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Notes d'écriture 2015
Que peut la
littérature ? Cest sous cette interrogation que François Busnel a ouvert son
émission du 19 novembre dernier, la première depuis les attentats de paris. Les
écrivains invités (Boualem Sansal, Laurent Mauvignier, Leila Slimani, Sigolène Vinson,
Boris Cyrulnik et Raphaël Liogier) nont
pas éludé la question et ont répondu avec chacun sa propre sensibilité, opposant la
pensée unique et totalitaire des terroristes face à la diversité de lécriture,
replaçant limportance du langage et la manière dont linformation est
proposée avec des mots creux et vides, bref, sengageant
Sartre, du fond de
son repos au cimetière Montparnasse, a dû pousser du squelette le Castor :
lengagement, si cher à sa cause, demeure intact, ah, les braves petits
Le problème,
lorsque les mises à jour sont irrégulières et espacées, c'est de se souvenir des
évènements qui se succèdent. Six semaines donc ont fondu comme une plaque de beurre
laissée au soleil. J'ai voyagé, fidèle à mon habitude, Chambord, Paris, Reims,
Châlons, Saint-Dizier, Amiens, Lille, Lausanne, Chaumont, Voiron. J'ai couru partout où
je pouvais, pas loin de 180 km depuis ma dernière mise à jour, et, par exemple, 29 km et
900m de dénivellé à Voiron, en trois fois, L'Isère monte et descend tout le temps...
Si je resserre sur l'activité d'écriture, qui est le propre de cette rubrique (quoique
le souffle de la course à pied et l'écriture soient du même acabit), j'aurai accompli
ma première dédicace du Journal de la canicule chez l'ami Francis Zahn au
Pythagore à Chaumont dans une ambiance très sympathique. La veille je suis allé à
Lausanne à l'invitation de Jérôme Meizoz où j'ai pu évoquer le thème du travail dans
mes livres (voir à ce sujet le très beau livre de Sonya Florey, qui était présente, L'engagement
littéraire à l'ère néolibérale, en Notes de lecture). Enfin, juste après, j'ai
participé au festival Livres à vous a Voiron et je n'ai pas boudé mon plaisir
pendant les quatre jours qu'a duré cette magnifique manifestation, très bien organisée.
Nous présentions avec Alain Delatour une exposition sur notre projet Instants hanball
(voir en Webcam) qui commence à se muscler sérieusement. Et l'écriture dans tout
cela ? Tout semble avancer roidement, j'aimerais être plus régulier pour ma thèse, ce
serait préférable. En même temps, le livre que j'écris depuis un peu plus d'un an est
un chantier au long cours, qui s'apparente à un ultra marathon (on en revient toujours à
la course à pied), les 500 pages sont en vue et le machin n'est pas terminé, j'ai en
ligne de mire une arrivée triomphante pour mars-avril. Le SAV du Journal de la
canicule continue avec d'excellents retours de la presse et des
lecteurs. That's all folks !
Donc,
voilà : le Journal de la canicule est
paru. Je suis très content de la couverture, que je trouve très réussie avec ses
couleurs chaudes, pas forcément faciles à rendre avec un aspect mat (voir objets du bonheur, cette semaine en Webcam). Il est
temps de créer une rubrique spécifique qui accueillera les commentaires, critiques,
articles, bref, la vie du livre : LA
VOICI. En parlant de la vie du livre, jy dresse comme à lhabitude un
historique du roman, comment, quand et pourquoi a til démarré et continué. Son
histoire remonte à fin 2008, époque à laquelle jai bâti les trois-quarts
dune histoire qui minterpellait sans que je sache dailleurs vraiment la
voie que je suivais. Mais les intentions décriture doivent rester un mystère, je
suis de plus en plus persuadé. Dailleurs javais participé autrefois à un
recueil collectif chez Catherine Flohic qui sintitulait « écrire,
pourquoi ? ». Ce serait maintenant jécrirais un article pour démontrer
pourquoi je ne sais pas pourquoi. Cette tension est salutaire, sinon on court après de
lartifice.
