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Notes de lecture

 

Le mythe de la vie d’artiste, d’Henri-Pierre Jeudy et de Maria-Claudia Galera, Circé.
C’est rarement le livre qu’on a envie de découvrir spontanément, à moins d’être un sociologue travaillant sur le sujet. Je suis ainsi tombé sur cet essai dans une vente d’Amnesty. Je connais les 2 auteurs qui habitent près de chez moi. Avec le philosophe Henri-Pierre Jeudy, j’ai participé à un ouvrage collectif, Le retour du loup (note de lecture du 22/10/2014). Et j’ai discuté plusieurs fois avec Maria-Claudia Galera, brésilienne installée en France, docteur en anthropologie et en littérature.
Le mythe de la vie d’artiste a été inspiré par les collectifs d’artistes de Belleville. Cet essai n’est pas sans rappeler Les règles de l’art du sociologue Pierre Bourdieu, paru en 1992, dans la manière exhaustive de vouloir explorer « le champ artistique ».
Mais la vie d’artiste a bien changé depuis l’ouvrage du célèbre sociologue. Si perdure une « idéalisation irréductible de l’artiste comme figure de la liberté », de plus en plus « l’idée de travail » devient nécessaire pour sacrifier à la société contemporaine marchande et commerciale. L’artiste devient porteur de projets et les auteurs constatent « qu’il n’y a plus d’artiste maudit ».
Le large accès à la culture dans les grandes métropoles oblige à une confusion dans la manière dont l’art est entouré. Le phénomène des « bobos » des quartiers branchés exprime une consommation apaisée et en apparence libre de toutes les formes artistiques du coin, laissant à penser « que ce sont eux qui font la culture ».
Dans ce brouillard des genres, l’artiste est obligé de se singulariser, mais aussi de se légitimer en devenant prescripteur et spécialiste de sa propre expression artistique. Il ne doit pas être réduit à celui qui « cherche à profiter des avantages sociaux » et, en même temps, il demeure « celui qui ne soumet pas son travail à une fonction sociale ». L’apologie actuelle de la « singularité du banal comme esthétique de la vie » complique la donne : il s’agit de faire croire que chacun à des potentialités de création et que c’est la vie elle-même qui devient un objet d’art. Et sans doute que le mythe moderne vise à faire cohabiter harmonieusement ces deux facettes.
Il est à remarquer dans cet essai que la figure de liberté de l’artiste, présente dans l’introduction, est désormais absente dans la conclusion : aurions-nous perdu en chemin la liberté de création ?
(21/04/2023)

 

Ici et ailleurs, de Florence Aubenas, éditions de l’Olivier.
"Ici", c’était à Uckange, le premier mai de l’année passée, j’y ai rencontré Florence Aubenas . Nous étions tous les deux invités à fêter les 30 ans de l’arrêt des hauts-fourneaux (voir en Webcam les 2 dernières photos du 06/05/2022). Florence Aubenas venait "d’ailleurs", elle allait y retourner et l’ailleurs avait pour nom Ukraine. Car l’actualité nationale ou internationale guide les pas des journalistes et Florence Aubenas, ex-otage en Irak, accomplit ce métier avec un grand professionnalisme. Qu’il s’agisse de s’intéresser à Ukange ou à Kiev, c’est la même détermination qui la guide. J’ai pu mesurer son intérêt non feint devant le haut-fourneau rouillé et j’imagine la même attention à Odessa ou à Kherson. Nous avions évoqué ensemble nos projets, nos réalisations. Je lui avais parlé de L’homme debout, adapté de mon roman Ils désertent, et qui s’appelait encore L’échappée belle. Nous avions discuté du Quai de Ouistreham, son reportage devenu film, et qui lui avait laissé une impression mitigée.
Dans Ici et ailleurs, la même passion emporte l’auteure. Florence Aubenas a choisi des reportages qu’elles a effectués entre 2015 et 2022 au plus près de l’actualité. A lire ces 5 années, on ressent l’évolution énorme qui s’est passée : nos peurs, nos crispations, nos réussites, tout ce que nous inscrivons dans notre quotidien : les attentats en France, en Belgique, les enrôlés volontaire en Syrie, puis l’espérance du macronisme, vite balayée par les gilets jaunes, enfin la pandémie inattendue, la guerre prévisible en Ukraine. Oui, nous avons vécu tout cela. Les reportages de Florence Aubenas ne retracent pas ces évènements avec distance. Au contraire, elle se place au plus près des gens ordinaires qui en sont les témoins. On est sur les ronds-points avec les gilets jaunes, dans la tête d’un sergent russe accusé de crimes de guerre, dans l’enthousiasme d’un militant pro-Macron, on vit la nuit des attentats à Paris avec des passants qui apprennent l’horreur.
Tout cela est d’une grande justesse : écrire sur le vivant, dit-elle dans sa préface, rendre compte des palpitations et du souffle d’une époque sans savoir où elle nous mènera.
(14/04/2023)



