texte lu est un moment démotion, un instant dhumanité et
Dieu sait si elle est malmenée en ce moment.
(27/10/2024)
" J'ai lu Le grand Meaulnes et Le petit Chose
" (Michel)
Sérieux et rires : ainsi pourrait-on qualifier latelier de la médiathèque de
Reims Croix-Rouge, déjà au 2/3 de son parcours.
Sérieux comme les livres étalés et photographiés dans mon bureau, bibliographie qui se
constitue à chaque séance (jen ferai un inventaire à la fin).
Rires aussi, car tout cela est évoqué dans la bonne humeur avec forces plaisanteries
comme lindique la phrase de Michel ci-dessus. Il paraît que nos éclats résonnent
dans la médiathèque désertée à partir de 18h. Car je ne lai pas encore
signalé : notre atelier commence à 17h30 chaque jeudi, mais se termine jamais avant
20h30, tant nous sommes bavards, mais aussi travailleurs (et grands mercis à Emmanuelle
et aux bibliothécaires qui allongent considérablement leur journée de travail).
Sérieux et rires donc, car écrire, cest mettre sa vie en jeu, dans tous les sens
du terme (ou "le déréglement des sens", comme l'écrivait Rimbaud dans sa Lettre
du voyant).
Cette quatrième séance commence par le rituel petit aperçu de la précédente :
nous avons évoqué la description, et des textes magnifiques ont été écrits, de la
prose mais également des poèmes courts, haïkus concoctés par les participants.
Cette semaine cependant, jai voulu commencer de suite par le versant sérieux de nos
activités : nous avons un petit recueil à constituer : écrire, cest
aussi laisser des traces de nos rencontres. Les textes commencent à me parvenir, pour mon
plus grand bonheur. Chacun a à cur de présenter son travail, ses inspirations,
obsessions, thèmes privilégiés : il faut dire que je nai pas donné de
consignes décriture, juste celle de se placer « dans latelier de
lécrivain », ce qui ferait par ailleurs un beau titre à notre recueil. Je
fais le tour de chacun, jai limpression quun grand tout se constitue,
une page daccueil pour chaque participant avec photo (en situation encore à
réaliser) et un petit haïku dintroduction écrit par leur soin. Puis, suivra, pour
ceux qui les ont rédigés, un petit texte sur les affres, aléas et univers propre à
leur lécriture, enfin, une petite nouvelle, imaginée pendant ou en dehors de
latelier. Et je mesure combien finalement le thème « dans latelier de
lécrivain » correspond bien à cette liberté décriture.
Mais il faut davancer justement sur ce thème des préoccupations de
lécriture, celles qui nous taraudent. Après les premières lignes, le choix des
personnages, de la narration, le remplissage des descriptions, la temporalité nous pose
alors question : vaut-il mieux écrire au passé ? Au présent ? Et
pourquoi ne pas essayer le futur où le conditionnel ?
Ce sont ces deux temps ou mode, peu usités, que je propose comme exercice
aujourdhui. Je donne quelques exemple : Octobre, de Francis Cabrel, Un
jour tu verras, de Mouloudji où le fameux Demain dès laube de Hugo,
sont écrits au futur. Côté conditionnel, Brigitte Giraud avec Vivre vite
démonte tous les « si » qui ont conduit au drame qui la touché. Chacun
se recueille pour écrire, dans le « petit moment magique » qui mémeut
à chaque fois : les stylos qui grattent le papier en silence, les yeux qui se
perdent dans le vague, chacun concentré sur ses propres mots.
Histoire de délasser les participants et parce quune séance de 3 heures ne
peut-être complète sans la récréation de la poésie, je propose que lon tente de
refaire les deux quatrains du poème Sensation, avec si possible les même mots
agencés de façon différente. Exercice Ô combien difficile ! Et qui prouve
quil ny a rien de trop chez Rimbaud. Cest encore quand on
séloigne à la marge avec dautres mots que les poèmes produits sont les plus
convaincants.
La semaine prochaine, ce sera place au dialogue (encore une préoccupation
décriture) pour notre avant-dernière séance juste avant les vacances de la
Toussaint.
(Rubrique à retrouver en page idoine)
(16/10/2024)
Atelier de Reims, déjà la troisième séance. Nous somme à
mi-parcours. Pas de retard, des exercices suivis dans une excellente ambiance, je prends
un plaisir infini à rejoindre notre petit groupe dhabitués. Jai
limpression de connaître chacun deux depuis longtemps.
Pour cette troisième séance donc, je débute par un petit retour sur la précédente
séance, qui avait pour thème « personnages et narrateur » avant de proposer
cette semaine dévoquer la « description ». Cest important pour
moi, car, si je nai pas donné de thème décriture, tout mon propos
sarticule « dans latelier de lécrivain »,
cest-à-dire, touiller la cuisine de lécriture, repérer les inévitables
problèmes qui se posent à nos proses. La description, au programme de cette semaine, est
justement au cur de lécriture. Selon Claude Simon, cest « le
concret, c'est ce qui est intéressant, la description d'objets, de paysages, de
personnages ou d'actions ; en dehors, c'est du n'importe quoi. » Il sagit à
la fois de faire vrai et, en même temps, de se représenter la description au sens
large : le remplissage décriture, tout ce qui nest pas dialogue, comme
le dit encore Claude Simon, écrire, cest comme « le premier chapitre de math
sup : cest arrangements, permutations, combinaisons
» (comme
dhabitude, la suite du résumé de cette séance est à retrouvé sur la page dédiée à latelier de Reims.)
Car se qui mimporte aujourdhui, cest de consacrer cette note au
non-thème que jai proposé pour nos séances : entrer « dans latelier
de lécrivain ». Et le premier qui entre, bien entendu, cest ma
pomme : des lustres que je nai pas eu une véritable réflexion sur ma
pratique. Je dirais bien, dix ou douze ans. Bien sûr, je nécris pas comme un
automate ou un robot, mais enchaîner les publications tous les un ou deux ans mont
peut-être empêché de regarder derrière moi, de savoir comment évolue mon écriture,
quels compromis jai dû faire avec la langue, les personnages, la narration
Jai eu limpression depuis plusieurs années que mon écriture devenait plus
romanesque, dans le sens où jécrivais de vrais romans, de facture plutôt
classiques, sans trop mappesantir sur les problèmes générés : quel choix
pour le temps ? quel type de narrateur ? Je ne dis pas que ces préoccupations
nétaient pas présentes, mais plutôt que je les éludais rapidement, et si le
livre en cours se bâtissait assez aisément, cest que ça ne devait être pas trop
mal.
Mais aujourdhui, jai envie dune réflexion plus complète, plus aboutie.
Être « dans latelier de lécrivain » est ainsi, je men
aperçois, une préoccupation égoïste presque : elle me sert dabord, avant
même les participants de latelier.
Une des manifestations du moment, celle qui manime actuellement, ça a été de
rechercher (et de trouver en très grande partie) des écrits primaires, des
« romans de jeunesse », ceux qui avaient précédés mes premières
publications en 2000. Premier choc : si je sais bien ce que javais rédigé il
y a presque 30 ans, je ne me souvenais absolument pas de leurs contenus et je découvre,
comme un lecteur anonyme, cette prose, parfois étonnante, parfois naïve, parfois avec
quelques trouvailles. Je ne suis quau début de cette redécouverte (jai lu
deux récits aux noms exotiques Roller et Rouge Ferrari Rose Fleur il
men reste 4, quelques nouvelles et des poésies) mais il est certain que la fin de
cette année sera marquée par ce parcours « davant ». A suivre
(09/10/2024)
2ème séance de latelier à la
médiathèque Reims Croix-Rouge : « Tout dabord, comme je
lai souvent fait pour des ateliers structurés au long cours, je ferai un compte
rendu chaque semaine de nos séances sur mon site (ça maide). Nous commençons
cette seconde séance par un retour de la toute première séance, consacrée notamment à
lincipit (de incipere commencer) et ses trois
fonctions : informative, séductrice, annonce le « pacte de lecture » (savoir pour
autant que lincipit nest pas forcément le premier paragraphe écrit,
lécriture nest pas toujours linéaire, dépend des corrections, des
remaniements avec soi-même, léditeur, etc.) »
Ainsi commence le compte-rendu de cette deuxième séance de Reims donc la suite est à
retrouver chaque semaine sur cette page
spéciale.
