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Notes d'écriture 2020
Les lecteurs de F de R le savent bien : j'ai couiné
pendant des lustres pour qu'un enregistrement du film Paris au mois d'août soit
disponible. Les premières fois, au début des années 2000, j'ai espéré une cassette
VHS, puis, la technologie aidant, un DVD. La dernière fois que j'ai ramené ma fraise,
c'était après la mort de Charles Aznavour (voir note
d'étonnements du 05/10/2018). Un an après, enfin, un coffret DVD -
Blu-ray a réparé l'injustice. Tous mes remerciements vont d'ailleurs au
notuliste-notulien Philippe
Didion, qui m'a notulé cette édition en février de cette année. Dès réception,
j'ai aussitôt dégusté l'objet, avant le premier confinement (et combien les images d'un
Paris filmé il y a plus de cinquante ans ans auront été revigorantes pour aider à
tenir...).
Je viens de revoir une nouvelle fois le film, la tempête faisait rage dehors, la pluie
cinglait les vitres, nos masques égouttaient leurs miasmes dans l'entrée, mais Pat
Seagrave avec son charmant sourire séduisait Henri Plantin une fois de plus dans l'été
parisien des années 60.
Le film est un véritable enchantement et l'attente si longue de pouvoir un jour regarder
l'adaptation de mon roman fétiche a été comblée.
Il y a bien sûr au premier plan un Aznavour tout en retenue et timidité pour jouer le
personnage d'Henri et Suzanne Hampshire, vive et souriante avec un charmant accent anglais
pour lui donner la réplique dans le rôle de Pat. Mais il y a aussi tous les seconds
plans, seconds personnages, magnifiés par des images en noir et blanc d'une qualité
exceptionnelle. Rues désertes ou encombrées de véhicules pour lesquelles on ne cesse de
s'exclamer « Une DS ! Une Simca ! Un Tube Citroën ! Une Estafette
Renault ! » entre deux bus, à l'époque peints en vert, et des cohortes de 2
CV. Les poubelles en métal stagnent devant les portes cochères (Henri, en amoureux
transi, saute allègrement par-dessus), les réclames Cinzano sont accrochées dans les
bistrots, on parle Tiercé, pêche à la ligne. Les amis d'Henri sont hauts en couleur,
comme Godaille, son voisin qui vit dans un capharnaüm similaire à celui de Léautaud à
Fontenay. On se lave les dents au-dessus de la vaisselle dans l'évier, on s'allonge au
soleil sur les toits en zinc. Comme dans les romans de Fallet, le moindre détail est
poétique et populaire.
L'adaptation cinéma du roman de Fallet par Pierre Granier-Deferre (qui épousera Suzanne
Hampshire un an plus tard) est une vraie réussite. La belle chanson
d'Aznavour revient régulièrement égayer les séquences.
Bien-sûr, on ne retrouve pas tous les détails du livre, par exemple, la concierge, la
mère Pampine, ne meurt pas à la fin, mais est fortement dissuadée par les amis d'Henri
de révéler à sa femme les allées et venues de la belle Pat dans son immeuble. Henri,
par ailleurs, décide d'accompagner sa belle anglaise à Londres, ce qui n'existe pas dans
l'histoire de Fallet, et il faudra rajouter la providence d'un départ inopiné à Orly
pour que l'intrigue retombe sur ses pattes. Mais le propre d'une adaptation est justement
de déployer la créativité cinématographique forcément différente de celle contenue
dans la lecture imaginative d'un roman et j'aurais, j'espère, l'occasion de
rediscuter de ce sujet dans F de R pendant cette année nouvelle.
(28/12/2020)
Je viens de recevoir des nouvelles de Martin Goodman,
universitaire anglais qui enseigne à Leeds. Il vient de passer sa thèse de
« doctor of philosophy » intitulée Contemporary French Storytelling and Workplace Bullying: Narratives of
Suffering. Je l'avais rencontré à Paris en septembre 2018 (Étonnements du 21/09/2018) : souvenir d'un
déjeuner agréable et de discussions autour de la littérature du travail. C'est le
thème bien sûr de sa thèse et je suis heureux qu'il ait pu la mener à bien, même si
la soutenance a eu lieu à distance, Covid oblige. C'est ainsi la quatrième thèse dans
laquelle je figure en tant qu'objet d'étude : 51 occurrences et citations dans
celle-ci, je suis très fier de ce partage.
Du coup, j'ai remis à jour la page « Littérature
du travail » de F de R, que je n'avais pas revue depuis plus de cinq ans.
Il s'est passé bien des choses en effet, à commencer - ou plutôt à terminer par
la soutenance de ma propre thèse La représentation du travail dans les récits
français depuis la fin des Trente Glorieuses il y a déjà trois ans tout juste
(notes d'étonnements et d'écriture du 19/12/2017). J'ai fait le choix
de la proposer
en ligne dans son intégralité : savoir que ça représente plus de 400 pages,
1600 notes de bas de pages, 500 livres étudiés, lus, compulsés, un total de 14 années
d'études.
Mais, deux ans auparavant, Il y avait eu le doctorat à la Sorbonne d'Aurore Labadie Le roman d'entreprise depuis les
années 1980. J'y figurais en objet d'étude donc, en belle compagnie (François
Bon, Nicole Caligaris, Elisabeth Filhol). Aurore a obtenu le prestigieux prix de thèse
cette année là, formidable reconnaissance d'un travail innovant. Un livre a suivi, qui
fait référence : Le roman d'entreprise français au tournant du XXI° siècle
aux presses Sorbonne Nouvelle.
Et puis, pour rester dans le domaine des thèses de la Sorbonne, il y eu la soutenance
trois mois après la mienne, de Sylvaine Lecomte-Dauthuille : Le motif improbable dans
lexploration du réel, chez Jean Rolin, Emmanuel Carrère, Thierry Beinstingel.
Enfin, pour rester en tant qu'objet d'étude, ajoutons qu'une universitaire égyptienne,
Mme Hajar Sayed Abdelnasser, a passé cette année-là son magistère à l'université Ain
Shams, du Caire avec cette publication Le monde de l'entreprise dans l'uvre de Thierry Beinstingel.
On peut consulter les 15 premières pages.
Toujours en 2018, la revue Modern & contemporary a publié l'intervention que
j'avais faite à Londres en 2016 : Écrire sur le travail: être dedans et dehors - uvres
emblématiques et histoires singulières.
Savoir aussi que les actes du colloque de
Cerisy « Lire Zola au XXIe siècle », auquel j'avais été invité par Aurélie
Barjonet et Jean-Sébastien Macke en 2016 sont également parus à la toute fin de cette
même année.
A signaler encore, un article du sociologue Marc Loriol, Une approche littéraire de
la souffrance au travail, Thierry Beinstingel et les suicides à France Télécom, publié
en 2019 dans La Revue des Conditions de Travail.
Depuis, ces recensions sur la littérature du travail se sont calmées, si on excepte ma
participation active, au concours « écrire le travail », notamment avec un
atelier d'écriture à Argenteuil en 2019 et une publication collective en 2018. Mais il faut dire que je me suis
consacré à l'écriture de deux autres romans, immédiatement après ma thèse. Je sais
qu'on aimerait bien que je réécrive sur le sujet du travail. Mais m'en suis-je vraiment
éloigné ? Il se pourrait qu'un jour je disparaisse sans trace n'est jamais
que trois histoires de travail entrecroisées et Yougoslave comporte bien des pages
sur l'activité sidérurgique de mon grand-père en Bosnie et bien des paragraphes sur le
métier de routier quexerça mon père en France.
(14/12/2020)
On parle de rentrée littéraire mais jamais de sortie
littéraire. Pourtant, dans le grand marché du livre, il faut savoir laisser la place à
d'autres nouveautés. Bientôt, la traditionnelle rentrée de janvier prendra la place de
celle d'automne et le terme de sortie littéraire me semble approprié à ce vaste
mouvement des étals de librairies. D'ici la fin de l'année, les invendus de mon roman Yougoslave, paru le 19 août, seront
renvoyés, un ou deux exemplaires rejoindront, si j'ai de la chance, d'obscurs rayonnages
où je serai classé par ordre alphabétique entre Beigbeder et Bellanger.
Ainsi, la « sortie » d'un livre d'une « rentrée » littéraire ne
dure jamais que que trois ou quatre mois. Si je me réfère à Yougoslave, 80% des ventes
se sont étalées sur les 10 premières semaines, jusqu'à fin octobre donc. Mais cette
année a été particulière avec un confinement dès novembre. De plus l'absence de
nomination a des prix (hormis le prix de la page 111 -sic!) a contribué à la relative
invisibilité du livre. L'Huma, le Figaro et le Monde ont l'ont relaté
en septembre, ainsi que En attendant Nadeau. La moitié des ventes a eu lieu à
cette période, d'où l'intérêt de tels prescripteurs. Mon interview par Mathias Enard
à France Culture a été mise en ondes le 1er novembre au début du confinement.
Saluons aussi la presse locale, le Journal de la Haute-Marne, qui relaie
généreusement mes publications et cette petite notoriété, souvent directe et amicale,
est un grand bonheur qui compte beaucoup pour moi.
Les salons et les manifestations, heureusement maintenus pour la plupart, ont assuré des
moments d'échanges importants comme à Manosque ou Besançon : c'est essentiel pour
se sentir un peu tout de même « écrivain ».
Reste la suite : Yougoslave est déjà appelé à des prolongements, car la vie d'un
livre ne s'arrête pas au moment où il quitte les rayons des librairies heureusement. On
en reparlera.
(07/12/2020)
Le Caravage : j'en ai parlé dans Feuilles de route
à plusieurs reprises, la première fois en 2003, puis en 2013, et enfin, il y a tout
juste deux ans de cela en 2018.
En 2003, c'est la première fois que je vais en Sicile, je visite Syracuse et je vois Lenterrement
de Sainte Lucie, tableau « dont lémotion coupe le souffle, à rester des
heures devant », avais-je écrit le
20/08/2003. Depuis, puisque je suis resté fidèle tous les ans à l'île italienne,
je vais régulièrement rendre visite à ce chef duvre. Pour cela, il faut
rejoindre l'église Santa-Lucia tout au fond de la place du Duomo, (parfois nous y fêtons
mon anniversaire par la même occasion), le tableau se donne sans manière au centre de la
nef.
Dix ans plus tard (note détonnements du
21/08/2013), je découvre, toujours en Sicile, les deux Caravage à Messine (La
résurrection de Lazare et Ladoration des bergers). Ce même jour, il y
avait pas très loin, à Tindari, dans le parc archéologique, une école de danse qui
répétait et nous avions été frappé par l'harmonie des corps en mouvement, la même
qui préside dans les toiles du peintre italien. Je dis « nous », car nous
partageons ma folie Caravage avec un couple d'amis qui nous rejoint régulièrement en
vacances. C'est d'ailleurs avec cet ami que j'irai au Louvre un après-midi, exprès pour
admirer les deux toiles de ce peintre qui s'y trouvent (La diseuse de bonne aventure
et La mort de la vierge).
Enfin, la dernière fois, il y a tout juste deux ans, avec toujours nos amis passionnés,
nous avions prévu de longue date de nous retrouver au musée Jacquemart pour l'exposition
« Caravage à Rome, amis et ennemis » avec dix uvres rassemblées (note
détonnements du 03/12/2018). Nous
ignorions que les premières manifs des gilets jaunes viendraient perturber notre visite
avec « dun côté Judith tranchant la tête dHolopherne, de lautre
la vague rumeur dune manif qui tourne au vinaigre » avais-je écrit.
En complément des quelques photos publiées en
Webcam pour cette même mise à jour de décembre où l'on voit quelques tableaux du
musée Jacquemart sur fond de CRS et de rues dévastées, j'ai retrouvé dans mon portable
un cliché du célèbre tableau Judith et Holopherne. que je n'avais pas retenu à
cause de sa violence. Le détail sanglant que j'avais photographié est l'exact contraire
du détail de ce même tableau choisi par Yannick Haenel (le beau visage de Judith) et qui
marque le point de départ de son ouvrage La solitude Caravage (en Note de
lecture).
Mais les détails que nous repérons, cette fragmentation n'est jamais qu'une vision
subjective de spectateur, la mienne ou celle de Yannick Haenel, de même que
sappesantir sur un chapitre dans un roman ou dans un livre est juste une
focalisation de lecteur, et ne restitue en aucune manière l'intention de l'auteur. S'il
est plus difficile d'appréhender la totalité d'un livre et d'en donner un aperçu le
plus exhaustif possible, il est en revanche plus facile de montrer la totalité d'un chef
duvre pictural, tel que le peintre l'a conçu. Ainsi, j'ai choisi de montrer
en page d'accueil pour illustrer ma mise à jour, la totalité de Lenterrement
de Sainte Lucie. La beauté de ce tableau se joue bien sûr dans ceux qui
s'affairent au sol et racontent une histoire, mais aussi dans la moitié supérieure de la
peinture où le mur nu et sobre s'élève sans aspérité, un peu comme dans les romans,
lorsqu'une longue description, très belle, dénuée de toute intrigue, vient appuyer la
rencontre et le dialogue des personnages. Le tableau, ainsi montré dans l'église de Syracuse, prend tout son sens et
l'intention du peintre apparaît clairement lorsque le haut de la toile sefface dans
l'ombre de l'architecture qui lui est entièrement dévolue. De la même manière, un
livre, dans son ensemble, est toujours tributaire d'un environnement plus vaste, existence
de l'auteur, inscription au sein d'une uvre en cours, circonstance de la
publication, choix du dévoilement...
Ainsi ma folie Caravage se justifie-t-elle pleinement à cause de ces analogies entre
peinture et littérature et ainsi, trouve sa place en rubrique Notes d'écriture.
(30/11/2020)
En 1940, Maurice Genevoix à cinquante ans. La France est
défaite et, comme beaucoup, l'écrivain a rejoint le Sud de la France, moins touché par
l'invasion allemande. C'est dans l'Aveyron qu'il rédigera ces « notes des temps
humiliés », entre mai 1941 et novembre1942. A cette époque, Maurice Genevoix
préfère écrire des romans inspirés par l'escapade canadienne qu'il a effectuée en
1939 pendant trois mois. Mais la défaite de la France, l'impression que le sacrifice de
sa génération, « ceux de 14 », a été vain, la mise en place d'un
gouvernement à la solde des allemands, le détourne de ses fictions bucoliques et il
témoigne de ses humeurs dans un journal irrégulier.
