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Composants
est paru depuis le 20 août 2002.
Auparavant, voici quelques éléments, remarques, notes
et interrogations sur ce livre...
... et quelques critiques et réactions :
La
médiathèque de la ville dOrly propose une sympathique critique
La brutalité
du travail, article de lHumanité, 3 juil 2003
Interview de Catherine Feldman pour Courrier-Cadre du 20 mars 2003
Nouvelle Vie Ouvrière : texte pour "L'invité" du
21/02/2003
Article de Notes Bibliographiques
Composants :
Commentaires de Plum'Adély 2003
Article
de Paris Match du 12/12/02 de Pauline Lévêque sur le Wepler
Article de
Yonnel Liegeois, La Nouvelle Vie Ouvrière (CGT)
Article de
lHumanité sur le Wepler par Jacques Moran
Article
du Journal du Dimanche (extrait) Christian Sauvage 1/12/02
Fondation la poste,
article dElisabeth Joël
réaction de Zone Littéraire
sur le Wepler
Article de
Jean louis Kuffer (24 heures du 07/09/2002 -Suisse)
Mécanique
Poétique, Article de Cristophe Kantchef Politis du 21/11/2002
Article du
Matricule des Anges (Gianni Angelini, novembre 2002)
Impasse des hirondelles, texte de Mona Chollet,
Inventaire-Invention
Larticle
de Norbert Czarny, La Quinzaine Littéraire (du 1 au 15/11/2002)
Article de la NRF
(Octobre 2002) par Nicolas Carpentiers
Lire (octobre 2002) : Article de Marie Alstadt
Interview
de Pascale Casanova à France Culture : 24/10/2002
Larticle
des Inrockuptibles du 9 octobre, de Fabrice Gabriel
Christine Rousseau, Le
Monde (des livres) 11/10/2002
Article de Jacques
Morice, Télérama du 5/10/2002
Article du JHM du 10/09/2002 :
Laffranchi du 13/09/2002 :
Le Journal
de la Haute-Marne : Article du 14/09/2002 (J-N D)
La Croix Hebdo Annie Massy
30/08/2002
Les Inrocks (du 21 au 27/8) :
Alapage :
François Bon
On est fier des réactions de François Bon
sur Remue-Net :
" On avait admiré, il y a deux ans, Central, immersion dans
les arcanes matérielles et les couloirs d'un antenne provinciale de France Telecom
avec Composants, qui sort ces jours-ci chez Fayard, Thierry confirme la maturité et la
singularité de sa démarche littéraire entre temps, on a appris à le connaître
par son site, ses notes de lecture, ses réflexions en cours d'écriture, ses
"étonnements"" (25/08/2002)
" Composants participe de la même puissance hallucinée de
susciter l'illusion des choses que Central " (juillet 2002)
Alapage :
" Dans un hangar, un intérimaire passe une semaine, seul, a étiqueter des
composants mécaniques. Le roman du travail jusqu'à l'absurde : la répétition des
gestes déshumanise au point que le narrateur ne peut dire "je". Né à Langres
en 1958, Thierry Beinstingel est cadre dans les télécommunications. Son premier roman,
"Central", publié chez Fayard en 2000 avait été fort remarqué par la presse.
Avec ce second roman, il confirme son talent et la singularité d'une uvre qu'il met
progressivement en place. " (26/08/2002)
Les Inrocks (du 21 au 27/8) :
" Thierry Beinstingel na rien dun pétomane. Cest un
écrivain, cest tout, et si ses romans ressemblent à la grimace quon fait en
prononçant son nom difficile, tant pis. Ou plutôt tant mieux : après laride
" Central ", construit comme un réseau textuel privé du moindre
verbe conjugué, voici " Composants ", nouvelle expérience narrative
de la déshumanisation la plus extrème. Roman du travail et du
" on ", cest un livre singulier, dune grande force
décriture, étrangement poétique et absolument radical. "
La Croix Hebdo Annie Massy
30/08/2002
" Composants ", deuxième roman de Thierry Beinstingel
Lécrivain haut-marnais édite " Composants " chez Fayard.
Lécrivain y confirme un talent qui avait étonné avec
" Central " lannée dernière.
Il nest pas facile dêtre repéré par unéditeur national, surtout lorsque
lon vit en province. Il faut montrer que lon est capable de construire une
uvre originale par son inspiration mais aussi par son style. Thierry Beinstingel a
trouvé la brèche : pour la deuxième fois, il sort un livre aux éditions Fayard.
Après " central ", voici " Composants " :
toujours le monde du travail moderne mais la place principale est rendue à lhomme
tandis que les phrases retrouvent parfois des verbes conjugués. Pas de pronoms personnels
cependant dans cet univers dépersonnalisé mais quand même un personnage, trop ordinaire
pour être un héros mais si ordinaire quil est devient sympathique au sens
étymologique.
On finit par souffrir avec lui, du moins se sentir suffisamment proche pour compatir. La
lecture est devient plus aisée et lintérêt y gagne en force tout en gardant la
singularité dun style qui caractérise Thierry Beinstingel.
La trame du récit, très " nouveau roman ", est mince : un
intérimaire reçoit comme mission de ranger, dans un atelier tout neuf, des séries de
composants divers. Aucun repère dans la solitude du hangar mal éclairé, de cette
lointaine zone industrielle. Aucune consigne précise non plus, juste une semaine devant
soi et des étagères à remplir.
Lintérimaire cherche un ordre à suivre comme on attend Godot ou comme Sisyphe
roule sa pierre : faut-il en rire ou sen désespérer ? Voici lhomme
face à sa situation. Comment utiliser cette liberté à laquelle on nest pas
préparé ? Comment prendre des responsabilités de choix quand on nen connaît
pas lenjeu ? Quel est le sens de cette situation ? On frise la poésie par
la beauté de noms que lon ne comprend pas : " engrenages à
rattrapage de jeu ", " tiges trapézoïdales ",
" inox et Hostaform ", " goupilles élastiques ",
autant de mots et de connotations avec lesquels on jouerait bien.
Mais on sent instinctivement quon y a pas droit, quon est placé là comme un
pion avec un rôle dont le sens est refusé. A-t-il seulement une place cet
intérimaire ? Na-t-il pas été oublié lui-même avec les consignes ?
Ces composants inclassables ex nihilo ne reflètent-ils pas sa propre place dans le monde
du travail qui lenvoie de ci, de là au hasard de besoins mal définis ?
Le roman de Thierry Beinstingel est un ensemble dinterrogations : celle du
personnage devant les composants à classer, celle de lhomme dans le monde du
travail qui na que faire de lui, celle de nous tous devant le sens à donner à nos
vies. Où est lessentiel ? Travail ? Relations humaines ? Libre
arbitre ? Que peut-on accepter et jusquà quel point doit-on le faire?
Cest un livre se distingue en prenant lordinaire comme trame de récit.
Il est déstabilisant pour le lecteur qui est amené à sattacher au personnage,
tout sinterrogeant sur sa propre situation. Cest un de ces livres perturbants
comme ceux qui ont pu nous émouvoir à ladolescence quand on cherchait dans la
nouveauté dune écriture, le sens de ce qui nous entourait.
Un de ces livres qui laissent une place à part dans notre esprit et nos souvenirs.
