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Notes d'écriture

 

Dernières séances avant l’hiver, les rendez-vous de l’agenda 2024 se terminent. Au total, 24 rendez-vous, pour la plupart dus à des ateliers d’écriture, 5 cette année. Si je compte en plus les mini-ateliers animés également lors les séances de restitution festival de l’écrit, j’y aurai au total consacré une cinquantaine de sessions et rencontré plusieurs centaines de participants. Toute cette organisation – préparations, temps de trajets, animations, tâches administratives, nécessités comptables - représente un gros temps partiel de boulot. On me croit en retraite mais « ma petite entreprise ne connaît pas la crise », comme le chantait Bashung.
Donc, ce jeudi 7 novembre clôturait à la fois le Festival de l’écrit, organisé par Initiales, et l’atelier de la médiathèque de Reims Croix-Rouge. Direction Bar-le-Duc à 8h30 avant de partir précipitamment pour Reims pour 3h d’atelier avant le retour à 22h30 chez moi, après 300 km. Aucune fatigue cependant, bien au contraire, tant ces expériences donnent la pêchent et sont riches en émotion.
Émotion partagée dans la Meuse, dernier département à recevoir les restitutions du Festival de l’écrit. Émotion, car j’ai revu avec beaucoup de plaisir les participants des années précédentes, ceux rencontrés à Verdun ou aux Islettes. Émotion aussi pour Nathalie, une comédienne qui a animé un atelier sur la lecture à voix haute : jamais elle n’avait été confrontée à un tel public aussi chaleureux et participatif. Je partage également ce que dit mon ami Vincent Bardin, le musicien qui accompagne la lecture des textes depuis plusieurs années : avec ces rencontres, on sait vraiment pourquoi on fait ce métier…
Autre ambiance, mais tout aussi chaleureuse et travailleuse à Reims pour notre sixième et dernière séance autour du thème « dans l’atelier de l’écrivain ». Ainsi, nous aurons évoqué la place du narrateur et des personnages, la construction du style, la temporalité, les plages de descriptions, la respiration des dialogues, et pour terminer, la finalisation du texte. En réalité, ces sujets, qui pour moi constituent la charpente de nos préoccupations d’écriture, sont passés, non pas inaperçus, mais plutôt noyés dans les petits exercices (que j’espère ludiques) et les exemples qui les ont illustrés. Étude des incipits, (comment on commence un texte), puis surviennent les personnages, comment doit-on les nommer ? avec quels pronoms personnels ? qu’est-ce que ce choix induit sur la narration ? où se trouve le narrateur ? Nous avons comparé la logorrhée de Proust et de Claude Simon, la concision de Beckett et de la poésie japonaise. Nous avons écrit au futur, au conditionnel. Nous avons expérimenté des dialogues. Nous avons rédigé des sonnets, tenté de continuer le Bateau ivre de Rimbaud. Questions, interrogations et semblants de réponse, tout cela appliqué plus ou moins au sein d’une ou deux nouvelles à paraître dans un vrai recueil collectif qui sera édité au premier semestre 2025. Mission accomplie donc…
(suite de ce texte et descriptif des séances à retrouver en page spéciale).
(15/11/2024)

 

Il y a quelques semaines, par hasard, j’ai fouillé mes placards à la recherche d’un vieux recueil de sonnets de ma composition. J’avais comme idée de faire étudier cette forme de poésie à contrainte lors de l’atelier d’écriture de Reims Croix-Rouge. Je l’ai retrouvé et, bien entendu, j’ai aussi trouvé vraiment génial ce que j’avais composé probablement au début des années 1990. Nous venions d’emménager dans notre maison toujours actuelle et j’apprivoisais à pied le chemin qui me menait au central téléphonique situé à moins d’un kilomètres en réfléchissant à quelques formules poétiques. C’était un bel été (le sous-titre c’est Jours d’été, heures jetées) et l’évocation de ces moments qui datent de plus de 30 ans m’ont empli de nostalgie : j’étais jeune papa à l’époque, la vie se construisait tranquillement et sans heurts.
Du coup, cette nostalgie m’a incité à chercher d’autres tapuscrits de cette époque où j’alignais des mots sans souci d’une quelconque publication. Écrits de jeunesse, si l’on peut dire, puisque mes 2 premières publications ont eu lieu en 2000, année de mes 42 ans. Je garde un souvenir assez précis des textes et de leur chronologie qui ont précédé mon entrée dans l’édition (mais beaucoup moins sur leur contenu, j’en reparlerai). Je suis plutôt conservateur dans le domaine littéraire et j’ai su les dénicher assez facilement, de même que la plupart des fichiers informatiques. Côté tapuscrits, j’en ai donc dans mon bureau mais aussi au grenier depuis 20 ans (voir Webcam des 6 octobre et 29 septembre 2004, la mémoire de FdeR est bien utile…). Et côté fichiers informatiques, comme tout le monde, j’ai changé maintes fois d’ordinateur de bureau et de portables, de supports de stockage, disques amovibles, CD, DVD, clés USB… Pour ces fichiers qui datent d’avant l’an 2000, c’était des disquettes 3 pouces ¼ comme on disait à l’époque. Il y a quelques années, j’ai pris la précaution de les recopier sur divers supports. A quelques exceptions près, j’ai à peu près tout récupéré.
Donc les écrits de jeunesse, à commencer par le premier d’entre eux, le légendaire Martin Martin commencé à 20 ans à Toulouse en 1978 et repris 10 ans plus tard à Saint-Dizier (dans l’ancienne maison - je n’avais pas encore déménagé). J’ai déjà évoqué plusieurs fois sur mon site ce premier roman (notes d’écriture des 1 et 8 février 2012) : 13 ans pour écrire un premier livre, à ce train d’enfer ma carrière d’écrivain semblait compromise. J’ai recommencé à re-écrire seulement au printemps 1996, avec cette fois un défi : rédiger un roman de taille classique, 200 pages, en 3 mois, un peu à l’instar de ce que faisait René Fallet ou autres Stakhanovistes des lettres. J’ai opté pour une intrigue policière et exotique : Aventures au Cap-Vert. J’ai réussi mon pari : écriture de mars à juin et ma belle-mère fût ma première lectrice. A partir de ce moment, le virus ne m’a plus quitté. J’ai enchaîné un roman tous les 6 mois : Monsieur Noël, d’août à novembre 1996 ; La réserve, de janvier à mai 1997 (le dernier qu’aura lu ma belle-mère) ; Rouge Ferrari, rose fleur, d’août 1997 à février 1998 ; Piano muet, de mars à août 1998 ; Roller, de décembre 1998 à Février 1999.
Bien-sûr, j’ai entrepris de relire ces romans de jeunesse. J’ai évité Martin Martin, dont le souvenir est assez présent et renouvelé parce que je le considère comme le tout premier. Je n’ai pas relu immédiatement Aventures au Cap-Vert, dont l’intrigue m’est restée en mémoire, mais je prévois de le faire. J’ai également délaissé La réserve, puisqu’il fait partie d’un des deux premiers romans édités en 2000 (d’abord chez Dominique Gueniot, puis repris - et augmenté- en 2021 chez Liralest).
Quant aux autres, grandes claques à chaque fois : je n’avais gardé aucun souvenir du contenu de Roller, de Piano muet, de Rouge Ferrari, rose fleur et de Monsieur Noël, lus dans cet ordre. A un tel point que j’ai cru que quelqu’un d’autre les avait composés. J’avais vraiment l’impression d’être un lecteur découvrant un nouveau livre. Je les ai lus ainsi, sans aucun jugement pour le type qui les avait écrits, parfois amusé de certaines trouvailles stylistiques, parfois y trouvant des longueurs, mais rien de vraiment d’ennuyeux, des romans ordinaires écrit par un type banal. Ceci est un livre, comme le dit mon épouse lorsqu’elle lit mes romans (et c’est le meilleur compliment qu’elle puisse me faire). Je me sens ainsi comme l’arroseur arrosé et ça me fait un bien fou.
J’ai décidé d’en faire également des notes de lecture : aujourd’hui, le premier que j’ai relu, Roller.
(01/11/2024)

 

