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Notes d'écriture 2011 « On écrit sans doute
parce quon a rien dautre pour tenir droit dans un monde de travers ».
Saint-Brieuc : mon père ménerve
Cest façon
de dire : lui qui a connu toutes les villes de lOuest quand il était chauffeur
routier, me signale que cest une très belle ville (pas moyen de le prendre en
défaut sur une destination de Bretagne, déjà, lannée passée, lorsque
javais été reçu à Lesneven chez Jean-François Delapré, bien sûr il
connaissait). Me voici donc à Saint Brieuc : un peu de retard du TGV, laccueil
sympathique de Soazic et Laetitia et je suis installé. Juste un peu de temps pour visiter
le centre-ville et avec un parapluie : depuis hier, on ne parle que de lavis de
tempête qui va toucher la région. Pour linstant, cest quelques gros crachins
épars, un peu de vent. Javais apporté lappareil photo : ciel sombre, le
crépuscule déjà, javais prévu détoffer la rubrique Webcam, mais jai
finalement trop peu de clichés. Loffice du tourisme mindique un musée
dhistoire tout proche, parfait pour le peu de temps dont je dispose. Cest un
musée désert et cest toujours pour moi un plaisir de déambuler comme unique
visiteur dans des salles où les pas résonnent. Ici, bien sûr, la mer : objets
retrouvé sur des épaves vers lîle de Bréhat, vie quotidienne de la pêche,
objets usuels, de beaux meubles et linévitable lit-armoire qui me fait penser à ce
film (Hôtel de la plage ?) où un jour de pluie, un couple de visiteurs réfugié
pareillement dans un musée désert essaie lintimité du lieu. Belle exposition sur
la photographie au dernier étage avec une vieille publicité qui vante les films Kodak,
vraisemblablement publiée à loccasion dune exposition universelle, ce qui me
rappelle 1937 Paris-Guernica où je décrivais
larrivée des véritables pellicules photo couleurs destinée au grand public. Un
dernier tour dans les rues piétonnes avec cette sensation étrange (et regrettable), moi
qui revient de Porto, de retrouver pareillement ces ambiances davant-Noël, sapins,
guirlandes, décorations dans des magasins aux marques internationales et qui dépaysent
si peu.
Je relis rarement mes livres parus. Peut-être parce que j'ai un
rythme de publication assez élevé, un livre chassant l'autre. En fait, je ne sais pas
trop, j'ai l'impression que le même oubli adviendrait si j'avais une production moins
suivie (on dirait un industriel qui parle
). C'est peut-être simplement le temps qui
passe et qui fabrique cet oubli. Dernièrement, j'avais relu Paysage et portait en
pied de poule parce qu'un libraire distrait avait commandé une pile de ce roman paru
en 2004 (et passé presque inaperçu) pour un salon auquel je participais. Dans l'attente
du chaland qui s'arrête à ma table, j'avais relu ce livre, et ma foi, en toute modestie,
je l'avais trouvé pas si mal, avec une sorte de lyrisme qui s'attache à la terre et à
ce coin de campagne que je tentais de décrire.
Choisir Porto la besogneuse pour évoquer littérature et travail
dans un colloque international était forcément une idée judicieuse. Merci donc à José
Domingues de Almeida et à Maria Joao Reynaud
davoir organisé cette rencontre qui se voulait, sinon mondiale, au moins étendue
autour de la langue française. Et cest presque à la frontière avec
lAllemagne que jai appris son existence, lors dune rencontre à la
librairie Quai des Brumes à Strasbourg en mai dernier par Corinne Grenouillet,
universitaire dans la même ville. La tentation étant très forte dy retrouver ceux
que le sujet passionne comme moi, jai envoyé dans les dernières limites un projet
de communication qui a été accepté. De
même, la présence de Claudio Panella, avec qui jéchange depuis quelques années,
me paraissait indispensable. Son acceptation a été une grande joie. Ajoutons à cela que
Martine Sonnet, rencontrée à
Il y a quinze jours, dans cette même rubrique, jannonçais la
remise dun texte au nom de code ID et je
terminais par linévitable peur qui vous taraude une fois le manuscrit remis. La
peur ? Elle existe pour tous, je crois en de pareilles occasions, qui plus est pour
qui, comme moi, manque de recul pour apprécier un texte : je ne fais jamais lire à
quiconque, je ne fournis pas dextraits, je balance à la fin la totalité de mon
écriture au dessus de la piste aux étoiles sans le moindre filet. Ceci dit, mon numéro
de trapéziste a duré quatre mois, cest finalement pas grand-chose comme durée
décriture. Cest sans compter linévitable gestation impalpable des mois
précédents, les atermoiements, les fausses routes, les répétitions, la part de
travail. Comme pour lartiste de cirque qui doit inlassablement répéter son numéro
pour rester dans cette comparaison de chapiteaux, il ne faut pas minimiser cette part
dombre besogneuse. Pour autant, quatre mois décriture, cest très
rapide et ramassé : on demeure dans lignorance et dans lincapacité de
savoir « ce que ça vaut », est-ce que cest publiable, de deviner le
sort final du manuscrit : restera-t-il dans les tiroirs, se matérialisera-t-il en un
nouveau livre ? La peur à la remise du texte se construit à travers cette
ambiguïté, cette perplexité. Cette peur aura été de très courte durée. Nous avions
convenu dun rendez-vous à la fin de la semaine suivante. Et javais abordé
sans trop vouloir y penser la petite dizaine de jours qui me séparait du rendez-vous
éditorial et de la sentence finale. Heureusement, un week-end entre amis prévu depuis de
longue date devait me distraire de cette attente. Le samedi donc, un peu avant midi alors
que jappréciais une promenade radieuse le long des canaux de Briare (temps et
paysages magnifiques, joie de se retrouver tous), jai reçu sur mon portable le
signal dun SMS : le message provenait de qui devait lire ce fameux texte et les
termes étaient suffisamment rassurants pour provoquer en moi une joie incommensurable au
milieu de cette promenade. Le même message me fixait, sans attendre la fin de la semaine,
un rendez-vous téléphonique pour le lundi suivant. Inutile de dire que la peur
sest instantanément évanouie. Mais paradoxalement, pas linconstance qui
présidait à celle-ci : je demeurais incapable (je le suis encore) dévaluer
ce que javais fourni. Ainsi, le lundi, lors de la conversation qui prolongea de vive
voix le SMS, je suis demeuré embarrassé par les quelques compliments quavait
suscité le texte remis, je suis resté confus, désorienté, empoté et emprunté
(cest le mot, on mavait emprunté comme une sorte dobjet qui ne
mappartenait pas). En même temps je men voulais de ma gaucherie, javais
limpression de donner une piètre image de moi en tant quauteur à qui on
attribuait quelque intérêt. Il ny a aucune fausse modestie dans cette attitude, je
crois quelle sexplique simplement par labsence de toute réflexion entre
le texte à peine terminé et sa remise. Le manque de recul, lélaboration des
phrases à peine terminées et qui dansaient encore en moi empêchaient encore tout
discernement, toute compréhension. Jai toujours constaté à chaque fois que
jai terminé décrire un texte, une étrange amnésie, souvent brutale, un
incontrôlable oubli envers le texte à peine terminé, comme si, en relâchant la
pression décriture, jabandonnais jusquau souvenir même du texte et de
son intrigue. Je crois que celui-ci néchappe pas à la même attitude et je sais
que je retrouverai avec un plaisir immense la réalité du texte lorsquil
sagira de travailler les mots au corps à corps pour parfaire la publication. ID est prévu pour septembre 2012, le titre
demeure incertain.
A peine le manuscrit remis à mon éditeur, il est temps de revenir
à un autre de mes passe-temps favoris, la littérature et le travail et la thèse de
doctorat que jaimerais bien achever. Pour autant, malgré lécriture du
nouveau livre en préparation, je ne serai pas resté bien longtemps sans y penser,
puisque je suis intervenu fin septembre dans un séminaire de lINRS (Institut
National de Recherche, Santé et Sécurité au travail) à Pont-à-Mousson pour y
présenter un panorama sur la littérature du travail depuis Mai 68. Le public était
constitué de sociologues, préventeurs et autres spécialistes de la prévention. Cette
présentation ma été utile, car jai pu dégager un certains nombres de
thèmes que je pourrai reprendre et approfondir dans la rédaction de ma thèse. Dans
quinze jours, je participerai également à un colloque international sur ce thème à
Porto et me reviendra linsigne honneur de débuter par ma contribution les deux
jours déchanges prévus. A noter que Martine Sonnet sera également présente,
ainsi que Claudio Panella, universitaire de Turin, avec qui jai déjà maintes fois
échangé et qui est même à lorigine de Retour
aux mots sauvages puisque cest en répondant à une de ses demandes pour une
nouvelle destinée à une revue quil anime que javais eu lidée de
reprendre ce début de manuscrit resté quelques mois inoccupé. Il y aura également
dautres universitaires qui me sont chers et je figure aussi en tant quobjet
détude ce qui est toujours un peu déroutant (une schizophrénie de plus
). Et
mest venu une idée, alors que je me demandais si je devais préparer une
présentation Powerpoint pour ce colloque (renseignements pris, ce nest pas dans les
us et coutumes de ce genre de manifestation) : je lirai le texte de ma présentation
sur Ipad, ça sera hyper chébran !