Le Journal
de la Haute-Marne : Article du 14/09/2002 (J-N D)
Thierry Beinstingel : " Raconter linracontable "
" Il tente dordonner un monde qui ne lui appartient pas, et dont il
na pas la clé
". Thierry Beinstingel résume ainsi son dernier
roman par chez Fayard. Il était invité hier après-midi à la librairie Le Pythagore
pour une séance de dédicace.
Cétait loccasion pour les lecteurs de parler à ce cadre de France Telecom
pour qui " lécriture nest pas un métier ". Certes mais
une passion. Il a déjà écrit une dizaine de livres quil na pas publiés,
les jugeant " imparfaits ". En fait, son premier
" vrai " livre a été publié en avril 2000 aux Editions Guéniot.
Intitulé " La Réserve, Haute-Marne 2017 ". Une fiction humoristique
sur lavenir quil imaginait de notre département au début de la crise de la
vache folle et de lEurope embryonnaire. Un département " provincial et
complexé ", de petite taille et juste bon à " faire des
expériences ".
Dans son deuxième roman, Central (Fayard), il aborde de manière autobiographique
le monde du travail. Celui que les gens ne racontent pas en rentrant chez eux.
" On ne parle pas de " son " travail alors que cest
la chose la plus normée au monde
". Dans Composants,
lauteur veut prendre une revanche en se mettant dans la tête dun
intérimaire. En racontant une semaine, chronologiquement bien rangée, comme ces
composants mécaniques quil faut trier, répertorier, classer, étiqueter, sans
savoir doù ils viennent, ni où ils vont, sans comprendre à quoi ils servent et
serviront
Répétition des gestes, des pensées et des jours qui plongent le lecteur
au cur du monde du travail dans ce quil a de plus " déshumanisant
et dabsurde ". Thierry Beinstingel réussit à trouver et faire passer
une poésie, à travers une terminologie hautement technique (mais aux sonorités qui
invitent au rêve), pour peu que lon oublie tout ce temps perdu
au travail.
" Cest un peu raconter linracontable
"
Laffranchi du 13/09/2002 :
Le troisième livre de Thierry Beinstingel
Originaire de Langres, vivant à Saint-Dizier où il travaille dans les
télécommunications en qualité de cadre, Thierry Beinstingel, 44 ans, livre son
troisième roman, chez Fayard : " Composants ". Comme dans
Central, publié par le même éditeur en 2000, lauteur plonge le lecteur au
cur du monde du travail dans ce quil a de plus déshumanisant et absurde.
Embauché pour une semaine, un intérimaire est chargé, seul, dans un hangar,
détiqueter des caisses de composants mécaniques qui tapissent un mur
dentrepôt. Jamais le narrateur ne dit " je " dans ce
roman : lusage du pronom personnel naurait plus aucun sens pour ce qui ne
semble plus être le sujet de sa destinée. Un exercice de style qui confirme un talent
décrivain et la singularité dune uvre qui se met progressivement en
place (La réserve, le premier roman de Thierry Beinstingel, publié par Dominique
Guéniot valait déjà le détour).
Article du JHM du 10/09/2002 :
Thierry Beinstingel publie son deuxième roman chez Fayard :
Comme dans son premier roman, Thierry Beinstingel plonge le lecteur au cur du monde
du travail, dans ce quil a de déshumanisant et dabsurde. Le livre : la
société Méca-Industrie vient dembaucher un intérimaire pour une semaine.
Il sagit détiqueter des caisses de composants mécaniques qui tapissent un
mur dentrepôt. A lagence dintérim, on ne choisit pas son lieu de
travail. Celui là est très éloigné. Une heure et demie le matin, en train, en bus, à
pied, et soir pareil. Cela fait de longues journées. Lintérimaire est un beur,
cest lui qui raconte cette semaine ordinaire dun travailleur
" technicien spécialisé " comme lindique la fiche de
renseignements de lagence.
Il pourrait être nimporte qui parmi ces milliers de travailleurs qui se louent un
mois ici, quinze jours là, éléments dune mécanique, composants dun
ensemble qui le plus souvent les dépasse. Jamais le narrateur ne dit
" je " dans ce roman. Mais rien de gratuit dans cette absence, au
contraire, elle noue le langage et le style particulier de lauteur à sa vision du
monde.
Il en naît une poétique sociale où les vérins à vis coulissante et les filetages
trapézoïdaux finissent par former un recueil, lignes lumineuses de tout ce temps perdu
au travail.
Thierry Beinstingel confirme ici son talent et la singularité dune uvre
quil met progressivement en place.
Article de Jacques Morice,
Télérama du 5/10/2002
Quoi de plus beau qu'un catalogue de " composants mécaniques ", saturé de
vérins, cardans, crémaillères et autres engrenages à pas circulaire ? C'est ce genre
de proposition hérétique qui fait tout le sel de ce deuxième roman fascinant, plongée
vertigineuse dans la tête d'un manutentionnaire anonyme, le temps d'une semaine de
labeur.
Ce travailleur intérimaire ouvre des cartons, étiquette, déplace, range du matériel
dans un entrepôt sans âme d'une zone périurbaine. Gestes mécaniques, mille fois
répétés, le corps tour à tour tendu et relâché, l'esprit concentré et absent.
A condition d'aimer des choses comme la musique répétitive ou les paysages
géométriques de certains photographes plasticiens, ce livre est une pure merveille, un
précipité de poésie concrète qui n'exclut pas l'affection. Entre la tâche aliénante
à accomplir et le refuge dans l'imaginaire, entre la maison familiale et le lieu de
travail, le moindre détail même infinitésimal- du quotidien a ici son importance.
Peu à peu se constitue un inventaire inouï de précision et de concision sur une vie
intérieure disloquée, remplie mais lessivée.
A la fois radiographie glaçante d'un monde déshumanisant et réappropriation de ce qui
est dénigré (du travailleur social à l'objet sans valeur), Composants confirme, deux
ans après Central, la valeur essentielle de Beinstingel.
Christine Rousseau, Le
Monde (des livres) 11/10/2002
Humaine condition : le monde du travail, avec ses codes et ses usages, est le
terrain d'observation de Thierry Beinstingel.
Le monde du travail, qu'il soit celui de l'entreprise ou de l'usine, ne suscite plus
guère l'intérêt des romanciers. A quelques exceptions près notamment Leslie
Kaplan avec son très durassien L'Excès-Usine (POL, 1982), François Bon, avec Sortie
d'usine (Minuit, 1982), Philippe Delaroche avecAbel et Caïn avaient un père (éd. de
l'Olivier, 2000), ou encore Thierry Beinstingel, qui en a fait la matière de ses deux
premiers romans, dont le très singulier et remarqué Central (Fayard, 2000) qui le fit
découvrir. Dans ce texte d'une grande rigueur formelle (emploi de tous les verbes à
l'infinitif), le romancier, qui est aussi cadre dans les télécommunications,
stigmatisait la déshumanisation progressive de l'individu assujetti au grand
"nous" de la sacro-sainte entreprise voire son annulation pure et simple.
Cela à travers les plus infimes rouages et réseaux d'un central téléphonique ; un
"formulaire de description d'emploi" accompagné de son "Glossaire des
verbes" à utiliser était à la source de toutes les paroles.
Avec Composants, Thierry Beinstingel persiste et signe, avec bonheur pourrions-nous dire,
si la gravité de ce sujet ne rendait ce terme presque incongru. "Bonheur"
d'être bousculé, dérangé par des interrogations (notamment celle de la place du
travail dans nos vies) traversant un récit porté par une écriture qui puise dans le
plus infime ordinaire sa puissance poétique. Car quoi de plus prosaïque en effet que de
suivre, pas à pas, tâche après tâche, geste après geste, la semaine d'un intérimaire
dans une entreprise de composants mécaniques, d'un homme effacé dans le"on"?