Si ma note d’Étonnements du jour donne un aspect dépressif de la vie de province, en revanche, celle-ci est chaleureuse à bien des égards sur le plan culture. Cette vivacité doit beaucoup aux initiatives locales et régionales, l’ensemble passant généralement inaperçu au niveau national.
L’atelier d’écriture de la médiathèque de Reims Croix-Rouge en est un bon exemple. La manifestation est reconduite chaque année, en alternance dans les deux médiathèques principales de Reims. Je dois saluer la gentillesse des bibliothécaires, animés par une vraie passion et qui ne comptent pas leurs heures pour diffuser le plaisir de la lecture. Bien-sûr, ça coûte un peu d’argent pour pérenniser de telles animations, mais peut-on croire à une culture statique, enfermée dans les pages de livres ?
Le public qui me fait l’honneur de m’accompagner pour cet atelier d’écriture est constitué de beaucoup d’habitués. La liste d’attente, qui a accompagné les inscriptions, indique un véritable attrait pour les mystères de l’écriture. J’ai rarement connu une telle convivialité entre les participants. Tant mieux, j’ai l’impression que cet atelier, dont je viens de terminer l’avant dernière séance, correspond à leur attente. Je ne dis pas « vivement la dernière », car je vais avoir du mal à rentrer dans mes pénates. Et bien sûr, je me réserve le droit de revenir en toute amitié, notamment lorsque notre petit recueil – qui constitue à la fois un enjeu et une mémoire de ce qui se fait ici – sera paru. Notre avant dernière séance nous a permis, comme à chaque fois, d’avancer avec enthousiasme sur les chemins de l’écriture comme l’indique le compte-rendu habituel : « Nous avons commencé par faire le point sur notre projet de recueil. S’il est prévu pour le printemps prochain, il est bien qu’il puisse bénéficier du dynamisme de notre atelier et vraiment tout le monde joue le jeu et tient beaucoup à finaliser cet enjeu. Chacun m‘a envoyé une ou deux nouvelles (ou prévoit de le faire). C’est le moment de discuter de chaque nouvelle : est-elle dans le ton du recueil ? De combien de signes est-elle composée ? »
(la suite est à retrouver dans la page dédiée à l’atelier)
Cet atelier n’est pas la seule manifestation à laquelle j’ai participé cet automne. J’ai arpenté d’autres médiathèques de la région : Jean Falala à Reims, située idéalement juste en face de la magnifique cathédrale et de l’Ange au sourire, Troyes et son magnifique fond de livres anciens, Charleville-Mézières qui célèbre en permanence Rimbaud, je me suis rendu à Chaumont et j’irai à Bar-le-Duc à l’hôtel de département en novembre, tout cela grâce au Festival de l’écrit qui, cette année, fête sa 28ème édition. L’engouement ne faiblit pas : plus de 600 participants et des dizaines d’associations sociales ou culturelles relaient cette initiative dans chaque département. J’y participe depuis plusieurs années et je repars à chaque fois avec une pêche d’enfer, l’impression de servir à quelque chose, de savoir pourquoi j’existe et pourquoi j’écris. Les amis musiciens qui mettent en musique les textes, Vincent et Céline Bardin rejoignent mon enthousiasme : On sait pourquoi on fait ce métier ! s’exclame Vincent avec ses 40 années d’expérience. Toutes ces rencontres font du bien, chaque texte lu est un moment d’émotion, un instant d’humanité et Dieu sait si elle est malmenée en ce moment.
(27/10/2024)

 

" J'ai lu Le grand Meaulnes et Le petit Chose " (Michel)
Sérieux et rires : ainsi pourrait-on qualifier l’atelier de la médiathèque de Reims Croix-Rouge, déjà au 2/3 de son parcours.
Sérieux comme les livres étalés et photographiés dans mon bureau, bibliographie qui se constitue à chaque séance (j’en ferai un inventaire à la fin).
Rires aussi, car tout cela est évoqué dans la bonne humeur avec forces plaisanteries comme l’indique la phrase de Michel ci-dessus. Il paraît que nos éclats résonnent dans la médiathèque désertée à partir de 18h. Car je ne l’ai pas encore signalé : notre atelier commence à 17h30 chaque jeudi, mais se termine jamais avant 20h30, tant nous sommes bavards, mais aussi travailleurs (et grands mercis à Emmanuelle et aux bibliothécaires qui allongent considérablement leur journée de travail).
Sérieux et rires donc, car écrire, c’est mettre sa vie en jeu, dans tous les sens du terme (ou "le déréglement des sens", comme l'écrivait Rimbaud dans sa Lettre du voyant).
Cette quatrième séance commence par le rituel petit aperçu de la précédente : nous avons évoqué la description, et des textes magnifiques ont été écrits, de la prose mais également des poèmes courts, haïkus concoctés par les participants.
Cette semaine cependant, j’ai voulu commencer de suite par le versant sérieux de nos activités : nous avons un petit recueil à constituer : écrire, c’est aussi laisser des traces de nos rencontres. Les textes commencent à me parvenir, pour mon plus grand bonheur. Chacun a à cœur de présenter son travail, ses inspirations, obsessions, thèmes privilégiés : il faut dire que je n’ai pas donné de consignes d’écriture, juste celle de se placer « dans l’atelier de l’écrivain », ce qui ferait par ailleurs un beau titre à notre recueil. Je fais le tour de chacun, j’ai l’impression qu’un grand tout se constitue, une page d’accueil pour chaque participant avec photo (en situation – encore à réaliser) et un petit haïku d’introduction écrit par leur soin. Puis, suivra, pour ceux qui les ont rédigés, un petit texte sur les affres, aléas et univers propre à leur l’écriture, enfin, une petite nouvelle, imaginée pendant ou en dehors de l’atelier. Et je mesure combien finalement le thème « dans l’atelier de l’écrivain » correspond bien à cette liberté d’écriture.
Mais il faut d’avancer justement sur ce thème des préoccupations de l’écriture, celles qui nous taraudent. Après les premières lignes, le choix des personnages, de la narration, le remplissage des descriptions, la temporalité nous pose alors question : vaut-il mieux écrire au passé ? Au présent ? Et pourquoi ne pas essayer le futur où le conditionnel ?
Ce sont ces deux temps ou mode, peu usités, que je propose comme exercice aujourd’hui. Je donne quelques exemple : Octobre, de Francis Cabrel, Un jour tu verras, de Mouloudji où le fameux Demain dès l’aube de Hugo, sont écrits au futur. Côté conditionnel, Brigitte Giraud avec Vivre vite démonte tous les « si » qui ont conduit au drame qui l’a touché. Chacun se recueille pour écrire, dans le « petit moment magique » qui m’émeut à chaque fois : les stylos qui grattent le papier en silence, les yeux qui se perdent dans le vague, chacun concentré sur ses propres mots.
Histoire de délasser les participants et parce qu’une séance de 3 heures ne peut-être complète sans la récréation de la poésie, je propose que l’on tente de refaire les deux quatrains du poème Sensation, avec si possible les même mots agencés de façon différente. Exercice Ô combien difficile ! Et qui prouve qu’il n’y a rien de trop chez Rimbaud. C’est encore quand on s’éloigne à la marge avec d’autres mots que les poèmes produits sont les plus convaincants.
La semaine prochaine, ce sera place au dialogue (encore une préoccupation d’écriture) pour notre avant-dernière séance juste avant les vacances de la Toussaint.
(Rubrique à retrouver en page idoine)
(16/10/2024)

 

 

Atelier de Reims, déjà la troisième séance. Nous somme à mi-parcours. Pas de retard, des exercices suivis dans une excellente ambiance, je prends un plaisir infini à rejoindre notre petit groupe d’habitués. J’ai l’impression de connaître chacun d’eux depuis longtemps.
Pour cette troisième séance donc, je débute par un petit retour sur la précédente séance, qui avait pour thème « personnages et narrateur » avant de proposer cette semaine d’évoquer la « description ». C’est important pour moi, car, si je n’ai pas donné de thème d’écriture, tout mon propos s’articule « dans l’atelier de l’écrivain », c’est-à-dire, touiller la cuisine de l’écriture, repérer les inévitables problèmes qui se posent à nos proses. La description, au programme de cette semaine, est justement au cœur de l’écriture. Selon Claude Simon, c’est « le concret, c'est ce qui est intéressant, la description d'objets, de paysages, de personnages ou d'actions ; en dehors, c'est du n'importe quoi. » Il s’agit à la fois de faire vrai et, en même temps, de se représenter la description au sens large : le remplissage d’écriture, tout ce qui n’est pas dialogue, comme le dit encore Claude Simon, écrire, c’est comme « le premier chapitre de math sup : c’est arrangements, permutations, combinaisons… » (comme d’habitude, la suite du résumé de cette séance est à retrouvé sur la page dédiée à l’atelier de Reims.)
Car se qui m’importe aujourd’hui, c’est de consacrer cette note au non-thème que j’ai proposé pour nos séances : entrer « dans l’atelier de l’écrivain ». Et le premier qui entre, bien entendu, c’est ma pomme : des lustres que je n’ai pas eu une véritable réflexion sur ma pratique. Je dirais bien, dix ou douze ans. Bien sûr, je n’écris pas comme un automate ou un robot, mais enchaîner les publications tous les un ou deux ans m’ont peut-être empêché de regarder derrière moi, de savoir comment évolue mon écriture, quels compromis j’ai dû faire avec la langue, les personnages, la narration…
J’ai eu l’impression depuis plusieurs années que mon écriture devenait plus romanesque, dans le sens où j’écrivais de vrais romans, de facture plutôt classiques, sans trop m’appesantir sur les problèmes générés : quel choix pour le temps ? quel type de narrateur ? Je ne dis pas que ces préoccupations n’étaient pas présentes, mais plutôt que je les éludais rapidement, et si le livre en cours se bâtissait assez aisément, c’est que ça ne devait être pas trop mal.
Mais aujourd’hui, j’ai envie d’une réflexion plus complète, plus aboutie. Être « dans l’atelier de l’écrivain » est ainsi, je m’en aperçois, une préoccupation égoïste presque : elle me sert d’abord, avant même les participants de l’atelier.
Une des manifestations du moment, celle qui m’anime actuellement, ça a été de rechercher (et de trouver en très grande partie) des écrits primaires, des « romans de jeunesse », ceux qui avaient précédés mes premières publications en 2000. Premier choc : si je sais bien ce que j’avais rédigé il y a presque 30 ans, je ne me souvenais absolument pas de leurs contenus et je découvre, comme un lecteur anonyme, cette prose, parfois étonnante, parfois naïve, parfois avec quelques trouvailles. Je ne suis qu’au début de cette redécouverte (j’ai lu deux récits aux noms exotiques Roller et Rouge Ferrari Rose Fleur – il m’en reste 4, quelques nouvelles et des poésies) mais il est certain que la fin de cette année sera marquée par ce parcours « d’avant ». A suivre…
(09/10/2024)