Cependant, comme pour ses récits sur la Grande guerre, on est frappé par l'extrême
lucidité de ses réflexions, par son humanité, mais aussi par son intransigeance envers
ceux qui pactisent avec l'ennemi. L'assassinat de Marx Dormoy le révolte. Les écrivains
français invités par Goebbels le répugnent : de Montherlant dont il a admiré
« cette superbe d'hommes intelligents », « aujourd'hui, elle me
dégoûte », affirme-t-il. A propos de Giono (dont j'ai visité récemment la maison
à Manosque - voir Notes d'écriture et Webcam du 07/10/2020), il dit « Giono a
prêché la non-résistance avec une générosité facile » avant de se
« dégonfler lamentablement ». Maurice Genevoix n'épargne pas non plus les
peintres qu'il appréciait autrefois comme De Vlaminck, devenu collaborateur. Peu de ses
contemporains trouvent grâce à ses yeux et son pessimisme le pousse à voir dans
beaucoup de partisans de la France Libre des gens qui agissent par intérêt personnel.
Les 18 mois de ses réflexions sur l'occupation s'interrompent brusquement fin 1942.
Maurice Genevoix rencontre sa future épouse Suzanne et se détournera définitivement du
malheur.
Ces notes resteront dans une enveloppe et Maurice Genevoix ne les fera jamais publier de
son vivant. Sa fille Sylvie les fera dactylographier et ce sont ses petits enfants qui ont
promu cette publication qui accompagne la biographie consacrée à l'écrivain (voir en
notes de lecture la semaine précédente)
(23/11/2020)
C'est une note d'écriture du 30/05/2012, il y est écrit « En
triant des papiers, jai retrouvé des vieilles photos, prises en mai 1997, un jour
où javais osé aller frapper à la porte des Vernelles. Madame Genevoix
mavait parlé sur le pas de la porte, jai même gardé son numéro de
téléphone, son adresse parisienne. Il ny avait aucune biographie sur
lécrivain, je me proposais den écrire une, je navais ni publié, je ne
connaissais personne dans le monde littéraire ou universitaire, jai vite
abandonné. Ce ne sont pas les quelques photographies retrouvées (les berges de la Loire,
le petit musée de Châteauneuf) qui mont le plus ému, jen gardais encore un
souvenir précis. Mais il y avait avec ce développement argentique (la photographie
numérique venait à peine de démarrer) un photo-index sur lequel figure mes enfants, à
lépoque, neuf ans et six ans et demi et que javais dû photographier,
histoire de terminer la pellicule »
J'ai toujours la pochette avec les photos dans le tiroir de mon bureau. L'ombre les a
conservées et je revois toujours avec la même émotion sur le photo-index les minuscules
visages de mes enfants si jeunes alors. J'ai toujours, écrites de sa main, les
coordonnées de Suzanne Genevoix. En ce printemps 1997, je ne sais plus quelle occasion
m'avait embarqué dans les parages de la Loire, F de R n'existait pas encore et ne
peut me servir de mémoire. Sans doute était-ce un déplacement de travail, peut-être
une formation pas très loin, Nantes à l'époque comptait un institut de formation pour
les télécommunications.
En revanche, quelques images me restent, la difficulté pour trouver les Vernelles dans le
dédale des petits chemins qui aboutissent aux propriétés des bords de Loire. Je crois
me souvenir d'un portail blanc, en bois, la Renault 19 que je possédais était
vraisemblablement garée à proximité. J'avais dû sûrement hésité à sonner. Suzanne
Genevoix était venue, nous avions parlé par-dessus la grille, la maison était
légèrement en contrebas, me semble-t-il. J'avais dû bafouiller, mais être suffisamment
persuasif pour obtenir ses coordonnées, y compris parisiennes. Je me souviens qu'elle
était réticente à toute biographie, son uvre parlait pour lui, m'avait-elle
expliqué, ou alors il faudrait que ce soit quelqu'un de reconnu qui s'y colle. Je
n'étais qu'un admirateur anonyme, je n'avais encore rien publié. Je n'ai jamais chercher
à la contacter de nouveau, je me sentais démuni de toute méthode, par où commencer, et
dire quoi ? Et puis je voulais écrire, comme lui ou comme René Fallet plutôt, je
voulais copier le geste, mais pas recopier le modèle. La Réserve était sans
doute déjà en cours, Central serait commencé bientôt : fin du désir de
biographie de Genevoix.
Reste ce printemps 1997 sur les traces de l'écrivain, les photos attestent que je suis
passé aussi à Châteauneuf, que j'ai su repérer le négoce familial (qui porte encore
l'inscription « eaux de vie - vinaigres ») où il a passé ses premières
années. Je me suis arrêté près du bassin qui lui est dédié vers une promenade qu'il
affectionnait sur les bords du fleuve. J'ai photographié aussi la Loire et ses bancs de
sable en face de sa maison. Peu de choses en fait me reviennent mais je garde l'impression
d'avoir distillé des visions, des impressions pour tout ce qui s'est construit après.
(16/11/2020)
Je suis cité deux fois dans les mémoires d'Olivier Bétourné,
La vie comme un livre (en note de lecture cette semaine).
La première, à la page 251, témoigne de mon arrivée chez Fayard, grâce à François
Bon, qui « se fit passeur de jeunes talents ». Olivier Bétourné indique les
livres que nous avons mis en chantier ensemble, Central en 2000, Composants en
2002, Paysage et portrait en pied de poule en 2004. Il précise aussi,
concernant les « jeunes talents » que fit connaître François (Philippe
Vasset et Sereine Berlottier y figurent aussi) que « la suite leur appartient
désormais, mais ils auront eu clairement leur chance).
Clairement ma chance, oui : Central était né, suite à un échange de mails
avec François Bon. A l'époque, j'encadrais des techniciens du téléphone, et, dans un
message, j'avais raconté l'anecdote d'un dépannage particulièrement ardu suite à un
accident de circulation qui avait endommagé des équipements. François m'avait répondu
laconiquement : T'as plus qu'à en faire 150 pages... Cette phrase a été le début
de tout, et d'abord de mes questions : Ainsi on pouvait faire un livre avec le
travail ? Le quotidien ? Il y aurait assez de matière romanesque ? Je m'y
étais mis et, quelques mois plus tard, j'avais ce texte incertain, dont je ne savais que
faire, roman bancal, sans verbes conjugués. Effectivement, François m'avait conseillé
de l'envoyer à Olivier Bétourné. Clairement ma chance : la réponse enthousiaste
qu'il m'avait faite m'était apparue comme un rêve. J'avais signé un contrat pour trois
livres, Central avait donc été publié et remarqué en tant que premier roman.
Fraîchement édité, j'ai dû penser que les livres suivants seraient faciles. J'avais
ainsi entamé un second manuscrit, mais qu'Olivier Bétourné refusa. Le roman, qui
s'intitulait Trottoirs et potagers, était mal ficelé. Je me souviens de ce qu'il
m'avait dit : Vous prenez des chemins, et on s'aperçoit avec vous que ce sont des
impasses. Il avait raison. Il m'avait laissé la possibilité de le réécrire, mais je
m'étais abstenu, c'était trop mal engagé. Je m'étais tourné vers l'écriture d'une
autre histoire qui deviendrait, Composants, deux ans plus tard. J'ai retrouvé un
mail d'Olivier Bétourné d'avril 2002, alors que j'avais retravaillé le texte en suivant
ses conseils. Il se déclarait « très satisfait du texte final ». Yun Sun
Limet, qui était son assistante, avait pris le relais deux jours plus tard. Ce serait
avec elle que je travaillerais le plus souvent et c'est vraiment avec sa collaboration que
chaque texte serait mis au point, jusqu'à celui que je publierais grâce à elle. Grande
tristesse cependant à évoquer Yun Sun, puisque j'ai appris très récemment sa
disparition (note d'étonnement du
07/10/2020). Il est vraiment dommage qu'Olivier Bétourné ne la cite pas dans ses années
passées chez Fayard, parce que c'est vraiment elle qui travaillait chaque projet jusqu'à
l'édition.
Composants remporta la mention du Wepler. Je pouvais être satisfait, j'avais
« clairement eu ma chance » : deux premiers livres en deux ans et un prix
prometteur. Le suivant et dernier des trois livres de mon contrat initial suivrait deux
ans plus tard, Paysage et portrait en pied de poule. En revanche, celui-ci
passerait inaperçu, je m'en ouvrirais à Olivier et sa prompte réponse était destinée
à me rassurer.
Le dernier livre que je lui ai envoyé était CV roman. J'ai retrouvé le mail de
novembre 2004 que j'avais envoyé à la précieuse Yun Sun et dans lequel je lui demandais
un tout premier avis. Elle a dû m'annoncer son départ de chez Fayard quelques mois plus
tard. Nous resterions en contact pour un beau projet que nous avions échafaudé en
commun, 1937, Paris-Guernica qui serait publié en 2007 chez Maren Sell.
CV roman, pour autant, avait été accepté chez Fayard, mais le texte était
complexe à retravailler. J'ai élaboré une vingtaine de version entre 2004 et 2007.
Entre temps, Olivier Bétourné quitta Fayard pour Albin Michel fin 2006. C'est Élisabeth
Samama qui m'appela un jour du printemps 2007, en me signalant que CV roman était
prévu pour septembre : j'avais oublié, pensé à tort que ce projet n'était plus
d'actualité. L'explication figure dans la deuxième mention qui me concerne dans les
mémoires d'Olivier : il précise que, dans les auteurs dont il avait la charge
directe chez Fayard, certains s'en trouvèrent empêchés de le suivre à cause de leurs
engagements contractuels : je figure dans cette liste.
J'ai revu Olivier Bétourné en 2015 au Seuil, par l'entremise dÉlisabeth, qui
avait quitté à son tour Fayard (note
d'écriture du 11/02/2015). La proposition de transfert était alléchante et Lydie
Salvayre venait de remporter ici même le Goncourt. J'avais deux projets de livres, Journal
de la canicule et La vie prolongée d'Arthur Rimbaud. Mais les délais de
publications que me proposait Olivier Bétourné s'étalaient sur trop longtemps, je n'ai
pas donné suite, peut-être ai-je fait une erreur ?
(11/11/2020)
On
le sentait venir bien sûr. Les taux d'infection du Coronavirus ont décuplé depuis 2
mois et le nombre de décès par jour est égal à celui de fin mars, ce qui laisse
présager des heures sombres, d'autant que nous avons appris à vivre avec le virus, à
porter le masque, mais surtout à considérer toutes ces contraintes comme une habitude
alors qu'il faudrait encore plus intensifier notre protection, notamment avec nos proches
et nos amis habituels. Le retour de ce confinement est moins astreignant, la plupart des
entreprises continuent à uvrer, en télétravail ou pas, avec l'inégalité entre
ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas (ceci dit, l'imbécillité vient parfois d'où
on ne l'attend pas : entendu dans un magasin qui a le droit d'ouvrir : Alors vous
travaillez ? Oui, malheureusement, répondit l'employé...)
Du coup, vagues d'annulations en tous genres, spectacles ou visites auxquels je devais
aller, une réunion associative que j'organise avec Zoom plutôt qu'en présentiel. Un
moindre mal : côté écriture, les salons d'automne étaient terminés, du moins ceux qui
avaient pu viser dans la période où le virus circulait encore modérément ;
Saint-Étienne, prévu mi-octobre, a déclaré forfait. Dans la librairie de ma ville où
mon livre s'est bien vendu (une trentaine d'exemplaires, m'a dit la libraire !), nous
avions prévu ce samedi une rencontre en prenant toutes les précautions nécessaires,
mais bien sûr, c'est annulé. J'attends des nouvelles de Dijon, où je dois participer à
une table ronde à l'Université de Bourgogne à la fin du mois, mais dors et déjà le
repas que nous avions prévu avec l'un de mes directeurs de thèse ne pourra avoir lieu.
Restent quelques rendez-vous en décembre, encore
bien incertains.
En dernier lieu, j'ai quand même pu participer à la rentrée littéraire d'automne pour
Yougoslave. Ultimes feux : quelques articles de dernières minutes dont la parution de mon interview au Courrier
des Balkans et l'émission " Salle des machines ", enregistrée avec
Mathias Enard quinze jours auparavant, est passé sur France Culture, ce dimanche 1er
Novembre. La crise n'aura pas permis hélas à mon livre de se déployer du côté des
librairies et ce sera encore plus le cas maintenant.
Mais il est temps déjà de se tourner vers l'avenir, c'est beaucoup moins stressant que
ce présent plombant. En projet, une pièce de théâtre (si, si, la première...) qui
sera répétée et mise au point dans un an. Et puis je dois élaborer une suite à mon
premier roman, La réserve. A l'annonce du second confinement, j'avais pensé
aussi écrire un retour de Sur Ivan Oroc,
mon roman élaboré pendant la première claustration, mais, à la réflexion, la vie
quasi-normale n'offre plus les caractéristiques romanesques qu'au printemps dernier. A
signaler cependant que la webradio L'aiRNu,
dans laquelle j'avais été heureux d'insérer ma fiction, fourmille encore de projets.
Voyez Nos îles numériques,
vaste chantier qui durera jusqu'en janvier et qui interroge notre rapport au numérique et
la connexion. Et répondez à l'enquête
en cours, comme je l'ai fait pour le premier épisode avec " Les pingouins de Montréal " et comme je vais continuer à le
faire, tant nous n'interrogeons jamais assez l'histoire de nos pratiques d'Internet.
(04/11/2020)
Dernier
salon du livre pour moi en période Covid, voici Le Mans. Normalement j'aurais dû
participer la semaine d'après à la Fête du livre à Saint-Étienne, mais elle est
annulée, ou tout du moins reportée dans des temps incertains. Incertaine aussi a été
ma planification. Je serai bien allé au Mans en train, mais ma participation à un
colloque à Reims la veille, plus deux rendez-vous le lundi, ont rendu mes déplacements
ferroviaires complexes et comme les billets ne sont plus valables que pour un jour
précis, histoire d'ajouter à la souplesse navrante de la SNCF, la solution d'un voyage
en voiture était la plus pratique.