Quoi de plus banal que ces cinq jours scandés invariablement ou presque par le départ au
petit matin, "les yeux épais, le cerveau dans le brouillard",le train de
banlieue et la vision des mêmes visages fatigués, l'arrivée dans la zone industrielle,
la prise du registre et les clés de l'entrepôt avant les premiers mouvements d'une
chorégraphie précise, minutieuse : "S'approcher du tas, saisir un carton
(...),ouvrir, décoller, agripper, poser, reposer, déposer, retourner. Mouvements qui
s'empilent en strates de dixième de secondes, poussière remuée, agitation d'air,
l'inconscience des mains qui agissent, le cerveau qui donne l'influx nerveux." Puis
vient la pause déjeuner, la gamelle avec les restes du dîner, la cigarette, et la
reprise jusqu'à la tombée de la nuit avant le retour, harassé, chez soi, pour y
grappiller quelques instants d'une autre vie, en famille. Avant que tout ne recommence.
"Automatisme que tout cela (...), Saisir. Routine. Diable. Aliénation. Comptoir.
Ouvrir. Habitude. Etiqueter. Gestuelle. Vidage. Vidé. Remettre. Agripper. Diable.
Diabolique. Reposer. S'épuiser. Et l'esprit dans tout cela ?" Il s'évade dans les
interstices d'une pensée mécanique, remonte le temps au hasard des réminiscences
douces-amères de l'enfance, flotte au gré de la sonorité de mots mystérieux :
"ressorts de compression", "vérins à vis coulissante","pignon
arbré", "galet tendeur"... S'épuise enfin dans les "pour qui
?", "pour quoi ?", les "à quoi bon ?" d'une révolte mort-née ;
d'une existence ordonnée, rangée, classifiée que Thierry Beinstingel transcende par les
fulgurances d'une prose où la poésie se pare d'une profonde humanité.
Larticle
des Inrockuptibles du 9 octobre, de Fabrice Gabriel
Le catalogue dune vie banale à travers ses objets industrialisés. Belle
mécanique.
" Composants " est un titre intrigant, qui rappelle vaguement les
expérimentations textuelles des années 60 ou 70, aujourdhui si facilement
raillées dans le petit préau des lettres. A bien y regarder, on dirait presque du Butor
dautrefois ce qui ne fait pas très mode, on en conviendra. De fait, Thierry
Beinstingel nest pas à priori le mieux armé pour se protéger des moqueries de ses
petits camarades écrivains plus parisiens que lui : on le dit cadre dans les
télécommunications et très attaché à sa Haute-Marne natale. On le lit surtout comme
un obsédé du travail, dont il recensait déjà les horreurs ordinaires et les rituels
aliénants dans son roman précédent " Central ", publié il y a deux
ans. " Composants " est de la même veine, qui se fonde sur un
protocole décriture plutôt contraignant, tenir le journal pendants une
semaine et vingt séquences dun intérimaire consigné dans un entrepôt pour
y ranger des composants mécaniques. Cest Perec au hangar, qui classe et passe son
temps en listes, énumérations détiquettes, déléments réduits à
labstraction de leur pure dénomination technique. Et cest la vérité nue de
lieux quasi manufacturés, qui sempilent sur les étagères dun livre gagné
progressivement par la plus étrange des poésies : gare, entrepôt, centre
commercial, zone industrielle, hôtel
Lhorizon ne permet pas le
" je " dans ces pages où la pensée lutte avec le temps compté, les
gestes qui se répètent. " Composants " est donc un roman du
" on ", qui dit la déshumanisation sans se perdre en dénonciations
inutiles. Plutôt quune thèse, un catalogue : le répertoire précis
dune vie banale, méticuleusement référencée, sauvée seulement par la promesse
dun livre. Lensemble, qui fait parfois penser à François Bon, est radical
sans être aride : réussi.
Interview
de Pascale Casanova à France Culture : 24/10/2002
Les Jeudis
Littéraires, début et présentation par Pascale Casanova (
et clin
dil à Pascal Quignard à la date de linterview, le Goncourt ne
lui était encore pas décerné
) :
" Thierry Beinstingel, cest peu souvent que jemploie des
adjectifs, et surtout des adjectifs élogieux dans cette émission mais, là, dans cette
rentrée littéraire effroyablement conformiste, je dois dire que jai été
extrêmement impressionnée par votre livre qui va complètement à rebours de tout ce qui
sécrit aujourdhui, qui prend le risque, le plus grand en France, celui de ne
pas être chic, pas branché, pas dans lair du temps et autant dire, un livre
courageux qui choisit un sujet difficile entre tous, cest à dire la vie ouvrière,
en lui appliquant une recherche formelle et stylistique tout à fait admirable. Bref, je
pense que vous êtes un romancier très rare et très précieux, dautant plus
précieux que lair du temps littéraire notamment est sinistre. Je voudrais ajouter
quon ne peut vraiment pas vous confondre avec Pascal Quignard et avec toute cette
littérature à la préciosité " kagneuse " et que cest
vraiment tant mieux et que, pour moi qui déteste la critique analogique ou
impressionniste du type ça fait penser à
, on dirait du
, cest une
atmosphère à la
, je nai cessé en vous lisant de penser à beaucoup de gens
passionnants, au premiers " Robbe-Grillet ", à Perec, à François
Bon et même à Carlo Emilio Gadda : voilà pour la famille dans laquelle je vous
mets
"
Sur le site web de France Culture, on trouve aussi :
" Thierry Beinstingel vit à Saint-Dizier et est cadre dans les
télécommunications. Son deuxième roman Composants traite du monde du travail. Un
sujet original car finalement assez peu traité par les romanciers. Par sa structure et sa
langue qui meut le technique en poésie, Composants semble héritier du Nouveau
Roman. Ouvrage fort et abouti, Composants s'attache à dépeindre le quotidien d'un
intérimaire qui trouvera peu à peu un échappatoire à la brutalité de sa tâche grâce
à la poésie qui paraît affleurer dans les pages d'un mode d'emploi
technique
/
Un roman construit en journal quotidien de la vie d'un
intérimaire. Un ouvrage remarquable qui s'attache à dépeindre le monde du travail. "
Article de la NRF
(Octobre 2002) par Nicolas Carpentiers
Dans les dernières lignes de son essai Sur quelques thèmes baudelairiens, Walter
Benjamin soutenait que le poète avait " indiqué le prix quil faut payer pour
accéder à la sensation de la modernité : la destruction de laura dans
lexpérience vécue du choc. La connivence de Baudelaire avec cette destruction lui
a coûté cher. Mais cest la loi de sa poésie ". À lopposé des auteurs
qui dénient la perte de laura pour se réfugier dans limaginaire et les
schémas narratifs éculés, Baudelaire incarne, selon Benjamin, lécrivain qui
choisit de se confronter à la modernité, den faire lépreuve, si douloureuse
soit-elle. De nos jours, cette volonté de confrontation avec le temps présent produit
souvent des textes où lexpression du contemporain se limite à la crudité
benoîte, au sociologisme clinique, à la déprime triomphante, à la platitude
stylistique. Lécueil de nêtre que le reflet de son époque, de lui coller
aveuglément sans mettre en uvre un appareil esthétique qui la traduirait en
littérature est heureusement absent de Composants, le deuxième roman de Thierry
Beinstingel.