 

2ème séance de l’atelier à la médiathèque Reims Croix-Rouge : « Tout d’abord, comme je l’ai souvent fait pour des ateliers structurés au long cours, je ferai un compte rendu chaque semaine de nos séances sur mon site (ça m’aide). Nous commençons cette seconde séance par un retour de la toute première séance, consacrée notamment à l’incipit (de incipere – commencer) et ses trois fonctions : informative, séductrice, annonce le « pacte de lecture » (savoir pour autant que l’incipit n’est pas forcément le premier paragraphe écrit, l’écriture n’est pas toujours linéaire, dépend des corrections, des remaniements avec soi-même, l’éditeur, etc.) »
Ainsi commence le compte-rendu de cette deuxième séance de Reims donc la suite est à retrouver chaque semaine sur cette page spéciale.
A noter que cette page figure aussi dans l’onglet récapitulatif de mes ateliers d’écriture, de même que les deux semaines que j’ai animées cet été, à Vitry-le-François d’abord, sur le thème du patrimoine, puis à Saint-Dizier, sur le thème des J.O. (voir cette même rubrique à la date du 16 août).
Et justement, les restitutions de ces deux ateliers ont eu lieu la semaine dernière.
Tout d’abord, vendredi 20 septembre, au conservatoire de musique de Saint-Dizier, l’association Initiales avait invité tous ceux qui avaient œuvré à cette belle semaine (les enfants ainsi que leurs parents, les animateurs et les organisateurs). Au total une centaine de personnes étaient réunies dans l’auditorium. Un petit film réalisé pendant la semaine d’atelier a été réalisé et projeté.
De la même manière, mardi 24 septembre, la mairie de Vitry-le-François a reçu tous les participants à l’atelier d’été. Grande découverte pour les 4 groupes d’enfants que nous avons accueillis : chacun a pu écouter les chansons réalisées pour l’occasion avec Lisa à la musique et moi pour les textes : c’est en ligne ! Pour l’occasion, Lisa et son ami nous ont gratifié d’un petit concert à l’issue de notre rencontre, avant de conclure tous ensemble autour de rafraichissements.
Ainsi, Saint-Dizier, Vitry-le-François ou Reims, le grand Est s’offre des ateliers divers et variés, pour tout public, de 7 à 77 ans comme dit le Journal de Tintin (et je reboucle avec Bruxelles de ma note d’Etonnements).
(02/10/2024)

 

Atelier d’écriture à la médiathèque de Reims Croix-Rouge : j’ai attendu avec impatience cette première séance, programmée depuis la fin de l’année précédente. C’est le cinquième atelier que j’aurai accompli en 2024 (et le vingtième au total) sans compter les cinq mini-ateliers de 2 heures que je vais animer dans les départements du Grand Est lors des restitutions du Festival de l’écrit.
Celui-ci, cependant, me tenait particulièrement à cœur. Je pressentais un public d’habitués, grands lecteurs et passionnés de la chose écrite avec lesquels j’aurais beaucoup de plaisir à partager les auteurs que j’affectionne. Les ateliers que j’anime généralement avec l’association Initiales concernent un public différent, moins stable ou peu habitué à la langue française et pour lequel Rimbaud et bien d’autres sont des inconnus (enfin, avant que je leur en parle !).
La sélection des participants a confirmé mon espoir. L’atelier s’est très rapidement rempli : 12 personnes pressenties (et 5 sur liste d’attente !). De plus, une semaine avant de débuter, j’ai pu envoyer aux inscrits un petit questionnaire destiné à mieux connaître chacun d’eux. Grand succès : 10 réponses, les échanges montrant un public exigeant, ayant, pour la plupart, participé à plusieurs ateliers au cours des années, voire en tant qu’animateur. Bref, la pression montait : pas le droit à l’erreur. J’ai pu glaner des renseignements sur les ateliers précédents, ceux-ci ayant généralement proposé un thème prédéfini (Le Merveilleux, par exemple).
Je suis ainsi arrivé à la première séance, plein d’ardeur, avec l’impression de savoir où je mettais les pieds. Seule ombre à ce tableau idyllique, l’absence de thème d’écriture ou plutôt un thème plus abstrait, l’envie de faire partager l’atelier de l’écrivain, ses problèmes, ses doutes, son questions, ses choix, que des choses pragmatiques qui aident à écrire. Les premières conversations ont été très faciles : grâce à nos échanges préalables, j’avais déjà l’impression de tout connaître des participants. Nous nous sommes présentés mutuellement et j’ai abordé la manière dont je voulais les placer « dans l’atelier de l’écrivain ».
Pour cette première séance, je me suis basé sur des « incipit » de romans pour nouer la relation qui se créée dès le départ entre l’écrivain et le lecteur, et nous avons analysé ces premières lignes de chaque roman : présentation des personnages, de la narration, temporalité, description, dialogue….
(Suite en page spéciale qui sera tenue à chacune des 6 séances jusqu’à la dernière prévue le 7 novembre)
(21/09/2024)

 

Les cyclistes hongrois (voir en Étonnements) sont arrivés dix secondes avant la pluie d’orage diluvienne qui les a accueillis dans ma ville. Je ne le savais pas. Nous guettions leur arrivée sur un parking. Ils ont eu la bonne idée de court-circuiter le lieu de rendez-vous et de rentrer leurs tandems à temps dans le garage qui leur était réservé. Quant à nous, nous nous sommes précipités dans les voiture avec trois autres participants venus en éclaireurs sur le parking. La pluie martelait les vitres avec une rare violence, le vent pliait les branches : cela a duré 10 mn, puis plus rien. Nous avons regagné le lieu dévolu, où nous avons tous ri devant cette bonne blague de la météo, qui s’était heureusement bien terminée.
Belle entrée en matière pour faire connaissance : eux, 7 hongrois, dont cinq cyclistes répartis en deux tandems et un vélo, un conducteur du minibus muni d’une remorque et une accompagnatrice très à l’aise en anglais qui organisait les étapes et la logistique. Quant à nous, tous membres de clubs services, nous avions la charge de les héberger et d’organiser un dîner de bienvenue.
J’hérite à la maison du conducteur et de l’accompagnatrice. Présentations : premier choc, si l‘accompagnatrice a un prénom international, facile à se rappeler, ce n’est pas le cas du conducteur : sonorité typique de la Mitteleuropa, peu courant pour nos oreilles latines… sauf que je connais très bien le prénom que mon hôte porte : je l’ai choisi pour un des personnages de mon futur roman au nom de code J (actuellement en instance chez mon éditeur). C’est un prénom peu courant dans nos contrées et je l’avais choisi pour cela.
J’apprendrai par mon accompagnatrice que ce prénom est assez fréquent en Hongrie. Car bien sûr, j’ai évoqué avec elle cette coïncidence, celle de voir débarquer un personnage de roman dans la vie réelle, à l’endroit même où j’ai inventé ce protagoniste du livre en train d’être finalisé, donc encore très présent dans mon esprit. J’ai d’autant plus échangé avec elle (dans mon anglais chaotique) car je lui avais attribué mon bureau en guise de chambre : en voyant tous mes livres, elle m’a demandé quel était mon métier. En plus du roman en cours, j’ai évoqué avec elle Yougoslave, notamment la partie hongroise de ce récit dédié à mon père, puisque c’est à Baja, une ville au Sud de ce pays, près de la frontière, qu’une fermière recueillit la famille paternelle en 1945, bloqués à la frontière de la Bosnie. Pouvoir héberger pour une seule nuit deux hongrois dans le confort du XXIème siècle était un juste retour, bien dérisoire, en mémoire de mon père, qui resta plus d’un an dans cette puszta comme le nommait encore mon père 80 ans après.
Le lendemain matin, au petit déjeuner, nous avons encore reparlé de cette coïncidence et le conducteur qui portait le fameux prénom, mis au courant par l’accompagnatrice (il ne parle que hongrois) n’était pas peu fier de porter le nom d’un de mes personnages ! J’ai offert avant qu’ils ne parte Yougoslave, petit geste, mais important pour moi et chargé de symboles. Je ne résiste pas au plaisir d’ajouter à cette rubrique la chanson du groupe hongrois Omega, que nous avons évoqué ensemble (ils étaient étonnés que je la connaisse), c’est pourtant un vieux classique du rock.
(13/09/2024)