En revanche, Le Mans pour se garer est facile, surtout quand on bénéficie d'une
organisation sans faille de la part de la 25éme heure du livre, cette année réduite à
un samedi du livre. Repas réservé pour midi, inévitables (et excellentes) rillettes du
Mans, j'en profite pour relire rapidement les livres des deux auteurs avec qui je vais
débattre l'après-midi, Diane Meur (Sous le soleil des hommes, éditions Sabine
Wespieser) et Timothée Demeillers (Demain la brume, éditions Asphalte). La
rencontre, animée par Bernard Magnier, réunit peu de monde mais le courant passe bien
entre nous. Les dédicaces se réduisent à une portion congrue, quelques rares échanges
tandis que la salle se remplit à nouveau pour un autre débat avec d'autres écrivains
qui vont nous succéder.
Bien sûr, l'édition 2020 n'a rien à voir avec celles auxquelles j'avais déjà
participé ici en 2010 et 2012. A l'image de Nancy, il y avait un grand chapiteau, du
monde (des mondanités) des rencontres (note
d'écriture du 29/10/2010), mais enfin cette manifestation, même réduite, le mérite
d'exister.
J'ai ainsi du temps pour me promener cette année, Le Mans est une ville propre, où du
moins qui tente de se donner un air coquet à son centre-ville à la page, avec boutiques
de luxe, animations, architecture design, tramway. La gare TGV, en revanche, là
où se trouve mon hôtel et ma chambre au dernier et huitième étage, est plus isolée.
Les brasseries sont à vendre, les restaurants fermés. Quelques modestes Kebab encore
ouverts ne parviennent pas à sauver la situation désolante de ce quartier. Avec si peu
d'activité le couvre feu prend ici quelques jours d'avance. Le lendemain, 10 km de course
à pied le long de la Sarthe avant de repartir, histoire de saluer le dernier salon de la
saison en période Covid.
(15/10/2020)
Deuxième
épisode des salons du livre en période Covid : après Nancy et Besançon, voici Manosque
et Reims (en Webcam également).
J'avais déjà participé aux Correspondances de Manosque il y a dix ans pour la parution
de Retour aux mots sauvages. Je gardais de cette manifestation un excellent
souvenir (note d'écriture du 29/09/2010),
quelque chose de particulier aussi, où les écrivains ne sont pas retranchés derrière
leurs tables, mais parcourent la ville, se rencontrent. Grande joie donc lorsqu' Evelyn
Prawidlo a eu la bonne idée de m'inviter cette année pour évoquer Yougoslave
avec Michel Abescat, qui m'avait déjà interviewé dix ans auparavant. J'ai eu la chance
de bénéficier des dernières journées de soleil avant les pluies durables qui ont
envahi le pays. Je suis arrivé assez tard la veille, du moins suffisamment tard dans un
bel hôtel situé dans les collines, suffisamment loin aussi pour ne pas avoir envie de
retourner dans la ville pour y dîner. Et puis je prévoyais d'aller courir dans la
campagne tôt le matin, ce que je n'avais pas fait la première fois, et que j'ai accompli
dès le réveil : 7 km et 200 m de dénivelé en courant pour aller jusqu'à la maison de
la biodiversité, autant dire que ça monte et ça descend, mais ça garde en forme.
Le restant de la journée a été aussi sportif puisque je m'étais inscrit pour visiter
la maison de Giono en début d'après-midi et que j'ai eu le temps juste avant de grimper
jusqu'à la tour du Mont d'Or qui domine la ville et qui était une des promenades
favorites de l'écrivain. Je me souviens être allé sur les traces de la maison de Giono
il y a dix ans, mais je n'avais pas trouvé la demeure dans ce faubourg haut perché où
les sentiers se perdent dans les jardins.
Grâce à la fille de l'écrivain qui habite encore sur place, la maison a gardé l'aspect
qu'elle avait du temps de Giono. Le jardin domine la ville et la demeure domine le jardin.
Au fur et à mesure des agrandissements ou au gré de ses envies, Jean Giono a jeté son
dévolu sur cinq bureaux pour accomplir son uvre. On y trouve ses pipes, ses plumes
et ses buvards, encore marqués de son encre.
Ainsi, grande respiration et moment de sérénité avant de retourner en ville pour ma
rencontre. Juste avant je suis interviewé par la librairie Mollat qui s'est fait une spécialité de filmer des
entretiens d'auteurs. Et puis commence la rencontre, je suis seul pendant une heure, la
place me paraît bien remplie à mon grand étonnement, peut-être deux cents personnes
devant moi, tous masqués. Heureusement, pas le temps de stresser, je suis amicalement
questionné par Michel, et, à la séance de dédicaces, les livres manqueront, de telle
manière que je signerai des cartes postales, histoire de contenter ceux qui n'ont pu
acquérir le roman.
La suite a été tout aussi joyeuse, j'ai eu le plaisir de rencontrer Katy de chez Fayard
qui accompagnait Nicole Bertold, qui veille sur l'uvre de Boris Vian. Nous avons
assisté ensemble à la lecture par François Morel des extraits de la correspondance de Vian, réunie et choisie, justement, par Nicole.
Le lundi suivant, à Reims, tous les participants étaient également masqués dans le bel
amphi de la médiathèque Falala. Il s'agissait cette fois-ci d'une rencontre
professionnelle concernant tous les acteurs du livre, comme on dit, de la région Grand
Est. Et j'étais là encore pour évoquer Yougoslave, cette fois-ci interrogé
par Christine Ferniot, qui est journaliste à Télérama, comme Michel Abescat. J'ai
retrouvé avec plaisir Francis Zahn, qui m'avait reçu plusieurs fois avec beaucoup de
chaleur dans sa librairie chaumontaise. La dernière fois, c'était juste avant qu'il ne
raccroche, début 2017, lors d'un reportage de France 3 sur La réserve, mon premier bouquin (note d'écriture du 10/01/2017). Et
justement, parce que le hasard et les rencontres font bien les choses, son fils Laurent
vient de reprendre sous l'intitulé Liralest la maison d'édition paternelle Le
Pythagore, mais aussi le fonds Dominique Guéniot, là où La réserve avait
été publié. Nous avons évoqué avec enthousiasme ensemble la question d'une
réédition et d'un prolongement à mon livre... A suivre !
(07/10/2020)
Organiser
un salon du livre en période Covid est un sacré exercice pour les structures culturelles
habituées à ces manifestations annuelles. Certains tentent de garder une configuration
quasi normale (La 25ème heure du livre au Mans, les correspondances de Manosque, la fête
du livre à Saint-Étienne) avant d'annuler et de reporter comme pour la municipalité
stéphanoise ; d'autres essaient d'adapter leur organisation sur plusieurs week-end comme
à Nancy (le livre sur la place) ou à Besançon (le livre dans la boucle). J'ai ainsi
participé à ces deux salons - à Manosque aussi et, la même semaine, à deux rendez
vous littéraire à Reims et à Chaumont (le calendrier se bouscule) : articles à venir
la semaine prochaine pour ces trois dernières rencontres.
En ce qui concerne Nancy et Besançon, d'abord Nancy ouvre le bal avec une rencontre
organisée dimanche 13 septembre pour deux autres auteurs et moi-même, les eux autres
écrivains étant et Laurent Petitmangin ("Ce qu'il faut de nuit", La
Manufacture de livres) et Arnaud Dudek ("On fait parfois des vagues", Anne
Carrière). Le thème était dévolu à " construire son identité sur les ruines du
passé, composer son avenir avec l'héritage familial, trouver sa place dans le monde
", une heure donc pour discuter ensemble sous la houlette professionnelle et efficace
de Sarah Polacci, animatrice à France Bleu. La rencontre à été enregistrée,
c'est bien en ces temps de Covid où on hésite à se déplacer. D'ailleurs, l'ambiance
était un peu tristounette sur la place Ducale en l'absence du grand chapiteau où
lecteurs et auteurs se bousculent d'ordinaire. Une rapide signature a suivi la rencontre,
chacun retranché derrière une vitre, pour signer quelques livres aimablement apportés
par la librairie. Tout cela bien sûr avait un goût de trop peu, mais enfin, la
manifestation avait le mérite d'avoir été maintenue avec un nombre d'écrivains
conséquent.
Le week-end suivant " Le Livre dans la boucle " de Besançon avait un durée
plus appropriée aux échanges, deux jours mis à profit pour s'installer derrière un
stand en attendant la rencontre organisée le samedi avec avec Emmanuel Ruben pour "
Sabre " (Stock) (en Note de lecture cette semaine) et Fiston Mwanza Mujila pour
" La Danse du Vilain "(Métailié). Le thème cette fois-ci était différent de
Nancy, les auteurs (nous) ayant " le génie de raconter des histoires,pleines de
tumulte, qui nous font parcourir le vaste monde... ". Comme quoi, les thèmes et les
associations des rencontres sont variables... Hubert Artus a animé la séance qui,
hélas, s'est terminée sans que l'on puisse dédicacer la suite des ouvrages, le musée
des Beaux-arts où nos livres étaient installés étant fermé...
Le lendemain, donc, retour au musée (après avoir couru tôt le matin le long du Doubs et
fait un détour au musée du temps pour visiter l'expo sur la famille horlogère de Tomi
Ungerer) pour retrouver l'espace où nous trois étions regroupés, trois tables
installées dans un environnement de peinture (un très beau Saint Sébastien derrière
moi qui rappelait le style de Caravage et devant moi une nature morte représentant un
unique et austère légume - voir en Webcam). Très bon dimanche cependant (peut être dû
aux journées du patrimoine) et j'ai pu signer une quinzaine d'ouvrages (ce qui
représente plus que ma quantité habituelle). Les échanges avec les lecteurs étaient
plein de sollicitude de part et d'autre, chacun, derrière son masque, se sentant comme
une sorte de résistant à la morosité de la pandémie. Bref un très bon salon où j'ai
retrouvé Muriel Barbery (" Une rose seule ", Actes Sud), découvert la très
jeune Juliette Adam (" Tout va me manquer ", Fayard) et j'ai enfin eu l'occasion
de rencontrer Emmanuel Ruben que j'admire à plus d'un titre, d'abord pour son excellent
récit " Sur la route du Danube " et puis en tant que directeur de la maison
Julien Gracq à Saint-Florent-le-Vieil (devenu Mauges-sur-Loire).
(30/09/2020)
Il
y a plusieurs semaines, j'avais découpé un entrefilet dans mon journal qui annonçait
que le roman " les Dix petits nègres " d'Agatha Christie étaient devenu "
Ils étaient dix " afin de retirer le mot " nègre " et ne blesser
personne. Cela m'a fait réfléchir, moi qui ai écrit un livre intitulé Faux nègres.
Je comptais ainsi évoquer cette anecdote dans Feuilles de route, mais c'était
sans compter que Sarkozy réagirait avant moi.
Le trublion l'a fait de sa manière habituelle, agitant le bocal, dodelinant de la tête,
se demandant si le mot " singe " était autorisé puisque " nègre "
ne l'était plus. C'est cet amalgame des deux termes qui choque autant, sinon plus que sa
déclaration de " petit blanc " bien pensant.
La question en revanche du remplacement du mot " nègre " dans le livre d'Agatha
Christie pose question. Il paraît que l'auteure elle-même avait émis le souhait d'un
changement de nom pour son roman le plus célèbre. Soit. La connotation du mot "
nègre "n'est plus la même de nos jours et on peut comprendre que des lecteurs
soient perturbés par le titre, le changement de titre ne me gène pas le moins du monde
et je suis même si cela présente un intérêt, une volonté de ne pas choquer.
Seulement, en effaçant le mot, on prend de risque d'en oublier l'origine à long terme et
surtout de passer sous silence son étymologie et la connotation désormais raciste du
terme. Or la littérature, c'est tout sauf du silence.
C'est probablement parce que je tiens en haute estime la littérature et sa capacité de
réflexion que j'ai choisi de nommer mon roman paru en 2014 Faux nègres. C'est
l'histoire d'un journaliste d'occasion, un type que le hasard envoie enquêter dans le
petit village français qui vote le plus FN. D'où le titre Faux nègres, dont
les initiales forment FN, et parce qu'il est question souvent de Rimbaud dans ce texte,
" faux nègres " est aussi emprunté à Une saison en enfer (" Vous
êtes de faux nègres, vous maniaques, féroces, avares. Marchand, tu es nègre ;
magistrat, tu es nègre ; général, tu es nègre ; empereur, vieille démangeaison, tu es
nègre : tu as bu d'une liqueur non taxée, de la fabrique de Satan "). Ainsi,
le mot " nègre " répété à satiété par Rimbaud dans un sens, à l'époque,
issu du colonialisme. Car, oui, désolé de remettre les récents déboulonnages des
statues de ceux qui ont trempé dans le colonialisme, il faudrait aussi retirer le buste
de l'éthiopien Rimbaud dans le jardin de la gare de Charleville, retirer de nos manuels
les pages consacrées à Flaubert qui partit s'esbaudir sans vergogne dans les bordels
égyptiens, évincer Albert Camus et son Algérie, abandonner Marguerite Duras, née en
Indochine.
Pour en revenir à Faux nègres et l'allusion au FN, je trouvais plutôt marrant
de donner le mot " nègre " pour qualifier les tenants d'un parti ouvertement
raciste et surtout, parce qu'un titre n'a jamais un seul sens, le mot " nègre "
en littérature désigne celui qui écrit pour autrui, retour évident à mon personnage
principal, journaliste d'opérette, faux nègre qui aspire à la fin à devenir un vrai
écrivain.
Le mot " nègre " dans mon livre est cité 36 fois, presque toujours pour
l'expliciter, le décliner à travers Rimbaud, Cendrars ou Claude Simon :
" Combinaisons, arrangements, permutations, disait Claude Simon, en appuyant sur
l'importance de la description, représentation, image, métaphore, ce que l'on voit,
entend, sent, écoute, touche, interprète. Ce que l'on mesure à la force des mots,
comment ils résistent, se courbent, s'assemblent. Mots choisis, qui nous conviennent,
mais ne contiennent que notre propre vérité. Mots évités, tabous, déjoués, enfuis,
escamotés, défendus. Les mots, la grande affaire de notre vie. Il existait un roman, un
ersatz de Flaubert écrit par un faux nègre, un substitut de Rimbaud sur des copeaux de
poésie. Il ne reste rien qu'un petit tas de signes, une bouteille à la mer, jetons-la et
qu'elle s'égare dans les courants, coule ou surnage, aucune importance, seul compte le
vaste mouvement des mots qui circulent, se perdent, réapparaissent et glissent. Plus la
peine d'en rajouter, il existait un roman et l'histoire touche à sa fin, passé, présent
se rejoignent au bout de dix-huit mois. Passé : Comme je descendais des fleuves
impassibles. Présent : A la fin tu es las de ce monde ancien. Rimbaud et Apollinaire
comme de faibles fanaux sur des flots incertains. Verbes du monde : ils font, ils
prennent, ils manigancent, ils sont la politique et la politique ne se termine jamais.