A noter que cette page figure aussi dans longlet récapitulatif de mes ateliers décriture, de même que
les deux semaines que jai animées cet été, à Vitry-le-François dabord, sur
le thème du patrimoine, puis à Saint-Dizier,
sur le thème des J.O. (voir cette même rubrique à la date du 16 août).
Et justement, les restitutions de ces deux ateliers ont eu lieu la semaine dernière.
Tout dabord, vendredi 20 septembre, au conservatoire de musique de Saint-Dizier,
lassociation Initiales avait invité tous ceux qui avaient uvré à
cette belle semaine (les enfants ainsi que leurs parents, les animateurs et les
organisateurs). Au total une centaine de personnes étaient réunies dans
lauditorium. Un petit film réalisé pendant la semaine datelier a été
réalisé et projeté.
De la même manière, mardi 24 septembre, la mairie de Vitry-le-François a reçu tous les
participants à latelier dété. Grande découverte pour les 4 groupes
denfants que nous avons accueillis : chacun a pu écouter les chansons
réalisées pour loccasion avec Lisa à la musique et moi pour les textes : cest en ligne !
Pour loccasion, Lisa et son ami nous ont gratifié dun petit concert à
lissue de notre rencontre, avant de conclure tous ensemble autour de
rafraichissements.
Ainsi, Saint-Dizier, Vitry-le-François ou Reims, le grand Est soffre des ateliers
divers et variés, pour tout public, de 7 à 77 ans comme dit le Journal de Tintin
(et je reboucle avec Bruxelles de ma note dEtonnements).
(02/10/2024)
Atelier décriture à la
médiathèque de Reims Croix-Rouge : jai attendu avec impatience cette
première séance, programmée depuis la fin de lannée précédente. Cest le
cinquième atelier que jaurai accompli en 2024 (et le vingtième au total) sans
compter les cinq mini-ateliers de 2 heures que je vais animer dans les départements du
Grand Est lors des restitutions du Festival de lécrit.
Celui-ci, cependant, me tenait particulièrement à cur. Je pressentais un public
dhabitués, grands lecteurs et passionnés de la chose écrite avec lesquels
jaurais beaucoup de plaisir à partager les auteurs que jaffectionne. Les
ateliers que janime généralement avec lassociation Initiales concernent
un public différent, moins stable ou peu habitué à la langue française et pour lequel
Rimbaud et bien dautres sont des inconnus (enfin, avant que je leur en parle !).
La sélection des participants a confirmé mon espoir. Latelier sest très
rapidement rempli : 12 personnes pressenties (et 5 sur liste dattente !).
De plus, une semaine avant de débuter, jai pu envoyer aux inscrits un petit
questionnaire destiné à mieux connaître chacun deux. Grand succès : 10
réponses, les échanges montrant un public exigeant, ayant, pour la plupart, participé
à plusieurs ateliers au cours des années, voire en tant quanimateur. Bref, la
pression montait : pas le droit à lerreur. Jai pu glaner des
renseignements sur les ateliers précédents, ceux-ci ayant généralement proposé un
thème prédéfini (Le Merveilleux, par exemple).
Je suis ainsi arrivé à la première séance, plein dardeur, avec limpression
de savoir où je mettais les pieds. Seule ombre à ce tableau idyllique, labsence de
thème décriture ou plutôt un thème plus abstrait, lenvie de faire partager
latelier de lécrivain, ses problèmes, ses doutes, son questions, ses choix,
que des choses pragmatiques qui aident à écrire. Les premières conversations ont été
très faciles : grâce à nos échanges préalables, javais déjà
limpression de tout connaître des participants. Nous nous sommes présentés
mutuellement et jai abordé la manière dont je voulais les placer « dans
latelier de lécrivain ».
Pour cette première séance, je me suis basé sur des « incipit » de
romans pour nouer la relation qui se créée dès le départ entre lécrivain et le
lecteur, et nous avons analysé ces premières lignes de chaque roman : présentation
des personnages, de la narration, temporalité, description, dialogue
. (Suite en
page spéciale qui sera tenue à
chacune des 6 séances jusquà la dernière prévue le 7 novembre)
(21/09/2024)
Les cyclistes hongrois (voir en Étonnements) sont arrivés dix
secondes avant la pluie dorage diluvienne qui les a accueillis dans ma ville. Je ne
le savais pas. Nous guettions leur arrivée sur un parking. Ils ont eu la bonne idée de
court-circuiter le lieu de rendez-vous et de rentrer leurs tandems à temps dans le garage
qui leur était réservé. Quant à nous, nous nous sommes précipités dans les voiture
avec trois autres participants venus en éclaireurs sur le parking. La pluie martelait les
vitres avec une rare violence, le vent pliait les branches : cela a duré 10 mn, puis
plus rien. Nous avons regagné le lieu dévolu, où nous avons tous ri devant cette bonne
blague de la météo, qui sétait heureusement bien terminée.
Belle entrée en matière pour faire connaissance : eux, 7 hongrois, dont cinq
cyclistes répartis en deux tandems et un vélo, un conducteur du minibus muni dune
remorque et une accompagnatrice très à laise en anglais qui organisait les étapes
et la logistique. Quant à nous, tous membres de clubs services, nous avions la charge de
les héberger et dorganiser un dîner de bienvenue.
Jhérite à la maison du conducteur et de laccompagnatrice.
Présentations : premier choc, si laccompagnatrice a un prénom international,
facile à se rappeler, ce nest pas le cas du conducteur : sonorité typique de
la Mitteleuropa, peu courant pour nos oreilles latines
sauf que je connais très
bien le prénom que mon hôte porte : je lai choisi pour un des personnages de
mon futur roman au nom de code J (actuellement en instance chez mon éditeur).
Cest un prénom peu courant dans nos contrées et je lavais choisi pour cela.
Japprendrai par mon accompagnatrice que ce prénom est assez fréquent en Hongrie.
Car bien sûr, jai évoqué avec elle cette coïncidence, celle de voir débarquer
un personnage de roman dans la vie réelle, à lendroit même où jai inventé
ce protagoniste du livre en train dêtre finalisé, donc encore très présent dans
mon esprit. Jai dautant plus échangé avec elle (dans mon anglais chaotique)
car je lui avais attribué mon bureau en guise de chambre : en voyant tous mes
livres, elle ma demandé quel était mon métier. En plus du roman en cours,
jai évoqué avec elle Yougoslave, notamment la partie hongroise de ce récit
dédié à mon père, puisque cest à Baja, une ville au Sud de ce pays, près de la
frontière, quune fermière recueillit la famille paternelle en 1945, bloqués à la
frontière de la Bosnie. Pouvoir héberger pour une seule nuit deux hongrois dans le
confort du XXIème siècle était un juste retour, bien dérisoire, en mémoire de mon
père, qui resta plus dun an dans cette puszta comme le nommait encore mon
père 80 ans après.
Le lendemain matin, au petit déjeuner, nous avons encore reparlé de cette coïncidence
et le conducteur qui portait le fameux prénom, mis au courant par laccompagnatrice
(il ne parle que hongrois) nétait pas peu fier de porter le nom dun de mes
personnages ! Jai offert avant quils ne parte Yougoslave, petit
geste, mais important pour moi et chargé de symboles. Je ne résiste pas au plaisir
dajouter à cette rubrique la chanson du groupe hongrois Omega, que nous avons évoqué
ensemble (ils étaient étonnés que je la connaisse), cest pourtant un vieux
classique du rock.