Terminer un livre est toujours un moment magique. Pour le texte en
cours, je métais fixé une date depuis deux mois, disons plutôt une intention de
fin aux alentours du 11 novembre. A force décriture, on sait comment le texte en
cours avance, on en connaît les enjeux, les rythmes, on y ajoute les propres cadencements
de la vie autour, boulot, famille et autres occupations. Sans compter quune
écriture est toujours chancelante et mystérieuse : comment savoir dés les
premières pages quon ira jusquau bout ? Et combien de pages ça va
prendre ? Donc, dans cette même rubrique, il y a deux mois exactement, cest 15
pages par semaine que javais imaginé pour terminer le machin au nom de code ID. Et ça a tenu ! Jai même terminé
avec un peu davance, ce samedi matin, avec la veille une longue séance
décriture, comme on dit la dernière ligne droite - et cest peut-être aussi
pourquoi je métais suis fixé un objectif de courses à pied en parallèle.
Jaurais ainsi mis exactement quatre mois moins deux jours pour écrire ID. Commencé le 7 juillet je laurai débuté
chez moi avant de le solidifier pendant mes vacances en Sicile et cest au retour que
jai comptabilisé chaque vendredi lavancement : si au 2 septembre,
jen étais à peu près à la moitié (120 pages, format roman), jétais
plutôt sur un rythme de 12 pages par semaine et je constatais ici même le 18 octobre un
retard denviron une semaine. Pas très grave, mais cétait sans compter
laiguillon que provoque un tel constat. Bref, les deux semaines suivantes ont
compté 40 pages et le machin sest terminé ce samedi sur une longueur qui devrait
avoisiner les 250 pages (à noter que pendant les quatre mêmes mois décriture,
jaurai couru exactement
Autour de Franck,
cest cette lecture mise sur pied avec Anne Savelli parce que
son livre (Franck) mavait inspiré un
texte (Avant Franck) : voir dans cette
même rubrique le 28/09/2011. Pour une parution prochaine de nos textes via Publie.Net (ne pas oublier dedans
linédit de Anne Douze façons de plus de
parler de toi), nous avons réitéré la lecture que nous avions faite à la
médiathèque de Montreuil et nous lavons enregistrée. En effet, lédition
numérique permet cette avancée : pouvoir lire le texte sur Ipad ou toute autre liseuse avec le même confort
quun livre papier mais aussi pouvoir en plus en écouter la lecture. Bref,
cest uniquement pour ce « plus », tout de même très important, que je
suis revenu à Montreuil où Anne est assignée à résidence (voir en note
détonnements
). Sa cellule est monacale, au sous-sol. Cest un choix
délibéré. Il faut arpenter les espaces immenses de cette médiathèque pour finalement
sapercevoir que la vie qui se cache dans une bibliothèque ne se réduit pas aux
travées réservées au public. De la même manière quun un livre ne se réduit pas
à sa seule consommation, il faut en imaginer les entassements, les rebuts, les
purgatoires, les dons, les exemplaires défraîchis, les passés de mode, les jamais
réclamés, tout un empilement de papier qui se cache derrière les portes marquées
généralement « Privé » ou « Réservé au personnel ». A
Montreuil, cest dans le dédale des garages à moitié enterrés que
lentassement a lieu : une biographie de Pierre Mondy voisine avec la
correspondance de Proust, le vélo dun bibliothécaire avec un vieux fauteuil, la
littérature sévase ici au sens large et il a fallu tout lart de Anne Savelli
pour sentir que lécriture ne pourra se déployer que dans cette pièce presque
borgne (seul un soupirail à moitié caché par des étagères apporte indirectement la
lumière du jour). En habituée des oloé dont elle a créé le
mot (note de lecture du 27/07/2011), elle a réussi à glisser une table contre un pilier
avec une cafetière, une lampe et un radio-CD dessus, un fauteuil devant, un radiateur à
côté, lensemble ramassé, objets se touchant, livres empilés comme si
lespace immense de ce sous-sol devait se rassembler au pied de ce pilier comme dans
une aimantation magique. Jaurais voulu dailleurs photographier lendroit
dans ses détails : laffiche sur le pilier, linox de la lampe, le paquet
de café entamé. Ceci dit, cet endroit nest quun refuge, la plupart du temps,
on le sait, Anne se balade en robe rouge parmi le public, chante à tue-tête les tubes de radio Nostalgie en couvrant des livres avec
application. Le refuge aurait dû se révéler bien pratique pour lenregistrement de
notre lecture, ainsi loin du passage des divers utilisateurs mais cétait sans
compter les portes qui claquent et les talons qui martèlent les planchers au-dessus.
Ainsi, dans la version « live », en écoutant bien, lauditeur attentif
saura distinguer entre deux phrases le grincement dune porte de garage ou une
talonnade précipitée : seuls ces bruits parasites en garantissent
lauthenticité et toute autre version lisse et sans cliquetis ne sera quune
pâle copie, une vulgaire imitation, un succédané de littérature. Vous êtes prévenus.
Bien sûr, le livre de Lydie Salvayre consacré à Jimi Hendrix a
réveillé en moi pas mal de souvenirs, plutôt proches dailleurs. Ainsi ce texte
écrit en 2007, un roman qui pesait bien 350 pages et dont le souvenir de Hendrix hantait
les protagonistes. Refusé, qualifié sans doute avec raison de « trop pieds
nickelés » par mon éditrice, il est resté dans un tiroir. Cest le moment
den extirper un extrait :
Trois-quarts de bouquin, cest à peu près la distance déjà
effectuée pour le nouveau livre en cours. Nouveau livre dailleurs,
lappellation est prématurée. Je ne lai même pas encore présenté à mon
éditrice, je nai aucune idée de ce que ça « vaut » (traduire :
est-ce publiable ou non ?). En attendant le secret espoir de pouvoir envisager une
parution pour lannée prochaine, je continue, à peu près dans les objectifs que je
métais fixés : pouvoir terminer vers mi novembre. Trois-quarts de bouquin,
donc, une distance que javais envisagée de faire avancer en même temps que ce qui
me tient daplomb, quinze pages et quinze kilomètres par semaine avais-je annoncé
dans cette même rubrique comme bonne résolution de rentrée. Force est de constater que
les quinze pages sont parfois difficiles à tenir, jaccuse un déficit dune
dizaine de pages sur le programme prévu, ce qui nest pas énorme, ceci dit. En
revanche, côté course à pied, jai accompli quatre-vingts kilomètres de plus que
prévu et lentrainement pour le semi-marathon (voir en étonnements) y est pour
quelque chose, forcément. Même si cet équilibre est un peu différent, je demeure
persuadé que ces activités sont intimement liées pour moi et pour linstant, elles
doivent avancer de concert.
A linvitation de la médiathèque de Chevilly-Larue, jai
été convié avec Gérard Mordillat pour une rencontre sur le thème générique des
« résistances ». Jattendais avec grand plaisir cet évènement
notamment parce que Gérard Mordillat me semble emblématique dune vision importante
de la littérature du travail sur le monde ouvrier. Pour faire court (cours ?), le
monde ouvrier a représenté jusquau début des années 80 une part importante,
sinon exclusive de la vision littéraire du travail, placée dans lhéritage de Zola
dans lesprit du public, et dont la littérature prolétarienne, initiée par Henry
Poulaille dans les années 30, constitue lâge dor. Or, au début des années
80, si quelques livres semblent encore aborder le thème de louvrier et du travail
dusine, comme Sortie dusine de
François Bon ou LExcès lusine de
Leslie Kaplan, la question devient rapidement différente, notamment suite à la
désindustrialisation brutale qui touche
Autour de Franck, tout autour, rien autour, pas loin, plutôt près, Anne, robe rouge
devant le micro et le cube blanc qui lui sert de pupitre, les feuilles en suspension dans
sa main, le regard glissé (prêt ?) et ça commence. Pour qui na jamais
entendu une lecture dAnne Savelli, la voix surprend, équilibre, hauteur, timbre,
les mots tombent pile, tout autour, rien autour, pas loin, plutôt près, juste placés,
sassemblent, font sens, décrochent dans nos têtes les premières images. Seulement
ensuite la phrase sallonge, une nage dans une eau claire et froide, un souffle
dhabituée, chaque mot qui se détache, brasse parfaite, crawl idéal, et nous, tout
autour, rien autour, pas loin, plutôt près, on la suit, lil au raz de
londe, délié de toute pesanteur, en suspension.
Quinze pages par semaine, quinze kilomètres de course, ai-je écrit
il y a trois semaines. Ça tient à peu près, mieux pour la course que pour
lécriture, mais je me heurte à cette sensation, souvent maintes fois ressenties du
trop plein de la vie qui fait que vous vous retrouvez dans ce retour rapide à la table
décriture avec la page précédente juste terminée, sans avoir eu le temps de
penser à une suite. Sensuit parfois une sensation de décousu, de chapitres qui se
suivent avec des choix définitifs, choses racontées auxquelles je ne saurais renoncer,
simplement parce que cest écrit et que je me fie à cet instinct qui
mempêche de tout reconsidérer. Et dailleurs pour quels bénéfices ?
Quest-ce que la réécriture apporte ? Cest sans doute exagéré.