Charles Juliet en son parcours : le titre de ce livre d’entretiens avec Rodolphe Barry me paraît tout à fait adapté pour évoquer le destin d’écrivain de Charles Juliet. Publié en 2001 par Catherine Flohic, (note de lecture du 28/08/2002) c’est elle qui me l’avait offert lorsqu’elle m’avait demandé quelques pages pour le livre collectif Écrire pourquoi (note de lecture du 31/01/2018). Charles Juliet avait d’ailleurs été sollicité pour le même recueil : son texte commence par « Au début une immense confusion » et se termine par « J’ai pu remonter des enfers. Il ne m’échappe pas que je suis un grand privilégié » : c’est un parfait résumé de celui qui a fait de son écriture une exigence vitale. C’est ainsi par l’intermédiaire de Catherine Flohic que je me suis intéressé à Charles Juliet, il y a désormais plus de 20 ans. Il avait évidement tout pour me plaire : taiseux, en proie aux doutes, si éloigné des m’as-tu-vu du petit monde littéraire français ou parisien, bref, quelqu’un d’authentique. Cerise sur le gâteau, il fût encouragé par Samuel Beckett : peut-on rêver un meilleur adoubement ?
Son parcours est singulier, très éloigné du monde des lettres. Petit paysan né dans l’Ain à Jujurieux, il rejoint les enfants de troupe de 12 à 20 ans. C’est là-bas qu’un prof de français éveille en lui un intérêt pour la littérature. Mais la vie entre cette école stricte et une existence paysanne ne favorise pas l’éclosion. Il commence des études de médecine toujours dans la voie militaire. Cependant sa passion est la plus forte (« je ne faisais que lire » Charles Juliet – Trouver la source) et il quitte l’école sans aucun bagage, sans travailler non plus, apprenant chez lui son travail d’écrivain pendant 15 ans. Mais le combat avec les mots est rude et solitaire. Heureusement, il peut compter sur son épouse (notamment pour la vie matérielle) et le parallèle avec Beckett est saisissant : lui aussi a eu du mal à percer et c’est Suzanne, sa femme, qui jouait les intermédiaires avec les éditeurs. Charles Juliet, quant à lui, trompant sa timidité, contacte Michel Leiris qui lui parle de surréalisme d’Artaud, de Breton. Charles Juliet ne connaît aucun de ces noms, son ignorance de la littérature est grande. Il rencontre par hasard un sculpteur voisin, Maxime Decombin qui lui ouvre les portes de l’Art moderne et de la peinture. Il lit les lettres de Van Gogh, fait la connaissance de Bram Van Velde, qui lui ouvre l’univers de son ami Beckett. Le long chemin d’écriture de Charles Juliet commence à s’organiser en parallèle, il entame son journal qui sera son œuvre majeure, publie Fragments en 1973, puis Conversations avec Bram Van Velde, mais c’est sa rencontre avec P.O.L. qui sera essentielle : il publie le premier tome de son journal en 1978 et une collaboration ininterrompue s’ensuivra. En 1989, le succès de L’année de l’éveil, racontant sa jeunesse à l’école militaire, le fait connaître au grand public.
Toujours humble, mais jamais avare de rencontres et d’une véritable empathie, l’homme poursuivra son véritable sacerdoce d’écriture sans se départir de sa rigueur. J’ai eu la chance de m’entretenir avec lui à Manosque en 2010 (en Étonnements), je venais de publier Retour aux mots sauvages, peu de souvenirs précis mais une impression très forte de transmission me reste, de ce pourquoi on écrit, des questions que cela suscite.
Charles Juliet est parti deux mois avant de devenir nonagénaire (mon père aura vécu la même distance de vie à quelques semaines près). J’étais à Lyon une semaine avant le décès de l’écrivain dans cette ville. Pour forcer les coïncidences, j’étais également dans la toute petite île des Caraïbes, à Marie Galante, ce jour de 2018 où est mort accidentellement P.O.L., son éditeur.
(06/09/2024)

 

Juste avant la trêve estivale, j’ai enchaîné deux ateliers d’écriture.
Le premier, programmé depuis le printemps, avait pour thème le patrimoine de Vitry-le-François, ville située à 30 km de chez moi. L’association Initiales organise depuis plusieurs années une rencontre d’été de cinq jours, dédiée à la jeunesse locale. Jusqu’à présent, je n’avais pas eu l’occasion de répondre à leur amicale sollicitation, mais, cette année, j’ai eu envie de participer davantage à leurs activités débordantes. Et puis j’allais travailler avec des personnes que j’estime beaucoup, dont je connais l’implication dans une organisation déjà éprouvée. L’enjeu pour moi de travailler en co-construction avec un atelier musical a emporté la mise, au-delà de mes craintes d’avoir à m’impliquer auprès d’un public de 40 jeunes de 7 à 17 ans, auquel je ne suis pas habitué.
Le deuxième atelier m’a été demandé moins d’un mois avant la date, toujours par Initiales, pour répondre à une sollicitation préfectorale de dernière minute : il s’agissait de bâtir dans ma ville de Saint-Dizier une animation sur le thème obligé des jeux olympiques auprès, cette fois-ci, de 70 jeunes, envoyés par divers centre sociaux. Seule l’association Initiales, rompue à ce genre d’évènement, était capable de relever un tel défi si rapidement, mais bien sûr, il lui fallait un nombre conséquent d’intervenants, et je faisais partie du lot. J’ai accepté aussitôt ce deuxième challenge, non sans appréhension : après 10 jours consécutifs à animer des ateliers pour 110 enfants au total, j’étais certain que j’allais terminer sur les genoux la veille de partir en vacances.
Et ce fut vrai ! Mais ce que je n’avais pas anticipé, c’est le bonheur que j’ai eu à participer à ces deux ateliers. J’ai ainsi ajouté d’autres cordes à mon arc : après m’être occupé de faire écrire des personnes allophones, migrants ou étrangers, tous désireux d’apprendre, après avoir permis de s’exprimer à des détenus, des personnes en situation de handicap ou des adultes éloignés de la vie culturelle, me voici désormais capable de faire découvrir à des enfants quelques facettes de notre langue écrite au moment même de leur scolarité. Car, bien entendu, entre 7 et 17 ans, l’apprentissage et les niveaux sont différents et, par conséquent la manière d’aborder une séance de rédaction également. Tâtonnements, improvisations, il ne fallait surtout pas se laisser enfermer dans des dogmes, mais rester à l’écoute de chaque participant rencontré pendant ces deux semaines.
Comme d’habitude, en rubrique atelier d’écriture, j’ai tenté de garder le souvenir de ces deux ateliers d’été, celui de Vitry-le-François et celui de Saint-Dizier, histoire d’agrandir et de faire partager mon expérience.
(16/08/2024)

 

364 textes réunis sur 5 départements : c’est ce que je viens de lire pour le nouveau festival de l’écrit. En réalité, beaucoup plus d’écrits ont été produits pour cette vingt-huitième édition. Un premier écrémage réalisé par les structures participantes a déjà réduit le chiffre initial des pages proposées pour diverses raisons (inscriptions pas finalisées, déménagements, changements divers). Par exemple, pour Vitry-le-François, j’avais réuni 14 textes (voir même rubrique le 02/06/2024) et seulement 7 ont été retenus. Cela laisse à penser que le nombre total doit dépasser 500. On mesure l’engouement pour la chose écrite, mais surtout l’énorme travail réalisé par la soixantaine d’organisations qui participent à l’évènement sur les 5 départements : associations d’aide au handicap, centres sociaux, organismes d’insertion, de formation professionnelle, missions locales, écoles de la deuxième chance, IME, foyers d’accueil, maisons pour tous, médiathèques, maisons d’arrêt, centres de détention, de demandeurs d’asile, centres hospitaliers, associations diverses : autant d’animateurs, de professionnels du monde social, de bénévoles passionnés qui œuvrent jour après jour, tout au long de l’année pour insérer du mieux possible ceux qui rencontrent des difficultés, ou plus simplement, ceux qui veulent vivre ensemble.
Mettre des mots sur les maux est une tâche essentielle, mais n’allez pas croire que l’écriture ne sert qu’à cela : elle est au contraire une source de joie et d’expression pour chacun, dans un monde où on se sent rarement légitime pour la chose littéraire. Cela tient à beaucoup de choses. Spécifiquement en France, la dévalorisation de soi, l’échec scolaire, l’écrivain placé sur un piédestal, l’idée qu’écrire est réservée aux élites, aux intellectuels, tout cela contribue à couper les ailes des plus passionnés.
Donc, j’ai lu 364 textes, tous authentiques, tous chargés d’une ambiance et d’une émotion particulières. Hélas, il m’a fallu en retenir moins de la moitié, 170 seulement, destinés à paraître dans le recueil traditionnel du Festival de l’écrit. A savoir que tous les lauréats (et leurs animateurs) sont invités aux restitutions, une dans chaque département (voir Agenda)
C’est drôle car cette belle lecture solitaire et muette est arrivée au même moment d’une autre, plus succincte et à voix haute : j’ai dû énoncer le nom des candidats députés au dépouillement des élections dimanche dernier (voir en Étonnements). Au 364 textes lus correspondaient ainsi 300 noms propres qui engageaient notre avenir. Pas la peine de vous préciser les lectures que j’ai préférées…
(02/07/2024)

 

La semaine précédente, j’évoquais les difficultés éthiques que connait mon éditeur Fayard avec l’arrivée d’une PDG qui ne cache pas ses sympathies pour l’extrême-droite. Face au dévoilement de plus en plus politique de Bolloré, l’indépendance de groupes comme Hachette est menacée. Ceci dit, les puissantes maisons d’édition n’ont jamais évolué autrement que dans un cercle très libéral où les fusions et acquisitions sont monnaie courante, et où le pouvoir est rapporté à des financiers ou des dynasties familiales.
Je me suis toujours étonné du discours qu’on m’a parfois tenu, mêlant à la fois idées de gauche, voir plus, et agissant selon les règles les plus capitalistes. Nous ne sommes pas à une contradiction près…
Ceci dit, il faut saluer l’initiative proposée par Arnaud Nourry qui vient de fonder un groupe intitulé Les nouveaux éditeurs. En effet, l’ancien PDG d’Hachette, évincé par Largardère en 2021, cherche à redonner une véritable éthique au monde l’édition. Adossée au groupe international américain Simon et Schuster, elle a le mérite d’une ambition réelle.
Tout juste créé, le contenu de son site ressemble encore à une coquille vide, espérons que ce nouveau groupe sera amené à s’étoffer rapidement et qu’il ne restera pas seulement qu’un recueil de bonnes intentions. A suivre…
(19/06/2024)