(13/09/2024)
Charles Juliet en son parcours : le titre de ce livre
dentretiens avec Rodolphe Barry me paraît tout à fait adapté pour évoquer le
destin décrivain de Charles Juliet. Publié en 2001 par Catherine Flohic, (note de lecture du 28/08/2002) cest
elle qui me lavait offert lorsquelle mavait demandé quelques pages pour
le livre collectif Écrire pourquoi (note
de lecture du 31/01/2018). Charles Juliet avait dailleurs été sollicité pour
le même recueil : son texte commence par « Au début une immense
confusion » et se termine par « Jai pu remonter des enfers. Il ne
méchappe pas que je suis un grand privilégié » : cest un parfait
résumé de celui qui a fait de son écriture une exigence vitale. Cest ainsi par
lintermédiaire de Catherine Flohic que je me suis intéressé à Charles Juliet, il
y a désormais plus de 20 ans. Il avait évidement tout pour me plaire : taiseux, en
proie aux doutes, si éloigné des mas-tu-vu du petit monde littéraire
français ou parisien, bref, quelquun dauthentique. Cerise sur le gâteau, il
fût encouragé par Samuel Beckett : peut-on rêver un meilleur adoubement ?
Son parcours est singulier, très éloigné du monde des lettres. Petit paysan né dans
lAin à Jujurieux, il rejoint les enfants de troupe de 12 à 20 ans. Cest
là-bas quun prof de français éveille en lui un intérêt pour la littérature.
Mais la vie entre cette école stricte et une existence paysanne ne favorise pas
léclosion. Il commence des études de médecine toujours dans la voie militaire.
Cependant sa passion est la plus forte (« je ne faisais que lire » Charles
Juliet Trouver la source) et il quitte lécole sans aucun bagage, sans
travailler non plus, apprenant chez lui son travail décrivain pendant 15 ans. Mais
le combat avec les mots est rude et solitaire. Heureusement, il peut compter sur son
épouse (notamment pour la vie matérielle) et le parallèle avec Beckett est
saisissant : lui aussi a eu du mal à percer et cest Suzanne, sa femme, qui
jouait les intermédiaires avec les éditeurs. Charles Juliet, quant à lui, trompant sa
timidité, contacte Michel Leiris qui lui parle de surréalisme dArtaud, de Breton.
Charles Juliet ne connaît aucun de ces noms, son ignorance de la littérature est grande.
Il rencontre par hasard un sculpteur voisin, Maxime Decombin qui lui ouvre les portes de
lArt moderne et de la peinture. Il lit les lettres de Van Gogh, fait la connaissance
de Bram Van Velde, qui lui ouvre lunivers de son ami Beckett. Le long chemin
décriture de Charles Juliet commence à sorganiser en parallèle, il entame
son journal qui sera son uvre majeure, publie Fragments en 1973, puis Conversations
avec Bram Van Velde, mais cest sa rencontre avec P.O.L. qui sera
essentielle : il publie le premier tome de son journal en 1978 et une collaboration
ininterrompue sensuivra. En 1989, le succès de Lannée de léveil,
racontant sa jeunesse à lécole militaire, le fait connaître au grand public.
Toujours humble, mais jamais avare de rencontres et dune véritable empathie,
lhomme poursuivra son véritable sacerdoce décriture sans se départir de sa
rigueur. Jai eu la chance de mentretenir avec lui à Manosque en 2010 (en
Étonnements), je venais de publier Retour aux mots sauvages, peu de souvenirs
précis mais une impression très forte de transmission me reste, de ce pourquoi on
écrit, des questions que cela suscite.
Charles Juliet est parti deux mois avant de devenir nonagénaire (mon père aura vécu la
même distance de vie à quelques semaines près). Jétais à Lyon une semaine avant
le décès de lécrivain dans cette ville. Pour forcer les coïncidences,
jétais également dans la toute petite île des Caraïbes, à Marie Galante, ce
jour de 2018 où est mort accidentellement P.O.L., son éditeur.
(06/09/2024)
Juste avant la trêve estivale, jai enchaîné deux
ateliers décriture.
Le premier, programmé depuis le printemps, avait pour thème le patrimoine de
Vitry-le-François, ville située à 30 km de chez moi. Lassociation Initiales organise
depuis plusieurs années une rencontre dété de cinq jours, dédiée à la jeunesse
locale. Jusquà présent, je navais pas eu loccasion de répondre à
leur amicale sollicitation, mais, cette année, jai eu envie de participer davantage
à leurs activités débordantes. Et puis jallais travailler avec des personnes que
jestime beaucoup, dont je connais limplication dans une organisation déjà
éprouvée. Lenjeu pour moi de travailler en co-construction avec un atelier musical
a emporté la mise, au-delà de mes craintes davoir à mimpliquer auprès
dun public de 40 jeunes de 7 à 17 ans, auquel je ne suis pas habitué.
Le deuxième atelier ma été demandé moins dun mois avant la date, toujours
par Initiales, pour répondre à une sollicitation préfectorale de dernière
minute : il sagissait de bâtir dans ma ville de Saint-Dizier une animation sur
le thème obligé des jeux olympiques auprès, cette fois-ci, de 70 jeunes, envoyés par
divers centre sociaux. Seule lassociation Initiales, rompue à ce genre
dévènement, était capable de relever un tel défi si rapidement, mais bien sûr,
il lui fallait un nombre conséquent dintervenants, et je faisais partie du lot.
Jai accepté aussitôt ce deuxième challenge, non sans appréhension : après
10 jours consécutifs à animer des ateliers pour 110 enfants au total, jétais
certain que jallais terminer sur les genoux la veille de partir en vacances.
Et ce fut vrai ! Mais ce que je navais pas anticipé, cest le bonheur que
jai eu à participer à ces deux ateliers. Jai ainsi ajouté dautres
cordes à mon arc : après mêtre occupé de faire écrire des personnes
allophones, migrants ou étrangers, tous désireux dapprendre, après avoir permis
de sexprimer à des détenus, des personnes en situation de handicap ou des adultes
éloignés de la vie culturelle, me voici désormais capable de faire découvrir à des
enfants quelques facettes de notre langue écrite au moment même de leur scolarité. Car,
bien entendu, entre 7 et 17 ans, lapprentissage et les niveaux sont différents et,
par conséquent la manière daborder une séance de rédaction également.
Tâtonnements, improvisations, il ne fallait surtout pas se laisser enfermer dans des
dogmes, mais rester à lécoute de chaque participant rencontré pendant ces deux
semaines.
Comme dhabitude, en rubrique atelier décriture, jai tenté de garder le
souvenir de ces deux ateliers dété, celui de Vitry-le-François et celui de Saint-Dizier, histoire dagrandir et de faire partager
mon expérience.
(16/08/2024)
364 textes réunis sur 5 départements : cest ce que
je viens de lire pour le nouveau festival de lécrit. En réalité, beaucoup plus
décrits ont été produits pour cette vingt-huitième édition. Un premier
écrémage réalisé par les structures participantes a déjà réduit le chiffre initial
des pages proposées pour diverses raisons (inscriptions pas finalisées, déménagements,
changements divers). Par exemple, pour Vitry-le-François, javais réuni 14 textes
(voir même rubrique le 02/06/2024) et seulement 7 ont été retenus. Cela laisse à
penser que le nombre total doit dépasser 500. On mesure lengouement pour la chose
écrite, mais surtout lénorme travail réalisé par la soixantaine
dorganisations qui participent à lévènement sur les 5 départements :
associations daide au handicap, centres sociaux, organismes dinsertion, de
formation professionnelle, missions locales, écoles de la deuxième chance, IME, foyers
daccueil, maisons pour tous, médiathèques, maisons darrêt, centres de
détention, de demandeurs dasile, centres hospitaliers, associations diverses :
autant danimateurs, de professionnels du monde social, de bénévoles passionnés
qui uvrent jour après jour, tout au long de lannée pour insérer du mieux
possible ceux qui rencontrent des difficultés, ou plus simplement, ceux qui veulent vivre
ensemble.