Jai borné de jalons cette écriture au long court et jai mûrement réfléchi
aux options narratives, de style qui soffraient à moi. Reste aussi au long des
insomnies, ce texte qui travaille. Je dors très bien mais chaque réveil sera
automatiquement occupé par le livre en préparation, cest peut-être ma manière de
ne pas loublier et de mettre à profit le moindre interstice de ma vie au service de
ce qui est en cours. Nempêche que je retrouve au lendemain la page, non pas
blanche, souvent précédée de ce qui a été écrit avant et que cela provoque, non pas
un vertige, mais une attente que les mots qui vont suivre puissent sinsérer dans
une vision globale qui se construit, un sens qui se révèle au fur et à mesure. Bien
sûr, il y a des relectures, ce qui précède, des ajouts, des aboutissements déjà
devinés, des enchaînements, des engrenages, tout une mécanique de plume Alors quinze
pages par semaine, cest vraiment être dans la hâte que ce qui sécrive soit
terminé, non pas pour se débarrasser dune tâche fastidieuse mais au contraire
pouvoir se glisser dans une vraie réflexion, comment ça sintègre aux autres
textes, à ce qui est déjà paru, bref, savoir un peu plus où jen suis.
"Je ne connais pour ma part d'autres sentiers de la
création que ceux ouverts pas à pas, c'est-à-dire mot après mot, par le cheminement
même de l'écriture. et il peut même arriver qu'à la « fin » on se retrouve au
même endroit qu'au « commencement. »
Quinze par semaine, ce nest pas une performance culinaire ou
fantasmagorique, juste une résolution de rentrée : pour terminer le texte en cours,
au nom de code ID, il faudrait que je puisse
écrire léquivalent-roman de quinze pages par semaine. Léquivalent-roman est
une mesure qui me permet dimaginer ce que représentent les caractères numériques
et fuyants que jaligne sur mon ordinateur en pages de vrai roman papier (compter en
moyenne à peu près 1000 caractères (espaces compris) pour 1 page
déquivalent-roman). Donc, pour bien faire, cest quinze mille signes que je
dois aligner par semaine, soit trois mille par jour décriture, ça semble faisable,
ça correspond généralement une séance décriture de une à deux heures.
Au-delà, on devient improductif et en-deçà, la page décriture sapparente
à un simple paragraphe au goût de trop peu. Bref, au-delà, cest être trop
gourmand et digérer lourdement, en-deçà, cest rester sur sa faim au risque de
grignoter quelques phrases boulimiques et désordonnées. Ce programme de quinze pages par
semaine devrait me permettre de boucler le premier jet (comme on dit) vers la mi-novembre.
Allez ! Je me fixe la gageure de terminer pour le 11 novembre, on verra bien
Quinze par semaine, cest aussi la régularité que jessaie davoir à la
course à pied, deux séances par semaines et quinze kilomètres, pour linstant,
déjà presque six cents kilomètres depuis le début de lannée : ça tient.
Ces deux objectifs de quinze par semaine, pages ou kilomètres, ont bien des points commun
dailleurs. Le souffle bien-sûr et bien des auteurs ont déjà fait le
rapprochement, dHaruki Murakami à Jean Echenoz (voir en Notes
de lecture, il y a juste un an), mais aussi cette imprévisibilité, ne jamais savoir
comment ça va se passer, est-ce quon va traîner les pieds, courir comme un elfe,
tapoter dun doigt léger sur le clavier ou plus lourdement, façon rapport de police
sur une antique machine à écrire. Écrire, comme la course à pied, cest ne jamais
savoir ce quil y a devant, ce que cache le virage, cest y aller au jugé, un
peu au pif, mais en revanche, si on sarrête pour marcher un peu, pour reprendre son
souffle, on refait rarement le chemin en arrière, cest du passé déjà, du
définitif, tout comme les choix et les options de lécriture. Ce qui ne veut pas
dire quon nhésite pas, quon ne cherche pas à parfaire le chemin ou la
course. Le plus plaisant, cest de trouver après coup des explications à ce que
lon sentait confusément en soi, non pas une justification, non pas une glose, une
paraphrase de la pensée, senferrer dans le piège de lintention (qui bien
souvent est un postulat a priori) mais trouver
un éclaircissement, quelque chose qui fait avancer allez, osons le mot !
luvre. Cest un état presque physique, dailleurs carrément
corporel, organique et cest sans doute cette sensation de réflexe qui mattire
à la fois dans la course et lécriture. Quinze par jour : tenir bon !
Il y a un an tout juste, cétait la parution de Retour aux mots sauvages. Jignorais en ce
tout début de rentrée les sélections à venir du Goncourt, toute cette agitation qui
remplirait mes week-ends, temps libres et autres rendez-vous, agitation qui, finalement,
perdure encore et combien cela me paraît un peu surfait aujourdhui. Bref,
jaimerais passer à autre chose. En même temps, jaccepte volontiers et avec
plaisir tout ce qui dépasse la simple histoire de Retour
aux mots sauvages, ce qui la relie au monde et lagenda de rentrée 2011 se
remplit déjà.
Il y a, dans la superbe édition Pléiade de Milan Kundera que
jai reçue pour mon anniversaire, une interview recensée sous le titre
« LArt du roman », où Milan Kundera explique ce que pour lui est le
roman, de façon curieuse dabord parce quil sen explique par la
négation : « en tous cas, ce ne sont pas des romans psychologique »
dit-il en substance. Soit. En réalité, que lon puisse se prévaloir dune
théorie sur le roman ma toujours paru suspect (peut-être cela participe de la
même suspicion quéprouvait Nathalie Sarraute dans LÈre du soupçon). Le choix décrire
un roman est déjà une imposture en soi, faite à la réalité. Donc décider que ce
quest ou ce que nest pas le roman se réduit à la propre perception de ce qui
est admissible pour soi dans le roman. Pour Milan Kundera, il nest pas admissible
(pour sa propre perception sentend) que le roman soit psychologique. Mais cest
un détail qui varie selon la propre sensibilité décrivain. Si je recense ce qui
est ou non admissible pour moi dans le roman, je me heurte à une question presque sans
fond. Le choix du roman dabord, car jai tendance à men méfier et il me
faut un maquillage subtil pour me permettre dendosser le rôle du romancier. Par
exemple, si RMS est bien un roman, une
invention, je me sers toutefois dune réalité que jestime être un des rares
écrivains à bien connaître (le monde des téléopérateurs) pour légitimer un récit
et me sentir dans une posture de romancier « acceptable ». Pourtant, je sais
bien que le roman mattire pour les raisons classiques (devenues inavouables depuis
le nouveau roman ?) : linvention du monde, le pouvoir de choisir une
réalité, la création lâchée de toute bride. Cest un moteur extrêmement
puissant et jouissif, et je pense que tous ceux qui écrivent connaissent cette tentation.
Choisir, créer, inventer donc. On croirait presque un slogan politique, une trilogie
quasi-libérale et cest peut-être pour rendre acceptable ce qui nest jamais
quun vil esprit de pouvoir sur une réalité, donc sur les autres, que nous avons
besoin de nous défendre face aux élans encore si vivaces du roman colonisateur. Pour ma
part, cette résistance sexprime à travers ma réticence à nommer les personnages
(en quelque sorte, jai toujours trouvé stupide pour le romancier le choix
dappeler untel de ces personnages, Gérard ou Hélène). Or, quelle ne fut pas
ma surprise en relisant ID, manuscrit en cours,
dy trouver un prénom quun personnage, certes secondaire, laisse échapper
lors dune répartie, et ceci sans quil mest semblé que ce prénom ait
fait lobjet de tractation dans mon inconscient, il est simplement apparu dans une
réplique, et ceci, dune manière définitive. Et cest peut-être cette
irrévocabilité qui me fascine dans le roman. Que jai ainsi choisi ce prénom, ou
choisi, également dans ID, de faire habiter un
des personnages principaux dans une ville de Bourgogne, me paraît un choix péremptoire,
définitif quon ne pourrait remettre en question et même pas moi. Cest
écrit, ça sest fait, ça a été décidé ainsi par une force occulte, ça ne peut
être remis en question. Et savoir que celui qui la décidé est doué de ce pouvoir
un dieu puissant qui me ressemblerait, logé dans ma tête mais qui ne serait pas
moi me fascine au plus haut point. Cest sans doute à travers ces choix
définitifs que je ressens le plus le pouvoir dinvention, le pouvoir du romancier,
lextrapolation de ses propres rêves au-delà du cerveau.
« Étonnant
que je puisse oublier, que j'oublie si facilement et à chaque fois pour longtemps, le
principe à partir duquel seulement on peut écrire des uvres intéressantes et les
écrire bien. Sans doute, c'est que je n'ai jamais su me le définir clairement, enfin
d'une manière représentative ou mémorable.
Bon
quà ça, avait maugréé le génial Beckett lorsquon lui avait demandé
pourquoi il écrivait. Et cest vrai que cest un grand mystère que ces élans
de plume ou de clavier, les raccourcis dune pensée vers les doigts, labrégé
dun neurone dévolu à cette mécanique. Inspiration,
expiration. Expiation, pénitence et rédemption. Finalement cest très
compliqué cet aboutissement décriture, on comprend quil ny ait pas
dexplication rationnelle et quand bien même on la percevrait, ce serait comme un
mirage, un soudain éclaircissement vite obscurci, une exhibition honteuse vite cachée.
Dans la litanie des pourquoi et des comment, il y a le surgissement soudain, comme ce
vendredi faste par exemple qui métonnait la semaine dernière dans cette même
rubrique. Et comme ces textes lancés aux noms de code N et ID,
et comment tout ça tient. Pas grand-chose finalement : une vingtaine pages format
roman pour ID, moins de dix pour N, mais ce qui métonne bien plus, cest
comment ils se bâtissent lun lautre en parallèle. Que je sois capable
daligner un paragraphe dans un des textes et linstant daprès de
continuer avec le même enthousiasme lautre. Étrange dédoublement, drôle de
schizophrénie (mais je nen suis pas à une près
) et puis plus rien dun
seul coup pendant quelques jours ni sur un texte, ni sur lautre, juste la sensation
souterraine quils continuent leur lent travail de stalactites à lintérieur
du crâne et lespoir que la lumière du jour puisse encore se faire de temps à
autre jusquà devenir plus régulière et pouvoir sentir le fourmillement du texte
qui avance, puis dépasse la moitié et sachemine vers la fin.