Récit frotté au réel le plus rugueux, Composants se penche sur une vie banale, sur
lune de ces silhouettes fuyantes que lon aurait dit insignifiantes si
lon navait lu ce récit tendu, économe et généreux à la fois. Pour son
nouveau contrat dintérimaire, le narrateur, qui ne sera jamais nommé, est chargé
de vider des caisses dun entrepôt et den ranger le contenu sur des étagères
: besogne solitaire, mécanique. En suivant son labeur jour après jour, Thierry
Beinstingel refuse aussi bien lintrigue psychologique que les péripéties
romanesques, pour se concentrer sur la description minutieuse du travail manuel : "
Gestes rapides pour arracher le scotch, ouvrir les battants, muscles des avant-bras
remués en tous sens, fibres grouillantes sous la peau. Puis le corps se libère, on
souffle, la tâche devient moins physique, les doigts cherchent une nouvelle page
détiquettes, yeux qui lisent, analysent répercutent, nerf optique, influx nerveux,
lordre aux doigts de saisir, puis de décoller le code barre du support plastifié.
Le bras tourne comme une grue, pouce et index comme une pince, la mince bande de papier
est transportée comme une poutrelle sur un chantier. " De telles descriptions, qui
seraient accessoires ailleurs, constituent ici le noyau du texte : réduit à un automate,
dépossédé de lui-même, lhomme nest plus quun composant, parmi
dautres, de la grande machine du travail. La déshumanisation fabrique une langue
mécanisée, où les verbes sans sujet, les formes impersonnelles, les métonymies ("
Puis, la boule de cheveux frisés sagite, on entend juste : ben non, et le patron
qui est parti. ") expriment leffacement de lindividu. Servi par
lacuité de son regard, la rigueur de son observation, Composants affronte notre
époque, non dans un style obsolète, inadapté à son sujet, mais au moyen dune
écriture nouvelle, capable de nous faire sentir cette réification par sa substance
même.
Loin de se réduire à une étude sociologique ou à un pur exercice de style, ce roman du
temps présent brosse en creux un émouvant portrait. Entre deux caisses déplacées, dans
les interstices de la " brutalité du travail " se glissent en effet des
souvenirs denfance, des bouffées de mémoire. Reviennent ainsi à lesprit du
narrateur le copain Jim, les petits chevaliers posés sur le linoléum de la salle à
manger, la haine de loncle qui reprochait le " temps perdu des livres " et
considérait le père comme une vulgaire machine de levage, ou encore la jeune fille du
verger perdu dans le brouillard des Ardennes : " La fille qui tourne autour. Fils de
la ville, décontenancé, désarçonné dans la campagne vide, tombé de sa mobylette.
Elle, ce besoin dexotisme, un fils de la ville. Les pommes dans le panier. Elle, qui
en apporte des vides, monte derrière, sur lescabeau, tend le récipient, et on
descend dune marche, les planchettes tremblent en bas, on nose pas bouger, les
visages proches. Contact du manche torsadé dosier. Le brouillard comme un étau,
lhumidité qui mouille tout. " Le passé revient avec une fluidité triste (il
y a ainsi une belle respiration dans la construction du roman) et nous rend sensibles à
cette ombre dont pourtant nous ne savons pas grand-chose. Avec sa manière sobre, sèche,
éthique, profondément humaine, lauteur met à nu les fractures de son personnage,
dont il épouse, grâce à son empathie discrète, la sourde nostalgie et les moments de
fuite. Car si la conscience du narrateur na prise sur rien, si elle glisse sur les
visages et les paroles dautrui, elle parvient tout de même à travailler " en
parallèle, à côté des gestes ", à sévader sur " lîle déserte
". Derrière " le masque ouvrier du visage " se bousculent les envies de
désordre, les divagations nées dun regard analogique (le hangar ressemble à une
baleine, un pilier daluminium évoque la forêt amazonienne), les rêveries sur les
mots du catalogue de lentreprise, Engrenages et composants mécaniques. Fasciné par
la poésie des termes techniques, le narrateur imaginera de ranger les pièces selon la
beauté, le mystère de leur dénomination, selon un ordre nouveau qui pervertirait le
classement des codes barres, uniquement déchiffrables par les machines. Et si,
finalement, tout rentrera dans lordre (les boîtes sur les étagères, les songes
dans la tête), ce sera sans douleur, certes, mais sans véritable espoir non plus
Ce désenchantement serein, ce courage ordinaire, qui confèrent une dignité admirable à
cette figure sans visage, sont dailleurs pour beaucoup dans lémotion mate qui
se dégage de la fin du récit.
Inventaire des composants dune vie décousue, privée de perspective, écrit sur une
note basse, mélancolique, mais dénuée de tout pathos, Composants forme avec Central, le
précédent livre de lauteur, un implacable diptyque sur le nihilisme de notre
époque, où lhomme, quil se perde dans le monde virtuel ou dans la
répétition robotisée, ne cesse de disparaître au profit de la technique et de
largent. Avec lucidité et humanité, Thierry Beinstingel compose ici un roman
juste, attachant, impitoyablement réaliste.
Larticle
de Norbert Czarny, La Quinzaine Littéraire (du 1 au 15/11/2002)
" Un monde sans noms
La rhétorique économique ou politique utilisée aujourdhui ne connaît plus
certains mots et leur préfère des périphrases, des euphémismes, voire des ellipses qui
permettent descamoter la réalité sociale : le chômage, lemploi
précaire, lexploitation semble perdre sens. Revenir aux mots, nommer la tâche
accomplie et autant faire se peut, retrouver la poésie là où elle a disparu, ainsi
pourrait-on définir le projet de Thierry Beinstingel avec son deuxième roman,
Composants.
Un homme jamais nommé sinon par sa fonction, intérimaire ou par
" on ", pronom impersonnel qui le transforme en individu parmi
dautres, commence un lundi une semaine de travail dans un entrepôt situé en un de
ces " pôles dactivités " qui transforme la zone la plus
sinistre en parc dattraction. " Lintrigue " sétend
sur une semaine : on suit le personnage de sa banlieue à celle dans laquelle il
travaille, on le retrouve le soir, avec sa femme et ses enfants, puis en fin de semaine.
Au moment où le roman sachève, son contrat a été reconduit et on imagine sans
peine ce qui recommencera le lundi, et les jours suivants.
Si le terme " roman " convient (on est dans un univers fictif), celui
dintrigue peut surprendre. Beinstingel remplit un contrat comme son intérimaire.
Tous deux accomplissent leur tâche, chacun avec ses outils. Lintérimaire ne se
sépare jamais du catalogue " Engrenages et composants mécaniques ",
le romancier de la langue précise, minutieuse, rigoureuse, grâce à laquelle il rend
exactement lunivers de milliers dhumains constituant désormais la mécanique
du travail universel. Tous ces humains, devenus des " composants ",
composent à tous les sens du mot : ils font partie dun ensemble dont ils ne
connaissent pas lorganisation globale et ils sont obliger de composer pour survivre.