Mettre des mots sur les maux est une tâche essentielle, mais nallez pas croire que
lécriture ne sert quà cela : elle est au contraire une source de joie
et dexpression pour chacun, dans un monde où on se sent rarement légitime pour la
chose littéraire. Cela tient à beaucoup de choses. Spécifiquement en France, la
dévalorisation de soi, léchec scolaire, lécrivain placé sur un piédestal,
lidée quécrire est réservée aux élites, aux intellectuels, tout cela
contribue à couper les ailes des plus passionnés.
Donc, jai lu 364 textes, tous authentiques, tous chargés dune ambiance et
dune émotion particulières. Hélas, il ma fallu en retenir moins de la
moitié, 170 seulement, destinés à paraître dans le recueil traditionnel du Festival de
lécrit. A savoir que tous les lauréats (et leurs animateurs) sont invités aux
restitutions, une dans chaque département (voir Agenda)
Cest drôle car cette belle lecture solitaire et muette est arrivée au même moment
dune autre, plus succincte et à voix haute : jai dû énoncer le nom des
candidats députés au dépouillement des élections dimanche dernier (voir en
Étonnements). Au 364 textes lus correspondaient ainsi 300 noms propres qui engageaient
notre avenir. Pas la peine de vous préciser les lectures que jai préférées
(02/07/2024)
La semaine précédente, jévoquais les difficultés
éthiques que connait mon éditeur Fayard avec larrivée dune PDG qui ne cache
pas ses sympathies pour lextrême-droite. Face au dévoilement de plus en plus
politique de Bolloré, lindépendance de groupes comme Hachette est menacée. Ceci
dit, les puissantes maisons dédition nont jamais évolué autrement que dans
un cercle très libéral où les fusions et acquisitions sont monnaie courante, et où le
pouvoir est rapporté à des financiers ou des dynasties familiales.
Je me suis toujours étonné du discours quon ma parfois tenu, mêlant à la
fois idées de gauche, voir plus, et agissant selon les règles les plus capitalistes.
Nous ne sommes pas à une contradiction près
Ceci dit, il faut saluer linitiative proposée par Arnaud Nourry qui vient de fonder un groupe intitulé Les nouveaux
éditeurs. En effet, lancien PDG dHachette, évincé par Largardère en
2021, cherche à redonner une véritable éthique au monde lédition. Adossée au
groupe international américain Simon et Schuster, elle a le mérite dune ambition
réelle.
Tout juste créé, le contenu
de son site ressemble encore à une coquille vide, espérons que ce nouveau groupe
sera amené à sétoffer rapidement et quil ne restera pas seulement
quun recueil de bonnes intentions. A suivre
(19/06/2024)
Je voulais écrire une chronique intitulée « calme
plat », parce que rien ne se passe côté écriture, mon éditeur Fayard est dans la
tourmente (voir cette même rubrique au 15/03/2024). Le livre proposé est aux oubliettes
et le nouveau (TT, voir le 22/03/2024) est au point mort. Ceci dit, sans
appréhension ni affres de ma part, jai suffisamment publié (16 livres en 24 ans)
pour ne pas mangoisser et les récents ateliers décriture mont donné
une autre vision plus active de la littérature, dautant plus que trois autres
sessions mattendent prochainement.
Mais aujourdhui, jai appris que la nouvelle PDG dévolue à Fayard par le
groupe Hachette est Lise Boëll, éditrice de Zemmour et celle par qui la tourmente est
arrivée. Camouflet donc proposé par Bolloré et scénario du pire.
Le risque est que Fayard vire à lencéphalogramme plat, si on y prend pas garde. La
maison publie environ 150 ouvrages par an, gageons quelle néditera pas 150
fachos (dailleurs ce nest pas sûr quon en trouve autant qui savent lire
et écrire
). Après un quart de siècle de publication, dabord rue des
Saint-Pères, puis rue du Montparnasse, la librairie Arthème-Fayard mappartient
plus quà ces trublions. Et je me fais fort dêtre le ver dans le fruit pour
Bolloré and Co.
Jai à mon actif, publié là-bas il y a 10 ans, le roman-pamphlet FN. Je
veillerai à ce quil ne disparaisse pas du catalogue.
La conclusion revient donc à la littérature : je poste ci-dessous, un extrait du
chapitre 93 de Faux nègres (p.291-292) en guise de manifeste :
« [...] Pourquoi les gens dici votent-ils à lextrême droite ?
Pas de réponse ou plutôt le brouhaha de la foule, quatre cents personnes rassemblées
devant lestrade sur la place du village, plus foire au boudin que campagne
électorale, regards tournés vers légérie, celle « comme tout le monde »
à tête de lavandière, de poissonnière, le prêche commençant par « Mes chers
amis » et réussissant le tour de force de placer les mots-clefs dune
politique : Abidjan, Algérie, Africains, barbares, bled, chômage, clandestins,
communautarisme, corruption, courage, crime, crise, démocratie, édiles, élus,
étrangers, fonctionnaires, fondamentalisme, halal, immigration, injustice, insécurité,
invasion, laïcité, magistrats, murs, musulmans, patrie, peur, procureurs,
province, souveraineté.
Chiqué, répond le post-adolescent génial [Rimbaud]. Pour son Bateau ivre, voici
les mots-clefs : Peaux-Rouges, clapotements, tohu-bohus, Léviathan, cataractant,
lunules, hippocampes, ultramarins, Béhémots, Maelstroms
Faux nègres et flots
nacreux jetés au visage de la poissonnière et de ses chers amis. Les mots ne
vieillissent jamais et portent au cur leur pouvoir de souffleter, calotter et
moucher la morve des couards. » ()
(09/06/2024)
Cet atelier, proposé dans le cadre de la 28ème édition (ouahhh
) du
Festival de lécrit, initié par lassociation Initiales sest
organisé en deux temps, trois mouvements avec quatre séances prévues, chaque mardi
matin du joli mois de mai.
Nous nous retrouvons ainsi pour cette première séance à la médiathèque de
Vitry-le-François, dans une vaste salle. Les participants sont déjà installés par deux
ou trois autour de tables. Jai galéré un peu pour trouver la médiathèque aux
milieu des immeubles et je suis arrivé 10 mn en retard.
Je mattendais à trouver 18 personnes selon la liste des participants quon
ma fournie auparavant avec 11 nationalités différentes et des niveaux en français
allant du grand débutant à la maitrise parfaite de la langue. Pour ce premier cours, 9
personnes sont venues. Les Afghans sont en majorité, un groupe constitué de 6 jeunes
hommes. A une table, deux mamans marocaines et un français égaré complètent le groupe,
ainsi que trois accompagnateurs, membres dInitiales.
Jignore que les séances suivantes ajouteront lAlgérie, la Serbie, la
Roumanie et même la Sibérie à cette carte du monde
La suite dans une page
spéciale, elle même recensée dans la page globale des ateliers.
(02/06/2024)
Atelier décriture à la maison darrêt de
Bar-le-Duc, météo pluvieuse, la place (magnifique) en travaux. Dun côté le
tribunal de justice, en face, la maison darrêt, bâtiments presque jumeaux
séparés par léglise (le clergé comme arbitre). Le tribunal mieux entretenu,
ravalé, la prison est une ancienne caserne, inscription « corps de garde »
sur une porte adjacente à lentrée (transformée en lieu daccueil pour les
familles). Attendre les intervenants bénévoles de la prison (je suis en avance). De
lautre côté de la place, arrivent des gens régulièrement, qui tournent un peu
avant de pénétrer dans le tribunal, des couples, des hommes seuls, une dernière
cigarette écrasée. Certains ont des papiers à la main, on devine de maigres dossiers
relatifs aux difficultés dune vie, affaires ou faits divers jugés hâtivement.