Lettres de la Magdelaine, de Ronald Klapka
Dans une semaine, cela fera 10 ans que Ronald Klapka est parti. Il m’a paru opportun de rappeler sa mémoire, notamment à travers les Lettres de la Magdelaine qu’il publiait sur le Web. Elle sont restées en l’état. Sa dernière notule concerne Christian Prigent, mise en ligne 4 jours avant son décès. Ainsi, promenez-vous dès aujourd’hui dans ces fameuses missives sous le lien suivant :
http://www.lettre-de-la-magdelaine.net/
Vous y trouverez tout ce qui faisait le charme de celles-ci, à la fois une grande exigence sans hermétisme, un enthousiasme toujours agréable, l’impression de l’accompagner au plus près de ses lectures. Ronald avait l’art de faire cohabiter Alberto Giacometti et André du Bouchet, Pierre Reverdy et Antoine Emaz.
L’index recense plus d’un millier d’auteurs, d’artistes, de noms cités…
Son épouse avait l’idée d’une édition papier et j’avais été sollicité il y a un an pour un petit témoignage. Ce projet est hélas en stand-by. J’espère qu’il verra le jour.
Éditer les réflexions de Ronald Klapka, ce serait marquer l’époque des premières décennies du XXIème siècle, s’orienter dans la profusion de tout ce qui a été publié ces années-là, revues de poésies, livres, éditions critiques… C’est assurément de la même importance que le Journal littéraire de Paul Léautaud, qui se faisait l’écho d’André Billy, de Rémy de Gourmont. Ce sont des instantanés mais qui fabriquent l’histoire des lettres.
(24/03/2023)

 