Composer avec le temps, le patron qui les embauche, les ouvriers qui voient dun
mauvais il ces travailleurs de passage au statut différent du leur, composer avec
la famille et avec soi-même pour supporter cette existence morcelée, incertaine. Ils
sont " enfermés dans des parenthèses de vie qui ne sont ni la famille, ni le
travail puisque la journée de boulot est terminée, mais des moments vécus avec retenue,
une vie quon nose pas prendre à pleines mains, une
économie
".
On est très loin du récit de Georges Navel dont le récit
" Travaux ", écrit dans les années trente, évoquait encore une
dignité du travail. Loin aussi de Roger Vailland et de son 325 000 Francs qui disait la
fièvre dun ouvrier prisonnier de son désir dargent, de son envie
dêtre propriétaire. Beinstingel décrit un monde doù lhumanité se
retire peu à peu. Cest le " on " qui nest pas un homme
mais tous les hommes de cette condition, cest la désignation par la fonction, mais
ce sont aussi les courtes phrases nominales alignées comme des pièces sur des
étagères, ce sont des verbes à linfinitif qui servent à inventorier les actions
entreprises ou à entreprendre, une série dautomatismes comme sil fallait
tout le temps faire quelque chose : " on refait une série en vitesse
réelle. Saisir . Routine. Diable. Aliénation. Comptoir. Ouvrir. Habitude. Etiqueter.
Gestuelle. Vidage. Vidé. Remettre. Agripper. Diable. Diabolique. Reposer.
Sépuiser. "
Parfois aussi les noms communs salignent sans déterminants, sans adjectifs pour
donner la couleur, pour dire un sentiment qui soit autre chose que le chagrin,
lennui ou la lassitude. Il y a bien ces pensées fugitives, ces échappées
rêveuses lorsque lintérimaire mange ou voyage en train, mais le passé qui émerge
na alors rien denthousiasmant, comme si le présent y était déjà annoncé.
Cest juste une consolation quand on pense à Jim, lami avec qui enfant, on
montait des mécanismes savants en Lego.
Et pourtant la beauté est là, devant les yeux de celui qui range ces composants
mécaniques sur des étagères, dans le vaste entrepôt silencieux. Elle est dans le nom
des pièces, lusage quon imagine à ces morceaux dacier ou de plastique,
dans la gigantesque machine qui pourrait naître de cette infinité de pièces. Tout cela
nest pas encore devenu code-barres et il faut bien des hommes pour classer, porter
et ranger. Il faut encore leurs gestes pour que le monde continue et comme lécrit
lauteur dans les dernières lignes, " le catalogue est un recueil de
poèmes, le temps perdu des livres le composant ".
Article du
Matricule des Anges (Gianni Angelini, novembre 2002)
" Il est bien connu quintérimaire nest pas un métier mais bel
et bien une fonction : lhomme sy dilue, napparaît quen
filigrane derrière la tâche. Quand, de surcroît, on est maghrébin et banlieusard, le
peu dâme qui colle encore à cette silhouette vague, prend la poudre
descampette dans les tunnels du métro. Thierry Beinstingel nous détaille
lépopée hebdomadaire dun héros anonyme aux prises avec les rites quotidiens
qui préservent la carcasse aux dépens du bonhomme.
Lanonymat est ici élevé au rang de figure de style pour mettre en relief les
conséquences ultimes dune aliénation parfaitement agencée et banale. Ce livre est
un bon à tirer de la monotonie quotidienne. La description minutieuse des objets, de la
nourriture, des composants, justement donne le vertige :
" cardan ", " simple acier ", " nylon
titane ", " ensemble auto-entrant ", " plastique
thermodurcissable ", etc, le tout pêle-mêle dans un bric-à-brac qui multiplie
les structures du néant. Ainsi tout au long des pages, notre héros, passe-muraille,
saccroche comme le chiendent au goudron des zones industrielles et aux parpaings des
entrepôts. Seul havre, les trouées des souvenirs ensoleillées, appels dair
intimes où notre trimeur sengouffre, las davoir vouvoyé tout le temps son
prochain. Tout le livre est scandé par le lent écoulement des jours, les chapitres
nétant rien dautre que leur pénible autopsie, leur mauvaise haleine.
Anatomie dun néant quotidien où lon voit que leffacement de
lhomme est le prix de la plus-value.
Si lintention de lauteur a été de nous restituer, par le style de son
écriture la pesanteur des jours de travail, le pari est réussi. Il nous tend ses phrases
comme le reflet dun miroir de cafétéria, au soir, éclairé par lécran de
lordinateur qui comptabilise les steaks frites avalés dare-dare.
Ouvrage quasi pédagogique, Composants illustre combien la production des biens
repose sur les individus quon oublie de regarder, à défaut de les voir, histoire
de se donner bonne conscience. "
Mécanique
Poétique, Article de Cristophe Kantchef Politis du 21/11/2002
"A sa manière, et sans volontarisme, Thierry Beinstingel pratique une
littérature de résistance. Résistance à la bêtise ambiance, que caractérisent des
écrivaillons à succès et/ou à pensée laborieuse (Houellebecq, Maurice Dantec,
Philippe Murray
) qui décrètent les méfaits du Nouveau roman et font ainsi les
délices des esprits paresseux, notamment journalistiques, qui ne lont jamais
compris ou lu. Résistance au néo-naturalisme, teinté de pittoresque, ou au
psychologisme, qui dominent à outrance la production romanesque. On ne fera pas porter
sur les seules épaules de Thierry Beinstingel, qui publie son deuxième roman, la
responsabilité de sopposer à un tel vent conservateur. Sa démarche esthétique
est cependant exemplaire et remarquable.
Dés son premier roman Central, qui avait pour objet la déshumanisation dans
lentreprise moderne, il utilisait la langue anonyme des questionnaires de
" description demploi " comme mode narratif, employant des
verbes sans sujets. Dans Composants, on retrouve la même préoccupation formelle
pour faire entrer en résonance la langue du récit avec la difficulté et
labsurdité du travail en usine.
" On " est ce quil est convenu dappeler un travailleur
intérimaire. Un de ces travailleurs, que brassent les entreprises au gré de leurs
besoins, déplacés, déracinés, sans identité. Doù sa désignation par le pronom
impersonnel " on ". Mais " on " nest pas
nimporte qui. Il a une femme, des enfants, il est maghrébin, même si ce nest
jamais explicite, et, donc, a perdu son travail, ce qui la condamné aux contrats à
courte durée. Ce lundi-là, il abandonne au petit matin lappartement de banlieue
quil habite pour rejoindre une usine dans une autre banlieue, plus de deux heures de
trajet, il faut transiter par les gares parisiennes. Le roman sachèvera le vendredi
soir, chaque journée formant quatre chapitres, le matin, le midi, laprès midi, le
soir. Une division qui indique la répétition et un certain ordonnancement. Le problème
même qui se pose au personnage.
Sa mission est en effet de ranger sur de grandes étagères des composants mécaniques
emballés dans des cartons. Seul, dans un entrepôt vide, sans électricité. La tâche,
à priori, est monotone et dénuée denjeu. Thierry Beinstingel sattache à
décrire avec précisions la répétition des gestes, la tension des muscles,
lénergie du corps et sa fatigue, une occupation qui permet toutefois à
lesprit de vagabonder à partir dune impression ou dun mot. Oui,
dun mot. Comme lécrivain, le personnage y est très sensible.