 

Je voulais écrire une chronique intitulée « calme plat », parce que rien ne se passe côté écriture, mon éditeur Fayard est dans la tourmente (voir cette même rubrique au 15/03/2024). Le livre proposé est aux oubliettes et le nouveau (TT, voir le 22/03/2024) est au point mort. Ceci dit, sans appréhension ni affres de ma part, j’ai suffisamment publié (16 livres en 24 ans) pour ne pas m’angoisser et les récents ateliers d’écriture m’ont donné une autre vision plus active de la littérature, d’autant plus que trois autres sessions m’attendent prochainement.
Mais aujourd’hui, j’ai appris que la nouvelle PDG dévolue à Fayard par le groupe Hachette est Lise Boëll, éditrice de Zemmour et celle par qui la tourmente est arrivée. Camouflet donc proposé par Bolloré et scénario du pire.
Le risque est que Fayard vire à l’encéphalogramme plat, si on y prend pas garde. La maison publie environ 150 ouvrages par an, gageons qu’elle n’éditera pas 150 fachos (d’ailleurs ce n’est pas sûr qu’on en trouve autant qui savent lire et écrire…). Après un quart de siècle de publication, d’abord rue des Saint-Pères, puis rue du Montparnasse, la librairie Arthème-Fayard m’appartient plus qu’à ces trublions. Et je me fais fort d’être le ver dans le fruit pour Bolloré and Co.
J’ai à mon actif, publié là-bas il y a 10 ans, le roman-pamphlet FN. Je veillerai à ce qu’il ne disparaisse pas du catalogue.
La conclusion revient donc à la littérature : je poste ci-dessous, un extrait du chapitre 93 de Faux nègres (p.291-292) en guise de manifeste :
« [...] Pourquoi les gens d’ici votent-ils à l’extrême droite ? Pas de réponse ou plutôt le brouhaha de la foule, quatre cents personnes rassemblées devant l’estrade sur la place du village, plus foire au boudin que campagne électorale, regards tournés vers l’égérie, celle « comme tout le monde » à tête de lavandière, de poissonnière, le prêche commençant par « Mes chers amis » et réussissant le tour de force de placer les mots-clefs d’une politique : Abidjan, Algérie, Africains, barbares, bled, chômage, clandestins, communautarisme, corruption, courage, crime, crise, démocratie, édiles, élus, étrangers, fonctionnaires, fondamentalisme, halal, immigration, injustice, insécurité, invasion, laïcité, magistrats, mœurs, musulmans, patrie, peur, procureurs, province, souveraineté.
Chiqué, répond le post-adolescent génial
[Rimbaud]. Pour son Bateau ivre, voici les mots-clefs : Peaux-Rouges, clapotements, tohu-bohus, Léviathan, cataractant, lunules, hippocampes, ultramarins, Béhémots, Maelstroms… Faux nègres et flots nacreux jetés au visage de la poissonnière et de ses chers amis. Les mots ne vieillissent jamais et portent au cœur leur pouvoir de souffleter, calotter et moucher la morve des couards. » ()
(09/06/2024)

 

Cet atelier, proposé dans le cadre de la 28ème édition (ouahhh…) du Festival de l’écrit, initié par l’association Initiales s’est organisé en deux temps, trois mouvements avec quatre séances prévues, chaque mardi matin du joli mois de mai.
Nous nous retrouvons ainsi pour cette première séance à la médiathèque de Vitry-le-François, dans une vaste salle. Les participants sont déjà installés par deux ou trois autour de tables. J’ai galéré un peu pour trouver la médiathèque aux milieu des immeubles et je suis arrivé 10 mn en retard.
Je m’attendais à trouver 18 personnes selon la liste des participants qu’on m’a fournie auparavant avec 11 nationalités différentes et des niveaux en français allant du grand débutant à la maitrise parfaite de la langue. Pour ce premier cours, 9 personnes sont venues. Les Afghans sont en majorité, un groupe constitué de 6 jeunes hommes. A une table, deux mamans marocaines et un français égaré complètent le groupe, ainsi que trois accompagnateurs, membres d’Initiales.
J’ignore que les séances suivantes ajouteront l’Algérie, la Serbie, la Roumanie et même la Sibérie à cette carte du monde…
La suite dans une
page spéciale, elle même recensée dans la page globale des ateliers.
(02/06/2024)

 

Atelier d’écriture à la maison d’arrêt de Bar-le-Duc, météo pluvieuse, la place (magnifique) en travaux. D’un côté le tribunal de justice, en face, la maison d’arrêt, bâtiments presque jumeaux séparés par l’église (le clergé comme arbitre). Le tribunal mieux entretenu, ravalé, la prison est une ancienne caserne, inscription « corps de garde » sur une porte adjacente à l’entrée (transformée en lieu d’accueil pour les familles). Attendre les intervenants bénévoles de la prison (je suis en avance). De l’autre côté de la place, arrivent des gens régulièrement, qui tournent un peu avant de pénétrer dans le tribunal, des couples, des hommes seuls, une dernière cigarette écrasée. Certains ont des papiers à la main, on devine de maigres dossiers relatifs aux difficultés d’une vie, affaires ou faits divers jugés hâtivement.
La bénévole arrive : sonner, entrer, sas, carte d’identité, clés, tintements divers, portique qui s’allume. Inventaire du sac à dos : des livres, des papiers, l’appareil-photo, dûment répertorié auparavant et autorisé. La première grille, puis la deuxième, la troisième…etc. Les barreaux luisants et noirs, le bruit des pênes (des peines) qui s’ouvrent et se referment en claquements secs. Des voix (les gardiens), uniformes entre deux murs, se pousser pour se croiser dans les couloirs. Des portes partout fermées, celles de vieilles cellules avec deux ou parfois trois noms inscrits dessus : home sweet home, ambiance de galériens (être en galère).
Enfin le court dégagement pour rejoindre la bibliothèque. Une grille encore, puis une lourde porte en fer, munie d’un œilleton : manœuvrer la clé (par un des bénévoles de la bibliothèque), ouvrir et voir. L’espace enfin reconnaissable : étagères, livres, étiquettes pour nommer les rubriques (histoire, bandes dessinées, romans), un ordinateur pour les prêts informatisés, des tables, des chaises, un endroit presque accueillant, du moins tranquille.
Enfin, un arrive, un de ceux, un des quatre-vingts qui logent ici (les nommer comment ?). Silencieux (qui contraste avec les paroles des gardiens) et sans uniforme (qui contraste aussi), un de ceux donc, par qui le lieu existe. Un autre homme arrive à sa suite (en uniforme). Il prend la liste des présents (que j’ai pris soin d’imprimer), désigne deux noms et note « refus » : Ils ne se sont pas réveillés, dit-il, et préfèrent ne pas (« I would prefer not to », disait Bartleby d’Hermann Melville). Ils seront trois participants donc.
La suite dans une
page spéciale, elle même recensée dans la page globale des ateliers.
(12/04/2024)

 

Le world tour Instants handball reprend du service dès la fin de cette semaine. Ce projet qui nous tient en haleine depuis dix ans, l’ami Alain Delatour et moi, connaît un nouveau rebondissement, au sens littéral d’un ricochet d’une balle de hand. J’ai déjà évoqué il y a 2 mois cette nouvelle exposition dans cette même rubrique le 9 février dernier : ça y est, depuis 2 jours et jusqu’au 26 avril, une trentaine tableaux et textes peuvent être admirés au musée de la métallurgie de Bogny-sur-Meuse.
Vous pouvez en savoir plus dans l’émission Une équipe formidable sur France Bleu.
Alain, comme d’habitude, a peaufiné les derniers détails et a renouvelé certains tableaux, notamment une série inédite de la « roucoulette », geste élégant et technique, qui est au handball ce que la Joconde est à la peinture. A noter qu’une de ces toiles sera offerte au club de hand de Bogny-sur-meuse en premier lot d’une tombola.
Le vernissage de l’exposition aura lieu demain : avec l’ami Alain, nous vous y attendons.
(04/04/2024)

 