Cest
juste une journée, mais une vraie journée sans rien, qui commence un matin et qui se
termine le soir, avec, entre les deux, de longues heures décriture, comme une
libération, un apaisement, la délivrance de ce qui cétait accumulé dans les
espaces impossibles du travail, sur les trajets dautoroutes, dans les occupations
familiales et domestiques (voir en étonnements), toute cette bousculade finalement
solitaire où lesprit échafaude de vagues pensées, des intentions
décritures, des projets incertains remis à plus tard, tout un côté qui paraît
alors tellement inopportun, inconcevable dans cette vie faite de mille contraintes
professionnelles, personnelles à un tel point que mapparaît parfois comme une
fable irréelle, une sorte de rêve que jaurais eue, toute cette agitation de
lautomne dernier lorsque RMS sétait
retrouvé par hasard sur les listes du Goncourt. Bien sûr, il y a ces parenthèses,
rencontres, salons, librairies médiathèques, invitations diverses où cette autre
existence revient. Et même ces Feuilles de route, tenues le plus régulièrement possible
afin de ne jamais oublier ce qui constitue finalement cette vraie raison dêtre et
qui disparaît parfois sous lécume. Il y a eu aussi cette journée passée à Paris
en juin, tellement tendue, un jour de congé posé exprès pour, et comment javais
couru pour rencontrer tous ceux que je devais voir pour divers projets ou même sans
motif, comme faire un signe à mon éditrice, simplement pour marquer ce temps sans
écriture, discuter, discuter toujours, sentir le fourmillement, tout ce qui remue encore.
Et vient cette journée, un vendredi dapaisement et ses longues heures à aligner
des mots. Reste à ce que tout cela prenne corps. Des idées oui, justement choisissons
des noms de codes : ID pour ce texte qui me taraude depuis quelques mois et
que jai démarré (est-ce que ça tiendra ?). Et N, apparu
soudainement dans ce jour faste, seul point vraiment réel et fini puisquil a donné
quelques jours plus tard une nouvelle que javais promis à une revue et dont je
voyais léchéance se profiler sans rien. Et JDV quil faudra
peut-être finir aussi par la même occasion, ce serait le moment. Est-ce que tout cela
pourra résister au-delà de lengloutissement ? Car déjà la vie à repris ses
vagues et ses marées, il faudra bien tenir la barre derrière le simple apaisement
dun jour.
« Cherchez en
vous-mêmes. Explorez la raison qui vous commande d'écrire; examinez si elle plonge ses
racines au plus profond de votre cur; faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir
s'il vous était interdit d'écrire. Ceci surtout : demandez-vous à l'heure la plus
silencieuse de votre nuit; me faut-il écrire ? Creusez en vous-mêmes à la recherche
d'une réponse profonde. Et si celle-ci devait être affirmative, s'il vous était donné
d'aller à la rencontre de cette grave question avec un fort et simple "il le
faut", alors bâtissez votre vie selon cette nécessité; votre vie, jusqu'en son
heure la plus indifférente et la plus infime, doit être le signe et le témoignage de
cette impulsion. Puis vous vous approcherez de la nature. Puis vous essayerez, comme un
premier homme, de dire ce que vous voyez et vivez, aimez et perdez. N'écrivez pas de
poèmes d'amour; évitez d'abord les formes qui sont trop courantes et trop habituelles :
ce sont les plus difficiles, car il faut la force de la maturité pour donner, là où de
bonnes et parfois brillantes traditions se présentent en foule, ce qui vous est propre.
Laissez-donc les motifs communs pour ceux que vous offre votre propre quotidien; décrivez
vos tristesses et vos désirs, les pensées fugaces et la foi en quelque beauté.
Décrivez tout cela avec une sincérité profonde, paisible et humble, et utilisez, pour
vous exprimer, les choses qui vous entourent, les images de vos rêves et les objets de
votre souvenir. Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l'accusez pas; accusez-vous
vous-même, dites-vous que vous n'êtes pas assez poète pour appeler à vous ses
richesses; car pour celui qui crée il n'y a pas de pauvreté, pas de lieu pauvre et
indifférent. Et fussiez-vous même dans une prison dont les murs ne laisseraient parvenir
à vos sens aucune des rumeurs du monde, n'auriez-vous pas alors toujours votre enfance,
cette délicieuse et royale richesse, ce trésor des souvenirs ? Tournez vers elle votre
attention. Cherchez à faire resurgir les sensations englouties de ce vaste passé; votre
personnalité s'affirmera, votre solitude s'étendra pour devenir une demeure de douce
lumière, loin de laquelle passera le bruit des autres. »
Jétais invité à la Médiathèque de Saint-Etienne la semaine
dernière, dans le cadre dun cycle sur lécriture et lentreprise. A
Saint-Etienne, berceau de Manufrance, le thème est forcément important, tant cette ville
reste marquée par une culture ouvrière, de même que sa voisine de région, Clermont
Ferrand, lest également avec Michelin. Or, Saint-Etienne, me semble-t-il souffre de
sa trop grande proximité avec Lyon. Autant, Lyon conserve sa suprématie bourgeoise en
héritage des soyeux, autant les stéphanois sont relégués au delà de la vallée du
Rhône dans une infériorité populaire. Sans doute doit-il rester de la part des lyonnais
envers les stéphanois lidée dune suprématie : cest Lyon qui
décide et fournit le travail. Les habitants de Saint-Etienne prennent leur revanche
ailleurs, au foot par exemple comme dans bien des configurations de territoires (et pas
seulement françaises, Liverpool et Manchester participent du même mouvement). La ville
de Saint-Etienne semble ainsi marquée du sortilège du commun : de belles
réalisations architecturales voisinent avec des immeubles à labandon, les
quartiers populaires enserrent des hôtels particuliers, des rues étroites tissent un
réseau de promiscuité sans chichis. Ainsi la Médiathèque, dans laquelle je me rends,
vaste immeuble moderne au milieu dun espace subitement ouvert alors que le trajet
pour y venir ma fait passer dans un dédale de sens interdit et de feux tricolores
mal coordonnés. Merci à Daniela Diblasi pour son accueil chaleureux et à Yann Nicol
pour avoir animé cette rencontre avec un très grand professionalisme.
Ce serait si
peu à faire : juste aboutir quelque chose, écrire une histoire. RMS,
cétait il y a seize mois et depuis pas grand chose, rien de fini, un nombre
incalculable de débuts, des bouts, des impasses, des chapitres vite écrits, vite
abandonnés, avec cette lassitude à ne rien considérer. Hier encore (lundi de Pentecôte
et le chiffre treize pour porter bonheur à l'écriture), cet élan qui dure plusieurs
heures et que la nuit remet en question. Et le matin, dautres débuts,
commencements, départs, essors, sujets, idées, motifs qui reviennent, inapaisables, que
choisir ? Jécris cela (si peu) pour me souvenir de cette semaine où tout se
mélange, la vie, lécriture, les sentiments et, au-dessus, cette inaltérable
impression dexister.
« Le
piano commença à jouer. La lumière séteignit. Suzanne se sentit désormais
invisible, invincible et se mit à pleurer de bonheur. Cétait loasis, la
salle noire de laprès-midi, la nuit des solitaires, la nuit artificielle et
démocratique, la grande nuit égalitaire du cinéma, plus consolante que toutes les
vraies nuits, la nuit choisie, ouverte à tous, offerte à tous, plus généreuse, plus
dispensatrice de bienfaits que toutes les institutions de charité et toutes les églises,
la nuit où se consolent toutes les hontes, où vont se perdre tous les désespoirs, et
où se lave toute la jeunesse de laffreuse crasse dadolescence. » (Un barrage contre le pacifique, de Marguerite Duras - p. 162, éd France Loisirs)
J'ai eu
quelques jours de congés pour finir le mois. je pensais avec naïveté écrire tous les
jours, m'atteler à ma thèse, démarrer un nouveau roman, enfin, tout ce qu'on se dit
lorsqu'on dispose d'une plage de jours de la sorte. En réalité, je n'aurais pas fait
grand chose qui puisse me relier à l'écriture dans son geste. J'ai en ce moment peu de
courage et d'inspiration. J'exagère sans doute car la rencontre à Strasbourg à la
Librairie Quai des brumes relevait justement entre autres de cette thèse sur la
littérature du travail. En effet, Sébastien, le libraire est à l'origine de l'excellent
dossier des librairies Initiales sur Écrire
le travail et auquel j'ai participé avec un grand intérêt. J'ai écrit un
article sur RMS qui, à l'époque du bouclage de ce dossier, il y a presque un an,
n'était toujours pas sorti. J'ai aussi eu la joie de mener un entretien avec Élisabeth
Filhol, l'auteur de La Centrale (note
de lecture du 28/05/2010). Ce n'est pas rien. Des contacts se nouent et merci à
Corinne et Roselyne, universitaires passionnées, pour les échanges si sympathiques de
mercredi dernier. Mais en attendant, je n'écris pas ou si peu, ou de façon si
désordonnée, désorientée. J'ai repris le manuscrit de JdV (note d'écriture du 06/02/2009) : ça a duré deux jours. En
réalité, je ne sais pas sur quoi écrire et cela tétanise toutes mes velléités de
narration, hormis ces rubriques de Feuilles de route. Et c'est sans doute ces
écritures minimes qui me permettent de garder l'entraînement comme un sportif, de ne pas
perdre complètement le souffle. Ah si, j'oubliais une rédaction importante qui m'a tenu
toute une soirée : la déclaration d'impôts.