Ils désertent, de moi, Fayard.
Déjà plus de dix ans que le livre existe et il suscite toujours des commentaires, bons où moins bons, mais qui ont le mériter d’exister.
Parmi les derniers glanés sur Babelio :
    « J'ai apprécié l'originalité du roman qui réside dans son dispositif narratif, puisque le récit est raconté au « vous » lorsqu'il s'agit de « l'ancêtre », et au « tu » lorsqu'il s'agit de la jeune femme. Par ailleurs le style est agréablement ciselé. J'aime aussi, souvent, les romans qui prennent pour objet l'entreprise – ils ne sont pas si nombreux et parfois ce sont de grandes réussites. Je ne dirais pas que c'est le cas de celui-ci en raison de sa linéarité, de ses multiples longueurs, de son manque de rebondissements. On s'ennuie un peu. Tout est prévisible. Le goût du VRP pour Rimbaud est une coquetterie de bobo, et l'homosexualité de la jeune femme une concession à l'air du temps, ces deux points échappant à toute nécessité narrative. »
    « J'ai beaucoup aimé ce roman atypique et émouvant, mettant en jeu deux solitudes du monde moderne. Atypique par la forme : deux voix s'entrecroisent, rendues presque anonymes par l'utilisation neutre et dérangeante du "tu" pour la jeune femme qui cherche à s'élever socialement et du "vous" pour le représentant en papier-peint qu'elle est chargée de licencier, "l'ancêtre" comme on le surnomme. Atypique aussi quant aux personnages, à priori antinomiques, fort éloignés l'un de l'autre. L'ancêtre trace la route depuis des années, et s'use, malgré un don certain pour la vente. Il voit peu sa famille et se passionne pour Rimbaud. La femme mandatée pour l'évincer est perdue, sans motivation réelle, en dépit de son désir de revanche sociale. Émouvante, la traversée de ce désert urbain, de ces êtres fermés en eux-mêmes, de la laideur des banlieues, du gris du bitume. Émouvantes, les phrases pour mimer ce vide, ce quotidien où les jours sont calqués les uns sur les autres, mais où l'esprit parfois se rebelle et cherche autre chose, une lueur, un espoir ténu, " juste l'impérieuse envie de s'arrêter comme ça, pour rien, que tout cela cesse, vitesse, déplacement, juste parce que dans le soir, entre chien et loup, le bitume semblait devenir plus épais, plus consistant, étalé en flocons irréguliers, presque vivant, un pelage de fauve dans le mauve du crépuscule. Surprenante, la fin, et il faut l'avouer, trop idyllique, mais si séduisante ... »
    « C'est un livre enrichissant, formidablement bien écrit, qui m'a happé dès les premières lignes mais qui hélas m'a un peu lâché avant sa conclusion…/… La première moitié du roman est une brillante mise en place du récit, brossant avec pertinence et sensibilité le mal être de ces deux personnes solitaires et broyés par le travail en entreprise, troisième personnage de cette histoire. le monde du management, de la recherche du profit, des décisions imbéciles au nom de la sacro-sainte économie libérale sont ici la toile de fond devant laquelle se débattent ce presque vieil homme et cette jeune femme. Leur vie est un désert, affectif, relationnel et même architectural puisque la jeune chef des ventes habite un de ces appartements pour investisseurs, construit au milieu d'un champ, au bout du bout d'une ville sinistre. Tous deux ne sont que les pions d'un système rendu fou et qui ne garde que les plus malléables. Elle, ancienne lectrice d'Hannah Arendt, se demande comment on peut encore travailler après avoir lu "Condition de l'homme moderne". Lui, est un admirateur de Rimbaud, surtout de sa correspondance, depuis qu'il a appris que, comme lui, il avait été un voyageur de commerce. Toute cette première partie est tout simplement admirable par son acuité, par la totale empathie de l'écriture avec les personnages. Et soudain, après un chapitre un peu étrange mêlant Rimbaud et l'auteur, le livre bascule doucement vers un final, comment dire, un peu trop sucré. »
(02/03/2023)

 

Les vraies gens, sociologie de trottoir, de Guillaume Meurice, JC Lattès.
A l’heure où les manifestants sont dans les rues, cette sociologie de trottoir arrive à point nommé.
L’auteur est chroniqueur à France Inter, ce qui lui donne le droit et l’envie d’arpenter des rassemblements divers, micro à la main. Ainsi, Guillaume Meurice va à la rencontre des gilets jaunes, des hommes politiques, des entrepreneurs, des syndiqués, des personnes comme vous et moi, et, au hasard d’écoute, découvre toutes les contrariétés qui font la société française. Entre celui « qui n’est pas raciste mais… », celui qui dit « qu’avant, c’était mieux », celui qui croit que « la Covid, c’est un coup des chinois », les vraies gens apparaissent, avec leurs interrogations, leurs doutes, leurs manières de raisonner. C’est souvent drôle, bien dit, parfois manichéiste ou orienté. On ressort de cette lecture un peu comme après une manif, un peu déboussolé, soulé de tant de paroles, y compris celles de l’auteur. On se dit vivement demain, car demain, ça va changer !
(01/02/2023)

 