J’ai commencé cette année, courant janvier, un texte que j’ai aussitôt baptisé du nom de code TT. Le projet s’est imposée d’un coup, alors que je venais d’envoyer celui (au nom de code J) que j’avais promis à mon éditeur habituel. L’idée m’a taraudé que ce roman J était peut-être plus faible que les précédents, ou plutôt trop éloigné de ce que je fais d’habitude, peut-être pas assez convaincant. Bref, j’ai eu des doutes, et plutôt qu’essuyer un refus (ce qui ne me gène en rien), j’ai préparé le terrain pour un autre livre, dans ce que j’ai l’habitude de publier. Mais à cette date, TT est à peine ébauché. Le thème me plait et j’imagine assez bien la structure que pourrait avoir ce roman, plus dans mes cordes. Toutefois cela fait vingt jours que je ne l’ai pas repris. Il est vrai que l’absence de réponse concernant J m’empêche de continuer TT (d’autant plus que j’avais déjà imaginé une suite à J). Je sais aussi que ma maison n’est pas en mesure de statuer sur toute publication à venir (voir article précédent).
En même temps, je n’ai pas envie non plus de me sauver, de claquer la porte avec de grands effets de manche. Ce serait laisser le champ libre aux auteurs d’extrême-droite, qui annoncent leurs venues, sans même chercher à contrer leurs idées. Je n’ai pas publié mon pamphlet anti-FN pour rien, il figure au catalogue depuis 2014, je tiens à veiller sur lui de l’intérieur.
Et, surtout, ce serait faire peu de cas de tous les salariés que je côtoie depuis si longtemps chez Fayard. J’ai eu ce matin encore un appel de quelqu’un que j’estime beaucoup, très réactive, et qui me disait son désappointement d’être ainsi « prise en otage » (c’est son expression) avec ses collègues. Cette histoire à tout de même eu le mérite de ressouder les employés, déjà malmenés par la précédente restructuration de 2022. Bref, grand soutien à chacun de ceux qui œuvrent dans ces incertitudes tout en gardant leurs convictions et leurs capacités professionnelles intactes.
C’est drôle, j’ai écrit ce texte TT, avant que cette navrante histoire n’arrive, sans savoir que ce nom de code était peut-être prémonitoire de ce qui pourra arriver : TT, écrire en tout-terrain.
(22/03/2024)

 

Avis de tempête chez mon éditeur…
Ce n’est pas nouveau. En mars 2022, tandis que mon roman Dernier travail était sous presse, Sophie de Closets avait été remerciée pour ne pas avoir fait suffisamment de courbettes à Sarkozy, lequel était fâché qu’elle ait autorisé la publication d’une enquête journalistique en sa défaveur. Administrateur du groupe Lagardère (copinage, copinage…), l’ancien président avait réussi à avoir sa tête. Sophie de Closets avait été remplacée en juin par Isabelle Saporta, non sans polémiques.
En plein dans la sortie Dernier travail, prévu pour la rentrée littéraire d’automne 2022, j’avais autre chose à faire que de réfléchir aux conséquences de ces changements récents. Beaucoup d’auteurs, en effet, avaient suivi Sophie de Closets, passée chez Flammarion en juillet de la même année, avec quelques collaborateurs que j’estimais, particulièrement compétents. En septembre, j’aperçus en coup de vent la nouvelle PDG au salon du livre de Nancy (la seule manifestation à laquelle j’ai été convié). Puis ma propre éditrice a quitté à son tour la maison en octobre et j’ai continué de travailler avec son adjoint, comme je le fais avec grand plaisir depuis 20 ans, lequel est passé, du coup, directeur en charge de la littérature française.
Au printemps 2023, j’ai à nouveau travaillé avec ma maison d’édition, notamment pour la sortie de L’homme debout, l’adaptation cinématographique d’Ils désertent, sorti en 2012 chez Fayard. J’avais commencé depuis quelques mois un nouveau roman et j’ai averti à cette époque mon éditeur de ce nouvel opus en cours.
A la rentrée littéraire d’automne 2023, Isabelle Saporta édita le livre de Sarko, Le temps des combats et cette nouvelle ne m’a pas ravi. Il faut me comprendre : j’avais l’habitude de frimer en disant que Obama et moi avions le même éditeur, et ça ne fait pas le même effet de dire la même chose avec le petit Nicolas. D’autant plus que je ne pouvais ouvrir le site de mon éditeur sans être abreuvé du fameux livre Le temps des combats ou de voir la tronche d’Elon Musk et sa « biographie autorisée », publié aussi là-bas. Fayard, éditeur d’essais éclectiques, avait diminué en revanche la part dévolue aux fictions, même si, pour donner le change, les rééditions de grands auteurs ont complété les nouveautés. De plus, les couvertures de la collection arborent maintenant une tristounette couleur d’uniforme vert bouteille : plus de photos, de graphisme, on réduit les dépenses et la visibilité des romans.
Lorsque j’ai terminé à la fin de l’été mon nouveau récit au nom de code J, j’ai pris le temps de le parfaire (note d’écriture du 23/11/2023) et j’ai fait ensuite le tour des officines des lettres jusqu’à fin 2023. Ces initiatives sont demeurées sans succès, et ma propre maison d’édition, qui attendait ce nouvel opus, ne me donne pas de réponse, car elle est aujourd’hui dans l’embarras le plus noir.
En effet, fin novembre, Bolloré a officiellement pris le contrôle d’Hachette et de ses 46 maisons d’édition, dont Fayard. On aurait pu penser que les lignes éditoriales continueraient, jusque-là, relativement libres (hormis l’affaire Sarko-De Closets). Or, Bolloré, qui ne cache pas ses sympathies pour l’extrême-droite s’est mis en tête de propulser Lise Boëll, éditrice de Zemmour, à la tête de Mazarine, une filiale de Fayard, dans la perspective de publier, sous la prestigieuse étiquette, Jordan Bardella. Or, Isabelle Saporta refuse de céder un accord de licence permettant l’utilisation de la marque de la maison. La PDG vient d’être licenciée il y a quelques jours, plongeant ainsi « ma » maison dans l’incertitude de son avenir. Il est à craindre qu’avec la parution des livres des bistrotiers du FN, le Fayard Nouveau soit arrivé.
(15/03/2024)

 

Tout commence aux premières minutes de l’escapade parisienne (en Étonnement et Webcam) : le trajet habituel, la voiture garée au sous-sol, rejoindre l’ascenseur, ouvrir la porte de l’appartement, remettre l’eau, vérifier au robinet de l’évier, regarder machinalement par la fenêtre. Démarches banales, accomplies sans y penser. A bien y réfléchir cependant, l’odeur de renfermé, les publicités qui encombrent la boîte aux lettres, le bâtiment en construction maintenant terminé : pas venu ici depuis quelques semaines.
On pense à cela dans la cuisine, le temps qui file si vite, avec l’eau qui coule à nouveau sur l’évier, avec l’éponge sèche qui se ramollit lorsqu’on essuie l’inox.
Combien de temps déjà depuis la dernière visite ? Avant Noël ? Après ? Difficile à dire, parfois on passe en coup de vent, parfois on renonce, d’autres plans bousculent le quotidien, des déplacements ailleurs s’immiscent.
Ici pourtant c’est toujours un plaisir d’y venir, comme si on attendait l’imprévisible, quelque chose qui laisse penser que la vie et ses aléas se déroulent ici. C’est très souvent en rapport avec l’écriture (c’est pourquoi cet article est dans cette rubrique), à l’occasion d’un rendez-vous chez l’éditeur ou autre, comme lorsque nous avons enregistré, en plein milieu des puces de Saint-Ouen, notre interview croisée avec Florence Vignon, la réalisatrice de L’homme debout, pour le bonus du DVD sorti en janvier (c’était le 29 septembre dernier, se peut-il que je ne sois pas revenu depuis ?).
Parfois, je viens ici juste pour écrire « dans le bateau » : c’est l’idée qui me traverse lorsque je suis au-dessus de la rue passante, dans mon quatrième étage, le bureau (et l’ordinateur donc) me placent face au bow-window (ce mot est une échappée à lui tout seul), comme un capitaine dans sa cabine devant les flots et l’horizon. Dans une telle ambiance, les mots viennent aisément. Pas de sortie : je reste reclus ici comme un marin en pleine mer.
Mais revenons à la cuisine : premières minutes, l’eau remise, essuyer l’inox de l’évier et regarder machinalement par la fenêtre de la cuisine. Je n’ai jamais garni de rideaux l’unique fenêtre de cette pièce et l’ampoule nue au plafond ajoute au côté « bateau en errance ».
La fenêtre de la cuisine donne sur l’autre versant du carrefour. Sur la colline d’en face, on pourrait presque deviner dans le fouillis des constructions, à un ou deux kilomètres à vol d’oiseau, la maison qui fut celle de Paul Léautaud pendant 45 ans. Mais c’est l’immeuble qui jouxte le mien par la droite qui attire mon regard : il y a un homme sur le balcon. Un homme absorbé par sa lecture. Il tient le livre au-dessus du vide, il a une position étrange pour un lecteur, entièrement dévolue à sa lecture. Généralement, on s’installe sur une chaise, on laisse errer son regard alternativement sur le spectacle de la rue et le livre ; on rentre à l’intérieur quand il fait froid. Pas lui, il est debout, en manteau.
J’ai saisi le portable qui quitte rarement ma poche (voir en Étonnement le 16/02/2024) et j’ai photographié ce lecteur au balcon. Ici, dans ce lieu où j’attends l’imprévisible - la vie et aléas-, je me sentais l’âme d’un reporter, d’un Robert Doisneau ou Vivian Maier (dont j’ai appris l’existence par Philippe Delerm dans New York sans New York – en Notes de lecture cette semaine).
Je sais : j’ai dilué cette « petite seconde d’éternité », chère à Doisneau, qui ne vaut que par son instantané, au-delà de mes considérations oiseuses, mais une photo s’apprécie aussi par les circonstances qui la cernent et qui la prolongent. Ce qui la cerne : le retour dans ce lieu d’écriture, avec un lecteur surgit de nulle part comme un symbole. Ce qui la prolonge : les jours suivants, l’homme n’a pas réapparu sur son balcon. La nuit, par sa fenêtre sans volet, on voit une lampe d’ambiance qui éclaire une sorte de parchemin encadré, qui semble attendre un regard, posé sur un meuble.
Mais déjà l’intérieur de mon appartement m’appelle : l’écriture ; et puis l’extérieur bientôt : la vie et aller à…

