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Notes de lecture

 

Marie-Galante, de Emmelene Landon, Gallimard
Je n’ai pas choisi de lire ce livre par hasard. J’ai visité la petite île de Marie-Galante le 31 décembre 2017. J’ignorais bien-sûr que l’éditeur Paul Otchakovsky-Laurens s’y trouvait au même moment avec sa compagne Emmelene Landon. Nous sommes rentrés le jour même en Guadeloupe, et nous avons fêté la nouvelle année les pieds dans l’eau, une coupe de Champagne à la main sur la plage de Sainte-Anne, avec Marie-Galante à portée de vue. Là-bas, dans la petite île en face, « longue série de photos de Paul et Emmie ensemble, souriant l’un à l’autre. Nouvel an. Vœux de bonheur. Champagne. Amour. » raconte le livre.
Le premier janvier, nous sommes allés aux chutes Moreau, sans succès : la randonnée était interdite, trop d’eau dans la rivière que nous devions franchir plusieurs fois. Coucher de soleil devant un phare décoré par un ami archéologue. Le deux janvier, repos après la longue virée sur Basse-Terre jusqu’à Saint-Claude : j’ai pris quelques photos d’un chat qui se prélassait devant un bac à fleurs. Au même moment, dans la petite île de Marie Galante, Emmie et Paul se décident pour un dernier bain de mer, une voiture arrive en face de la leur : on connaît la suite.
Pour autant, Marie-Galante n’est pas un récit triste des derniers instants de l’éditeur, raconté un an plus tard par sa compagne qui a été également blessée. Au contraire, le destin a voulu mettre une fin à la vie de Paul Otchakovsky-Laurens d’une façon brutale, mais dans un lieu qui a symbolisé le bonheur pour eux deux. Et pour moi qui a l’habitude de goûter régulièrement à la douceur antillaise, je ne peux qu’être d’accord avec Emmelene Landon lorsqu’elle demande : «– Paul, est-ce que le fait de lire sur une île rend ta lecture particulièrement savoureuse ? – Tout est savoureux ici. ».
(17/02/2025)

 

Thomas Helder, de Muriel Barbery, Actes Sud.
Muriel Barbery publie désormais tous les deux ans. Qui s’en plaindra ? Quinze ans, en effet, séparent ses premières publications, mais la régularité lui est désormais familière.
Régularité et éclectisme aussi : elle est toujours là où on ne l’attend pas. Si le Japon lui est familier pour ses derniers romans, Une rose seule (2020) et Une heure de ferveur (note de lecture du 15/09/2022), c’est à la fois en Aubrac et à Amsterdam que se situe les lieux de son dernier roman.
Thomas Helder, comme ses amis et sa famille, a adoré ces deux endroits. Malade, il a choisi de quitter la capitale hollandaise pour retourner dans la campagne française et y mourir. Margaux, qui fut son amie, rejoint ses proches suite à l’enterrement et une singulière veillée commence. Le portrait du défunt se dévoile, mais également tous les non-dits et les drames qui ont émaillé le temps où tous étaient ensemble. Margaux, partie depuis longtemps, architecte toujours en voyage, ne cherche pas forcément des réponses à ses questions, mais au fur et à mesure de cette rencontre sur fond d’hiver enneigé, une sérénité nouvelle lui sera proposée.
A la fois livre sur le deuil, le temps qui passe et la jeunesse qui fuit, ce roman distille au fil des pages une ambiance nostalgique. Il reste longtemps en tête après la lecture. On a l’impression d’être resté auprès de Margaux, dans cette parenthèse et dans cette atmosphère si particulière de confidences.
On retrouve les thèmes chers à Muriel Barbery, le sens du beau, la philosophie, tout ce qu’elle transmet par des aphorismes discrets et une élégance des descriptions.
Muriel Barbery a révélé dans une interview s’être inspirée pour l’ambiance d’une nouvelle de Joyce dans Dubliners (le seul livre que j’ai lu intégralement en anglais !).
(30/01/2025)

 

La végétarienne, de Han Kang, Le Serpent à Plumes.
Publié dans son pays en 2007 et traduit en français en 2015 par Jeong Eun-Jin et Jacques Batilliot, j’en propose un extrait en ce moment sur le site collectif L’aiR Nu.
Ce roman met en scène une jeune femme Yonghye, qui, à la suite d’un rêve décide de devenir végétarienne du jour au lendemain. Décision irrationnelle, survenue à la suite d’un rêve étrange.
Aussi, les lecteurs qui croient deviner derrière ce roman une apologie du véganisme en seront pour leurs frais. Pas de réflexion sur la surproduction de viande ou toute pensée écologique cohérente sur laquelle se fonde le végétarisme. De plus, le récit met en scène plusieurs personnages peu recommandables, le mari macho qui a vite fait de s’éclipser, le beau-frère qui profite de la faiblesse psychologique de sa belle-sœur pour assouvir ses égarements sexuels. Seule sa sœur (la femme du pervers) tente de nouer le contact avec Yonghye qui s’enfonce de plus en plus dans sa folie.
Je ne pense pas que ce roman soit le plus adéquat pour rentrer dans l’univers de Han Kang, qui a été récompensée en 2024 par le prix Nobel de littérature « pour la profondeur de sa prose poétique qui s'oppose aux traumatismes de l'histoire et révèle la fragilité de la vie humaine ». Depuis, j’en ai lu d’autres qui proposent une humanité plus visible. Mais peut-être n’est-ce qu’une question de point de vue culturel.
(21/01/2025)

 

Le cheval d’orgueil, de Pierre-Jakez Hélias, Pocket.
Emblématique de la Bretagne, ce récit, intitulé également Mémoires d’un breton du pays bigoudin, a été publié en 1975. A cette époque, il rencontre un grand succès. Au milieu des années soixante-dix, en effet, le régionalisme est devenu plus revendicatif, c’est l’époque du Front de libération de la Bretagne, de l’introduction des langues régionales. Des groupes et des artistes comme Alan Stivell et Tri-Yann dépoussièrent le folklore local (à la même époque d’ailleurs, dans ma campagne profonde, j’acquiers une guitare « folk », je vais dans des fêtes de villages où s’agitent mollement des chevelus munis de sabots et de chemises de grands-pères).
Le cheval d’orgueil aujourd’hui est débarrassé de toute cette mode de retour à la terre qui prévalait alors. Lire ces Mémoires d’un breton du pays bigoudin, tandis que Rennes est devenue une succursale de bobos parisiens, est aussi étrange qu’observer les mœurs des martiens de la Guerre des mondes d’H. G. Wells. Ce monde, oui, a irrémédiablement disparu. Cependant, une nostalgie demeure à la lecture de cette vie lente d’alors, rythmée par des certitudes d’un autre âge, des évènements et des guerres qui ont achevé d’emporter dans l’oubli ces existences paysannes. Lire Le cheval d’orgueil, c’est comme lorsque je me promène dans le village de Bouxières (une de mes balades favorites en ce moment). Je ne manque jamais de plonger ma main dans le lavoir pour sentir la fuite du temps sous la fraicheur de l’eau.
(13/01/2025)