Paris,
capitale des arts, des lettres, la ville qui bouge sans cesse : jai toujours en
moi cette image, cliché de provincial quon pourrait croire trop attiré par les
lumières, mais demeure intacte
limpression daventure que jai eue adolescent en débarquant à la gare
de lEst. Aussi le plaisir que jai à renouveler de temps en temps ces voyages
mest très cher. Sy est ajouté depuis quelques temps la joie de partager ces
débarquements impromptus. Par exemple, je donne rendez-vous au Virgin de la gare, on
enchaîne vers une terrasse « mi-ombre
mi-soleil » comme dit Pierre
à Anne qui arrivera
en retard. Lieux mythiques, lieux de passage, Paris la ville où lon court tout le
temps, et moi qui débarque, la tête encore dans la quiétude des villages Il faut cent
ans à la rue principale de Saint-Broingt-le-Bois (voir en étonnements) pour regarder
passer la foule dune seule journée de la gare de lEst. Horloge de clocher
contre lhorloge des pas-perdus, est-ce que le décor influence la vie ? Est-ce
le contraire ? Comment sommes-nous enchâssés dedans ? Lexpression foncer
dans le décor est ici appropriée. Mais plus le temps de penser à ces questions qui nous
taraudent (et qui sont de véritables préoccupations décriture), je cours pour
attraper le train pour Chelles où je participe à un débat littéraire. Jai vécu
un peu plus au Nord, il y a trente ans et je passais en voiture par Chelles pour rejoindre
cette banlieue Est. A peine débarqué de la gare, il me semble me souvenir dune
sorte didentité confuse. La manière de marcher sans regarder lautre, la
manière dêtre ici habitué, limpression de passants qui savent toujours où
ils vont. La bibliothèque est au fond dune grande avenue. Elle est au centre de
petits immeubles et jaime cette proximité. Je retrouve Jean-Pierre Levaray, auteur
de livres aux tires décapants, Putain dusine et Tue ton patron et
Sophie Stern, qui vient de publier un recueil de nouvelles intimistes concernant des
cadres dentreprise Femmes tortues, hommes crocodiles (voir en Notes de
lecture). Le débat sinscrit dans un cycle « autour du travail »
avec spectacle, rencontres philo
etc. Animée avec intelligence et passion par
Hélène Sagnet, les échanges croisés sont nombreux entre nous tous et sans aucun temps
mort pendant deux heures. Évidemment, jen retire matière pour ma thèse en cours
sur la littérature du travail. Je suis par exemple conforté sur la différence de
perception qui existe entre lauteur et le lecteur, ce dernier à limpression
dun univers beaucoup plus noir que la conscience quen possède lauteur.
Ce qui montre bien que le travail apporte par définition, essence, habitude, un filtre
négatif au départ de toute représentation. Le statut des auteurs « issus de la
société civile » et non dévolus à un monde proche du livre est également une
constante dans le domaine de la littérature du travail.
Jai
relu récemment Paysage et portrait en pied de poule, paru en 2004, à la faveur de
quelques exemplaires fournis dans un salon du livre. Cest étrange de relire son
propre livre. Plus drôle encore de le redécouvrir et finalement de le trouver pas si
mal. Ne voyez aucune fatuité dans ces propos. Cest lun de ceux où je pense
avoir été le plus lyrique, le plus inventif quant au style. Paru deux ans après Composants,
on y retrouve sans doute encore linfluence de Claude Simon qui expliquait que «Le concret, c'est ce qui est intéressant, la
description d'objets, de paysages, de personnages ou d'actions ; en dehors, c'est du
n'importe quoi.». Pour Paysage et portrait en pied de poule, javais pris ces
recommandations au pied de la lettre mais allez décrire des champs dans la précision de
chacune des mottes de terre sans lasser le lecteur ! A bien y réfléchir, d'ailleurs, on
pourrait croire que cette obsession scripturale est à l'origine de linsuccès de ce
livre. L'accélération du monde moderne permet des visions fugaces et précises, qu'une
lecture rapide doit retracer avec vivacité. Décrire, c'est alors marcher à contre
courant, s'enfoncer dans du mou. Pourtant, je suis persuadé que la description est
inévitable et doit être saisie dans toute sa complexité parce que justement c'est elle
qui explique le monde. En latin, le verbe describere possède quatre
sens : celui de transcrire (par exemple copier un livre), celui de tracer, de
dessiner, celui de raconter, dexposer (de poser en dehors) et celui de délimiter ou
de déterminer. Lidée que je me fais de la description est également exhaustive,
elle inclut tous les angles de vue, le décor mais aussi les attitudes les dialogues. J'ai
toujours eu une réticence à séparer les dialogues du texte comme les conventions le
prévoient. Le retour à la ligne, le tiret me semble placer le dialogue en dehors du
contexte, alors qu'il y est étroitement relié. « Décrire » pourrait ainsi
avoir le sens de son anagramme « décrier » dans un sens trivial, celui de
« rabaisser dans sa réputation », c'est-à-dire de coller personnages et
décor sur un même plan.
Le hasard du
calendrier (ou le printemps qui exacerbe les manifestations culturelles) a rempli mes
week-ends comme une baudruche. A peine le temps de revenir du Cap Vert et cest Arras
le premier mai, son dixième salon du livre, brocante associée, très belle exposition
sur Frédéric H. Fajardie, temps magnifique dehors et nous, pauvres auteurs enfermés
dans lombre. Nous, cest aussi Philippe Annocque, compagnon de résidence sur
Melico, grand plaisir de le rencontrer, on se donne rendez-vous à la fête des humains à
lhuma en septembre prochain. Après Arras, il faut repartir pour une semaine de
labeur : Châlons, Reims, Lille ou Amiens (voir en étonnements) avant
dembrayer sur le week-end suivant qui commence dés vendredi 6 mai, 19h, pour une
lecture croisée avec Nathalie Kuperman. Nous nous croisons régulièrement avec Nathalie
depuis septembre dernier, parce que nos deux livres évoquent les difficultés du travail
(le sien : Nous étions des êtres vivants note de lecture du 19/11/2010). Pour cette
lecture dans le cadre de Paris en toutes lettres, nous avions poussé
léchange jusquà choisir et lire des extraits de nos livres, mais moi le sien
et elle le mien. Nous attendions ce moment avec impatience mais Nathalie a déclaré
forfait pour la bonne cause : lauréate du prix du printemps du roman, elle devait
recevoir cette récompense le même jour. Cest donc avec la comédienne Noémie
Landreau que jai effectué cette lecture sous une forme plus classique, jai lu
des extraits de RMS et Noémie a réalisé lexploit de choisir et de lire avec
talent cinq extraits de Nous étions des êtres vivants. Cette première lecture au
104 ma conforté dans cette direction que jaimerais approfondir et
dautres projets sont en cours. Le lendemain, départ matinal pour Arcachon et La
plage aux écrivains où jétais impatient de retrouver Victor Cohen Hadria (Les
trois saisons de la rage, note de lecture de la semaine précédente). La plage aux
écrivains na dintérêt que sil fait beau et si la pluie nous a
accueilli le samedi, le dimanche en revanche navait pas caché le soleil dans sa
manche (cest pour la rime). Je métais habillé comme un plagiste pour saluer
les parasols, les chaises longues et le beau temps avec bermuda et sandalettes, chemise
orange à motifs de zazou, vague ressemblance avec Magnum (sans la moustache et
Aventures au Cap-Vert : cétait en 1996.
Cinq ans auparavant javais terminé ce premier manuscrit, Martin Martin, entamé à Toulouse à tout juste
vingt ans en 1978 sans trop savoir pourquoi. Je me souviens en revanche très bien de
létat desprit qui avait présidé à lachat dun cahier pour
écrire : je venais dentrer dans la vie active, javais raclé mes
économies de la Caisse dépargne pour tenir le premier mois et, en attendant ma
première paie, lidée de devenir écrivain mavait semblé un débouché
naturel, un plus à lindépendance
financière qui venait de sinstaller. Aucune logique, aucun calcul, javais
écrit sans plan, juste lancé mes phrases, soixante-dix pages tout de même qui
sétaient refermées très vite après ces quelques mois à Toulouse, on a beaucoup
de choses à construire à vingt ans à commencer par son propre roman de vie. Dix ans
plus tard, à la faveur dun ordinateur tout neuf, lidée saugrenue de recopier
le contenu de ce carnet au traitement de texte mavait donné envie de continuer
lhistoire. Ça mavait pris plus de deux ans et au total, treize ans pour un
premier bouquin, ma carrière décrivain sannonçait difficile. Et cest
dans lidée de savoir si jétais capable décrire vite que javais
commencé Aventures au Cap-Vert quelques années
plus tard, peut-être obsédé par ma lenteur et par le temps qui filait si vite. Pari
tenu, le livre sest écrit en deux mois. Aventures
au Cap-Vert est une sorte de roman policier mais le héros nest pas un flic à
gros muscles et regard dacier, juste un informaticien dont la spécialité était de
recouper des données internationales sur différents trafics douteux. Le hasard avait
propulsé en voyage cet employé banal afin quil obtienne des renseignements sur un
voilier bourré de drogue qui devait faire escale dans une île du Cap-Vert. Aventures
donc ! Jai relu cette histoire juste avant de partir (enfin) pour le Cap Vert.