La bénévole arrive : sonner, entrer, sas, carte didentité, clés, tintements
divers, portique qui sallume. Inventaire du sac à dos : des livres, des
papiers, lappareil-photo, dûment répertorié auparavant et autorisé. La première
grille, puis la deuxième, la troisième
etc. Les barreaux luisants et noirs, le
bruit des pênes (des peines) qui souvrent et se referment en claquements secs. Des
voix (les gardiens), uniformes entre deux murs, se pousser pour se croiser dans les
couloirs. Des portes partout fermées, celles de vieilles cellules avec deux ou parfois
trois noms inscrits dessus : home sweet home, ambiance de galériens (être en
galère).
Enfin le court dégagement pour rejoindre la bibliothèque. Une grille encore, puis une
lourde porte en fer, munie dun illeton : manuvrer la clé (par un
des bénévoles de la bibliothèque), ouvrir et voir. Lespace enfin
reconnaissable : étagères, livres, étiquettes pour nommer les rubriques (histoire,
bandes dessinées, romans), un ordinateur pour les prêts informatisés, des tables, des
chaises, un endroit presque accueillant, du moins tranquille.
Enfin, un arrive, un de ceux, un des quatre-vingts qui logent ici (les nommer
comment ?). Silencieux (qui contraste avec les paroles des gardiens) et sans uniforme
(qui contraste aussi), un de ceux donc, par qui le lieu existe. Un autre homme arrive à
sa suite (en uniforme). Il prend la liste des présents (que jai pris soin
dimprimer), désigne deux noms et note « refus » : Ils ne se
sont pas réveillés, dit-il, et préfèrent ne pas (« I would prefer not
to », disait Bartleby dHermann Melville). Ils seront trois participants donc.
La suite dans une page spéciale, elle même recensée dans la page globale des ateliers.
(12/04/2024)
Le world tour Instants handball reprend du service dès
la fin de cette semaine. Ce projet qui nous tient en haleine depuis dix ans, lami Alain Delatour et moi, connaît
un nouveau rebondissement, au sens littéral dun ricochet dune balle de hand.
Jai déjà évoqué il y a 2 mois cette nouvelle exposition dans cette même
rubrique le 9 février dernier : ça y est, depuis 2 jours et jusquau 26 avril,
une trentaine tableaux et textes peuvent être admirés au musée de la métallurgie de Bogny-sur-Meuse.
Vous pouvez en savoir plus dans lémission Une équipe formidable sur France Bleu.
Alain, comme dhabitude, a peaufiné les derniers détails et a renouvelé certains
tableaux, notamment une série inédite de la « roucoulette », geste élégant
et technique, qui est au handball ce que la Joconde est à la peinture. A noter
quune de ces toiles sera offerte au club de hand de Bogny-sur-meuse en premier lot
dune tombola.
Le vernissage de lexposition aura lieu demain : avec lami Alain, nous
vous y attendons.
(04/04/2024)
Jai commencé cette année, courant janvier, un texte que
jai aussitôt baptisé du nom de code TT. Le projet sest imposée
dun coup, alors que je venais denvoyer celui (au nom de code J) que
javais promis à mon éditeur habituel. Lidée ma taraudé que ce roman J
était peut-être plus faible que les précédents, ou plutôt trop éloigné de ce que je
fais dhabitude, peut-être pas assez convaincant. Bref, jai eu des doutes, et
plutôt quessuyer un refus (ce qui ne me gène en rien), jai préparé le
terrain pour un autre livre, dans ce que jai lhabitude de publier. Mais à
cette date, TT est à peine ébauché. Le thème me plait et jimagine assez
bien la structure que pourrait avoir ce roman, plus dans mes cordes. Toutefois cela fait
vingt jours que je ne lai pas repris. Il est vrai que labsence de réponse
concernant J mempêche de continuer TT (dautant plus que
javais déjà imaginé une suite à J). Je sais aussi que ma maison
nest pas en mesure de statuer sur toute publication à venir (voir article
précédent).
En même temps, je nai pas envie non plus de me sauver, de claquer la porte avec de
grands effets de manche. Ce serait laisser le champ libre aux auteurs
dextrême-droite, qui annoncent leurs venues, sans même chercher à contrer leurs
idées. Je nai pas publié mon pamphlet anti-FN pour rien, il figure au catalogue
depuis 2014, je tiens à veiller sur lui de lintérieur.
Et, surtout, ce serait faire peu de cas de tous les salariés que je côtoie depuis si
longtemps chez Fayard. Jai eu ce matin encore un appel de quelquun que
jestime beaucoup, très réactive, et qui me disait son désappointement
dêtre ainsi « prise en otage » (cest son expression) avec ses
collègues. Cette histoire à tout de même eu le mérite de ressouder les employés,
déjà malmenés par la précédente restructuration de 2022. Bref, grand soutien à
chacun de ceux qui uvrent dans ces incertitudes tout en gardant leurs convictions et
leurs capacités professionnelles intactes.
Cest drôle, jai écrit ce texte TT, avant que cette navrante histoire
narrive, sans savoir que ce nom de code était peut-être prémonitoire de ce qui
pourra arriver : TT, écrire en tout-terrain.
(22/03/2024)
Avis de tempête chez mon éditeur
Ce nest pas nouveau. En mars 2022, tandis que mon roman Dernier travail était
sous presse, Sophie de Closets avait été remerciée pour ne pas avoir fait
suffisamment de courbettes à Sarkozy, lequel était fâché quelle ait autorisé la
publication dune enquête journalistique en sa défaveur. Administrateur du groupe
Lagardère (copinage, copinage
), lancien président avait réussi à avoir sa
tête. Sophie de Closets avait été remplacée en juin par Isabelle Saporta, non sans
polémiques.
En plein dans la sortie Dernier travail, prévu pour la rentrée littéraire
dautomne 2022, javais autre chose à faire que de réfléchir aux
conséquences de ces changements récents. Beaucoup dauteurs, en effet, avaient
suivi Sophie de Closets, passée chez Flammarion en juillet de la même année, avec
quelques collaborateurs que jestimais, particulièrement compétents. En septembre,
japerçus en coup de vent la nouvelle PDG au salon du livre de Nancy (la seule
manifestation à laquelle jai été convié). Puis ma propre éditrice a quitté à
son tour la maison en octobre et jai continué de travailler avec son adjoint, comme
je le fais avec grand plaisir depuis 20 ans, lequel est passé, du coup, directeur en
charge de la littérature française.
Au printemps 2023, jai à nouveau travaillé avec ma maison dédition,
notamment pour la sortie de Lhomme debout, ladaptation
cinématographique dIls désertent, sorti en 2012 chez Fayard. Javais
commencé depuis quelques mois un nouveau roman et jai averti à cette époque mon
éditeur de ce nouvel opus en cours.
A la rentrée littéraire dautomne 2023, Isabelle Saporta édita le livre de Sarko, Le
temps des combats et cette nouvelle ne ma pas ravi. Il faut me comprendre :
javais lhabitude de frimer en disant que Obama et moi avions le
même éditeur, et ça ne fait pas le même effet de dire la même chose avec le petit
Nicolas. Dautant plus que je ne pouvais ouvrir le site de mon éditeur sans être
abreuvé du fameux livre Le temps des combats ou de voir la tronche dElon
Musk et sa « biographie autorisée », publié aussi là-bas. Fayard, éditeur
dessais éclectiques, avait diminué en revanche la part dévolue aux fictions,
même si, pour donner le change, les rééditions de grands auteurs ont complété les nouveautés. De
plus, les couvertures de la collection arborent maintenant une tristounette couleur
duniforme vert bouteille : plus de photos, de graphisme, on réduit les
dépenses et la visibilité des romans.
Lorsque jai terminé à la fin de lété mon nouveau récit au nom de code J,
jai pris le temps de le parfaire (note
décriture du 23/11/2023) et jai fait ensuite le tour des officines des
lettres jusquà fin 2023. Ces initiatives sont demeurées sans succès, et ma propre
maison dédition, qui attendait ce nouvel opus, ne me donne pas de réponse, car
elle est aujourdhui dans lembarras le plus noir.
