depuis septembre 2000
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Notes de lecture
Ils désertent, de moi, Fayard.
Déjà plus de dix ans que le livre existe et il suscite toujours des commentaires, bons
où moins bons, mais qui ont le mériter dexister.
Parmi les derniers glanés sur Babelio :
« J'ai apprécié l'originalité du roman qui réside dans son
dispositif narratif, puisque le récit est raconté au « vous » lorsqu'il s'agit de «
l'ancêtre », et au « tu » lorsqu'il s'agit de la jeune femme. Par ailleurs le style
est agréablement ciselé. J'aime aussi, souvent, les romans qui prennent pour objet
l'entreprise ils ne sont pas si nombreux et parfois ce sont de grandes réussites.
Je ne dirais pas que c'est le cas de celui-ci en raison de sa linéarité, de ses
multiples longueurs, de son manque de rebondissements. On s'ennuie un peu. Tout est
prévisible. Le goût du VRP pour Rimbaud est une coquetterie de bobo, et l'homosexualité
de la jeune femme une concession à l'air du temps, ces deux points échappant à toute
nécessité narrative. »
« J'ai beaucoup aimé ce roman atypique et émouvant, mettant en
jeu deux solitudes du monde moderne. Atypique par la forme : deux voix s'entrecroisent,
rendues presque anonymes par l'utilisation neutre et dérangeante du "tu" pour
la jeune femme qui cherche à s'élever socialement et du "vous" pour le
représentant en papier-peint qu'elle est chargée de licencier, "l'ancêtre"
comme on le surnomme. Atypique aussi quant aux personnages, à priori antinomiques, fort
éloignés l'un de l'autre. L'ancêtre trace la route depuis des années, et s'use,
malgré un don certain pour la vente. Il voit peu sa famille et se passionne pour Rimbaud.
La femme mandatée pour l'évincer est perdue, sans motivation réelle, en dépit de son
désir de revanche sociale. Émouvante, la traversée de ce désert urbain, de ces êtres
fermés en eux-mêmes, de la laideur des banlieues, du gris du bitume. Émouvantes, les
phrases pour mimer ce vide, ce quotidien où les jours sont calqués les uns sur les
autres, mais où l'esprit parfois se rebelle et cherche autre chose, une lueur, un espoir
ténu, " juste l'impérieuse envie de s'arrêter comme ça, pour rien, que tout cela
cesse, vitesse, déplacement, juste parce que dans le soir, entre chien et loup, le bitume
semblait devenir plus épais, plus consistant, étalé en flocons irréguliers, presque
vivant, un pelage de fauve dans le mauve du crépuscule. Surprenante, la fin, et il faut
l'avouer, trop idyllique, mais si séduisante ... »
« C'est un livre enrichissant, formidablement bien écrit, qui
m'a happé dès les premières lignes mais qui hélas m'a un peu lâché avant sa
conclusion
/
La première moitié du roman est une brillante mise en place du
récit, brossant avec pertinence et sensibilité le mal être de ces deux personnes
solitaires et broyés par le travail en entreprise, troisième personnage de cette
histoire. le monde du management, de la recherche du profit, des décisions imbéciles au
nom de la sacro-sainte économie libérale sont ici la toile de fond devant laquelle se
débattent ce presque vieil homme et cette jeune femme. Leur vie est un désert, affectif,
relationnel et même architectural puisque la jeune chef des ventes habite un de ces
appartements pour investisseurs, construit au milieu d'un champ, au bout du bout d'une
ville sinistre. Tous deux ne sont que les pions d'un système rendu fou et qui ne garde
que les plus malléables. Elle, ancienne lectrice d'Hannah Arendt, se demande comment on
peut encore travailler après avoir lu "Condition de l'homme moderne". Lui, est
un admirateur de Rimbaud, surtout de sa correspondance, depuis qu'il a appris que, comme
lui, il avait été un voyageur de commerce. Toute cette première partie est tout
simplement admirable par son acuité, par la totale empathie de l'écriture avec les
personnages. Et soudain, après un chapitre un peu étrange mêlant Rimbaud et l'auteur,
le livre bascule doucement vers un final, comment dire, un peu trop sucré. »
(02/03/2023)
Les vraies gens,
sociologie de trottoir, de Guillaume Meurice, JC Lattès.
A lheure où les manifestants sont dans les rues, cette sociologie de trottoir
arrive à point nommé.