Si certaines situations sont peu crédibles, cela fait partie du genre. En revanche, les
éléments géographiques que javais imaginés avec laide dun guide
touristique sont assez cohérents. La ville de Praia et le port qui accueille une partie
de lintrigue sont réalistes. Relire cette histoire est étrange, dautant plus
que javais relégué ce manuscrit depuis des années. Javais limpression
davoir écrit un machin bancal, mais ça se tient plutôt bien, le rythme est
dynamique et mon informaticien en goguette est éminemment sympathique. Javais
oublié combien javais réussi à créer un personnage heureux et, comme chacun sait
que depuis Flaubert « Madame Bovary, cest moi », on comprendra que cette
relecture bien en accord avec ma vie de bonheur mait fait plaisir. Pour autant, Aventures au Cap-Vert a rejoint lombre
dun tiroir quil occupe depuis quinze ans, époque située maintenant presque
à égale distance entre aujourdhui et les premières pages de Martin Martin que je commençais à rédiger sur un
cahier en 1978. Quils restent dans les tiroirs, cest leur vocation.
Retour tardif
sur le Goncourt des lycéens : jai été invité dernièrement à Chamalières
par un lycée qui avait participé à cette belle aventure. Jy ai rencontré deux
classes de seconde et retrouvé avec plaisir Cécile Beauvoir qui anime des ateliers
décriture dans cet établissement et qui vient de publier un de ses petits livres
de textes courts et émouvants dont elle a le secret (Ce vieil air de blues, voir en Note de lecture). Aller à la rencontre des
élèves est donc un exercice que jaime beaucoup mais qui nest pas toujours
facile à expliquer aux lycéens : dire quon vient les voir parce quon
aime leur vision franche et directe et leur appétit de jeunesse, cest au pire
passer pour démagogue, au mieux se heurter à cette incompréhension naturelle que
lon a à quinze ans pour quelque adulte qui manifeste un intérêt à vous
considérer en dehors du cercle familial ou institutionnel. Linstitution, car tout
part quand même de là, joue un rôle ambigu : elle est à lorigine de telles
interventions extérieures destinées sortir du cadre habituel et à la faire oublier par
un point de vue différent. Et dans ce lycée de Chamalières, toute une équipe dynamique
joue le jeu : formidables les professeurs de français et de CDI, il eût été
tellement plus facile de profiter de la réforme du temps scolaire pour continuer à
bachoter en interne avec des heures de soutien Au lieu de cela, inviter un écrivain ou
organiser des ateliers décriture, en dehors de toute évaluation, permettent
souvent de révéler les personnalités des élèves à travers lécriture
dinvention, dinduire une affirmation de soi, de sortir dune méthode
parfois trop sclérosante. Et combien jai trouvé épanouis ceux qui y
participaient. Dune façon générale la venue dun auteur en chair et en os
permet aux collégiens ou aux lycéens de sapercevoir quils ne sont pas tous
morts dans les manuels scolaires, quils nexistent pas tous quà travers
la double fiction du roman et de la représentation médiatique quon sen fait
à travers la télé. Après les questions viennent naturellement par la simple présence
du type qui se dandine devant en bafouillant. Pour lui, la partie est gagnée si quelques
uns, au-delà de la stupeur adolescente, des ricanements de circonstance ou des sourires
lumineux des appareils dentaires, pensent ainsi quun écrivain, ce pourrait être le
vague prolongement dune image qui a dû leur ressembler à leur époque, le devenir
dun adulte malaisé, semblable à un parent, en tous points identiques à un tonton
ou une tata excentrique, et que lécriture a fini par rentrer dans ce tas de chairs
alors pourquoi je ne deviendrais pas moi aussi plus tard écrivain ? Lécrivain
lui, na pas cet avantage, il ne peut pas revenir en arrière et reprendre le cours
dune jeunesse définitivement perdue : "en ce temps-là jétais en
mon adolescence", écrivait Blaise Cendrars dans
« Par la suite, jai commencé un roman dont il
était le personnage principal. Sensation de dégoût au milieu du récit. Depuis peu, je
sais que le roman est impossible. Pour rendre compte dune vie soumise à la
nécessité, je nai pas le droit de prendre dabord le parti de lart, ni
de chercher à faire quelque chose de « passionnant » ou
d« émouvant ». Je rassemblerai les paroles, les gestes, les goûts de
mon pères, les faits marquants de sa vie, tous les signes objectifs dune existence
que jai aussi partagée. Aucune poésie du souvenir, pas de dérision jubilante.
Lécriture plate me vient naturellement, celle là même que jutilisais en
écrivant autrefois à mes parents pour leur dire les nouvelles essentielles. ».
Cet extrait (une note dintention presque) placé dans les premières pages de
Recette pour un atelier d'écriture :
Sur les
photographies, on dirait deux frères tant leur ressemblance est étonnante, même regard,
mêmes attitudes. Deux frères, vraiment, et qui auraient connu un destin semblable. Le
plus jeune, Salvatore Quasimodo a obtenu le prix Nobel de littérature en 1959. L'aîné,
Saint John Perse, presque quatorze ans d'écart tout de même, un peu fâché de s'être
fait passé devant, aurait obtenu réparation l'année suivante devant l'académie
suédoise. Belle revanche toutefois pour le droit d'aînesse : en France nous n'avons
retenu que Saint John Perse, son petit frère italien est vite passé aux oubliettes dans
nos manières si peu délicates à considérer l'étranger, fût-il un proche voisin. Et
c'est d'ailleurs pour combattre cet esprit de clocher que je passe la quasi-totalité de
mes vacances dans d'autres pays. Et si je n'avais pas traîné mes guêtres en Sicile au
mois d'août dernier, je n'aurais jamais entendu parler de Salvatore Quasimodo, le navrant
chauvinisme que nous subissons malgré nous m'en avait caché l'existence jusqu'alors.
C'est en visitant par hasard Modica, en me promenant en pleine torpeur de midi dans les
ruelles de la ville haute, comme seuls les français savent le faire, que je suis tombé
par chance sur la plaque qui orne sa maison natale. Evidemment, un tel nom, tout droit
sorti de Notre Dame de Paris et de l'imagination de Victor Hugo, ça ne s'oublie pas et
quand la plaque, même rédigée en italien apprend qu'il a obtenu le " premio Nobel
per la letteratura ", ça intrigue également. De retour, j'ai cherché des
informations bien-sûr. Enfin, quand j'ai eu fini de régler le problème de l'inondation
de mon bureau. Parce que c'est un peu compliqué mais c'est lié : c'est aussi à Modica,
ce même jour que j'ai appris cette inondation. Est-ce confus ? Dans ce cas, lisez le
premier épisode de Romans de bureau sur Melico, vous y verrez plus clair. Toujours est-il
que la similitude de parcours entre les prix Nobel des années 1959 et 1960 est étonnante
et ne s'arrête pas seulement qu'à des ressemblances photographiques. Les deux écrivains
ont déjà choisi comme mode d'expression commun la poésie. Et ils sont nés tous deux
dans une île. La Guadeloupe d'Alexis léger, alias Saint John Perse, répond à la Sicile
de Quasimodo. En regardant de plus près leurs poèmes, on est sidéré par la proximité
de leurs manières.
Jai
rencontré Charles Juliet deux fois ces derniers mois. La première fois, cétait à
Manosque, en septembre dernier. Je suis venu lui parler à la fin de son intervention où
il était venu présenter le sixième opus de son journal, Lumières dautomne. Je lai revu le
lendemain en compagnie de son épouse dans le hall de lhôtel que nous partagions
pour quelques banalités en attendant les navettes qui allaient nous ramener à la gare.
La deuxième fois, je me suis contenté de lécouter ainsi que Pierre Bergounioux
pour une rencontre organisé par la MEL au
Petit Palais en janvier dernier. Autant dire quil ne souvient pas de moi. Surtout
que lorsque je lui ai parlé à Manosque, je me souviens avoir marmonné des choses sans
intérêt, par timidité. Jaurais pourtant aimé lui dire ce que représente pour
moi Lambeaux, par exemple, et combien je lai évoqué avec passion à
mon fils qui avait ce livre au programme de son bac de français. Il y a LAnnée de léveil, bien sûr, et le
livre dentretiens menés par Rodolphe Barry et édité par Catherine Flohic, Charles Juliet en son parcours, et celui qui se trouve derrière-moi dans la
bibliothèque à linstant où jécris, Charles
Juliet, trouver la source, aux éditions Paroles dAube, avec cette étonnante
photographie où il a un sourire lumineux. Je lai placé juste à côté dun
livre sur Samuel Beckett, publié chez Anatolia où le grand Sam, photographié par John
Minihan, aborde un visage des plus austères. Jaime ce contraste et, bien entendu,
juste à côté, pour relier les deux écrivains, il y a le livre de Charles Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett, publié chez POL,
et qui raconte les quatre visites quil a eues avec le prix Nobel entre 1968 et 1977.
On peut mesurer combien il a fallu dobstination, de sureté, de courage aussi pour
oser aborder Samuel Beckett alors que lécriture de Charles Juliet étaient encore
dans les limbes. Dailleurs il le reconnaît à sa première visite :
« curieuse idée dinterroger celui qui nest
quinterrogation ». Pourtant, les deux hommes se reconnaissent dans cette même
quête dabsolu, ponctuée dinterminables silences où chacun va chercher aux
tréfonds de son âme. Ce qui les réunit, cest « cette flamme qui consume
cette saloperie de logique » comme le dit Samuel Beckett et cest la dernière
phrase que rapporte Charles Juliet. Et cest ainsi, quà mon tour, je me suis
trouvé aussi démuni en face de Charles Juliet que lui létait en face du grand
Sam. Que dire alors que des paroles aussi définitives ont été déjà prononcées ?