En effet, fin novembre, Bolloré a officiellement pris le contrôle dHachette
et de ses 46 maisons dédition, dont Fayard. On aurait pu penser que les lignes
éditoriales continueraient, jusque-là, relativement libres (hormis laffaire
Sarko-De Closets). Or, Bolloré, qui ne cache pas ses sympathies pour
lextrême-droite sest mis en tête de propulser Lise Boëll, éditrice de
Zemmour, à la tête de Mazarine, une filiale de Fayard, dans la perspective de publier,
sous la prestigieuse étiquette, Jordan Bardella. Or, Isabelle Saporta refuse de céder un
accord de licence permettant lutilisation de la marque de la maison. La PDG vient
dêtre licenciée il y a quelques jours, plongeant ainsi « ma » maison
dans lincertitude de son avenir. Il est à craindre quavec la parution des
livres des bistrotiers du FN, le Fayard Nouveau soit arrivé.
(15/03/2024)
Tout commence aux premières minutes de lescapade
parisienne (en Étonnement et Webcam) : le trajet habituel, la voiture garée au
sous-sol, rejoindre lascenseur, ouvrir la porte de lappartement, remettre
leau, vérifier au robinet de lévier, regarder machinalement par la fenêtre.
Démarches banales, accomplies sans y penser. A bien y réfléchir cependant, lodeur
de renfermé, les publicités qui encombrent la boîte aux lettres, le bâtiment en
construction maintenant terminé : pas venu ici depuis quelques semaines.
On pense à cela dans la cuisine, le temps qui file si vite, avec leau qui coule à
nouveau sur lévier, avec léponge sèche qui se ramollit lorsquon
essuie linox.
Combien de temps déjà depuis la dernière visite ? Avant Noël ? Après ?
Difficile à dire, parfois on passe en coup de vent, parfois on renonce, dautres
plans bousculent le quotidien, des déplacements ailleurs simmiscent.
Ici pourtant cest toujours un plaisir dy venir, comme si on attendait
limprévisible, quelque chose qui laisse penser que la vie et ses aléas se
déroulent ici. Cest très souvent en rapport avec lécriture (cest
pourquoi cet article est dans cette rubrique), à loccasion dun rendez-vous
chez léditeur ou autre, comme lorsque nous avons enregistré, en plein milieu des
puces de Saint-Ouen, notre interview croisée avec Florence Vignon, la réalisatrice de Lhomme
debout, pour le bonus du DVD sorti en janvier (cétait le 29 septembre dernier,
se peut-il que je ne sois pas revenu depuis ?).
Parfois, je viens ici juste pour écrire « dans le bateau » : cest
lidée qui me traverse lorsque je suis au-dessus de la rue passante, dans mon
quatrième étage, le bureau (et lordinateur donc) me placent face au bow-window (ce
mot est une échappée à lui tout seul), comme un capitaine dans sa cabine devant les
flots et lhorizon. Dans une telle ambiance, les mots viennent aisément. Pas de
sortie : je reste reclus ici comme un marin en pleine mer.
Mais revenons à la cuisine : premières minutes, leau remise, essuyer
linox de lévier et regarder machinalement par la fenêtre de la cuisine. Je
nai jamais garni de rideaux lunique fenêtre de cette pièce et lampoule
nue au plafond ajoute au côté « bateau en errance ».
La fenêtre de la cuisine donne sur lautre versant du carrefour. Sur la colline
den face, on pourrait presque deviner dans le fouillis des constructions, à un ou
deux kilomètres à vol doiseau, la maison qui fut celle de Paul Léautaud pendant 45 ans. Mais cest
limmeuble qui jouxte le mien par la droite qui attire mon regard : il y a un
homme sur le balcon. Un homme absorbé par sa lecture. Il tient le livre au-dessus du
vide, il a une position étrange pour un lecteur, entièrement dévolue à sa lecture.
Généralement, on sinstalle sur une chaise, on laisse errer son regard
alternativement sur le spectacle de la rue et le livre ; on rentre à
lintérieur quand il fait froid. Pas lui, il est debout, en manteau.
Jai saisi le portable qui quitte rarement ma poche (voir en Étonnement le
16/02/2024) et jai photographié ce lecteur au balcon. Ici, dans ce lieu où
jattends limprévisible - la vie et aléas-, je me sentais lâme
dun reporter, dun Robert Doisneau ou Vivian Maier (dont jai appris lexistence par Philippe
Delerm dans New York sans New York en Notes de lecture cette semaine).
Je sais : jai dilué cette « petite seconde déternité »,
chère à Doisneau, qui ne vaut que par son instantané, au-delà de mes considérations
oiseuses, mais une photo sapprécie aussi par les circonstances qui la cernent et
qui la prolongent. Ce qui la cerne : le retour dans ce lieu décriture, avec un
lecteur surgit de nulle part comme un symbole. Ce qui la prolonge : les jours
suivants, lhomme na pas réapparu sur son balcon. La nuit, par sa fenêtre
sans volet, on voit une lampe dambiance qui éclaire une sorte de parchemin
encadré, qui semble attendre un regard, posé sur un meuble.
Mais déjà lintérieur de mon appartement mappelle :
lécriture ; et puis lextérieur bientôt : la vie et aller à
(01/03/2024)
Parmi les lettres qui ont été offertes ce week-end par Pascal
Urano au musée de Charleville-Mézières, lune delle est particulièrement
poignante. Arthur Rimbaud ladresse le 23 juin 1891 à Isabelle, sa sur. Le poète, souffrant de la
jambe droite, est alors arrivé à Marseille le 20 mai après un retour effroyable de
lAfrique et une traversée de la Méditerranée éprouvante. Il a été
immédiatement hospitalisé. La tumeur qui gangrène sa jambe aboutit à une amputation
immédiate : « Je ne fais que pleurer jour et nuit, je suis un homme mort, je
suis estropié pour toute ma vie », écrit-il dans cette lettre, un mois après
lopération. Mais sa volonté de vivre est présente et déjà il anticipe son
retour à Charleville : « Je ne serai capable de me mouvoir que dans six
semaines, le temps de mexercer à béquiller ! Je ne serai donc chez vous que
fin juillet. ». On connaît la suite : il reviendra effectivement dans les
Ardennes fin juillet pour repartir définitivement à Marseille quatre semaines plus tard,
accompagné dIsabelle, devenue indispensable.
Lorsquil était parti onze ans auparavant, en 1880, Isabelle avait à peine vingt
ans et lui six ans de plus. Occupé à ses aventures africaines, Arthur écrivait
régulièrement à sa famille, les premières années en utilisant un « Chers
amis » générique qui englobait sa mère, sa sur et son frère Frédéric.
Mais, vers 1884, Frédéric envisage de se marier avec une femme démunie de biens, ce qui
déplait fortement à sa mère. Une brouille définitive sépare les deux femmes de
Frédéric. Dès lors, la correspondance à sa famille sera plus souvent resserrée autour
de « chère maman, chère sur ».
La lettre dArthur récemment acquise est la deuxième adressée spécifiquement à
Isabelle (la première a été écrite le 17 juin 1891, soit six jours avant). Désormais,
sa dernière correspondance familiale sera exclusivement adressée à sa petite sur,
maintenant âgée de 31 ans. Il est probable que Rimbaud nait pas apprécié le
départ rapide de sa mère venue à son chevet pour lamputation, et repartie une
semaine après. Une autre préoccupation vient toutefois sajouter : on réclame
Arthur pour le service militaire ! Isabelle montrera son efficacité à résoudre ce
problème. La correspondance cessera entre Arthur et Isabelle le 20 juillet au bout de 13
échanges de missives en un mois : Rimbaud décide de rejoindre sa mère et sa
sur dans leur ferme de Roche. Lorsquil repart de nouveau à lhôpital de
Marseille un mois plus tard, en proie à son mal qui empire, Isabelle sera lombre de
ses derniers instants et lunique témoin des 80 jours qui lui restent à vivre.