Journées littéraires de Jaligny-sur-Besbre, 30 ans de découvertes.
Je ne sais pas pourquoi, je pense toujours à René Fallet à cette époque de l’année. Peut-être parce qu’il avait écrit à 19 ans dans Banlieue Sud Est, son premier roman : « Au ciel de fin janvier montaient comme étouffées les fumées du quartier avec leurs pauvres gestes de feuilles mortes ».
Mais le fait est que je me suis toujours rendu en hiver à Jaligny-sur-Besbre, en 2006 et en 2018, par exemple. Cette année, c’est en pensée et en livre que je m’y rends.
En effet, l’éminent notulographe Philippe Didion, qui connaît mon attachement à l’écrivain bourbonnais, et qui fait partie du prix René Fallet, m’a envoyé la petite brochure éditée à l’occasion des 30 ans de cet évènement littéraire, que l’on considère, à tort, modeste. D’ailleurs, lors de la parution de Central en 2000, je n’avais eu qu’une seule exigence auprès de mon éditeur, que mon livre puisse être présenté pour cet honneur qui récompense un premier roman. Hélas, il n’avait pas été retenu. Je me suis rattrapé depuis par d’autres succès, dont le fameux prix populiste que j’ai obtenu en 2012, comme René Fallet, 62 ans plus tôt, ce qui m’avait comblé de bonheur.
Les Journées littéraires, qui se déroulent donc dans la ville de prédilection de l’écrivain, à Jaligny-sur-Besbre, existent depuis plus de 30 ans (33 ans cette année), elles ont récompensé par exemple, Amélie Nothomb en 1993 ou Valentine Goby 10 ans plus tard, mais le prix René Fallet n’est pas le seul à mettre en lumière des écrivains, il y a le prix spécial Agir (du nom de l‘association "Agir en pays jalinois", qui préserve la mémoire de René Fallet), le prix du bourbonnais, le prix Daniel Bayon, autant de manières de faire vivre la littérature de ce centre de la France.
Parmi les préfaces de tous ces acteurs, il y a bien sûr celle d’Agathe Fallet qui fédère toutes ces énergies. Les témoignages de tous les auteurs qui ont été concernés par le prix René Fallet prouvent combien persiste l’esprit à la fois frondeur, joyeux et poétique de l’auteur de Paris au mois d’aôut.
(18/01/2023)

 

SOS Méditerranée, collectif, Folio
Le sous-titre de ce livre est intitulé « Les écrivains s’engagent », car c’est un collectif de 18 auteurs qui a réalisé ce recueil de textes destiné à rendre hommage à tous les migrants qui tentent la traversée de la Méditerranée et qui périssent. Les bénéfices d’ailleurs de cet opus sont intégralement versés à l’association SOS Méditerranée, qui organise des opérations de secours pour venir en aide à ces personnes.
« Les écrivains s’engagent » : on a envie de dire « C’est la moindre des choses », tant cela paraît évident, mais peut-être que mon implication dans l’association Initiales qui œuvre pour l’alphabétisation et qui me fait rencontrer depuis plusieurs années des Afghans ou des sans-papiers MNA (mineurs non accompagnés) me fait trouver cet engagement normal, comme allant de soi.
Les textes qui composent ce recueil sont tous différents, mais réunis par le même besoin d’humanité. Jean-Marie Laclavetine réalise une très belle préface, percutante, et qui donne le ton, l’urgence et l’absurdité de cette sauvagerie moderne. Tous les témoignages recueillis, que ce soit ceux de bénévoles d’associations, de migrants eux-mêmes, racontent la même horreur, celle que les participants du dernier atelier d’écriture m’avaient également racontée (voir Le voyage de Shaka, note de lecture du 15/07/2022). Il faut oublier les noms des écrivains qui composent ces textes et ne retenir que les personnages qui traversent cette histoire éternelle, et maintes fois recommencée, comme les vagues de cette Méditerranée mortelle.
(04/01/2023)