" Réducteur à roue et vis sans fin, boîtier aluminium anodisé
Un
accouplement à mâchoires permet déviter les mésalignements " : le
nom des composants, le vocabulaire technique sont riches dassonances et
danalogies. Le catalogue des composants que le travailleur aime à consulter devient
dès lors un recueil de poésie, une poésie du concret, matérielle. Mais on peut dire la
même chose du roman dans son entier. Attentifs aux objets et à leur pouvoir évocateur,
il dévoile une poésie souvent ignorée, comme lon déjà fait à leur manière
Robbe-Grillet, Perec ou Francis Ponge. Reste la question du rangement. Elle taraude le
personnage, qui na reçu aucune indication sur la manière dordonner les
composants sur les étagères. Selon quels critères ? Il est dautant plus
démuni quil ressent larbitraire du besoin dordre de lentreprise
face à la vie qui laisse peu de liberté de choix, où lordre nest pas
harmonie mais commandement. Le recours au mot, à nouveau, pourrait constituer une
solution. Ranger les composants en fonction de la beauté de leur nom ? On sait Gré
à Thierry Beinstingel davoir évité tout romantisme. Il na pas cette
naïveté qui tendrait à faire croire que les mots peuvent sopposer à la
déshumanisation du monde du travail. Mais sils permettent à un individu de ne pas
rejoindre les morts-vivants, cest déjà beaucoup. Ces composants-là sont
précieux."
Article de
Jean louis Kuffer (24 heures du 07/09/2002 -Suisse)
"De la beauté de lécrou six pans.
Le monde du travail est assez peu présent dans le roman français contemporain, alors
quil constitue le décor et le sujet essentiel des deux premiers livres de Thierry
Beinstingel, Central en 2000, et Composants aujourdhui, constituant
deux tableaux hyperréalistes à létrange beauté.
Une semaine dans la vie dun intérimaire pourrait être le sous titre de Composants,
où nous suivons pas à pas, minutieusement décrit en chacun de ses gestes et de ses
pensées solitaires, un " on " impersonnel engagé dans un entrepôt
de lointaine banlieue pour le rangement de composants mécaniques. Tandis quon
sy applique, avec la liberté inattendue de choisir sa méthode de classement, puis
au fil des heures, du casse-croûte de midi au retour dans son foyer, se construit peu à
peu le portrait robot dun beur marié, deux enfants, consciencieux, parfois bien un
peu tenté de se tirer sur une île déserte mais sacquittant finalement de son job
avant le loto de fin de semaine et " la reprise du travail comme un panier
garni ".
Tout ça pourrait être insignifiant sans la perception que lauteur prête à son
personnage, de la beauté des noms de choses quil manipule : " Pignon
arbré, galet tendeur, circlip externe, écrou six pans, courroie crantée ",
autant de mots " puissants comme ceux dun poème. " qui relient
le monde de latelier à " lhumain qui se profile derrière, ombres
discrètes du travail, ramasseurs dexpérience, inventeurs de
gestes "
"
réaction de Zone Littéraire sur
le Wepler
" " Pour ce qui est de notre appartenance à la langue et à la littérature
française, naturellement, nous leur appartenons. En cime, en plein ciel, face à
lavenir, à linconnu, à la nuit. " Ces quelques mots de Francis Ponge
traduisent bien létat desprit de ce prix fondé il y a cinq ans, et qui
couronne au mois de novembre une uvre de fiction publiée entre avril et octobre de
la même année.
Le prix Wepler Fondation La Poste est doté de 9150 euros. Lobjectif du prix
? Redonner à la butte Montmartre, qui accueillait Max Jacob, Francis Jammes, Stéphane
Mallarmé, Paul Verlaine, Henry Miller et bien dautres, une aura littéraire et
libertaire à la fois. Rendre un hommage neuf, complètement objectif et libre (principe
du jury tournant), à un auteur de talent qui nest pas encore consacré. Privilégie
le mot et le style. Le souci de différentiation des membres de son jury les conduisent à
instaurer un prix hors catégorie : la mention 3050 euros, destinée à récompenser une
uvre marquée par une audace, une singularité résolument en dehors de toute visée
commerciale.
Et lautre soir, au Wepler, la Librairie des Abbesses était de la partie évidemment
(rappelons l'adresse : 30 rue Yvonne le Tac, 18e), se trouvant elle aussi à
lorigine de la création du prix. Alliance pas si commune que ça dans le petit
monde littéraire, entre une librairie devenue un véritable lieu de rencontre et de
conseil rive droite, la Poste (ne loublions pas, principal neuro-transmetteur des
lettres, qui peuvent aussi être considérées comme constitutives dune des facettes
de la littérature), et une célèbre brasserie de la place de Clichy. Organisé par
Nathalie Jungerman (secrétaire générale), le jury est composé de cette dernière, de
Marie Rose Guarniéri (Présidente du Prix et Reine des Abbesses), de Sébastien Drouet
(journaliste au Magazine Littéraire), Patrick Navaï (La Poste), Pascal Thuot (librairie
Mille Pages), Pascale Casanova (journaliste à France Culture), Jean-Michel Djian
(journaliste à Télérama), Corinne Amar(écrivain), et Philippe Blanc (bibliothécaire)
du côté des professionnels ; tandis que trois lecteurs "tournants " se
joignent à la décision (Elisabeth Joël, Clara Madec, Sophie Narcisse, Rémi Rousseau).
La sélection fut nombreuse et pertinente, comme toujours. Quatre que la critique
littéraire avait déjà remarqués : Grégoire Bouiller (Rapport sur moi chez Allia, Prix
de Flore 2002), Eric Chevillard (Du Hérisson chez Minuit), Denis Grozdanovitch (Petit
traité de désinvolture chez Corti) et Jean-Marc Lovay (Asile dAzur chez Zoé). Une
sélection éclectique, qui couvrait un large panel des maisons déditions aux
lignes variées : ainsi Nicole Caligaris (Barnum des ombres aux éditions Verticales)
était nominée aux côtés dun Thierry Beinstingel (Composants, quant à lui chez
Fayard). Quelques maisons avançaient aussi par paire, cette année. Ainsi, avions-nous
deux Gallimard : Dominique Barberis (Les Kangourous, dans la collection lArpenteur)
et Eugène Ebodé (La Transmission) ; deux Denoël : Marcel Moreau(Corpus Scripti) et
Vincent de Swarte (Lynx, qui avait eu la mention Wepler 1999 pour son Requiem pour un
sauvage) ; et deux Maurice Nadeau : Simon Nizard (Les mains de Fatma) et Christiane
Spianti(Au large de Venise).
Nous avions trois favoris de notre côté, des auteurs que Zone Littéraire a déjà
soutenus et sur qui nous gardons un il plus quattentif depuis près de deux
ans déjà. Ces trois auteurs nont pas remporté le prix, mais le talent de Philippe
Besson(LArrière-saison chez Julliard), de Dany Laferrière(Cette grenade dans la
main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit ? au Serpent à Plumes) et de Richard
Morgiève (Ce que Dieu et les anges chez Pauvert, mention en 2000 pour Ma vie folle) est
à souligner. Entre la sensibilité impeccable du premier, lhumour poétique du
deuxième et lintensité écorchée du troisième, notre cur balançait...
Cest finalement Marcel Maureau qui a remporté les honneurs. Après avoir compacté
la foule entre deux coupes de champagne et trois plateaux de fruits de mer servis à
volonté, les organisateurs du prix ont annoncé les deux bonnes nouvelles.