" (Faux nègres, p 408-409).
(18/09/2020)
20
ans de Feuilles de route, vous l'avez compris, c'est aussi 20 ans de
publications.
Et même un peu plus, car des deux livres parus en cette année 2000, le roman La
réserve, a été " achevé d'imprimer le 26 avril " par l'éditeur de ma
ville natale Dominique Gueniot. Je me souviens avoir participé quelques jours plus tard
à un Salon du Livre dans cette même cité, avec ma mère qui dressait les piles de mon
ouvrage avec le même soin que lorsqu'elle présentait les gâteaux de la boulangerie dans
laquelle elle travaillait encore quelques années auparavant. Les tractations éditoriales
ont fait que six mois plus tard, Central a été publié chez Fayard, sous la
houlette d'Olivier Betourné. Ces deux premiers livres étaient encore vendus en francs :
120 pour La réserve et 98 pour Central. Le livre suivant Composants édité deux
ans plus tard sera proposé à 17 euros.
En 2000, donc, tout fier de mon site Internet, j'ai inauguré une page par livre paru,
dans laquelle je recensais les critiques parues, les indications qui avaient prévalu pour
l'élaboration de chaque livre étaient absents de mon jeune site tout neuf. A noter que
j'ai rajouté à ces pages des éléments pour La réserve en 2017 (le roman
d'anticipation se passe en 2017 et France 3 est venu faire un reportage pour savoir ce qui
s'était réalisé dans cet farce futuriste), et j'ai complété la page de Central par
une visite effectuée en 2005 grâce à Stéphane Gatti.
Je considère Composants, donc, après les deux publications coup sur coup en
2000, comme mon véritable deuxième roman. L'accouchement d'un deuxième roman est
toujours difficile. La légende raconte que le célèbre patron des éditions de Minuit,
Jérôme Lindon, refusait systématiquement les seconds galops d'écriture. Composants
n'a pas échappé à la règle : il s'agit en réalité d'un troisième récit, le
véritable deuxième ayant été retoqué par Olivier Bétourné (à raison, c'était une
histoire alambiquée mêlant les sous-sols de Pompéi et nommé Trottoirs et potagers).
Composants a eu un succès d'estime en remportant la mention du prix Wepler en
2002, et c'est le grand écrivain belge Marcel Moreau (décédé en avril dernier du
coronavirus) qui avait eu le prix. Côté Feuilles de route, j'avais pu rendre
compte dans la page dévolue au livre de quelques " éléments, remarques, notes et
interrogations " propres à l'élaboration du livre et désormais il en sera toujours
ainsi, je reste fidèle à l'idée initiale de la " tentative d'exposition du travail
littéraire à la vue de tous " .
En 2004, nouveau livre : Paysage et portait en pied de poule. Certains croient à
tort que je ne relate plus le monde du travail (virage à 180°, lisait-on dans Le
Matricule des anges) parce que j'ai quitté le monde urbain. Je reçois dans cette
campagne que je décris et que je connais bien, l'inestimable hommage de Jean Robinet qui
a tenu à venir me saluer dans une librairie de Langres en prenant sa voiture à 90 ans.
Début 2004, je me passionne conjointement pour Picasso et les années Trente, j'écris un
premier jet de 1937 Paris-Guernica, publié plus tard en mars 2007 chez Maren
Sell qui met la clé sous la porte peu après (je n'y suis pour rien). Mais en même temps
j'ai entrepris CV roman, retour à l'écriture du travail où mon nouveau job
dans les ressources humaines me fait manier des centaines de CV. Si le projet me paraît
digne d'intérêt, l'écriture est complexe et je remanie sans cesse le livre.
Cela fait ainsi plusieurs années que j'écris sans trêve et je ne sais plus trop où
j'en suis. De plus, Olivier Bétourné quitte Fayard, me voici ainsi dans une attente
difficile à tenir. Période de doutes donc, y compris perso, résultat : six mois sans
dessus dessous. Ça se termine par ma décision d'engager des études de lettres, sans
trop d'illusions au départ, je demande une disponibilité de deux fois six mois sur deux
ans, je profite de ce temps libre pour animer des ateliers d'écriture, lycée
professionnel, centre hospitalier spécialisé, de quoi me redonner confiance, d'autant
plus qu'en 2007 débarque chez Fayard Élisabeth Samama qui publie enfin CV roman à
l'automne.
Me voici à nouveau en selle, et, contre toute attente, mes études de lettres se passent
bien, je passe ma licence au même moment et décide de continuer en Master.
Le seuil recueil de nouvelles que j'ai écrit, Bestiaire domestique, paraît en
mars 2009, c'est pour moi un livre de retour au bonheur ou plutôt de sérénité, même
si, quelques mois plus tard, les suicides médiatisés de mon entreprise viennent entacher
le nouveau livre que j'ai entrepris d'écrire sur le métier des téléopérateurs. Je le
termine néanmoins en 2010 en y mêlant ce traumatisme professionnel et collectif. Retour
aux mots sauvages rencontre un plus grand succès que mes sept livres précédent,
Olivier Nora, devenu patron de Grasset et Fayard le pousse en avant et il est
sélectionné au Goncourt. J'entre ainsi, à cinquante deux ans, dans la catégorie des
jeunes auteurs inconnus et prometteurs... Ils désertent, qui le suit deux ans
plus tard se retrouve encore sur la liste du Goncourt, remporte le prix Amila Mecker et le
prix populiste renommé prix Eugène Dabit tout comme Sartre et René Fallet.
Faux nègres, paru en 2014, dont le titre est emprunté à Rimbaud et qui est un
pamphlet contre le FN, demeure à l'écart des prix, ce n'est pas plus mal. En parlant de
Rimbaud, il faut quand même que je lui règle son compte, j'en parle dans presque tous
mes livres. Je propose ainsi un double projet à ma maison d'édition qui est maintenant
chapeautée par Sophie de Closets : paraissent donc Journal de la canicule, en
octobre 2015, qui est un texte commencé en 2008 et repris (rien avoir avec Rimbaud), et
surtout Vie prolongée d'Arthur Rimbaud en septembre 2016. J'en profite pour
souffler un peu côté écriture mais pas du côté des études qui se sont poursuivies et
je finis par passer une thèse de doctorat fin 2017.
Histoire de renouer au plus vite avec le roman, j'écris très vite Il se pourrait
qu'un jour je disparaisse sans trace qui paraît en janvier 2019. Je suis déjà à
cette époque dans la rédaction de ma vaste saga paternelle Yougoslave : la
suite est actuelle et à suivre puisque le livre est tout juste paru. Cela fait donc 14
romans en 20 ans d'écriture, tous sont répertorié sur le bandeau de gauche de Feuilles
de route.
Cependant je serais incomplet si je ne mentionnais pas les autres ouvrages auxquels j'ai
participé, deux nouvelles dans la collection Inventaire Invention en 2001, le recueil
collectif 52 écrivains haut-marnais dont j'ai codirigé la parution en 2002 avec
Gil Melison, ma contribution au beau livre 100 monuments 100 écrivains en 2009
et enfin, au fil des rencontres amicales, j'ai partagé avec plaisir l'écriture d'Autour
de Franck avec Anne Savelli au sujet de son très beau roman Franck en 2011
et, avec l'ami Alain Delatour, en 2016, le projet Instants handball s'est
multiplié en ateliers d'écriture, rencontres et expositions dans un véritable world
tour. Une suite (Instants cuisine) s'annonce également.
Ainsi voilà le panorama de 20 ans d'écriture, l'article était long forcément. Les
liens avec Feuilles de route y sont étroits. Certains textes sont publiés
exclusivement sur mon site comme mes carnets de voyages, ou Langres s'use que
j'ai écrit en 2004. On les trouve en bas du bandeau de gauche en cliquant sur la mention
"Pages spéciales". Dernièrement le confinement m'a inspiré un roman Sur
Ivan Oroc dont une version audio est également proposée sur L'aiRNu.
Au final " écrire pourquoi " (comme le demandait l'ouvrage auquel j'ai
participé pour la création des éditions Argol en 2005), écrire pourquoi donc : pour
tout cela, pour cette matière impalpable faite de feuilles de papier ou de signes
numériques. Et " Bon qu'à ça ", comme répondait Beckett.
(13/09/2020)
Côté
écriture, peu de choses en cette fin d'été, sinon suivre les débuts de la parution de
Yougoslave. L'actualité en ce moment est plus tournée vers les prolongements de la
pandémie et ses conséquences, et le côté culturel passe à la trappe.
Néanmoins, les divers salons du livre de la rentrée se tiennent quand même, souvent
avec des modifications. Par exemple, à Nancy, il n'y aura pas le grand chapiteau où
s'entassent public et auteurs, mais une série de petites conférences que l'on doit
réserver à l'avance : j'interviens ainsi avec d'autres écrivains le dimanche 13/09 à 14h.
Idem pour
Besançon le samedi 19/09 à 18h où la manifestation habituelle se répartira sur
trois week-ends à la place d'un seul habituellement.
Le salon
du Mans où je serai aussi le samedi 10 octobre à 14h, maintient des rencontres mais
reporte la manifestation en 2021.
La fête du livre de
Saint-Etienne, où je participerai également, semble s'organiser comme les autres
années du 16 au 18 octobre, et je retrouverai avec plaisir Manosque
où je serai interviewé par Michel Abescat le jeudi 24/09 à 18h, comme lors de ma
précédente participation dix ans auparavant. Grande joie aussi d'intervenir dans ma
région auprès des bibliothécaires lors d'une réunion de rentrée le 28 septembre à
Reims.
Côté presse, des articles paraissent et une grande partie du Mag du Journal de la
Haute-Marne m'a été consacrée dimanche dernier, ce qui intéresse en premier lieu mes
voisins et connaissances. Le Net, désormais incontournable fournit beaucoup d'avis, comme
par exemple sur Babelio ou sur les sites des lecteurs ou des librairies. Et puis, juste
avant de boucler cette mise à jour, je découvre un très beau papier deJean-Claude
Lebrun, paru ce jour dans L'Humanité. On peut consulter ces articles via la page
"Yougoslave, presse".
Tout cela n'est pas fini, c'est donc à suivre.
(03/09/2020)
Bien
sûr, la question qu'Anne résume superbement par le nom désormais communément admis
d'oloé (où lire, où écrire) ne fait pas tout (en Notes de lecture, cette semaine).
" Où ", et la notion de lieu vient en premier nous interroger, surtout quand on
habite en ville, dans un appartement exigu occupé par plusieurs. " Où " donc,
se réfugier pour lire et/ou écrire... Pour moi qui suis un provincial habitant une
maison avec jardin, le " où " est souvent multiple et secondaire presque : lire
peut être sur une chaise longue, dans un lit, un fauteuil, un canapé, une chaise, autant
d'endroits tranquilles et loin de la circulation. Pareillement, les vacances que
j'affectionne sont au calme, banc de pierre sous l'olivier en Sicile, chaise longue sur
une terrasse, plage sur une serviette ou pieds dans les vagues et livre tenu debout dos au
soleil. Écrire requiert plus de logistique, ordinateur ou à défaut tablette, voire
très rarement un carnet, une feuille. En revanche, autant on peut lire avec du bruit
autour de soi, jeux de plein air, murmures de conversations, autant écrire nécessite une
plus grande concentration lorsque les phrases que vous composez résonnent dans la boîte
crânienne. Le " où " est ainsi généralement sur mon bureau à la maison (là
même où j'écris cette chronique), en Sicile sur une table à l'extérieur et ailleurs,
selon l'occasion, dans une chambre d'hôtel, un compartiment de train, un café...
En réalité, ce qui me préoccupe en ce moment n'est pas l'oloé mais plutôt le "
qlqé ", le " quoi lire, quoi écrire ". Quoi lire ? Je lis beaucoup en ce
moment, des classiques en Pléiades longs comme Anna Karénine ou ceux de Kessel,
des romans contemporains courts comme le dernier Muriel Barbery, Une rose seule
(note de lecture à venir) dont l'oloé fut la spiaggia di Fiumefreddo cet été. A la
maison, sous ma table de nuit, dans mon bureau s'entassent des livres terminés (Pardon
pour l'Amérique, de Philippe Rahmy), des ouvrages en cours (Là où se mêlent
les eaux, de laurent Geslin et Jean-Arnault Dérens ou L'autofictif
ultraconfidentiel d'Eric Chevillard). Tout cela n'a pas été encore relaté et c'est
sans compter tout ce que j'ai parcouru via ma liseuse, très pratique pour un minimum
d'encombrement et pour lire la nuit sans réveiller l'autre. Bref, venant de terminer un
autre roman (Olivier Adam, Une partie de badminton), je me demande justement non
pas " où lire ", mais " quoi lire " maintenant.
Idem pour écrire, c'est " quoi écrire " qui me taraude. Aucune inquiétude ni
aucun manque cependant, l'écriture au long cours de Yougoslave s'est poursuivie
pendant presque deux ans jusqu'au printemps et l'inattendu roman de confinement Sur
Ivan Oroc a suivi jusqu'en mai. Il est normal que je me repose et qu'aucune nouvelle
envie ne me chatouille pour l'instant. Et puis la disparition de mon père, voici déjà
deux mois et demi, ajoute à ce besoin d'une pause. Mon seul désir au seuil de cette
rentrée littéraire est de vivre pleinement la sortie de Yougoslave, même si
l'épidémie et son évolution vont minimiser les rencontres.
(27/08/2020)
Aujourd'hui
même, ce 19 août, paraît Yougoslave. Ce qui veut dire que les barrières sont
déjà prêtes pour guider les nombreux acheteurs de mon livre aux seuils des boutiques
(merci de respecter la distance entre les marques au sol, le port du masque et le gel
hydro alcoolique). Les cartons sont fébrilement ouverts par mes amis libraires, les
emplacements où s'érigeront les piles de mon roman sont déjà réservés. Les
entrepôts des officines en ligne ont fait le plein, ont apporté mon ouvrage par palettes
entières, tandis que les gyrophares des chariots élévateurs éclairaient gaiement ces
scènes de liesse.