Nous basons toute notre conversation dans les apparats, mais ici, rien de tout cela, je me
sens nu comme un ver, exsangue, ma propre écriture me revient en pleine poire. Une
photographie atteste de ce moment, elle a été prise par Patrick Box. On me voit en
premier plan, courbant léchine, mâchoire tombante, le regard cherchant un vague
point au-delà des lunettes. Charles Juliet me fixe. Il a le même visage en forme
daigle que celui de Beckett. Il tient ses lunettes dans une main, un stylo dans
lautre, comme abandonnés car toute son attention est tournée vers moi, les
sourcils, les yeux sombres. Il attend. Je devrais parler, et sans doute que je parle, mais
pour quoi dire. Il y a une chaise orange derrière nous, comme un siège denfant.
Cest sans doute la photographie qui illustre le mieux ce que représente pour moi
lécriture, ou ce que jessaie de retracer à travers ce site Feuilles de route
et les trois rubriques principales, étonnements, notes décriture et de lecture.
Notes décriture pour lahuri du premier plan, lectures et figures tutélaires
comme Charles Juliet et le décor étonnant qui pénètre à chaque instant dans nos vies
comme ce fauteuil incongru couleur de mandarine.
Après
Bordeaux, voici Bruxelles, visite ô combien différente et pourtant toutes deux liées à
des activités littéraires. Si jétais linvité du lycée Montaigne de
Bordeaux, me voici maintenant à la foire aux livres de Bruxelles. Jy retrouve avec
plaisir Nathalie Kuperman (notes de lecture des 19/11 et
29/12/2010) pour un débat animé par Hubert Artus. Cette fois-ci, jai du temps pour
visiter la capitale de la Belgique que je ne connais pas. Elle mapparaît
cosmopolite, mélange de décontraction et de rigueur flamande, en réalité, assez proche
de Lille et moins bourgeoise quAmiens qui constitue pour moi les avant-postes
dune culture picarde ou nordiste. Finalement, nous bougeons très peu et beaucoup de
mes collègues de ces régions possèdent des patronymes typiques, de même que ceux de
Lorraine et dAlsace ont des noms à consonance germanique. Bruxelles, donc,
jen retiens un crachin persistant pendant deux jours, des pavés mouillés de pluie
mais cela nentache nullement la visite, au contraire. Il y a des villes que
lon prend plaisir à visiter sous quelques bruines, comme une poésie
supplémentaire qui sattache aux paysages. La grand place bien sûr, ses ors, les
façades orgueilleuses, mais la ville se laisse découvrir de part et dautre de ce
centre historique, inévitable Manneken Pis mais aussi petites places, cafés, magasins
modestes, quartiers du port fluvial, tout est accessible et populaire, nullement empesé
et pas encore détruit par la vogue des grandes marques de fringues ou autres déserts
stériles du marketing. « Calmes maisons, anciennes passions », disait Rimbaud
à propos de Bruxelles. Ici, larchitecture la plus moderne croise de vieux
bâtiments, parfois avec quelques contrastes hardis, quelques fouillis et quelques erreurs
comme ces bennes à verre posées sur le parvis de léglise Saint Jean Baptiste du
Béguinage dont Baudelaire trouvait quelle avait « la beauté neigeuse
dune jeune communiante ». Pas loin, dans un quartier considéré comme
fondateur de la capitale, lancienne halle de la place Saint-Gery, transformée en
café et en hall dexposition, est un lieu très agréable pour flâner le dimanche
matin. Mais au final, je naurais pas vu grand-chose, même pas lAtomium, ni
les grands symboles de lEurope. En revanche, jaurais eu le plaisir dy
venir en voiture par les petites routes qua employées Rimbaud en venant des
Ardennes. Rimbaud dailleurs a laissé de nombreuses traces à Bruxelles. Dabord en juillet 1873 où il
rejoint Verlaine qui était descendu au Grand Hôtel Liégeois, rue du progrès, et
cest le fameux épisode où Verlaine tire sur Rimbaud, dans lhôtel A la ville de Courtrai au 1 rue des Brasseurs
(aujourdhui un magasin de dentelles), avec un révolver acheté chez larmurier
Christophe dans les passages couverts que constituent les galeries royales. Rimbaud,
blessé, une fois sorti de l'hôpital, restera quelques jours chez Mme Pincemaille,
marchande de tabac, rue des Bouchers, où le peintre Jeff Rosman fait le célèbre
portrait où on le voit alité. Écroué dabord à Bruxelles, cest sans doute
avant son transfert à Mons que Verlaine écrira le fameux poème Le ciel est
par-dessus le toit (si bleu si calme). Rimbaud, quant à lui, retrouvera Bruxelles en
octobre de la même année pour prendre livraison dUne Saison en enfer,
édité à lAlliance typographique de Poot et compagnie, au 37 rue aux choux. Il
corrigera quelques épreuves au-dessus dun magasin de tabac de la petite rue des
bouchers. Il ne récupérera que quelques
plaquettes, faute dargent sans doute pour payer limprimeur. Quelques centaines
dexemplaires seront retrouvés en 1901 par un bibliophile belge Léon Losseau que
lon voit parfois resurgir dans des ventes prestigieuses à plusieurs dizaines de
milliers deuros, loin du prix initial imprimé sur la couverture et fixé à un
franc. Mais ceci est une autre histoire, bien loin des pavés bruxellois. Et tous ces
lieux, ces anecdotes, je ne me les suis remémoré quaprès, ignorant que les
parages de la grand place que javais parcourus étaient les lieux mêmes du culte
rimbaldien. Au retour, en ayant toujours traversé les Ardennes, je suis passé par
Attigny, pays doù on arrive jamais, cher à André Dhôtel, jai frôlé Roche
comme il se doit, pour respirer lair où fût écrit Une Saison en enfer et
jai négocié le virage un peu raide qui borde le monument dédié à lattaque
de la Ferme Navarrin où Blaise Cendrars perdit un bras en 1915. La littérature est
partout présente.
Je
naurai rien vu de Bordeaux, ou à peine. Laller et le retour en train, les
grues du port et la zone industrielle (au moment où je commençais Terminal Frigo
de Jean Rolin, voir en Notes de lecture), des trajets aperçus par la vitre dun
taxi, des rives belles et rénovées au centre-ville, de grandes places bordées
dimmeubles cossus, la rue Saint Catherine, toujours animée, le lycée Montaigne et
le vaste parking à étage juste en face doù dépasse cette Jaguar comme si elle
avait crevé la façade. Je me serai à peine promené :des trottoirs, une place dans
la douceur dun matin. Je nai pas cherché à en savoir plus. Ma chambre
belle et confortable donnait sur les toits, je voyais des cheminées de toutes
formes, des pentes de tuiles roses, des fenêtres comme celles de Dita Kepler. Des
voitures passaient quelques étages plus bas, jentendais les premiers oiseaux du
printemps et la respiration de la ville. Jaurais voulu rester ici indéfiniment, à
côté de cette fenêtre bleue donnant sur une cour tranquille, à regarder cette
échappée de toits entre deux phrases écrites. Car jai écrit et cest pour
cela que je nai guère eu le temps de me promener dans la ville. Pas une écriture
dinvention, pas encore de nouveau projet à long terme mais juste cette fameuse et
fichue thèse quil faudra bien que jarrive à terminer tant elle
mobsède, dabord parce quaprès le doctorat il ny a plus rien,
plus déchelon à gravir, bac + 8 pour rien, je nen ai pas besoin, à part
sans doute la vague idée dune revanche sur laquelle je marqueboute, tendu et
inquiet, vague sensation de rattraper des études que je nai pas eu le loisir de
faire avant, deffacer cette lourdeur de lycée à laquelle je ne comprenais pas
grand-chose, goût amer de lennui, quolibets de profs et vexation dun monde
qui balaie dun revers de torchon de tableau ladolescence et les rêves.
Mettons donc que je sois revanchard, cest une motivation comme une autre
(heureusement, ce nest pas la seule !), ceux qui ont toujours été premiers de
classe ne peuvent pas comprendre cet entêtement. Donc, jai enfin commencé à
rédiger cette thèse, à extirper ce qui est coincé dans ma tête, à trouver un vague
plan et à matteler à écrire mot après mot cette faconde universitaire qui ne
mest pas naturelle. Combien écrire un roman est plus facile ! Mais ça à
lair dêtre bien parti. Peut-être que je me souviendrai de Bordeaux pour
cela, pas de la ville mais de cette ambiance studieuse qui a présidé à lécriture
dans la petite chambre sous les toits, à me trimbaler en peignoir sur la terrasse,
laisser mon regard errer sur les cheminées, invisible du monde, reclus. Peut-être, sans
doute même, que le lycée Montaigne qui mavait invité avec trois autres auteurs
aura opéré une alchimie subtile, laissé pénétrer en moi quelques grammes dune
poussière détudes, quelques résidus dhumanités comme on disait avant cette
appellation prétentieuse de sciences humaines. Lendroit pourtant est austère,
vieux bâtiments, style Napoléon III, tout ce quon avait voulu enfermer entre ces
pierres solides, lidée de la continuité dun monde ancien, église, armée,
devoir. Il en reste des vestiges coincés entre les murs et les lambris, comme par exemple
cet étonnant parloir, vaste salle, raide comme une cour dévêché, tribunal de
chaises en cuir sur le pourtour. Un vitrail laisse pénétrer une lumière
spectrale : heureux ceux qui vont mourir pour une guerre juste est-il écrit devant
une allégorie de poilus tombé au champ dhonneur. Voilà pour lambiance et
cest ici quont encore lieu les conseils de classe, de discipline, tous les
rituels qui président à la vieille hiérarchie de léducation. Pourtant,
cest dans ce parloir que jai été accueilli, et très bien, avec beaucoup de
sympathie, par léquipe éducative comme on dit, je préfère parler de quelques
femmes et hommes convaincus que de tels lieux dépassent le rôle quon leur a
assigné. Cest sans doute cette ambiance donc qui a présidé à lécriture.