Lauteur est chroniqueur à France Inter, ce qui lui donne le droit et lenvie
darpenter des rassemblements divers, micro à la main. Ainsi, Guillaume Meurice va
à la rencontre des gilets jaunes, des hommes politiques, des entrepreneurs, des
syndiqués, des personnes comme vous et moi, et, au hasard découte, découvre
toutes les contrariétés qui font la société française. Entre celui « qui
nest pas raciste mais
», celui qui dit « quavant,
cétait mieux », celui qui croit que « la Covid, cest un coup des
chinois », les vraies gens apparaissent, avec leurs interrogations, leurs doutes,
leurs manières de raisonner. Cest souvent drôle, bien dit, parfois manichéiste ou
orienté. On ressort de cette lecture un peu comme après une manif, un peu déboussolé,
soulé de tant de paroles, y compris celles de lauteur. On se dit vivement demain,
car demain, ça va changer !
(01/02/2023)
Journées littéraires
de Jaligny-sur-Besbre, 30 ans de découvertes.
Je ne sais pas pourquoi, je pense toujours à René Fallet à cette époque
de lannée. Peut-être parce quil avait écrit à 19 ans dans Banlieue Sud
Est, son premier roman : « Au ciel de fin janvier montaient comme
étouffées les fumées du quartier avec leurs pauvres gestes de feuilles mortes ».
Mais le fait est que je me suis toujours rendu en hiver à Jaligny-sur-Besbre, en 2006 et en 2018,
par exemple. Cette année, cest en pensée et en livre que je my rends.
En effet, léminent notulographe Philippe Didion, qui connaît mon attachement à
lécrivain bourbonnais, et qui fait partie du prix René Fallet, ma envoyé la
petite brochure éditée à loccasion des 30 ans de cet évènement littéraire, que
lon considère, à tort, modeste. Dailleurs, lors de la parution de Central
en 2000, je navais eu quune seule exigence auprès de mon éditeur, que mon
livre puisse être présenté pour cet honneur qui récompense un premier roman. Hélas,
il navait pas été retenu. Je me suis rattrapé depuis par dautres succès,
dont le fameux prix populiste que jai obtenu en 2012, comme René Fallet, 62 ans
plus tôt, ce qui mavait comblé de bonheur.
Les Journées littéraires, qui se déroulent donc dans la ville de prédilection de
lécrivain, à Jaligny-sur-Besbre, existent depuis plus de 30 ans (33 ans cette
année), elles ont récompensé par exemple, Amélie Nothomb en 1993 ou Valentine Goby 10
ans plus tard, mais le prix René Fallet nest pas le seul à mettre en lumière des
écrivains, il y a le prix spécial Agir (du nom de lassociation "Agir en pays
jalinois", qui préserve la mémoire de René Fallet), le prix du bourbonnais, le
prix Daniel Bayon, autant de manières de faire vivre la littérature de ce centre de la
France.
Parmi les préfaces de tous ces acteurs, il y a bien sûr celle dAgathe Fallet qui
fédère toutes ces énergies. Les témoignages de tous les auteurs qui ont été
concernés par le prix René Fallet prouvent combien persiste lesprit à la fois
frondeur, joyeux et poétique de lauteur de Paris au mois daôut.
(18/01/2023)
SOS Méditerranée,
collectif, Folio
Le sous-titre de ce livre est intitulé « Les écrivains sengagent »,
car cest un collectif de 18 auteurs qui a réalisé ce recueil de textes destiné à
rendre hommage à tous les migrants qui tentent la traversée de la Méditerranée et qui
périssent. Les bénéfices dailleurs de cet opus sont intégralement versés à
lassociation SOS Méditerranée, qui organise des opérations de secours pour venir
en aide à ces personnes.
« Les écrivains sengagent » : on a envie de dire
« Cest la moindre des choses », tant cela paraît évident, mais
peut-être que mon implication dans lassociation Initiales qui uvre
pour lalphabétisation et qui me fait rencontrer depuis plusieurs années des
Afghans ou des sans-papiers MNA (mineurs non accompagnés) me fait trouver cet engagement
normal, comme allant de soi.
Les textes qui composent ce recueil sont tous différents, mais réunis par le même
besoin dhumanité. Jean-Marie Laclavetine réalise une très belle préface,
percutante, et qui donne le ton, lurgence et labsurdité de cette sauvagerie
moderne. Tous les témoignages recueillis, que ce soit ceux de bénévoles
dassociations, de migrants eux-mêmes, racontent la même horreur, celle que les
participants du dernier atelier décriture mavaient également racontée (voir
Le voyage de Shaka, note de lecture du
15/07/2022). Il faut oublier les noms des écrivains qui composent ces textes et ne
retenir que les personnages qui traversent cette histoire éternelle, et maintes fois
recommencée, comme les vagues de cette Méditerranée mortelle.
(04/01/2023)
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