Quant à moi, je reste serein, j'aborde un air faussement détaché de ces contingences
commerciales alors qu'en réalité je bous d'impatience et tente de recenser quelques
éclats de notoriété sur le Net. La semaine dernière, Le Monde avait consacré
un article pour la rentrée littéraire et m'avait classé dans la rubrique " parmi
les auteurs au lectorat les plus fervents ". Et ce jour, Sylvie, de la Fnac de Nice,
a fait de Yougoslave son " coup de cur " et je ne manque pas
d'écrire son commentaire élogieux dans la page dédiée à la presse et aux médias, tandis que je recense aussi
un article de Rodolphe dans le Salon littéraire sous le titre énigmatique de Yougoslave, kezako ? D'ici une heure le Journal de la
Haute-Marne va m'appeler pour une interview par téléphone. Voilà, c'est parti.
(19/08/2020)
Comme à chaque parution, j'ai élaboré un dossier
pour le nouveau livre à paraître dans tout juste une semaine, le 19 août. Et comme
d'habitude, le dossier sera accessible sur la marge de gauche, ainsi qu'en tête de
l'index, comme une actualité nouvelle. Selon mes traditionnelles lubies, le dossier
comporte les articles de presse,
les recensions de sites web et les réactions médiatiques à la parution, qui ont
d'ailleurs commencé avant, avec un beau papier dans le Livre-Hebdo du 3 juillet,
sous la plume de Sean J. Rose. On trouvera aussi l'histoire du livre, commencé
deux ans auparavant sous le nom de code Y, avant que le titre ne soit dévoilé
pour la publication. Les notes d'écriture retracent ainsi depuis 2018 l'avancée et les
inévitables questionnements liés à ce vaste projet. Cependant, en supplément à ce
dossier, j'ai ajouté une partie "documents",
qui reprend une partie d'archives personnelles et de quelques éléments de généalogie
qui ont été nécessaires pour écrire cette fresque familiale.
Je me fais l'effet ainsi d'être Claude Simon, lorsque l'éminent prix Nobel de
littérature en 1985, faisait part de quelques trop rares éléments photographiques
après la rédaction de ses splendides romans toujours inspirés par sa vie propre.
(12/08/2020)
J'ai découvert le livre de Benoît Coquart, Ceux qui restent, à la faveur
d'une interview qu'il a donnée au magazine du Journal de la Haute-Marne (le JHM pour les
habitués). D'emblée, la première phrase de cet entretien m'a donné envie de le lire :
" Tout l'objet de mon livre est d'expliquer à ceux qui ne la comprennent pas qu'il
est possible de vivre de manière honorable dans des campagnes frappées par un déclin
économique " Et d'ailleurs le sous-titre de Ceux qui restent, publié en
octobre dernier aux éditions La Découverte, annonce " faire sa vie dans les
campagnes en déclin ". Je me suis procuré le livre et les hasards du confinement
ont fait que je l'ai réellement lu ce printemps dans ma campagne en déclin. Benoît
Coquard est sociologue à l'INRA, et si son origine provinciale, et même locale, n'est
pas mentionnée de prime abord, on découvre dans ses enquêtes de terrain, combien il est
à même, par son lieu de naissance et d'enfance, de comprendre les enjeux de ces milieux
ruraux et des classes populaires qui s'y rapportent. Beaucoup de ceux qu'il a rencontrés
et qui ont " fait leur vie " ici, se sont livrés parfois avec scepticisme quant
à l'intérêt qu'il y a de parler de " ceux qui n'intéressent personne ". Sur
fond économique de désindustrialisation, de perspectives marginales, les jeunes actifs
qui ont choisi de demeurer sur place occupent pour la plupart des emplois locaux dans des
PME, chez des artisans, dans le bâtiment, ou dans le vaste fourre-tout des "
services à la personne ". Milieux populaires donc, études souvent écourtées, soit
par impératif économique, soit parce que les familles ne possédaient pas les codes et
les usages pour faire entreprendre à leur progéniture des études supérieures. L'étude
de Benoît Coquard est précise. Elle n'apprend pas grand-chose de nouveau à que ce que
les habitants perçoivent au quotidien, mais il est important que les évidences
pressenties soient dites, marquées noir sur blanc.
Pour ma part, j'ai tout de même appris beaucoup de choses, notamment parce que Benoît
Coquard s'adresse à des générations plus jeunes que la mienne, et confrontées à des
problèmes souvent plus ardus, où, par exemple, la notoriété, le " qu'en dira-t-on
", se mesure également par le biais de sa popularité sur les réseaux sociaux, où
les occupations sociales dévolues à ces campagnes (la chasse, la pêche) servent de
liens entre les individus, de manière de se mouvoir dans les cercles familiaux, d'amis,
ou d'employeurs potentiels. Benoît Coquard consacre aussi beaucoup de paragraphes à une
analyse fine du mouvement des gilets jaunes particulièrement emblématique des "
campagnes en déclin ".
Monde ainsi à mille lieues des grandes villes, de la vie citadine, mais aussi de celle
des régions plus favorisées, celles qui comptent, qui échappent à la fameuse "
diagonale du vide ". Je sais gré à Benoît Coquard de décrypter le dangers des
nouvelles notions sociologiques, comme celles de la " France périphérique ",
particulièrement réductrice et dont l'effet pervers est de réunir et de schématiser à
travers les mêmes préoccupations économiques des zones aussi différentes qu'une cité
de banlieue et un village perdu de cinquante âmes.
La question du vocabulaire est importante : les journalistes se ruent sur la notion de
" territoires " pour parler du moindre coin de France, ce qui dilue les discours
: implanter une laverie industrielle dans un territoire, c'est une information sans
conséquence, mais si la laverie en question est à moins de trente kilomètres de chez
moi, et qu'elle a pour objectif de stocker et de nettoyer des combinaisons utilisées dans
l'industrie nucléaire, je me sens concerné, surtout quand la préfecture vient d'en
autoriser l'implantation, malgré l'opposition constatée de 90 % de la population
concernée.
Ainsi, pour " ceux qui restent ", " faire sa vie dans les campagnes en
déclin ", ce n'est justement pas subir les conséquences de zones désertées, via
l'envie gouvernementale de transformer ces endroits faiblement peuplés en électeurs en
poubelles nucléaires (projets UNITECH, BURE).
Benoît Coquard a eu le mérite de donner la parole à ceux qui ne l'avaient pas. Ils ont
parlé de leurs conditions, de la manière dont on peut organiser sa vie au présent ici.
Maintenant, il reste à donner une suite sociologique à cet essai en permettant à
"ceux qui restent" de dire ce qu'ils veulent pour leur avenir.
(11/07/2020)
Enfin ! J'attendais ce moment avec impatience. La crise du coronavirus qui a perturbé
ma santé et ma vie personnelle, comme beaucoup, s'est doublée de l'arrêt brutal de tous
projets. Je craignais que cette désorganisation totale ne remette en cause la parution de
Y, mais tout s'est déroulé comme prévu. Il faut dire que le livre était
déjà bien avancé par chance. Les propositions de couverture m'étaient parvenues, le
booklet de la rentrée était déjà quasi achevé, les argumentaires et quatrième de
couverture peaufinés avant la grande réclusion. Nous avions décidé après un accord
sur le texte définitif, de travailler directement les corrections sur épreuves. Aussi,
le correcteur (qui a fait un remarquable travail, très précis) possédait-il la mise en
page définitive au moment du confinement. Il a suffi que l'éditeur, muni d'une
accréditation officielle, puisse traverser Paris pour aller récupérer les précieuses
et nombreuses annotations en retour dans l'officine éditoriale désertée de ses
occupants, passe probablement une grande partie de sa journée à numériser les 560 pages
et m'envoie le tout. Nous avons ainsi pu travailler à distance. Mais après tout, cela ne
changeait pas grand-chose, c'est souvent à distance que tout ce travail s'accomplit
habituellement. Les secondes épreuves ont suivi, très légères, puis une dernière
vérification avant que l'ensemble ne parte chez l'imprimeur. En réalité, je craignais
aussi que l'économie stoppée dans beaucoup de domaine ne retarde la fabrication du
livre. Il n'en a rien été et j'ai pu d'une manière quasi normale récupérer mercredi
10 juin les premiers exemplaires et effectuer le rituel " service de presse "
(à titre de comparaison, pour Vie prolongée d'Arthur Rimbaud, en 2016, la même
opération avait eu lieu quinze jours avant).
Le service de presse donc, commence par un grand moment d'émotion : on découvre enfin le
livre fabriqué, rangé par piles entières dans une petite pièce. Les premiers gestes
que l'on accomplit sont doux, prendre un exemplaire, caresser le grain de la couverture,
le retourner, lire " la quatrième ", l'ouvrir enfin, regarder comment s'ouvrent
les premières pages, le bruit que cela fait, se mettre à la place d'un lecteur inconnu
qui découvrirait le livre. C'est à chaque fois pour moi un moment d'intense émotion,
presque un recueillement, impression de retenir mon souffle. Par superstition, manie ou
autre magie noire, je considère toujours que le premier exemplaire que je touche ainsi
devient le mien propre, celui qui viendra compléter sur mon bureau la pile de mes livres
paru : Yougoslave est ainsi le quatorzième étage d'une tour qui mesure
maintenant exactement 30 cm de haut (et qui réunit la somme de 4051 pages : si, si je les
ai comptées). Cette tour n'est constituée que des romans écrits seuls. Les ouvrages
rédigés en collaboration (Autour de Franck, avec Anne Savelli, Instants
Handball, avec Alain Delatour) figurent également dans la bibliographie de Yougoslave
et du livre précédent.
Yougoslave : là aussi, c'est un rituel auquel je ne déroge pas, celui de nommer
par initiales uniquement le titre du livre tant qu'il n'a pas d'existence tangible. Ainsi,
Y peut clamer maintenant son titre haut et fort : YOUGOSLAVE !
Pour en revenir au service de presse qui consiste à envoyer à des journalistes cette
lecture d'été avant la parution à la rentrée, je l'ai effectué différemment des
autres fois. J'avançais masqué, coronavirus oblige, comme tous les employés de la
maison d'édition, mais cela n'empêchait pas la joie de se revoir. J'ai gardé le masque
pendant toute cette journée de dédicace, afin de ne contaminer aucun des exemplaires que
j'ai signé.
Bien sûr, j'ai ramené quelques exemplaires de ma dotation personnelle (quelle idée
d'avoir écrit ce pavé de 850 gr, mon sac pesait 18 kg
) et notamment celui dédié
à mon père : la suite est en rubrique Étonnements.
(30/06/2020)
Quelques notes issues de Profession romancier d'Haruki Murakami:
- à propos de l'éducation : (à relier à la disparition en 2019 de l'épreuve
d'invention du bac de Français, même constat navrant)
Je le répète : je n'ai trouvé aucun plaisir à l'école en tant que telle, dans son
cadre institutionnel.[...]
Ceux qui ne peuvent s'empêcher d'aimer l'école et qui sont tristes quand ils ne peuvent
pas y aller deviennent rarement des écrivains. Car très tôt, les écrivains sont
capables de créer dans leur tête leur propre monde. Moi non plus, je crois, je
n'écoutais pas grand-chose pendant les cours, j'étais constamment plongé dans toutes
sortes de rêveries. Si j'étais élève aujourd'hui, sans doute ne pourrais-je pas me
plier à ce système ; je serais un " décrocheur ". Mais à mon époque, et par
bonheur - ou par malheur -, ce phénomène n'était pas encore en usage. Il ne me serait
tout simplement pas venu à l'esprit de ne pas aller à l'école. A chaque époque,
partout dans le monde, l'imagination est essentielle. A l'extrême opposé se situe "
l'efficacité " [
] Pour résister à cette efficacité à courte vue, lourde de
dangers, l'individu doit se constituer un " pivot " sur lequel reposerait une
pleine liberté de pensée et d'imagination. Et il doit ensuite l'étendre, le connecter
à toute la communauté.
Cela ne signifie pas que j'aimerais que l'on mette l'imagination à l'avant-poste du
système scolaire. Non, l'imagination appartient aux enfants eux-mêmes et pas aux
professeurs ou aux divers établissements éducatifs. Et sûrement pas aux principes de
l'éducation de l'état ou de telle collectivité. [
] J'espère seulement pour
l'école que l'imagination, apanage de quelques enfants, ne soit pas étouffée.
- Sur la difficulté de nommer les personnages (comme moi !)
Pendant très longtemps, je n'ai pas pu donner de noms à mes personnages. Des pseudo
appellations comme " le Rat " ou " J. " , cela me convenait encore,
mais de véritables noms, je ne pouvais m'y résoudre. Pourquoi ? Je l'ignore. Je peux
seulement dire que je le ressentais comme éprouvant. J'ai du mal à l'expliquer mais il
me semblait qu'imposer de façon arbitraire des noms (même à des personnages imaginaires
que j'avais entièrement créés), ce n'était pas bien. Il n'est pas impossible que
l'acte d'écrire un roman, au début, ait eu pour moi quelque chose d'embarrassant. Car
écrire un roman, c'est comme mettre son cur à nu devant les autres et c'est
extrêmement gênant.[
]
Pourtant, plus mes romans gagnaient en ampleur et en complexité, plus je ressentais
combien l'absence de noms chez mes personnages me limitait. Et, avec leur nombre qui
augmentait, il devenait impossible de m'y retrouver. Je me suis donc résigné et, quand
j'ai écrit " La ballade de l'impossible ", j'ai décidé de nommer les
personnages. Cela n'a pas été simple, mais je me suis dit : " Ferme les yeux et
vas-y ! "
Sur l'utilisation des pronoms personnels japonais :
Quand j'ai commencé à écrire, j'ai utilisé le pronom personnel (première
personne) " boku " [ " boku " (prononciation " bokou ") est
un pronom personnel que l'on traduit par " je " et qui est surtout utilisé par
les jeunes garçons ou les jeunes hommes dans la vie courante. En littérature, on utilise
plutôt un pronom personnel plus formel, comme " watashi "], et j'ai conservé
cette habitude durant une vingtaine d'années. Pour les nouvelles, j'ai cependant utilisé
parfois le pronom de la troisième personne (il ou elle), mais pour le roman je m'en suis
tenu au " boku ". Bien entendu, cela ne veut pas dire que " boku " est
Murakami (pas plus que Philip Marlowe n'est Raymond Chandler). Même si, dans chacun de
mes romans, ce prénom " Boku " est attaché à des personnages différents, il
faut admettre que lorsqu'on écrit constamment à la première personne, la frontière
entre le " je " réel et le " je " du personnage est parfois assez
floue - aussi bien pour l'auteur que pour le lecteur.