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(01/03/2024)

 

Parmi les lettres qui ont été offertes ce week-end par Pascal Urano au musée de Charleville-Mézières, l’une d’elle est particulièrement poignante. Arthur Rimbaud l’adresse le 23 juin 1891 à Isabelle, sa sœur. Le poète, souffrant de la jambe droite, est alors arrivé à Marseille le 20 mai après un retour effroyable de l’Afrique et une traversée de la Méditerranée éprouvante. Il a été immédiatement hospitalisé. La tumeur qui gangrène sa jambe aboutit à une amputation immédiate : « Je ne fais que pleurer jour et nuit, je suis un homme mort, je suis estropié pour toute ma vie », écrit-il dans cette lettre, un mois après l’opération. Mais sa volonté de vivre est présente et déjà il anticipe son retour à Charleville : « Je ne serai capable de me mouvoir que dans six semaines, le temps de m’exercer à béquiller ! Je ne serai donc chez vous que fin juillet. ». On connaît la suite : il reviendra effectivement dans les Ardennes fin juillet pour repartir définitivement à Marseille quatre semaines plus tard, accompagné d’Isabelle, devenue indispensable.
Lorsqu’il était parti onze ans auparavant, en 1880, Isabelle avait à peine vingt ans et lui six ans de plus. Occupé à ses aventures africaines, Arthur écrivait régulièrement à sa famille, les premières années en utilisant un « Chers amis » générique qui englobait sa mère, sa sœur et son frère Frédéric. Mais, vers 1884, Frédéric envisage de se marier avec une femme démunie de biens, ce qui déplait fortement à sa mère. Une brouille définitive sépare les deux femmes de Frédéric. Dès lors, la correspondance à sa famille sera plus souvent resserrée autour de « chère maman, chère sœur ».
La lettre d’Arthur récemment acquise est la deuxième adressée spécifiquement à Isabelle (la première a été écrite le 17 juin 1891, soit six jours avant). Désormais, sa dernière correspondance familiale sera exclusivement adressée à sa petite sœur, maintenant âgée de 31 ans. Il est probable que Rimbaud n’ait pas apprécié le départ rapide de sa mère venue à son chevet pour l’amputation, et repartie une semaine après. Une autre préoccupation vient toutefois s’ajouter : on réclame Arthur pour le service militaire ! Isabelle montrera son efficacité à résoudre ce problème. La correspondance cessera entre Arthur et Isabelle le 20 juillet au bout de 13 échanges de missives en un mois : Rimbaud décide de rejoindre sa mère et sa sœur dans leur ferme de Roche. Lorsqu’il repart de nouveau à l’hôpital de Marseille un mois plus tard, en proie à son mal qui empire, Isabelle sera l’ombre de ses derniers instants et l’unique témoin des 80 jours qui lui restent à vivre.
(23/02/2024)

 

L’année passée, j’ai évoqué, dans une note d’écriture du 10/11/2023, la 27ème édition du Festival de l’écrit, organisé par Initiales depuis le début et que j’avais eu l’honneur de présider en octobre : 5 rencontres avaient eu lieu dans ma région du Grand Est, à Troyes, Chaumont, Charleville, Reims et Bar-le-Duc. Elles avaient réunis plus de cinq cents participants. Le traditionnel recueil s’était encore épaissi : 212 pages. J’avais écrit pour l’occasion une préface : le « mot du jury ».
Je vous la livre maintenant, en appui d’un
magnifique film réalisé à l’occasion de cette manifestation et qui vient juste de sortir.
En route pour la 28ème édition pour laquelle je me réjouis de participer encore !
« Écrire et crier. Et le crier sur les toits, le rassembler dans un recueil, le partager dans un festival, dont voici la 27ème édition, l’âge de la jeunesse et de la maturité à la fois. « Tous les mots sont adultes » pour citer François Bon qui a donné ce titre à l’un des plus importants manuels d’ateliers d’écriture. Car on n’imagine pas l’énergie qu’il faut pour trouver tous les mots, les soupeser, en goûter la saveur, puis les assembler, les lire, les relire, les raturer, en corriger le sens, les relire encore, à voix basse, à voix haute…
Pour mieux se rendre compte de cette puissance, il faut multiplier par 300 la vigueur des textes proposés pour cette édition 2023. Et le jury prend la pleine mesure de la tâche ardue qui lui incombe. Chaque phrase est unique et porte la beauté du monde. Des mots adultes donc, sortis du cœur, mais qui fouillent dans nos enfances, au fond de nos mémoires.
Peut-être qu’écrire, c’est cela : chercher non pas l’actualité immédiate, mais la profondeur entrevue au-delà. Dans notre univers de réseaux sociaux, qui sont hélas trop souvent que des injonctions individuelles et stériles, il existe ce pas de côté qu’on nomme l’écriture, avant tout un échange, un sens collectif, partagé entre tous, le temps de l’aventure d’un festival de l’écrit.
Car au-delà de chaque phrase, je connais le poids des silences, les regards dans le vague ou qui errent sur la feuille avant de commencer à écrire. Ce moment que je nomme « l’instant magique » m’émeut presque aux larmes à chaque séance d’atelier, car il signifie qu’on s’apprête à se rejoindre, à toucher l’autre, à lui proposer la part la plus intime que l’on porte en soi : chaque mot est une enfance.
Alors merci, merci, merci, trois cent fois merci aux auteurs et autrices des textes publiés ou non, et des dizaines de merci pour chaque animateur, chaque bénévole, chaque organisateur, chaque membre du jury qui a œuvré afin que ce Festival de l’écrit, soit, une 27ème fois de plus, une parfaite réussite
. »
(16/02/2024)

 

Instants handball : un titre en 2 fois huit lettres, symétrique comme 2 équipes face à face, et surtout un beau projet que nous avons initié avec l’ami Alain Delatour il y a déjà 10 ans.
Après avoir planché ensemble pendant des mois pour relier l’écriture et la peinture sur le thème commun de ce magnifique sport, nous étions prêts pour une première exposition à Voiron en novembre 2015 dans le cadre du festival Livres à vous. En 2016, nous avons élargi notre réflexion autour d’un atelier d’écriture, mené avec des classes d’école primaire à Dunkerque, en partenariat avec le club professionnel de handball de cette ville. Un livre Instants handball a concrétisé cette aventure en octobre de la même année, le seul ouvrage labélisé dans la perspective du championnat du monde organisé en 2017 en France, où notre équipe nationale a remporté son 6ème titre ! Notre « Instants handball World Tour » a ainsi continué avec d’autres expositions à Paris, à Créteil où les tableaux ont été accrochés dans la Maison du handball flambant neuve et inaugurée par le Président de la République (Webcam du 14 janvier 2019).
Aujourd’hui, cinq ans après, Instants handball est de retour, comme pour saluer les très belles prestations de nos équipes nationales féminine et masculine aux championnats du Monde et d’’Europe. Une nouvelle exposition aura donc lieu du 2 au 26 avril 2024 au musée de la métallurgie de Bogny-sur-Meuse, avec de nouvelles œuvres inédites.
(09/02/2024)

 

L’homme debout est maintenant disponible en DVD chez L’Harmattan.
L’initiative revient, cette fois encore, à Florence Vignon. Car rien n’avait été prévu par le producteur et il eût été dommage que la sortie brève de ce film ne soit pas relayée sur un support numérique. Le DVD demeure un standard pour le cinéma et si beaucoup ont tendance à renoncer aux lecteurs Blu-ray de salon, c’est tant pis pour eux, la dématérialisation croissante et les vidéos obtenues sur Internet, via Netflix ou autres, ne constituent pas la panacée universelle. Dans les bibliothèques, les DVD correspondent un peu au format papier des livres, on peut les emprunter (récemment pour moi Contes du hasard et autres fantaisies de Ryusuke Hamaguchi et Bird people de Pascale Ferran). En plus, on trouve souvent des bonus : pour L’homme debout, trois conversations avec Florence Vignon, une avec moi-même, mais surtout avec Côme Aguiar, auteur de la très belle musique originale du film, ainsi qu’avec Aurélien Marra, directeur de la photographie, magnifiquement inspiré. Bref, vous avez toutes les clés pour vous plonger dans l’univers et le making-off du film.
C’est dingue non ? On se croit parfois revenu au temps de Gutenberg pour les vrais livres de papier et à l’époque des frères Lumière pour le format des pellicules de 35mm…
Or, si la technique immatérielle dénude de plus en plus nos intérieurs, ce n’est pas sans rappeler l’enjeu justement de L’homme debout où le héros, magistralement interprété par Jacques Gamblin, se bat pour défendre les papiers peints bariolés qui autrefois décoraient nos appartements.
Ainsi, le DVD représente la même arrière-garde d’un monde qui persiste au-delà des avancées qu’on espère, Intelligence Artificielle en premier.
Bref, résistez, achetez le DVD et refaites vos murs avec un papier à grosses fleurs.
(02/02/2024)

 