Sicile, 13°
voyage et donc notes décriture car la période sicilienne est toujours propice à
cette tâche. Le rituel est désormais bien établi. Petite course à pied dès le réveil
tant que la température reste sous les 30°, avec un détour pour aller chercher du pain
frais chez la charmante boulangère qui fait leffort de nous parler en français,
puis petit déjeuner et enfin, je mattable sur la terrasse la plus ombragée avec
lordinateur portable. Généralement, il y a toujours un texte en cours ou des
travaux de thèse à peaufiner. Lannée dernière, jattendais la sortie de Faux nègres, je navais rien commencé
dautre encore, ce serait deux mois plus tard, en octobre. Cette année, outre le Journal de la canicule prévu pour octobre, et dont
jai reçu les propositions dillustration de couverture dans la chaleur des
vacances, cest un autre roman (celui doctobre) qui sachemine avec une
relative régularité. Régularité bien obligée puisquil se dessine déjà comme
un gros pavé. Sur la petite terrasse ombragée, jaurai donc complété
denviron soixante-dix pages ce premier jet, dont la longueur dépasse déjà celle
du Journal de la canicule. En Sicile, cette
année, la séance décriture se terminait aux alentours de midi. Laprès-midi
était consacré à la mer (je suis un rat de plage) et juste avant à compléter par des
textes les tableaux de lami Delatour avec qui jenvisage une exposition à
Voiron pour le festival Livres à vous, en
novembre prochain. Voilà pour les vacances.
Le hasard est
souvent étonnant. Tout dabord, en guise dannonce, sachez que je publie un
nouveau roman en octobre, toujours chez Fayard : il sappelle Journal de la canicule. Le hasard donc, me fait
corriger les épreuves de ce livre en cours de finalisation sous la météo adéquate,
table de jardin sortie avec le soleil implacable dessus (voir en Webcam) et, dans les
médias, les alertes abusives selon le fameux principe de précaution érigé en dogme (en
aparté : très belle définition de Philippe
Didion : on entre en canicule quand les
journalistes remplacent le verbe « boire » par le verbe
« shydrater »). On apprend ainsi que la France est le seul pays au
monde où les rails de la SNCF se tordent de chaleur
La canicule de mon roman date
de 12 ans : épisode fameux qui sert de cadre temporel à ce journal quun type
décide décrire parce que ses voisins ont disparu. Ça vous intrigue ? Je
nen dirai pas plus, il faudra lire le roman ! Savoir juste que ce texte a été
écrit à mi-chemin entre cette fameuse canicule et aujourdhui, donc commencé
rapidement en hiver 2008-2009, cessé aussi rapidement (voir notes de lecture du 05/12/2008, du 18/01/2009, du
06/02/2009) sans que je comprenne vraiment pourquoi cette histoire métait
venue. La parution de Bestiaire domestique au
printemps suivant et la rédaction de Retour au mots
sauvages en automne ont achevé denvoyer ce texte aux oubliettes. Je lai
retrouvé lannée passée (note décriture du
17/09/2014) en me demandant comment une telle histoire saugrenue métait venue
à lesprit. Et puis une citation de Nabokov, que jai placé en épigraphe,
ma soudainement éclairé : « Un journal, je l'admets, est la forme la
plus basse de la littérature. ». Jai ainsi terminé ce journal-roman chez
moi, au rez-de-chaussée, au ras des pâquerettes, bassement, petitement, comme une
cousette de Prisunic. Il compte 255 pages, ourlets compris.
Jai
quelques difficultés avec la course à pied en ce moment. Enfin, tout est à
relativiser ! En mars, il y a eu ce trail de
Il me faut un
lieu pour écrire. Une évidence que le nomadisme de ma vie naltère en rien :
si je suis capable de tenir un carnet de voyage au Pérou avec la fonction bloc-notes de
mon IPhone, ou de rédiger des paragraphes de Faux
nègres sur un bateau au large des îles éoliennes, la vie me ramène à ma maison,
à mon bureau, à des lieux inchangés depuis plus de vingt ans. Ma table de merisier
voisine avec une bibliothèque achetée à un mort (notes détonnements du 04/09/2001 et du 20/03/2013) et
maintenant, lhorloge aimée a rejoint ce
décor : fabriquée entre 1860 et 1890 (elle date de Rimbaud), elle rythme maintenant
mon écriture. Car écriture il y a et multiples projets : un récit en octobre, un
autre qui sannonce avec enthousiasme, un livre dart avec un peintre, plus la
thèse que je nabandonne pas. Il y a des rencontres aussi qui
sannoncent : voir en agenda. Et jespère, tout
cela sera à suivre de temps en temps.