Cest aussi celle-ci qui a facilité les échanges, combiens riches et non surfaits
avec Véronique Olmi et Victor Cohen Hadria avec qui jaurai partagé ces deux
journées. En ressortant, heureux encore de
ces conversations, jai regardé lappellation parloir sous un sens plus doux et
amical. Quant à Bordeaux, je visiterai la ville une autre fois, en attendant, il me reste
des photos.
Mon premier
lecteur nest plus. Cest ainsi que se désignait Yvon Lallemand, 62 ans, que
javais rencontré en 1998 et qui fût effectivement « mon premier
lecteur ». Javais entassé quelques manuscrits dans mes tiroirs et
javais fini par extirper celui qui allait devenir
Naïvement,
je pensais que les sollicitations qui avait suivi la parution de RMS, amplifiées
par la sélection au Goncourt, prendraient fin avec Noël, seraient balayées dun
revers de torchon râpeux ou de serviette moelleuse par la semaine du blanc en janvier,
voire seraient englouties dans une part de
galette de lÉpiphanie et les parutions de la nouvelle rentrée littéraire. Force
est de constater que lélan persiste comme un éclat de fève : avec la même
constance, les sollicitations samoncellent, jen reçois une à plusieurs par
semaine que je regarde toujours avec une grande attention et une envie de participer à
tout. En même temps, le temps nétant pas extensible à linfini (même si
jai souvent cette impression), je regarde avec crainte mon agenda se remplir au
rythme parfois dun week-end sur deux occupé à cette représentation : dans
les creux, il faut glisser le travail nourricier, lécriture, Feuilles de route, la
thèse et les activités familiales. Parfois le voyage est bref : le hasard a
regroupé trois manifestations dans ma ville en une semaine. Je suis allé rencontrer mes
voisins dans la belle librairie LAttente-loubli, puis deux classes de lycée
mont accueilli, visites au bout de ma rue, impressions déstabilisantes et trac
associé comme à chaque fois que je rencontre des lycéens, tant lenjeu me paraît
important (cest à cet âge de fragile équilibre que se déclenche tous nos
réflexes de lecture/écriture). Ce week-end, cétait Paris, moins de stress
paradoxalement malgré la difficulté intellectuelle de ces enjeux contemporains :
versé dans linconscience dun amphithéâtre du Petit Palais, en compagnie de
Jean Rolin, on éprouve moins dappréhension mais plus de timidité devant une
centaine de personnes assises dans la pénombre. Parfois, la désagréable sensation de
lexposition devant autrui, la peur de nêtre pas à la hauteur et la perte de
temps dans des transports fastidieux me font presque regretter lacceptation de ces
contraintes. Enfin quoi, je ferais mieux de consacrer mon temps à écrire, plutôt que de
le passer à tenter dexpliquer dans diverses manifestations ce qui, de toutes
manières, demeure par essence un mystère. Mais cest plus fort que moi, ces
échappées voyageuses mattirent à la manière de Rimbaud, je men vais, sac
au dos ou valise à roulettes, les poings dans mes poches, crevé parfois, toujours
enthousiaste à pousser mes semelles devant, je descends ces fleuves impossibles.
Liberté ! Ah, liberté daller et de venir sous le ciel de la
littérature ! Écho grisant des mots, embruns de tout ce qui constitue mon enveloppe
de phrases, mon univers de langage, jy trouve un intérêt certain qui dépasse la
simple sensation dappartenir à lacte entier décrire. Pareils
sentiments de fuites heureuses se retrouvent chez Blaise Cendrars (« quand tu
aimes, il faut partir »).
Sastreindre
à un programme régulier la thèse lécriture le travail les mises à jour les
sollicitations doubles triples ou quadruples recevoir donner accompagner partir revenir
voyager saluer revoir dormir courir cuisiner (dernière fierté un cuissot de sanglier au
miel et au cidre parfaitement réussi) rouler téléphoner vivre vivre vivre cur qui
bat sessoufler manger moins de chocolat plus de légumes sastreindre à un programme régulier la thèse lécriture
le travail les mises à jour les lessives les courses les soldes jai pas eu la fève
cette année rire être heureux pas eu la grippe non plus douter sénerver la télé
glander glousser gloser se fatiguer ça tourne ça tourne (vertiger) souffler avaler
chanter la boulangerie la maison écrire écrire écrire écrire rêver sastreindre à un programme régulier la thèse lécriture
le travail les mises à jour prévoir faire des plans sur la comète peigner la girafe se
monter le carafon jurer rire partir revenir marcher voiturer trainer respirer retenir
ranger chercher laiguille dans la botte de foin se raser se couper se laver les
dents écrire écrire écrire Lille Amiens Saint Quentin Paris Châlons attention radar
les collègues les entretiens de recrutement écouter écouter rouler en sens inverse
manger sur le pouce déjeuner rubis sur longle y penser en se rasant radoter raboter
chat botté ceux qui comprennent ceux qui ignorent ceux qui sen foutent dormir
sastreindre à un programme régulier la
thèse lécriture le travail les mises à jour et quatre ratons laveurs remplacer la
courroie du sèche linge le buzz quel mot stupide dormir ah ah la retraite quand les
poules auront des dents le chat le poisson rouge à part ça ça va un peu lent en ce
moment jouer chanter travailler réunioner téléphoniquement réunioner physiquement
écrire écrire mettre à jour soliloquer monologuer colloquer sastreindre à un programme régulier faudrait quand même
changer le papier peint refaire la cuisine le couloir la chambre les toilettes la thèse
lécriture le travail travailler rencontrer ça tourne ça tourne (vertiger) courir
une bière mon empire pour une bière fraîche chanter imiter la poule lexpression
rire comme une tarte décousue travailler tourner vertiger sénerver conduire
piloter accélérer sétonner attention radar voir apercevoir se mouvoir
sémouvoir comment ? (être sourd) gigoter se démener rêver voyager tourister
téléphoner smser e-mailer nettoyer ranger lessiver ramasser suer épaissir maigrir rire
lire à voix haute répéter jouer de la guitare rencontrer (des lecteurs des lycéens)
expliquer se sentir imposteur (simposter) crier encrier vivre écrire vivre écrire
à part ça ça va un peu lent en ce moment.
Témoignage
émouvant tout à l'heure de la part d'une collègue téléopérateur qui a lu Retour
aux mots sauvages et que je croise dans l'escalier avec un autre : " Tu tombes
bien, je parlais justement de ton livre. Figure-toi qu'il y a quelques jours je l'ai
prêté à ma mère pour qu'elle puisse le lire. Et j'ai eu honte. Honte. Honte de
jusqu'où j'avais été dans l'acceptation et que ma mère le sache. Toi, bien sûr tu ne
t'en rends pas compte, tu l'as écrit avec une distance. Tu connais notre métier mais tu
ne le pratique pas au quotidien. Mais là, devant ma mère qui ne connaît pas non plus ce
que je fais. Elle me l'a rendu hier. Elle m'a déconseillé de le lire si toutefois je ne
l'avais pas déjà fait. Elle avait les larmes aux yeux et moi j'étais dans la honte.
"
38297,
cest le nombre de visiteurs venus sur mes Feuilles de route en 2010. Effet
médiatique du Goncourt oblige, les deux derniers mois ont dépassé 4800 connexions, je
suis donc sur une trajectoire de plus de cinquante mille visites. Au demeurant, cest
parce que jai changé dhébergeur depuis plus dun an que je suis capable
à nouveau de produire ce chiffre. Mes pages perso ne
sont plus suivies mais continuent dalimenter un petit reliquat de quelques centaines
de connexions par mois. Depuis la création de
Feuilles de route, donc, plus de dix ans auparavant, je dois approcher les trois cent
mille visites, chiffre qui mindiffère, ne veut pas dire grand-chose, à la fois
beaucoup pour moi et très peu dans lunivers du web. La première année pleine
(2001), javais obtenu 3900 connexions ! Mais le Web était encore bien désert
et lengouement pour Internet des années suivantes a fait croître la fréquentation à mesure :
quatorze mille visites en 2002 pour dépasser les vingt mille en 2003 et en 2004 et les
trente mille chaque année jusquen
Dabord,
dire que de résolution à révolution, il ny a quune lettre décart,
proximité qui éclaire dune manière différente les bonnes résolutions de début
dannée. Comme dirait Roland dans Retour aux
mots sauvages « la révolution, ce nest jamais quune course autour
de soi » (p. 286 Voilà que je me cite moi-même à travers mes personnages ,
où va le monde ?) et ainsi les résolutions que je prends en ce début dannée
nont-elle quune incidence minime. Néanmoins, tout comme la lecture de
lhoroscope de lannée, on ose y croire dans un élan doptimisme et dieu
sait si la nature ma gâté dans cette générosité insouciante. Allez, je les
proclame à la face du monde : |