Lévénement est une opération à saluer bien bas pour son esprit
dindépendance et douverture, pour son intégrité, enfin pour les têtes
quelle a couronnées et qui démontrent un véritable souci de sélectivité,
qualité et de détournement des codes littéraires convenus. Une soirée qui sest
terminée dans la joie et la bonne humeur, dans des danses effrénées auxquelles les
garçons de café nont pas hésité à se joindre une fois le service
terminé
"
Fondation la poste,
article dElisabeth Joël
"Le monde du travail n'est pas un thème à la mode chez les écrivains
d'aujourd'hui. Thierry Beinstingel s'y attaque avec ténacité et confirme dans Composants
son talent révélé par Central. Le livre retrace la vie quotidienne d'un intérimaire
pendant cinq jours. Vingt chapitres se succèdent selon un ordre chronologique, du lundi
matin au vendredi soir. Toujours le même scénario : les 2 heures et quart de transport
à l'aller et au retour, les heures passées à travailler, les pauses cigarettes, la
gamelle, les repas avec la famille, les nuits. La mission : coller des étiquettes sur des
boîtes d'engrenage et de composants puis les ranger sur des étagères. L'environnement :
un hangar sans chauffage et sans électricité, situé dans le pôle d'activité d'une
lointaine banlieue. Une femme et deux enfants, un licenciement après 15 ans passés chez
un équipementier automobile à fabriquer des tableaux de bord, des petits boulots puis
l'intérim : on sait finalement peu de choses sur ce travailleur des temps modernes, pas
même son nom. Une absence d'identité à l'image de l'univers dans lequel il évolue : un
milieu clos, peuplé de figures anonymes, et complètement déshumanisé, où la
répétition de gestes machinaux le rend étranger à son propre corps : "soulever
une boîte de l'intérieur du carton, coller le code barre, poser la boîte à côté du
carton, décoller un deuxième code barre sur la feuille, prendre une nouvelle boîte,
coller le code barre, la poser sur la première ?etc" La solitude guette, l'ennui
aussi, parfois la révolte " marre d'obéir, d'ordonner un monde, marre, vraiment
marre ", même si elle reste contenue, " on sait pertinemment que la dernière
action sera faite pour la tranquillité de la femme, les gosses, la famille, les pères,
les mères, toutes ces vies empilées sur le même mode : on bosse, on vit.". Le tout
dit avec des phrases nominales courtes, cinglantes, des verbes à l'infinitif , ou avec le
pronom personnel " on "(l'intérimaire ne dit jamais " je "): la
langue, elle aussi, traduit la déshumanisation opérée par le travail. Pour s'évader,
pour donner du sens à des gestes qui n'en ont pas, l'intérimaire trouve une
échappatoire : la lecture d'un catalogue, " engrenages et composants mécaniques
" utilisé pour classer les objets à étiqueter. À l'intérieur, des poulies, des
engrenages, des chaînes, des courroies, des "amortisseurs de chocs, rotatifs, en
acier ", des " roues libres combinées à aiguille, en acier et plastique "
: les mots, même les plus insignifiants, donnent vie à ce monde d'objets inanimés,
faisant de l'intérimaire un " fidèle officiant de cette religion technique ".
Ce surgissement inattendu de la beauté dans cet univers si désinvesti par l'humain fait
de Composants un livre étonnant sur le pouvoir des mots, leur poésie et leur capacité
à réinvestir le réel."
Article
du Journal du Dimanche (extrait) Christian Sauvage 1/12/02
"Cadre dans les télécoms, Thierry Beinstingel raconte le travail dun homme
chargé de classer des engrenages et composants mécaniques sur les étagères flambants
neuves dun hangar. " Le patron : faudra faire gaffe, cest du
matériel qui coûte bonbon ! " Et à part ça ? A part ça, rien. Le
lecteur va accompagner lintérimaire pendant une semaine et 220 pages. Comme lui a
été laissé dans son hangar par le patron : " la façon de ranger les
objets, dans quel ordre et comment, il navait donné aucune indication sur la
manière de sy prendre ". Lennui suinte dans ces lignes. "
Article de
lHumanité sur le Wepler par Jacques Moran
" La saison des prix littéraires s'est achevée dans une indifférence
polie. On ne voit guère le Goncourt dans les rames du métro, envahies ces temps-ci par
une presse gratuite indigeste. Lundi dernier pourtant, place Clichy, au pied de
Montmartre, c'est-à-dire loin de Saint-Germain-des-Prés, mais dans une superbe
brasserie, le Wepler, un jury très spécial a décerné l'un des plus beaux prix de
l'année. Le jury du prix Wepler - Fondation La Poste est composé de lecteurs libraires
ou critiques n'appartenant pas à des maisons d'édition et il s'agit d'un jury tournant.
Pas de copinage ni de renvois d'ascenseur, le prix Wepler remet la littérature à
l'honneur. Marie-Rose Guarniéri, libraire de la rue des Abbesses, infatigable activiste
du livre à Paris qui est à l'origine de ce prix littéraire, explique son tourment : que
des talents singuliers, noyés dans la " lisance générale ", soient totalement
" insonorisés " et d'autres, mystérieusement, " sursonorisés ". Et,
ajoute-t-elle, " puisque la librairie française est une exception culturelle, si
citée et sollicitée aujourd'hui, elle se doit de faire un travail d'exception pour les
écrivains en occupant les brèches abandonnées par le système ".
Le jury du prix Wepler - Fondation La Poste a donc rendu son verdict. Il a choisi
d'honorer Marcel Moreau pour Corpus scripti, un auteur culte de la littérature française
depuis plus de vingt ans, complètement rayé des listes des autres prix littéraires.Le
jury a également accordé une mention spéciale à Thierry Beinstingel pour son ouvrage
Composants, un jeune auteur lui aussi passé sous silence. Et les bonnes nouvelles
n'arrivant jamais seules, on a appris le même jour que, loin de Paris, à Metz, des
lecteurs attentifs ont accordé le prix Erckmann-Chatrian à l'un des dix plus beaux
livres de l'année, la Saison des loutres, de Hubert Mingarelli. Les feuilles peuvent
tomber des arbres, l'hiver peut montrer le bout de son nez, l'honneur de la littérature
est sauf. Il était temps ! "
Article de
Yonnel Liegeois, La Nouvelle Vie Ouvrière (CGT)
" De lintérim à lintime.
Avec " Composants ", lauteur Thierry Beinstingel signe un bien
étrange roman. Qui traque, tel un journal intime, les gestes répétitifs et solitaires
dun ouvrier intérimaire.
Manutentionnaire sans nom, salarié dun jour ou dune semaine, parfois plus
" on " - puisquil est ainsi singularisé dun bout à
lautre du recueil est chargé de " remplir des étagères
vides " dans un entrepôt de banlieue. Sa tâche, répétitive et banale ?
Ouvrir les cartons, étiqueter les pièces puis les poser sur les rayons
Du matin au
soir, seul dans ce hangar où lélectricité nest même pas encore installée.
Dun chapitre à lautre, scandé par les temps de la journée, Thierry
Beinstingel nous livre le quotidien dun homme au travail sans avenir ni illusions.
Un sentiment de révolte ? Parfois " on " y songe mais, seul,
comment sy prendre, à quoi bon ? La femme et les enfants misent sur son
salaire, la boîte dintérim ne renouvellera pas les missions, même le délégué
syndical, en visite de latelier, ne lui adressera ni regard, ni bonjour
Il
nexiste pas pour les autres, il nest que de passage, il compte si peu dans le
paysage de lentreprise.