Au début, ce n'était pourtant pas un problème parce que j'avais l'intention de me
servir de ce " je " imaginaire comme d'un point d'appui pour créer et amplifier
l'univers de mon roman. Mais petit à petit j'ai eu le sentiment que cela ne me convenait
plus. En particulier lorsque je me suis mis à écrire des romans très longs, j'ai
ressenti ce " boku " comme oppressant. Dans " La Fin des temps ", j'ai
utilisé alternativement les deux pronoms " Boku " et " watashi " un
chapitre sur deux, dans une tentative de trouver une solution à ce problème.[
]
Avec le recul, je m'aperçois qu'il m'a fallu presque vingt ans pour m'éloigner du récit
à la première personne et pour être capable d'écrire un roman à la troisième
personne. C'est long, vingt ans
- à propos d'une utilité inattendue des livres
Un jour, un ancien camarade de classe m'a appelé et m'a expliqué : " Mon fils
est lycéen, il lit tous tes livres et nous en discutons très souvent. D'habitude, nous
n'avons pas grand-chose à nous dire, mais là, brusquement, nous nous sommes parlé.
" Au ton de sa voix, j'entendais qu'il était très heureux. Tiens, ais-je donc
pensé. Mes livres auraient ainsi une certaine utilité ? Ou du moins ils aideraient à
rétablir un soupçon de communication entre parents et enfants. Ce serait un mérite non
négligeable.
J'ai vécu la même expérience pour Retour aux mots sauvages. Un élève
est venu timidement me trouver après une présentation destinée au Goncourt des lycéens
: il avait lu mon livre et l'avait recommandé auprès de son père, qui ne lisait pas de
roman, mais il pensait que les thèmes que j'aborde l'intéresseraient. Je sentais qu'il
était très fier d'avoir trouvé ce moyen pour apprendre quelque chose à son père.
(04/06/2020)
Qui êtes-vous Pierre Lemaitre ? Que faisiez-vous avant de vous lancer dans l'écriture
" pour de vrai " dès 2006 ?
Je suis un romancier du XXIème siècle (du moins je l'espère). Ce que je faisais
avant : je prenais mon élan pour devenir un romancier du XXIème siècle.
On vous reconnaît comme un auteur qui aime ponctuer ses livres de références en
tous genres, piochées essentiellement du côté de la littérature et du cinéma. Comment
vous est venue cette méthode de conception, d'écriture ? La continuité de votre "
exercice d'admiration de la littérature " comme vous le déclariez il y a quelques
années ?
Les premiers mots de la première page du premier livre que j'ai publié en 2006
explicitaient clairement mon projet, qui est resté constant depuis : " L'écrivain
est quelqu'un qui arrange des citations en retirant les guillemets ". Le mot est de
Barthes. Voici ce que j'écrivais à la fin de mon roman " Trois jours et une vie
" : " Je me reconnais volontiers dans le commentaire de H. G. Wells dans sa
préface à Dolores : " On prend un trait chez celui-ci, un trait chez cet autre ; on
l'emprunte à un ami de toujours, ou à quelqu'un à peine entrevu sur le quai d'une gare,
en attendant un train. On emprunte me?me parfois une phrase, une idée, un fait divers de
journal. Voila la manière d'écrire un roman ; il n'y en a pas d'autre. "
A ce titre, qu'est-ce qui peut vous pousser dans la rédaction d'un roman ? Quels
peuvent être les éléments déclencheurs pour vous pousser vers la machine à écrire ?
J'ai choisi de devenir romancier. Un romancier est un type qui écrit des romans.
Donc, je me mets au travail le matin, comme à peu près n'importe qui (je parle de ceux
qui ont du boulot, bien sûr) et j'écris mon roman. Quand j'en ai terminé un, je
commence le suivant.
(Extraits d'un entretien à Lettres it be)
MLBC : Y a-t-il une catégorie de roman dans laquelle vous aimeriez être placé ?
P. L. : Oui, celle du roman picaresque, c'est-à-dire le roman de l'exclusion. Mes
personnages sont des exclus de la société, des bannis. Le roman picaresque condense tout
ce que je voulais dire dans Au Revoir là-haut : un héros modeste se trouvant face à
l'injustice et n'ayant que la malhonnêteté pour s'en sortir. J'avais ce profond désir
de raconter une injustice. Quand on veut écrire une aventure, on a besoin d'antagonistes.
Il faut toujours deux éléments opposés, quelque chose qui veut et quelque chose qui ne
veut pas (comme dans Roméo & Juliette).
MLBC : Est-ce que le fait d'avoir commencé par écrire des polars vous a aidé ?
P. L. : Honnêtement, j'ai commencé par le polar car je pensais que c'était plus
simple. Finalement, j'ai réalisé que c'était très compliqué mais je n'ai pas fait
demi tour. Le roman policier a été une formidable école. Mais j'ai aussi l'avantage
d'avoir commencé l'écriture vieux, d'avoir acquis de l'expérience. Mon premier roman a
été publié quand j'avais 56 ans : j'avais 46 ans de lecture derrière moi et 26 ans
d'enseignement de la littérature. Quand je me suis mis à l'écriture, j'avais tellement
de modèles que je n'avais plus de modèle : j'ai donc fait quelque chose qui me
ressemblait.
MLBC : Quand vous écrivez, est-ce que vous avez un lecteur en tête ? Ou vous n'y
pensez pas ?
P. L. : Si je ne pensais pas au lecteur, je ne me poserais pas la question de savoir
si mon roman est bon ou non. Or, je fabrique une histoire pour le lecteur, je la lui vend
d'ailleurs pour 22,50, donc il faut que ça lui plaise. Mais la vraie question n'est pas
de savoir si le livre va lui faire plaisir mais " est-ce que je produis l'émotion
que je voulais produire ? Est-ce que mon lecteur pleure au moment où je voudrais qu'il
pleure?" Donc oui, d'une certaine façon, je suis donc obligé de penser à mon
lecteur. La vocation de la littérature, c'est de faire comprendre le monde à travers les
émotions. Chacun son métier, le mien, c'est de fabriquer de l'émotion.
MLBC : Comment écrivez-vous ? Aviez-vous la trame bien précise de votre roman avant
de le commencer ?
P. L. : Un romancier doit faire très confiance à l'écriture mais aussi savoir s'en
méfier. Si vous bétonnez trop votre histoire, vous ne faites pas confiance à ce qui
peut arriver dans l'écriture. Par exemple, il peut arriver que tout à coup votre
personnage fasse quelque chose de génial, qui change tout, et vous trouvez ça super.
Ainsi, si vous peaufinez trop votre préparation, vous ne laissez pas beaucoup de place à
la fantaisie. Dans l'écriture, il peut arriver beaucoup de choses. Mais il faut aussi se
méfier de l'écriture car il ne faut pas croire que l'écriture va régler tous les
problèmes, en se disant " je verrai bien ". Personnellement, je ne démarre pas
tant que je n'ai pas la trame générale et la fin. A ce moment, je sais que l'écriture
va pouvoir combler le reste mais je sais où je vais.
(Entretien pour My little book club)
Aujourd'hui, le roman de Pierre Lemaitre sort en version audio, aux éditions
Audiolib, et le romancier a choisi donner sa voix à son roman.
"Lire le roman, c'était naturel. J'essaie toujours dans l'écriture de travailler le
style pour réduire la distance entre le lecteur et le narrateur, travailler ce que
j'appelle l'illusion de l'oralité. C'est compliqué, en fait. On croit comme ça que ça
a l'air simple, comme Céline par exemple, on se dit c'est du langage parlé mais en fait
c'est très écrit. Comme Audiard. Essayez de dire du Audiard dans un bistrot, vous
verrez, on vous prendra pour un savant !"
"Donc pour "Au revoir là-haut",
j'ai vraiment travaillé sur cette illusion de l'oralité. J'ai essayé de soigner
les ruptures, le style, pour donner cette impression. Donc la lecture à voix haute est
vraiment au cur de cette préoccupation, de cet effort pour donner l'impression non
pas d'un récit intime, mais cette manière de dire, c'est moi qui vous raconte une
histoire, en interpellant aussi le lecteur dans le cours du récit. C'est une manière qui
m'a beaucoup frappé chez Diderot, qui m'a beaucoup plu aussi, cette facilité, cette
liberté prise avec le lecteur, qu'on retrouve aussi chez Aragon. Donc la lecture à voix
haute, c'était naturel. J'aime bien installer un contrat tacite avec le lecteur en lui
racontant une histoire. C'est le principe de la littérature populaire, qui marche très
bien aussi dans le feuilleton."
"Je voulais être comédien"
Et c'est aussi pour ça que Pierre Lemaitre a tenu à lire lui-même son texte.
"C'est moi qui ai voulu le faire. L'éditeur a essayé de me dissuader. C'est un
très gros livre, donc c'était 20 heures d'enregistrement par sessions de 4 heures. On
m'a dit, des sessions aussi longues, ça peut poser des problèmes techniques pour un
non-professionnel, des problèmes de régularité, de tonicité. Il y a aussi beaucoup de
passages dialogués donc ça demande un vrai travail vocal, pour faire vivre les
différents personnages. Donc l'éditeur m'a dit tu ne peux pas faire ça. J'ai insisté,
je voulais vraiment le faire, je ne doute de rien vous savez
Alors on a fait un
essai. Ils ont dit ok et et j'étais très content, d'autant plus content qu'à la fin, il
n'y a pas eu un seul raccord à faire ! En fait quand j'étais jeune, j'ai voulu faire du
théâtre. Je crois que ça a joué, cette nostalgie du temps où je voulais passer le
Conservatoire."
"J'ai redécouvert Proust en courant"
Quand on lui demande pourquoi il a accepté que son roman soit édité en version audio,
Pierre Lemaitre fait l'apologie de cette forme d'édition, trop mal connue en France,
pense-t-il. "Je ne comprends pas pourquoi le livre audio n'a pas plus de succès en
France. C'est incompréhensible. Moi j'écoute beaucoup de livres. J'ai longtemps été
marathonien. Un marathon, c'est long, au bout d'un moment qu'est-ce qu'on s'emmerde ! J'ai
adoré retrouver Proust en écoutant les 72 CD de "La recherche" en courant (ou
75 il faudrait vérifier). Il y a aussi des tas de livres que j'ai découverts à
l'écoute. Je ne comprends pas pourquoi ça ne marche pas mieux. Les gens sont dans les
transports pendant des heures, les jeunes aussi, les DVD ça leur pourrait leur faire
moins peur. Je ne sais pas, c'est sûrement parce que c'est peu connu.
(Entretien pour France TV Info)
(28/05/2020)
Le
confinement, bien sûr, mais comment oublier l'arrêt de la machine économique qui y est
lié. Tous les secteurs sont touchés et les premières difficultés annoncées laissent
craindre le pire. On peut bien sûr balayer cette certitude d'un revers de main, arguer
que la libéralisation économique nous a conduit là, mais, d'accord ou pas d'accord, les
effets se feront sentir et il nous faudra payer d'une manière ou d'une autre la note :
chômage, récession, impôts, durcissement politique, les lendemains vont déchanter.
Le secteur du livre, de l'édition au libraire ne va pas y échapper. Lorsque la librairie
de ma ville m'a envoyé un mail pour signaler qu'ils reprenaient leur activité par
commandes et par rendez-vous (nous étions encore confinés), j'ai acheté plusieurs fois
des livres pour soutenir cette officine. J'y suis allé, puis retourné depuis la
véritable réouverture du 11 mai, avec un masque et en suivant le parcours dévolu,
conscient de l'importance d'y participer.
A l'autre bout de la chaîne du livre, ma maison d'édition, située à Paris, a fermé
ses portes au premier jour du confinement. Ceci dit, mes relations avec elle sont
essentiellement téléphoniques et numériques et quelques échanges ont donné un
semblant de vie normale. La parution de Y étant prévue pour la rentrée de
septembre, nous en étions à la phase importante de la mise en forme réelle du texte,
l'épreuve des épreuves si l'on peut dire. J'ai ainsi reçu les premières épreuves et
j'ai pu les travailler surtout lorsque mon éditeur, au milieu du confinement, a été
dûment autorisé par son DRH à se rendre dans son bureau pour récupérer la lourde
liasse d'impression corrigée manuellement. Je le remercie de m'avoir scanné tout cela
(560 pages tout de même). J'en profite pour remercier le (la) correcteur(-trice) qui a
fait un travail magnifique, opiniâtre et très pointu sur un roman long et difficile où
plusieurs alphabets et langues s'entremêlent. A partir de là, les secondes épreuves ont
traditionnellement suivi après ma relecture et d'autres ajouts, puis les troisièmes
juste la veille de l'envoi à l'imprimeur, il y a trois jours (retrouvé deux coquilles).
Bref, Y semble bouclé.
En parallèle, il faut préciser que le booklet (c'est l'appellation requise, je
préfère le mot de " brochure promotionnelle "), qui précise la rentrée
littéraire de septembre avait été élaboré, en fait juste avant le confinement, que la
couverture (très sobre et très belle) avait été choisie, ainsi que la photo de votre
serviteur pour le bandeau (l'excellent Richard Dumas m'a donné un visage d'écrivain et
de Rolling-Stone, qu'il en soit vivement remercié). Seule entorse à
cette vie de préparation d'un livre presque normale, la réunion des représentants
Fayard n'a pas pu se tenir et j'ai enregistré une petite vidéo à leur intention. La
présentation aux libraires parisiens prévue début juin ne pourra pas se faire
également.
A ce stade, Y avance (on pourrait dire " avance masqué ", histoire de
rester dans l'actualité et de copier l'expression de Georges Perec) et tout semble
normal, sans retard, pour une parution toujours en septembre.
Bien sûr, il reste des échéances traditionnelles qui demeurent en suspens, quid du
service de presse, quid également de la manière dont cette rentrée littéraire pourra
s'effectuer, mais que Y avance est déjà une immense satisfaction.
(21/05/2020)
Relater
l'expérience du confinement a été un grand moment de créativité pour beaucoup
d'acteurs culturels (comme on dit). Il faut dire que la situation inédite de ce retrait
forcé, ainsi que le temps libre dégagé des obligations habituelles (14 rendez-vous
annulés pour moi) ouvraient bien des perspectives.
Beaucoup d'écrivains auront opté pour un journal de confinement, voire un journal de
non-confinement pour relater la vie de ceux qui ont continuer à uvrer (dans L'Huma).
Pour ma part, il me semblait un peu stérile de narrer combien on tourne en rond dans un
appartement ou une maison, avec comme seule fenêtre Internet ou les réseaux sociaux. Et
en même temps, cette expérience nouvelle m'apparaissait terriblement romanesque et digne
d'être détournée dans une fiction qui se bâtirait au jour le jour.