(23/02/2024)
Lannée passée, jai évoqué, dans une note décriture du 10/11/2023, la 27ème
édition du Festival de lécrit, organisé par Initiales depuis le début et
que javais eu lhonneur de présider en octobre : 5 rencontres avaient eu lieu
dans ma région du Grand Est, à Troyes, Chaumont, Charleville, Reims et Bar-le-Duc. Elles
avaient réunis plus de cinq cents participants. Le traditionnel recueil sétait
encore épaissi : 212 pages. Javais écrit pour loccasion une
préface : le « mot du jury ».
Je vous la livre maintenant, en appui dun magnifique film
réalisé à loccasion de cette manifestation et qui vient juste de sortir.
En route pour la 28ème édition pour laquelle je me réjouis de
participer encore !
« Écrire et crier. Et le crier sur les toits, le rassembler dans un recueil, le
partager dans un festival, dont voici la 27ème édition, lâge de la jeunesse et de
la maturité à la fois. « Tous les mots sont adultes » pour citer François
Bon qui a donné ce titre à lun des plus importants manuels dateliers
décriture. Car on nimagine pas lénergie quil faut pour trouver
tous les mots, les soupeser, en goûter la saveur, puis les assembler, les lire, les
relire, les raturer, en corriger le sens, les relire encore, à voix basse, à voix
haute
Pour mieux se rendre compte de cette puissance, il faut multiplier par 300 la vigueur des
textes proposés pour cette édition 2023. Et le jury prend la pleine mesure de la tâche
ardue qui lui incombe. Chaque phrase est unique et porte la beauté du monde. Des mots
adultes donc, sortis du cur, mais qui fouillent dans nos enfances, au fond de nos
mémoires.
Peut-être quécrire, cest cela : chercher non pas lactualité
immédiate, mais la profondeur entrevue au-delà. Dans notre univers de réseaux sociaux,
qui sont hélas trop souvent que des injonctions individuelles et stériles, il existe ce
pas de côté quon nomme lécriture, avant tout un échange, un sens
collectif, partagé entre tous, le temps de laventure dun festival de
lécrit.
Car au-delà de chaque phrase, je connais le poids des silences, les regards dans le vague
ou qui errent sur la feuille avant de commencer à écrire. Ce moment que je nomme
« linstant magique » mémeut presque aux larmes à chaque séance
datelier, car il signifie quon sapprête à se rejoindre, à toucher
lautre, à lui proposer la part la plus intime que lon porte en soi :
chaque mot est une enfance.
Alors merci, merci, merci, trois cent fois merci aux auteurs et autrices des textes
publiés ou non, et des dizaines de merci pour chaque animateur, chaque bénévole, chaque
organisateur, chaque membre du jury qui a uvré afin que ce Festival de
lécrit, soit, une 27ème fois de plus, une parfaite réussite. »
(16/02/2024)
Instants handball : un titre en 2 fois huit lettres,
symétrique comme 2 équipes face à face, et surtout un beau projet que nous avons
initié avec lami Alain
Delatour il y a déjà 10 ans.
Après avoir planché ensemble pendant des mois pour relier lécriture et la
peinture sur le thème commun de ce magnifique sport, nous étions prêts pour une
première exposition à Voiron en novembre 2015 dans le cadre du festival Livres à
vous. En 2016, nous avons élargi notre réflexion autour dun atelier
décriture, mené avec des classes décole primaire à Dunkerque, en
partenariat avec le club professionnel de handball de cette ville. Un livre Instants
handball a concrétisé cette aventure en octobre de la même année, le seul
ouvrage labélisé dans la perspective du championnat du monde organisé en 2017 en
France, où notre équipe nationale a remporté son 6ème titre ! Notre
« Instants handball World Tour » a ainsi continué avec dautres
expositions à Paris, à Créteil où les tableaux ont été accrochés dans la Maison du
handball flambant neuve et inaugurée par le Président de la République (Webcam du 14 janvier 2019).
Aujourdhui, cinq ans après, Instants handball est de retour, comme pour
saluer les très belles prestations de nos équipes nationales féminine et masculine aux
championnats du Monde et dEurope. Une nouvelle exposition aura donc lieu du 2
au 26 avril 2024 au musée de la métallurgie de Bogny-sur-Meuse, avec de nouvelles
uvres inédites.
(09/02/2024)
Lhomme debout est maintenant disponible en DVD chez LHarmattan.
Linitiative revient, cette fois encore, à Florence Vignon. Car rien navait
été prévu par le producteur et il eût été dommage que la sortie brève de ce film ne
soit pas relayée sur un support numérique. Le DVD demeure un standard pour le cinéma et
si beaucoup ont tendance à renoncer aux lecteurs Blu-ray de salon, cest tant pis
pour eux, la dématérialisation croissante et les vidéos obtenues sur Internet, via
Netflix ou autres, ne constituent pas la panacée universelle. Dans les bibliothèques,
les DVD correspondent un peu au format papier des livres, on peut les emprunter
(récemment pour moi Contes du hasard et autres fantaisies de Ryusuke Hamaguchi et Bird
people de Pascale Ferran). En plus, on trouve souvent des bonus : pour Lhomme
debout, trois conversations avec Florence Vignon, une avec moi-même, mais surtout
avec Côme Aguiar, auteur de la très belle musique originale du film, ainsi quavec
Aurélien Marra, directeur de la photographie, magnifiquement inspiré. Bref, vous avez
toutes les clés pour vous plonger dans lunivers et le making-off du film.
Cest dingue non ? On se croit parfois revenu au temps de Gutenberg pour les
vrais livres de papier et à lépoque des frères Lumière pour le format des
pellicules de 35mm
Or, si la technique immatérielle dénude de plus en plus nos intérieurs, ce nest
pas sans rappeler lenjeu justement de Lhomme debout où le héros,
magistralement interprété par Jacques Gamblin, se bat pour défendre les papiers peints
bariolés qui autrefois décoraient nos appartements.
Ainsi, le DVD représente la même arrière-garde dun monde qui persiste au-delà
des avancées quon espère, Intelligence Artificielle en premier.
Bref, résistez, achetez le DVD et refaites vos murs avec un papier à grosses fleurs.
(02/02/2024)
"Jécris ces pages comme on rédige un constat ou un
curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui
nétait pas la mienne. Il ne sagit que dune simple pellicule de faits et
gestes. Je nai rien à confesser ni à élucider et je néprouve aucun goût
pour lintrospection et les examens de conscience. Au contraire, plus les choses
demeuraient obscures et mystérieuses, plus je leur portais de lintérêt. Et même,
jessayais de trouver du mystère à ce qui nen avait aucun.
Les événements que jévoquerai jusquà ma vingt et unième année, je les ai
vécus en transparence ce procédé qui consiste à faire défiler en
arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de
studio. Je voudrais traduire cette impression que beaucoup dautres ont ressentie
avant moi : tout défilait en transparence et je ne pouvais pas encore vivre ma vie.
[...]
Je loue une chambre, sur la petite place de La Garde-Freinet. Cest là, à la
terrasse du café-restaurant, à lombre, que jai commencé mon premier roman,
un après-midi. En face, la poste nétait ouverte que deux heures par jour dans ce
village de soleil et de sommeil. Un soir de cet été-là, jai eu vingt et un ans et
le lendemain, je devais reprendre le train.
[
]
A Paris, je me cache. Août. Le soir, je vais au cinéma Fontainebleau, avenue
dItalie, au restaurant de la Cascade, avenue Reille
Jai donné à mon
père un numéro, Gobelins 71-91. Il me téléphone à 9 heures du matin, et je
fais sonner le réveil car je dors jusquà 2 heures de laprès-midi. Je
continue décrire mon roman. Je vois mon père une dernière fois dans le
café-glacier, au coin de la rue de Babylone et du boulevard Raspail. Puis il y a cet
échange de lettres entre nous.