Un style austère, glacial, à limage de ces départs sans âme dans la froidure du
petit matin, une langue pourtant qui réussit à disséquer avec talent, presque avec
poésie, la gestuelle mécanique, lautomatisme des tâches élevé au rang de
rituel : tirer le diable, soulever poser, ouvrir étiqueter, reposer
Jusquà la rupture physique, lépuisement mental
Alors
" on " regarde lavancée du travail, " on "
jauge ce quil reste à faire avant la fin de la semaine fatidique,
" on " grille une cigarette, " on " fait la pause
thermos, " on " ouvre la gamelle, semoule et poulet ce jeudi
midi !
Seul bonheur dans cet univers clos, seule ouverture vers un ailleurs fantasmé où les
mots peuvent encore prêter à rêver ? Le catalogue des composants électroniques,
vérin à vis pignon arbré-, galet tendeur, glissé dans la poche qu
" on " lira ce soir au retour dans le train, ou bien demain matin.
Mêmes gestes répétitifs, même train de banlieue, mêmes regards croisés, mêmes
journées de travail, mornes et grises
Et pourtant, du tréfonds même de la
précarité et de la déshumanité, sourd comme un chant à la beauté des objets, comme
un appel à une solidarité incarnée. Une poétique du travail parcellisé qui refuse de
dire son nom. Un livre déroutant, percutant, qui nous livre lintime, riche et
profond, dun salarié condamné à une vie dintérim en apparence sans
relief. "
Article
de Paris Match du 12/12/02 de Pauline Lévêque sur le Wepler
" Des écrivains très singuliers.
Cette année le prix Wepler Fondation La Poste (lassociation de la librairie,
indépendante, des Abbesses, de la brasserie Wepler et de La Poste qui privilégie une
uvre marquée par son audace et sa singularité) a récompensé un écrivain
" Maudit ", Marcel Moreau, un belge de 69 ans, pour son
" Corpus scripti " (ed Denoël). Ce solitaire qui a entretenu de
longues correspondances avec Anaïs Nin et Jean Dubuffet et fut le protégé de Jean
Paulhan et Simone de Beauvoir, révèle ici, à coup de métaphores, son expérience
inépuisable du corps. Son discours violent est un exercice de style où lécriture
vient des tripes. La mention spéciale est allée à Thierry Beinstingel, 44 ans, cadre
dans les télécoms, pour " Composants " (ed Fayard). Sa
particularité ? Ecrire sans utiliser de verbes conjugués au
" je ". Lhistoire ? Un intérimaire dune entreprise
de composants mécaniques qui passe sa vie à vider des caisses pour coller des
étiquettes et les reremplir ensuite. Luvre nous plonge dans le monde du
travail déshumanisant, cyclique et absurde. "
- Composants :
Commentaires de Plum'Adély 2003
Plum'Adély est
un nouveau prix littéraire crée en 2002 par le Club Adély, club de dirigeants
dentreprise. Il a récompensé Mohed Altrad pour " Badawi "
(Actes Sud). " Composants " participait à cette première édition.
Commentaires du jury à propops de " Composants " :
"Analyse fine et précise du travail dans ce qu'il a de plus déshumanisé."
"L'auteur est un observateur d'une acuité incroyable qui raconte les choses à
travers une foultitude de détails significatifs."
"Un roman surprenant et extrêmement original (...). Le style reflète vraiment la
solitude du héros, le poids de son travail et d'une vie monotone à laquelle il cherche
à donner un sens."
Article de Notes Bibliographiques
(Mots clefs : travail, vie quotidienne)
" Inscrit dans une agence dintérim (ça paie bien) un ouvrier commence
un nouveau travail. Apprendre le trajet, sapproprier les lieux, cest la
routine. Seul dans un immense entrepôt, il met des codes barres sur des boîtes de
composants mécaniques, les range sur des étagères et note leur emplacement sur
linventaire. Sans consignes précises pour les placer rationnellement, il étudie
soigneusement le catalogue pour interpréter ces noms barbares. A lheure de la
gamelle, son esprit vagabonde, évoquant danciens compagnons de travail, son
enfance, sa famille (on le devine maghrébin). Le soir à la maison, avec ses enfants, sa
femme papote ; lui parle peu, harassé. Le vendredi, il est pressé den
finir ; mais on le garde pour une semaine supplémentaire. Il continuera lundi
Thierry Beinstingel détaille les moindres gestes de lhomme, son travail fastidieux,
son environnement déshumanisé. Ce roman, parfait dans sa forme, devient aussi terne et
répétitif que lexistence de lanti-héros, pourtant sympathique. Une satire
sociale efficace, dans le même registre que central mais bien ennuyeuse.
Bonne typographie Niveau de lecture I "
La
brutalité du travail, article de lHumanité, 3 juil 2003
" Si on devait résumer ce livre, ce serait par ces mots qui, à plusieurs
reprises, en émergent comme des jalons. Le travail : un sujet qui n'est pas très
littéraire, surtout traité comme sait le faire Thierry Beinstingel. Pas d'exaltation
dans la lutte, pas de noblesse ni de rédemption, pas de métaphore. Le travail,
brutalement, infligé à l'état brut au lecteur comme il est vécu par le personnage.
Quand on est intérimaire, le premier travail est de trouver l'entreprise, l'usine,
l'atelier, le bureau. Se débrouiller pour être à l'heure, se repérer pour descendre au
bon arrêt de bus. Est-ce que " Méca-Industrie est en zone industrielle nord où sud
? " Peu d'entreprises informent leurs salariés sur l'itinéraire. À eux de trouver.
À l'arrivée le voilà " élu en quelque sorte dans la confrérie du Saint-Boulot
" Repérer les machines, celles qu'on connaît, celles qui sont vicieuses, voire
dangereuses. Il aurait préféré autre chose, mais, comme le dit l'homme de l'ANPE,
" vu la consonance de votre nom, enfin on se comprend ", en bref le voilà
étiqueté " technicien polyvalent ". Ici, il s'agit de trier, d'étiqueter et
ranger des composants mécaniques. Courroies, engrenages, ressorts, pignons, cardans,
" c'est du matériel qui coûte bonbon. " Qui coûte beaucoup en fatigue, en
obéissance, en temps, en rêves, en vie. Thierry Beinstingel plonge le lecteur dans un
univers qui n'est ni monstrueux ni tragique, mais fastidieux, usant. L'homme n'y est pas
broyé mais grignoté. Tout ce qu'il gagne, c'est une semaine de plus, " une semaine
banale, fabriquée en série, à la chaîne, manufacturée ". Et avoir contribué à
un catalogue, beau comme un recueil de poèmes, " le temps perdu des livres le
composant " "
A. N.
La
médiathèque de la ville dOrly propose une sympathique critique de Composants.
On est également fier dy rencontrer sur la même page, Frank Magloire et Yves
Pages. On y pensera désormais un peu plus en allant à laéroport
" prendre " lavion ou y chercher quelquun
- " Thierry Beinstingel est cadre dans les télécommunications. Dans son
deuxième roman, il sattache à dépeindre le quotidien dun intérimaire qui
doit effectuer une tâche absurde. Pendant une semaine, seul dans un hangar, il colle des
étiquettes. Peu à peu, il trouve une échappatoire à sa situation grâce à la poésie.
Un livre déroutant et fort. "
(03/12/2003)
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