Aussi, lorsqu'à émergé l'idée au sein du sympathique collectif de l'aiR Nu auquel je contribue,
de constituer une rubrique pour évoquer le confinement, j'ai commencé à écrire Sur Ivan Oroc, en remarquant que c'était
le palindrome de " coronavirus ". Au début, je n'étais pas sûr de suivre une
cadence rapide de publication, j'imaginais plutôt quelques épisodes hebdomadaires, mais
très vite le changement de tempo que le confinement a provoqué m'a fait opter, presque
sans m'en apercevoir, pour une publication journalière, à la fois sur mon site (le
texte) et sur l'aiR Nu (l'audio) où je me suis évertué à lire l'épisode du
jour.
A ma grande surprise, je me suis ainsi très rapidement pris au jeu et, à la fin, je n'ai
loupé que deux jours au tout début, le temps de prendre mes marques. A remarquer aussi
que les contributeurs de cette rubrique de l'aiR Nu Ce qui nous empêche
ont pareillement été très prolixes : à ce jour, on compte 106 articles postés, que je
prenais beaucoup de plaisir à découvrir au fil des parutions : félicitations à Guy
Bennett, Piero Cohen-Hadria, Anne Savelli, Joachim Séné pour ces belles lectures.
Sur Ivan Oroc, donc, compte cinquante quatre chapitres, un par jour, qui mettent
en scène le personnage d'Ivan Oroc. En réalité, il y en a plus, car Joachim Séné a
intercalé quelques épisodes à rebours sur les rêves d'Ivan Oroc, merci beaucoup de ta
contribution (et merci aussi aux autres pour leurs allusions ponctuelles). Le rituel de
réalisation était toujours le même. J'écrivais généralement le matin, je complétais
et enregistrais l'après-midi. Et comme il s'agissait du confinement obligé à la maison,
le tout avait lieu dans mon bureau habituel où une horloge rythme généralement le
temps. Aussi, lors du premier enregistrement, j'ai eu l'idée d'intégrer son tic-tac,
histoire de marquer justement cette période inconnue qui s'ouvrait devant nous. J'y ai
ajouté le défi de la photographier sous tous les angles et de poster une vue chaque
jour, pour révéler ce qui se cache derrière le décor. Evidement, à force, j'aimais
lorsqu'elle sonnait en plein milieu de l'enregistrement et j'avoue avoir souvent guetté
le moment adéquat pour qu'elle ajoute sa voix.
Le tout (écriture et enregistrement) prenait environ deux heures. Mes co-confinés (en
tout nous étions cinq au maximum) évitaient de faire du bruit au moment de
l'enregistrement, mais ça n'a aucune importance, au contraire j'aime parfois réécouter
ces épisodes juste pour distinguer l'éclat de voix du bébé qui s'amuse, le bruit de la
tondeuse du voisin ou même une fois le vrombissement d'une mouche qui tournait autour du
micro. Les enregistrements ont été faits rapidement et rarement recommencés, aussi les
bafouillages et les erreurs de lecture sont nombreux. Il y a aussi toute une partie au
début un peu cacochyme avec des chapitres courts n'excédant pas quatre minutes, ils
correspondent au manque de souffle que la maladie a provoqué (en fait j'ai tout testé
pendant cette période, texte et audio, confinement et virus, tant qu'à faire). Mais
malgré ces hésitations, je préfère la partie audio plutôt que la partie écrite. Le
texte est aussi imparfait. Il y a des fautes, des répétitions, des phrases mal
tournées, il s'agit d'un premier jet pourrait-on dire.
En réalité, il y a beaucoup de similitudes avec la rédaction d'un vrai roman. D'abord
l'aspect et la distance : s'il était publié, il approcherait 180 à 200 pages. Ensuite
la manière dont je me suis pris au jeu de l'écriture qui ressemble véritablement à ce
que je fais d'habitude, cette sorte d'excitation de romancier qui pousse à avancer, qui
vous fait y penser la nuit pour envisager la suite. Peut-être que ce qui me plait dans le
roman, d'une manière générale, c'est de donner vie à un personnage. Au fil des jours,
Ivan Oroc a ainsi pris corps.
En revanche, il y a des différences toutefois à écrire une fiction au jour le jour sans
savoir ce qu'il adviendra du personnage. La publication en feuilleton exclut tout
recommencement. Il faut faire avec les incohérences narratives et avancer coûte que
coûte, avec des épisodes de qualité inégale. J'ai vraiment conçu chaque jour un
nouveau chapitre. Parfois je glissais les premières phrases du suivant le soir après
l'enregistrement, juste histoire d'y penser un peu et que s'accomplisse cette espèce de
travail à l'intérieur du cerveau à l'insu de soi-même. Lorsque a fin a approché, j'ai
juste envisagé des possibilités pour les quatre derniers chapitres et que bien sûr je
n'ai pas vraiment respecté.
Au final, je suis vraiment content de Sur Ivan Oroc. J'ai véritablement
l'impression d'avoir écrit un nouveau roman en deux mois. Qui sait ? Il sera peut-être
publié dans dix ans pour marquer l'anniversaire de cet évènement planétaire ?
(13/05/2020)
Sur Ivan Oroc : c'est l'exact palindrome de " coronavirus ". Ainsi, écrire
" sur Ivan Oroc " revient à créer et à faire vivre le nouveau personnage
d'Ivan Oroc
Ivan Oroc donc, est un type banal, tellement perdu dans la foule qu'on n'arrive jamais à
le distinguer. Il est impossible à décrire, certains affirment qu'il est blond, d'autres
qu'une ombre noire couvre en permanence le bas de son visage. Certains l'ont déjà vu
sourire, d'autres parler, sans qu'on ait pu retenir la moindre de ses phrases, ni même
s'il s'exprimait en français ou en albanais. D'autres l'ont vu vêtu d'une jupe, genoux
à l'air sans que cela les choque le moins du monde. Placé devant un mur, il se confond
avec. Au pied d'un escalier, il devient tapis rouge. On l'affiche ou on le foule. Il est
impossible de savoir s'il se trouve à bonne distance de vous, ce n'est ni un proche, ni
un lointain cousin : il est.
Enfance au milieu d'une cour d'école, au centre d'une classe ; adolescence dans
l'anonymat d'un collège, avec peut être un vague énervement un jour où ses parents
l'avaient contrarié. Perdu dans des classes de lycées, ses professeurs ont toujours
marqué sur ses bulletins " peut mieux faire ", sans arriver à se souvenir de
son visage, d'une remarque ou d'une réponse qu'il aurait formulée. Quand il était
triste, il pleurait des larmes de crocodile qui n'étonnaient quiconque. Dans ses moments
de joie, il sifflotait ou chantonnait la chanson de Sheila Je suis une petite fille de
français moyen, mais personne bien sûr ne s'en apercevait.
Et le voilà aujourd'hui, gauche, à la fois indescriptible et indicible, allongé dans
l'herbe le nez au ras des pâquerettes, de telle manière qu'on conclut tout de même
qu'il est trop gros pour être un lapin de garenne, trop petit pour ressembler à un
zèbre, et d'ailleurs il n'y en a jamais eu par ici.
Ivan Oroc, nez dans la chlorophylle, repense à l'heure précédente : il était parti
voter. Évidemment, comme à chaque fois, on ne le retrouvait pas sur les listes. On
l'avait fait patienter devant l'employé des électeurs égarés et des causes perdues.
L'employé demandait à chacun de présenter sa carte d'identité. Il la regardait avec un
air suspicieux, baissant ses binocles pour mieux en remarquer les détails, la retournant
en tous sens, parfois la humant devant ses narines dilatées. Puis il la rendait au
citoyen qui lui avait tendue, lequel l'enfournait dans une poche sombre, sur un mouchoir
sale. L'employé alors tournait méticuleusement chaque page du registre en s'aidant d'un
index mouillé de salive, de la même main qui avait tripoté la carte d'identité.
Derrière lui, les affichettes rappelaient les mesures d'hygiène. Le gel hydro alcoolique
était placé sur une table hors d'atteinte " sinon dans dix minutes on n'en aura
plus " avait affirmé le chef du bureau de vote. " Ça y est je vous ai !
", lança l'employé en postillonnant.
Ivan Oroc avait reconquis son statut d'objet trouvé.
(
à suivre et à retrouver sur l'aiR
Nu, journal de confinement Ce qui nous empêche).
(16/03/2020)
Cette
semaine, cela fait un an que le poète Antoine Emaz a disparu. J'en avais parlé en Notes d'écriture le 2 avril 2019. Parmi les
livres de lui que je relis régulièrement, ses carnets de notes sur la poésie comme Cambouis
(Notes de lecture et Notes d'écriture du 28/12/2011), paru dans
la collection Déplacement chez Seuil et que dirigea trop brièvement François Bon, ou
encore Cuisine, dont le titre me fait penser immanquablement à l'expression que
j'emploie souvent lorsque nous parlons écriture avec quelques ami-e-s écrivain-e-s :
" on parle popote ". Donc, voilà, une fois encore j'ai l'impression qu'Antoine
Emaz, que je n'ai jamais eu la chance de rencontrer, me reçoit chez lui pour parler
popote :
/
La pensée pose son objet puis le développe dans une réflexion construite. Le poème,
lui, se lance sans savoir, et avançant, construit son objet ou son enjeu. Ce n'est pas
que la poésie ne puisse pas penser, c'est que la pensée sera toujours en retard sur la
poésie.
/
Loin de la poésie, au sens où la langue n'interfère plus avec ce qui est. Les arbres et
la pluie sont, sans demander leur reste de mots. Comme si les cordes internes étaient
détendues, u'il n'y avait plus qu'un désir de laisser filler le temps pour se refaire.
/
Je veux un poème qui parle maintenant, dans ma vie maintenant. Qu'ais-je à faire d'un
arrêt sur beauté, d'une poésie de gisant ?
/
Ma médiocrité sociale de petit prof de province m'a au fond protégé et édifié. Vivre
dans le " faire " a imposé le travail d'écrire comme il est, sans trop
d'effort. On ne peut pas avoir les mains dans le cambouis et la tête dans l'éther. Et,
en bout de course, si j'ai mis un peu de cambouis en poésie, ce n'est peut-être pas un
apport dérisoire
/
(Antoine Emaz, Cambouis, Seuil, coll. Déplacements, 2009)
/
Ce midi, une courte archive sur Claude Simon : il décrit d'une phrase brève le paquet de
gauloises posé sur la table. Puis il reprend chaque mot employé : " rectangulaire
", " bleu ", " casque ", " gauloises "
en donnant
à chaque fois les associations/connotations/évocations que le mot lève chez l'auteur ou
le lecteur. C'est à la fois souligner la dignité littéraire possible d'un objet usuel
et montrer l'épaisseur de la langue sitôt qu'on entre en littérature.
Ceci posé, je reste persuadé que cette " épaisseur " est bien plus forte en
poésie qu'en prose romanesque. La poésie tend à isoler le mot et donc à lui donner sa
résonance maximale, alors que la prose narrative, dans son phrasé lié favorise
l'enchaînement et donc le choix automatique du sens imposé par le contexte de la phrase.
/
Un livre c'est de l'inachevé fermé.
/
(Antoine Emaz, Cuisine, Publie.net, 2011)
(02/03/2020)
J'ai envoyé le 18 février dernier la seconde version de Y. J'avais déjà
relaté dans cette même rubrique le 13 janvier dernier la nécessaire cure
d'amaigrissement qu'il me semblait devoir entreprendre au sujet de ce texte, remaniement
d'ailleurs acté lors de ma visite chez ma maison d'édition quelques jours après.
Voilà, c'est fait, il m'a fallu moins d'un mois pour reprendre les mille pages de la
version initiale, je m'attendais à plus. Au final, le texte s'est réduit de près de
25%. Ça peut paraître beaucoup, mais en réalité, Y demeure le plus long texte
que j'ai jamais produit, malgré ces coupes. Dans une édition grand format (comme celle
de VPAR qui atteignait 415 pages), on devrait être aux alentours de 500 pages.
Gros livre donc, et c'est pourquoi une relecture du premier jet était nécessaire pour
éliminer les scories qu'un texte au long cours laisse apparaître, mais aussi prendre en
compte l'obligatoire lassitude que le lecteur peut ressentir devant un texte long. En
effet, si, au départ je voulais bâtir une uvre comme Les Misérables ou La
Guerre et La Paix, force est de constater que le lectorat d'aujourd'hui n'est plus
adapté à des entreprises de longue haleine. Le zapping permanent que nous impose la vie
moderne nous a déshabitué à ces lectures d'un autre siècle. Pour VPAR, et
pour Faux nègres aussi qui dépassait les 400 pages, j'avais tenté de rendre la
lecture plus attractive en élaborant des chapitres courts, nécessaire à une respiration
plus agréable que de devoir suivre avec inquiétude des blocs de pages ininterrompus qui
nous donnent l'impression de ne pas avancer. J'ai suivi là encore ce précepte. Mais j'ai
surtout tenté de resserrer le texte autour des personnages. Si l'apport historique est
nécessaire pour comprendre ce qui passé dans l'Europe que je décris pendant 230 ans, il
ne faut pas non plus perdre le fil du récit dans un luxe de détails qui, au final,
apportent peu à la compréhension des situations. Exit donc, les références trop
lointaines ; exit aussi pas mal de précisions qui délimitaient le contexte littéraire
de l'époque (il reste tout de même des allusions incontournables comme Hugo et
Tolstoï). Au final, mon orgueil de bâtir une épopée s'est réduit à un tiers
seulement d'une uvre comme Les Misérables ou La Guerre et La Paix et
c'est tant mieux. Reste donc à travailler le texte ligne par ligne, à me poser des
questions et à les résoudre : placer une carte géographique, peut-être un arbre
généalogique, faut-il supprimer l'épilogue qui me paraît superflu.
Mais ce qui me reste de cette seconde version, c'est d'avoir bâti un récit dont
certaines manières d'écrire, de s'impliquer en tant qu'auteur sont différentes : j'en
vois trois principales : premièrement, le début (enfin les quatre premières parties,
soit plus de la moitié du livre) sont tributaires essentiellement de mon imagination ;
deuxièmement, la cinquième partie (la plus grande et probablement la colonne vertébrale
du livre) est tributaire de souvenirs racontés ; troisièmement, ma propre vie fait
irruption dans la dernière partie avec les inconvénients liés à " se raconter
".