[
]
Je ne lai plus jamais revu. Lautomne à Paris. Je continue décrire mon
roman, le soir, dans une chambre des grands blocs dimmeubles du boulevard Kellermann
et dans les deux cafés, au bout de la rue de lAmiral-Mouchez.
[
]
Une nuit, je me demande bien pourquoi, je me retrouve, avec dautres personnes, de
lautre côté de la Seine, chez Georges et Kiki Daragane pour laquelle, à quatorze
ans et demi, je métais enfui du collège
[
]
Je propose timidement à Georges Daragane et Kiki de leur faire lire mon manuscrit, comme
si je me trouvais chez eux dans le salon de Mme et de M. de Caillavet.
Peut-être tous ces gens, croisés au cours des années soixante, et que je nai plus
jamais eu loccasion de revoir, continuent-ils à vivre dans une sorte de monde
parallèle, à labri du temps, avec leurs visages dautrefois. Jy pensais
tout à lheure, le long de la rue déserte, sous le soleil. Tu es à Paris, chez le
juge dinstruction, comme le disait Apollinaire dans son poème. Et le juge me
présente des photos, des documents, des pièces à conviction. Et pourtant, ce
nétait pas tout à fait cela, ma vie."
Un pedigree, Patrick Modiano, 2005
(26/01/2024)
Jai rencontré une seule fois Marcel Moreau, cétait
le 25 novembre 2002 à la brasserie Wepler à Paris où il recevait le prix du même nom
pour son livre Corpus scripti et moi la mention pour Composants. Je ne sais
pas si nous avons eu le temps déchanger quelques mots. Il y avait foule, nous
étions sollicités de toutes parts. Je me souviens avoir été, comme lui, photographié
dans lescalier des toilettes pour Paris-Match parce que la lumière était
meilleure, ce qui ma valu un bon mot oiseux que na pas apprécié mon éditeur
de lépoque : « Jétais loin de me douter que jentrerai un
jour dans la revue Paris-Match par la porte des WC
».
En 2002, les articles soulignaient encore que jétais « un jeune
auteur ». Javais 44 ans et juste publié 3 livres. Marcel Moreau était à
laube de ses 70 ans. Écrivain belge, il avait écrit 40 livres en 40 ans et il
navait jamais été récompensé en France. Cela je lignorais, je ne
lavais pas lu. A cette époque, le monde littéraire était bien trop grand pour moi
et javais juste envie de tracer ma route. Aujourdhui ma route possède
l'allure dune nationale déclassée en départementale, mais je lai bien
voulu, je flâne encore, jaime regarder les fleurs sur les bas-côtés.
Pour en revenir à Marcel Moreau, il est mort 2 mois avant mon père, le 4 avril 2020 du
Coronavirus à lâge de 87 ans. Aujourdhui, à lheure où jécris
ces lignes, je nai toujours pas lu une seule ligne de lui, mais jai le temps,
les écrivains ont lavantage de continuer à nous parler doutre-tombe.
En revanche, jai lu quelques notes concernant son écriture, comme celle-ci,
pragmatique et précise : « Je ne connais pas le vertige de la page
blanche... Je ne suis pas non plus dans la grâce continuelle d'écrire, je travaille sur
des profondeurs, sur des ténèbres, ce n'est donc pas facile de porter tout ça à la
lisibilité et à la justesse, c'est un combat. Et mes manuscrits en sont un témoignage.
Le problème d'une telle écriture est que la pensée va plus vite que la main, il y a des
mots qui manquent à l'intérieur des phrases, des lettres qui manquent à l'intérieur
des mots. L'organisation se fait à la machine, sur ma vieille Olivetti où tout est à
reconstituer. Le caractère même de la machine m'oblige à freiner ce rythme, cette
instance, cette espèce de folie, à avoir du recul, c'est là que j'entends si le style
n'est pas bon. C'est là aussi que les phrases amputées se reconstituent. »
La totalité de cet article se trouve sur lhommage que la Fondation
La Poste, partenaire du Wepler, a rendu à Marcel Moreau.
(19/01/2023)
Généralement, en début
dannée, je fais toujours un bilan de mes courses à pied en rubrique Étonnements.
Cette année, pour cause de triste actualité, Françoise et Bernard ont monopolisé la
rubrique. Je me reporte ainsi en rubrique Notes décriture, sachant quil faut
que jinaugure cette celle-ci en début dan, sachant que lactualité dans
le domaine décriture est au point mort en ces fêtes de fin dannée, sachant
aussi que, finalement, la course à pied est intimement liée à lactivité
littéraire et ce nest pas Murakami qui me désavouerait avec son Autoportrait de
lauteur en coureur de fond.
Cette année 2023, comme depuis le 9 mai 2009, jai continué dalimenter le
fichier Excel sur lequel je recense toutes mes compétitions et entrainements, randonnées
à pied, en vélo, sur route, chemins, sentiers forestiers et même tapis de course
(depuis décembre 2019). Mon fichier compte un peu moins de deux mille lignes et
probablement très peu doublis.
Au final, depuis que je recense mes maigres exploits sportifs, jaurai parcouru en
petites foulées bondissantes 12169 km depuis la veille de mes 51 ans jusquà mes 65
ans bien sonnés, soit la distance Paris-Pékin par la route avec quelques petits
détours.
Jaurai usé une dizaines de paires de chaussures, mais depuis le 28 décembre 2013,
soit depuis 10 ans, cest essentiellement des Fivefingers que jaurai
utilisées, exactement 8 paires, 5 de type Bikila pour la course sur route, 2 pour les
trails (modèle Spirydon) et 1 polyvalente avec laquelle je vais même dans leau. Je
supporte aisément ces « chaussettes à
doigts » avec semelles Vibram, dun poids moitié moins élevé quune
basket poids plume, 130 gr par chaussure, qui dit mieux ? Jai ainsi accompli
6000 km avec ce genre de soulier, totalement dépourvu damorti, en prise directe
avec le sol. Mais cest véritablement la chaussure qui me convient : je
nai jamais eu de blessure musculaire ou tendineuse et je ne sais pas ce que
cest que davoir des courbatures après une course. En 2018, jai même
accompli un marathon avec des Fivefingers, modèle V-Run, et jai aidé mon
gendre, 30 ans plus jeune et qui avait couru les 42 km avec moi, à remonter dans le train
car il était perclus de crampes.
Après cinq ans de bons et loyaux services, je viens de les changer en reprenant
exactement le même modèle : je commençais à voir à travers la semelle, elles
totalisaient 2000 km !
Toute cela pour dire que se procurer une paire de running neuves à 65 ans,
cest un peu comme investir dans une nouvelle voiture à 90 ans : même pas
peur !
Il faut dire que jai repris cette année un entrainement plus régulier. Jai
même renoué avec la compétition phare de ma ville en mai (Étonnements du 03/06/2023). Jai ainsi accompli cette année 580
km en courant, dont 52 sur tapis de course. Car cette machine est devenue un complément
indispensable. Plus dexcuses (il pleut, il fait froid - comme ce matin moins 5°),
le tapis de course accueille mes petites foulées bien à labri, juste à côté de
mon bureau dailleurs.
En réalité, jai vraiment recommencé à courir à la fin du mois de mars, avec la
bonne résolution dy aller coûte que coûte 3 jours déterminés par semaine. Bon,
jadmets que ces promesses sont parfois remises en cause suite aux bousculades de
lagenda. Par exemple, je nai pas pu trouver un moment pour courir depuis le 29
décembre, mais jai terminé lannée en beauté avec 10 km sans fatigue. Et au
total, jaurai accompli une moyenne de 16 km par semaine depuis avril, cadence qui
est quasi-comparable avec lannée 2019. Jai ainsi retrouvé un rythme
davant-Covid, avec toutefois 4 ans de plus, et donc, des performances à la
baisse
mais cest trois fois et demi de plus que lannée précédente. Si
javais continué de ralentir les distances, il est certain que je me serai lassé.
Cependant jai des chaussures neuves : alors haut les curs pour
2024 !
(13/01/2024)
|