"J’écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n’était pas la mienne. Il ne s’agit que d’une simple pellicule de faits et gestes. Je n’ai rien à confesser ni à élucider et je n’éprouve aucun goût pour l’introspection et les examens de conscience. Au contraire, plus les choses demeuraient obscures et mystérieuses, plus je leur portais de l’intérêt. Et même, j’essayais de trouver du mystère à ce qui n’en avait aucun.
Les événements que j’évoquerai jusqu’à ma vingt et unième année, je les ai vécus en transparence — ce procédé qui consiste à faire défiler en arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de studio. Je voudrais traduire cette impression que beaucoup d’autres ont ressentie avant moi : tout défilait en transparence et je ne pouvais pas encore vivre ma vie.
[...]
Je loue une chambre, sur la petite place de La Garde-Freinet. C’est là, à la terrasse du café-restaurant, à l’ombre, que j’ai commencé mon premier roman, un après-midi. En face, la poste n’était ouverte que deux heures par jour dans ce village de soleil et de sommeil. Un soir de cet été-là, j’ai eu vingt et un ans et le lendemain, je devais reprendre le train.
[…]
A Paris, je me cache. Août. Le soir, je vais au cinéma Fontainebleau, avenue d’Italie, au restaurant de la Cascade, avenue Reille… J’ai donné à mon père un numéro, Gobelins 71-91. Il me téléphone à 9 heures du matin, et je fais sonner le réveil car je dors jusqu’à 2 heures de l’après-midi. Je continue d’écrire mon roman. Je vois mon père une dernière fois dans le café-glacier, au coin de la rue de Babylone et du boulevard Raspail. Puis il y a cet échange de lettres entre nous.
[…]
Je ne l’ai plus jamais revu. L’automne à Paris. Je continue d’écrire mon roman, le soir, dans une chambre des grands blocs d’immeubles du boulevard Kellermann et dans les deux cafés, au bout de la rue de l’Amiral-Mouchez.
[…]
Une nuit, je me demande bien pourquoi, je me retrouve, avec d’autres personnes, de l’autre côté de la Seine, chez Georges et Kiki Daragane pour laquelle, à quatorze ans et demi, je m’étais enfui du collège…
[…]
Je propose timidement à Georges Daragane et Kiki de leur faire lire mon manuscrit, comme si je me trouvais chez eux dans le salon de Mme et de M. de Caillavet.
Peut-être tous ces gens, croisés au cours des années soixante, et que je n’ai plus jamais eu l’occasion de revoir, continuent-ils à vivre dans une sorte de monde parallèle, à l’abri du temps, avec leurs visages d’autrefois. J’y pensais tout à l’heure, le long de la rue déserte, sous le soleil. Tu es à Paris, chez le juge d’instruction, comme le disait Apollinaire dans son poème. Et le juge me présente des photos, des documents, des pièces à conviction. Et pourtant, ce n’était pas tout à fait cela, ma vie."
Un pedigree, Patrick Modiano, 2005
(26/01/2024)

 

J’ai rencontré une seule fois Marcel Moreau, c’était le 25 novembre 2002 à la brasserie Wepler à Paris où il recevait le prix du même nom pour son livre Corpus scripti et moi la mention pour Composants. Je ne sais pas si nous avons eu le temps d’échanger quelques mots. Il y avait foule, nous étions sollicités de toutes parts. Je me souviens avoir été, comme lui, photographié dans l’escalier des toilettes pour Paris-Match parce que la lumière était meilleure, ce qui m’a valu un bon mot oiseux que n’a pas apprécié mon éditeur de l’époque : « J’étais loin de me douter que j’entrerai un jour dans la revue Paris-Match par la porte des WC… ».
En 2002, les articles soulignaient encore que j’étais « un jeune auteur ». J’avais 44 ans et juste publié 3 livres. Marcel Moreau était à l’aube de ses 70 ans. Écrivain belge, il avait écrit 40 livres en 40 ans et il n’avait jamais été récompensé en France. Cela je l’ignorais, je ne l’avais pas lu. A cette époque, le monde littéraire était bien trop grand pour moi et j’avais juste envie de tracer ma route. Aujourd’hui ma route possède l'allure d’une nationale déclassée en départementale, mais je l’ai bien voulu, je flâne encore, j’aime regarder les fleurs sur les bas-côtés.
Pour en revenir à Marcel Moreau, il est mort 2 mois avant mon père, le 4 avril 2020 du Coronavirus à l’âge de 87 ans. Aujourd’hui, à l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai toujours pas lu une seule ligne de lui, mais j’ai le temps, les écrivains ont l’avantage de continuer à nous parler d’outre-tombe.
En revanche, j’ai lu quelques notes concernant son écriture, comme celle-ci, pragmatique et précise : « Je ne connais pas le vertige de la page blanche... Je ne suis pas non plus dans la grâce continuelle d'écrire, je travaille sur des profondeurs, sur des ténèbres, ce n'est donc pas facile de porter tout ça à la lisibilité et à la justesse, c'est un combat. Et mes manuscrits en sont un témoignage. Le problème d'une telle écriture est que la pensée va plus vite que la main, il y a des mots qui manquent à l'intérieur des phrases, des lettres qui manquent à l'intérieur des mots. L'organisation se fait à la machine, sur ma vieille Olivetti où tout est à reconstituer. Le caractère même de la machine m'oblige à freiner ce rythme, cette instance, cette espèce de folie, à avoir du recul, c'est là que j'entends si le style n'est pas bon. C'est là aussi que les phrases amputées se reconstituent. »
La totalité de cet article se trouve sur l’hommage que la Fondation La Poste, partenaire du Wepler, a rendu à Marcel Moreau.
(19/01/2023)

 

Généralement, en début d’année, je fais toujours un bilan de mes courses à pied en rubrique Étonnements. Cette année, pour cause de triste actualité, Françoise et Bernard ont monopolisé la rubrique. Je me reporte ainsi en rubrique Notes d’écriture, sachant qu’il faut que j’inaugure cette celle-ci en début d’an, sachant que l’actualité dans le domaine d’écriture est au point mort en ces fêtes de fin d’année, sachant aussi que, finalement, la course à pied est intimement liée à l’activité littéraire et ce n’est pas Murakami qui me désavouerait avec son Autoportrait de l’auteur en coureur de fond.
Cette année 2023, comme depuis le 9 mai 2009, j’ai continué d’alimenter le fichier Excel sur lequel je recense toutes mes compétitions et entrainements, randonnées à pied, en vélo, sur route, chemins, sentiers forestiers et même tapis de course (depuis décembre 2019). Mon fichier compte un peu moins de deux mille lignes et probablement très peu d’oublis.
Au final, depuis que je recense mes maigres exploits sportifs, j’aurai parcouru en petites foulées bondissantes 12169 km depuis la veille de mes 51 ans jusqu’à mes 65 ans bien sonnés, soit la distance Paris-Pékin par la route avec quelques petits détours.
J’aurai usé une dizaines de paires de chaussures, mais depuis le 28 décembre 2013, soit depuis 10 ans, c’est essentiellement des Fivefingers que j’aurai utilisées, exactement 8 paires, 5 de type Bikila pour la course sur route, 2 pour les trails (modèle Spirydon) et 1 polyvalente avec laquelle je vais même dans l’eau. Je supporte aisément ces « chaussettes à doigts » avec semelles Vibram, d’un poids moitié moins élevé qu’une basket poids plume, 130 gr par chaussure, qui dit mieux ? J’ai ainsi accompli 6000 km avec ce genre de soulier, totalement dépourvu d’amorti, en prise directe avec le sol. Mais c’est véritablement la chaussure qui me convient : je n’ai jamais eu de blessure musculaire ou tendineuse et je ne sais pas ce que c’est que d’avoir des courbatures après une course. En 2018, j’ai même accompli un marathon avec des Fivefingers, modèle V-Run, et j’ai aidé mon gendre, 30 ans plus jeune et qui avait couru les 42 km avec moi, à remonter dans le train car il était perclus de crampes.
Après cinq ans de bons et loyaux services, je viens de les changer en reprenant exactement le même modèle : je commençais à voir à travers la semelle, elles totalisaient 2000 km !
Toute cela pour dire que se procurer une paire de running neuves à 65 ans, c’est un peu comme investir dans une nouvelle voiture à 90 ans : même pas peur !
Il faut dire que j’ai repris cette année un entrainement plus régulier. J’ai même renoué avec la compétition phare de ma ville en mai (Étonnements du 03/06/2023). J’ai ainsi accompli cette année 580 km en courant, dont 52 sur tapis de course. Car cette machine est devenue un complément indispensable. Plus d’excuses (il pleut, il fait froid - comme ce matin moins 5°), le tapis de course accueille mes petites foulées bien à l’abri, juste à côté de mon bureau d’ailleurs.
En réalité, j’ai vraiment recommencé à courir à la fin du mois de mars, avec la bonne résolution d’y aller coûte que coûte 3 jours déterminés par semaine. Bon, j’admets que ces promesses sont parfois remises en cause suite aux bousculades de l’agenda. Par exemple, je n’ai pas pu trouver un moment pour courir depuis le 29 décembre, mais j’ai terminé l’année en beauté avec 10 km sans fatigue. Et au total, j’aurai accompli une moyenne de 16 km par semaine depuis avril, cadence qui est quasi-comparable avec l’année 2019. J’ai ainsi retrouvé un rythme d’avant-Covid, avec toutefois 4 ans de plus, et donc, des performances à la baisse… mais c’est trois fois et demi de plus que l’année précédente. Si j’avais continué de ralentir les distances, il est certain que je me serai lassé.
Cependant j’ai des chaussures neuves : alors haut les cœurs pour 2024 !
(13/01/2024)