A suivre
(20/02/2020)
Troisième et dernier jour de poésie au lycée Chanzy de Charleville-Mézières. La
quatrième séance, officiellement prévue, est dévolue à la restitution du travail
accompli par la classe de seconde dans laquelle j'interviens cette année scolaire avec
Karine, la professeure de français, et tout cela est prévu le vendredi 20 mars prochain.
Cela a passé tellement vite ! Au départ, notre projet était plutôt vague : la poésie
bien sûr, puisqu'on est dans la ville natale d'Arthur Rimbaud. Et puis évoquer Haïti et
sa poésie populaire, car c'est le domaine de passion de Karine (et qui me l'a transmise,
merci beaucoup). Enfin, profiter de la manifestation du Printemps des
poètes qui aura lieu tout le long du mois de mars pour officialiser le travail
accompli. Mais où ? A la médiathèque toute proche ? Au lycée ? Et comment ? Lectures
par les lycéens ? Expositions de leurs textes ? Et quoi mettre en avant ? Beaucoup de
questions, peu de réponses fermes. Dans l'instant, nous restions avec nos questions
initiales en suspens, chacune des trois séances (1h30 par demi-classe de dix-huit
élèves) était dense, retour sur le travail précédent, explications à fournir, puis
jeux d'écriture, pas le temps de penser à grand-chose, de prendre du recul pour prévoir
la suite.
Mais la magie (de la poésie ?) a opéré : au moment de cette troisième et dernière
séance, j'ai mesuré combien nous étions finalement pilepoil dans le thème retenu cette
année pour le Printemps des poètes et qui est le courage. La première séance en effet
a été consacrée à produire de courts poèmes dans le style des haïkus, et combien
cette activité anodine en apparence requiert comme courage individuel : écrire, lire, se
dévoiler devant un lecteur ou plusieurs. Avec la seconde séance consacrée à Haïti, il
s'agissait cette fois-ci de la poésie en symbole absolu du courage collectif qu'il faut
pour vivre là-bas. Les textes seront bâtis à l'aide d'anaphores, d'embrayeurs comme
" il y a ". Au début de la troisième séance, les lycéens reviennent sur ce
qu'ils avaient écrits : très beaux textes. Je mesure combien ils n'ont rien à envier à
des poèmes de même facture, par exemple le " il
y a " d'Arthur Rimbaud dans Les illuminations ou celui d'Apollinaire.
Pour la troisième séance, ce sont des poètes courageux que nous abordons, Pablo Neruda,
notamment Le livre des
questions (voir en note de lecture) nous permet de continuer de la même
manière que le poète chilien, avec en écho, Le livre des questions d'Edmond
Jabes, écrit à propos de l'holocauste, autre forme de courage. Et courage donc pour les
lycéens, puisque cette troisième séance vivante leur donnait l'occasion d'écrire à la
vue de tous leurs questions au tableau.
Ainsi, tout ce qui a été produit pendant ces trois séances d'écriture - haïkus,
anaphores, questions - constitue une belle matière poétique pour le Printemps des
poètes (bravo à tous). Je ne doute pas que la restitution prévue en mars, les lectures,
l'exposition des poèmes sera une vraie réussite (une fraîcheur dans un environnement
scolaire marqué par la navrante disparition de l'écriture d'invention). J'ai prévu de
revenir quinze jours avant cette manifestation, d'abord pour en régler les derniers
détails avec Karine et cette classe attachante et aussi parce que les élèves ont lu Retour
au mots sauvages (grande fierté pour moi) et que nous n'avons pas eu l'occasion (ni
le temps) de beaucoup échanger ensemble sur mon travail.
(05/02/2020)
C'est
encore en pensant à Paul Léautaud que j'aborde ce jour de grève pour aller à Paris. En
effet, je ne chercherai même pas à prendre le RER B, j'ai décidé de me rendre à la
capitale à pied, ainsi que le faisait l'écrivain pour aller de Fontenay au Jardin du
Luxembourg et y nourrir les chats errants. La coulée verte qui va du Sud au Nord offre
d'abord un terrain facile et tranquille, outre les joggers, il y a les cyclistes et les
adeptes de la patinette électrique qui suivent les allées bordées d'arbres, loin du
bruit et la circulation. D'où j'habite, le périphérique et l'entrée dans Paris est
exactement à six kilomètres et il m'en faudra quatre de plus pour rejoindre les parages
du Luxembourg et de la Sorbonne, le coin des libraires et Saint-Germain.
A midi, j'ai rendez-vous à la Closerie pour discuter de la suite de Y et de sa
parution. Alors que la dernière fois j'étais assis à la place d'André Breton (voir Webcam du 07/10/2019), c'est à celle qu'occupait
le grand Samuel Beckett que je me trouve
aujourd'hui : bon présage ? En fait, le remaniement de Y ne me pose pas de
problème : le texte en effet se doit de devenir plus nerveux, d'éviter que le lecteur se
perde dans les deux siècles et un tiers et les six générations d'un récit dont le
contexte historique est ardu. L'après-midi, retour chez l'éditeur où j'aborde plus
précisément avec Jean-François, que je retrouve avec joie, le principe des
modifications, la manière dont nous allons procéder et le calendrier. Car même si
septembre paraît lointain, les contraintes éditoriales imposent de tout boucler
quasiment dans les deux mois qui viennent. Nous abordons aussi l'illustration de
couverture, cherchons des idées. J'émets le souhait d'une carte afin que le lecteur
puisse retrouver les lieux exotiques de la Mitteleuropa que je cite.
Retour dans l'après-midi en banlieue Sud, toujours à pied et par le même chemin, sous
l'air froid et sec. Un peu mal au pied en arrivant : j'ai tout de même parcouru 24 km !
Bénéfice direct de cette confrontation à propos de Y : j'envoie à mes
éditeurs dans la foulée du week-end suivant les deux premiers livres remaniés et le
projet d'une carte. A suivre !
(28/01/2020)
Note
d'écriture de Pauline Delabroy-Allard :
" En quelque sorte. Il me faut du temps libre devant moi, beaucoup. Et puis un
horizon libre, physiquement je veux dire, le mieux étant les endroits quasi vides.
J'aimerais pouvoir écrire toujours dans un endroit où la vie matérielle n'a pas ou peu
de prise, où la vie est déchargée d'un coup de ses contraintes quotidiennes. En
attendant d'avoir la chambre de bonne dont je rêve, j'écris chez des amis. Les
journées, pour l'écriture de Ça raconte Sarah, se passaient ainsi : je me réveille
tôt, j'écris un poème d'échauffement, j'écris quelques mots ou quelques pages sans
relire les lignes écrites la veille, je vais à la piscine nager un kilomètre, je
déjeune, je fais la sieste, j'écris à nouveau quelques heures l'après-midi. Il me faut
énormément dormir quand j'écris, c'est très important d'avoir un bon lit dans ces
moments-là. "
(22/01/2020)
J'ai terminé Y le jour du 228ème anniversaire de la mort de Mozart, le 5
décembre dernier et j'ai aussitôt envoyé le manuscrit à mon éditeur. 228 ans
d'histoire familiale, c'est la distance exacte de Y, commencé le jour du décès
du musicien et où entre en scène mon arrière-arrière-arrière grand-père autrichien,
âgé de quatorze ans et qui réside alors au Sud de Vienne. 228 années ne s'écrivent
pas (ne s'inventent pas) en peu de pages et le livre déployé double presque Vie
Prolongée d'Arthur Rimbaud, le plus grand que j'avais écrit jusque là. J'avais
dans l'idée un roman de la teneur de La Guerre et la Paix de Tolstoï. En
réalité, je n'ai atteint qu'un tiers. Pour autant, alors que je m'apprête à
retravailler le premier jet avec les deux éditeurs de confiance qui m'accompagnent depuis
des années, se pose la question de l'opportunité d'une cure d'amaigrissement de ce
premier jet de Y.
En effet, d'un côté, la tendance d'une lecture au long court n'est plus de mise : qui
peut se prévaloir de lire " vraiment " en entier Hugo, Tolstoï ou Balzac ? Le
risque existe ainsi de délaisser des pages forcément éloignées d'une intrigue qui se
déploie sur plus de deux siècles. D'un autre côté, la coquetterie qui me laissait
imaginer un lecteur s'astreindre à être emporté par un souffle ininterrompu genre Guerre
et paix ou Les Misérables tient du leurre et de la prétention la plus
inouïe. Donc relire, traquer les longueurs qui ne doivent pas manquer lorsqu'on s'est
attelé pendant seize mois à un travail régulier et conséquent, resserrer le texte
autour du récit, des personnages principaux, se poser la question des anecdotes
inventées, de leur utilité dans le texte, bref, cure d'amaigrissement du texte.
Plus délicat en revanche reste la méthode à utiliser. Comment en effet détecter dans
deux cents ans d'histoire ce qui est essentiel de ce qui ne l'est pas ? La fiction et
l'invention ne s'oppose pas aux anecdotes historiques que j'ai patiemment retracées (et
avec difficulté tant l'histoire de cette région est complexe, tant je m'aperçois qu'en
France cette Europe est méconnue : il m'aura fallu explorer des documents en allemand, en
anglais, en serbo-croate). Dans cette imbrication, je dois repérer pour chaque
historiette, rebondissement, souvenir raconté, voire vécu, ce qui est important, de ce
qui est délayé dans l'écriture. En gros, c'est un tableau à quatre entrées que je
dois résoudre (à l'exemple du tableau de gestion du temps qui m'a souvent servi dans ma
vie professionnelle sur le partage des priorités entre ce qui est important et ce qui est
urgent). Cela donnerait quelque chose comme cela :
|
Important
++ |
Important
-- |
Délayé
++ |
A
garder (voir pour faire plus court) |
A
retirer (anecdotique) |
Délayé
-- |
A
garder (à compléter si besoin) |
A
retirer (superflu) |
La notion d'important n'est pas facile à identifier. Bien sûr, dans mon histoire
globale, certains évènements ne peuvent être passés sous silence. Ce sont souvent des
faits vécus ou racontés. Ce sont parfois des vérités historiques dénichées, des
dates, des documents importants, irréfutables. Mais ce peut-être aussi des histoires
inventées (comment ne pas imaginer par exemple ce qui s'est déroulé le jour de la mort
de Mozart).
La notion de " délayé " fait beaucoup plus appel au métier de l'écriture, à
la manière de raconter, parfois de s'entourer de précautions inutiles, voire de
certaines allégories pour masquer une pudeur ou une retenue pour éviter de se mettre en
scène. Le moyen que j'ai trouvé à la relecture a été de re-chapitrer le texte par
" historiette ", anecdote, évènement ou période racontée. Cette
multiplication des chapitres présente l'avantage, d'un coté, d'être plus digeste pour
le lecteur, qui " zappe " en quelque sorte d'une histoire à l'autre. Mais en
plus, chaque narration nouvelle est mieux identifiée et, avec, une trop grande dilution :
pour faire simple, chaque fait (chapitre) dépassant trois pages (ou plutôt 8000
caractères, soit 8 pages classiques de roman) doit être probablement remanié. Au boulot
!
(13/01/2020)
Côté
écriture, 2019 avait commencé avec la parution de Il se pourrait qu'un jour je
disparaisse sans trace. J'attendais peu de cette parution en janvier. Les
précédentes expériences m'ont montré qu'il ne se passait pas grand-chose lors de cette
rentrée littéraire. Mais on ne peut pas toujours publier en septembre, on a l'air de
courir après les prix, ce qui, en ce qui me concerne, n'a jamais été une priorité.
Donc, Sans trace a été conforme à ce que j'attendais, bien sûr, il y a eu de
bons échos dans quelques journaux nationaux (Le Monde, l'Huma, le Figaro, le Magazine
Littéraire) et sur quelques blogs ou sites dont la présence me ravit autant. En
revanche, pas de radio (télé, n'en parlons pas
), peu d'invitation de libraires,
sauf celles que j'ai suscitées et la rencontre inattendue et bien sympathique de Liège (note d'écriture du 26/11/2019). La surprise
est cependant venue à travers l'écho positif, élogieux et fervent de lecteurs qui ont
véritablement accroché à mon histoire (enfin mes trois histoires entremêlées).
Mais enfin, surtout, 2019 a été dévolu à l'écriture de Y, terminé en
décembre et dont la profusion m'a imposé un rythme hebdomadaire minimum d'un
équivalent-roman de vingt pages minimum. Objectif atteint : en 2019, c'est plus de mille
pages qui ont été rédigées. A noter que pour m'aider j'en ai rendu compte chaque
semaine par SMS à Anne et Pierrot : merci pour vos
encouragements (et dire combien je suis fier de participer à l'aventure de l'aiRNu avec vous tous (j'en
parlerai très prochainement).
J'avais compté en 2019 sur une actualité littéraire plus fournie et le remplissage plus
dense de mon agenda un peu plus relâché les années précédentes à cause de la thèse
en 2017 et d'une année blanche au point de vue parution en 2018. L'année a surtout été
marquée par mon retour aux ateliers d'écriture, Argenteuil d'abord, puis Charleville,
avant celui proposé dans ma ville pour accompagner les jeunes migrants mineurs qui y
débarquent, ce qui forme vraiment la bonne surprise de cette année en terme
d'implication, de suivi collectif et d'enjeux. Du coup, 2020 va se poursuivre sur la même
trajectoire, le retour marqué des ateliers avec un grand enthousiasme : celui de ma ville
va se terminer en mars, mais d'autres vont se poursuivre, celui au Lycée Chanzy de
Charleville avec la poésie en ligne de mire et une restitution pour le printemps des
poètes, et un tout nouveau qui va m'emmener dans le département voisin de la Meuse et
dont la forme, les objectifs et les participants me seront précisés ce mois-ci. A noter
aussi que le travail sur Instants cuisine avec l'ami peintre Delatour, va lui aussi se doubler
d'interventions au profit de la municipalité de Carignan : cela aussi va se préciser
dans les prochaines semaines. Si j'ajoute à cela ma participation aux rencontres
d'auteurs organisées par Interbibly à Epernay, Stenay et Reims prochainement, je
m'aperçois que l'agenda du premier trimestre 2020 est déjà aussi fourni que l'ensemble
de l'année 2019. Tout cela sera entremêlé avec les corrections de Y qui seront
à la mesure de sa profusion avant sa parution en septembre cette fois-ci. D'autres news
sont attendues pour 2020, mais il est trop tôt pour les évoquer.
(06/01/2019)
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