Ce nest
pas vraiment un open-space, un espace ouvert, plutôt une enfilade de bureaux sur un
entassement détages. Lui cest au sixième. Couloirs, porte vitrée, et avant,
le hall où je me suis annoncé. On est venu me chercher. Ce pourrait être nimporte
quel immeuble, on y vendrait nimporte quoi, assurances, téléphones, voitures
Ce serait un de ces endroits cossus quon nomme direction, état-major, siège
social. Ce pourrait être pour mon travail : plusieurs fois je suis entré dans des
endroits similaires, comptoir daccueil, se signaler, on vient vous chercher. Nous
avons pris lascenseur, laccompagnatrice et moi. Jai dit que javais
trouvé facilement grâce à ses explications. Quelques mots, des sourires, une
prévenance. Au milieu dun couloir, elle a toqué à une porte. Je passe le seuil,
espace ouvert : un bureau, deux fauteuils, table basse. De suite il ma
accueilli : Enfin ! Oui, cest vrai, la joie est réciproque, ça faisait
longtemps. Nous nous installons (fauteuils, table basse). La discussion va durer une
demi-heure. Je parle, jexplique, il écoute, rebondit, une conversation : nous
pourrions parler de nimporte quel sujet, assurances, téléphones, voitures, le lieu
sy prêterait. Les cloisons sont vitrées. Des gens passent dans le couloir, parfois jettent un bref coup
dil sans ralentir leur marche. On sent des affaires, des tâches, des
dossiers, des missions, tout un morcellement dactivités, des hommes, des femmes qui
vont rentrer le soir chez eux, raconter une anecdote, soupirer ou rire, recommencer le
lendemain à soccuper dassurances, de téléphones, de voitures. Mais le fond
du travail nest pas lun de ces sujets. Ce qui nous relie, celui qui dit
« Enfin ! » en souriant, et moi qui réponds de même, est dun
autre ordre, un métier peut-être, une passion sans doute, un travail déquipe
certainement. Ce nest pas dit, ça reste sous-jacent, ça passe entre les sourires,
dans les mots, lintonation, ça prend corps. Lexpression « faire son
chemin ». Ou « ne pas rester au bord ». Ça dure une demi-heure. On
prend congé. Je redescends au second, un SMS my invite. Ascenseur, couloirs,
enfilades de bureaux vitrés, les mêmes quau sixième. Je my perds, demande.
Cest là. Déjà ! Autres sourires, joies réciproques. Le bureau est vide. Peu
de choses. Dans mon travail on appelle cela « bureau de passage » destinés à
des travailleurs nomades, dont dailleurs je fais partie. Comme nous sommes aussi
mouvants lun que lautre, nous partons vite. En bas de limmeuble, elle
salue les deux policiers en faction, armes, gilets pare-balles. Lun répond avec
empressement, dune voix claire. La rue est tout de suite là, bruits de circulation,
jhésite à passer le seuil, à rester dans lespace ouvert.
Lorsque je
fais le bilan de mes feuilles de route en 2014, c'est moitié moins de mises à jour que
les années précédentes. En moyenne deux fois par mois. Cette désaffection ne me pèse
pas du tout. J'en suis assez surpris, il m'arrivait jusqu'à présent de culpabiliser
assez facilement lorsque je loupais mon rendez-vous hebdomadaire. Maintenant non, depuis
au moins deux ans. Pourtant ma perception n'a pas changé : c'est toujours une sorte de
journal en ligne, quelque chose qui m'est d'abord utile avant qu'il soit destiné à être
lu, et de la même manière qu'un journal papier, raconter l'insignifiance du quotidien,
mais surtout, ce qui m'importe c'est l'accumulation, donc finalement pas grand-chose dans
cette organisation du web basé sur l'instantané, quoiqu'à la réflexion, on peut
envisager Internet comme le plus formidable espace mémoriel qui soit. Ceci dit, je suis
persuadé que la désaffection qui me touche, hormis les habituelles raisons, le manque de
temps
etc., ne m'est pas que personnelle. Il me semble que les sites historiques du
web littéraire sont moins assidus également. Ou peut-être vais-je moins les voir ? Le
web à ses limites. Je me suis toujours refusé à Twitter, Facebook, en premier pour ne
pas suivre une mode, pour ne pas être captif d'informations que je n'ai pas cherché. Les
réseaux sociaux ont relégué les internautes de première génération à des oubliettes
qui me conviennent. Lorsque je consulte les statistiques de fréquentation de Feuilles de
route (au moins deux ans que je ne l'avais pas fait) je vois que j'ai eu 80000 visites en
2014. Si je me souviens bien de mon passé de marketing, ça veut dire que 10% sont
vraiment venus visiter ces pages, et que 1% s'y est intéressé, c'est très peu
finalement. De 200 visites par jour, je passe à une quinzaine de lecteurs par semaine,
ça fait club de conspirateurs, petit cercle d'amis et c'est ce qui me convient le mieux.
A un moment, lorsqu'on abordait Internet avec l'esprit pionnier, on pensait qu'il fallait
absolument avoir une page web, un site actif, une marque numérique sous peine de
disparition. Or j'ai remarqué récemment que très peu d'auteurs américains, pays en
avance en la matière, y avaient eu recours. Je ne suis pas loin de penser que notre
retard français séculaire en matière de modernité nous a conduit à forcer le trait,
par peur. Oui, peur de l'oubli, d'être isolé, de louper le coche. Une étude (que je
n'ai jamais retrouvée) qui datait de la fin des années 60 avait prévu pourtant la phase
que nous connaissons et un recul volontaire face à l'information, qu'on pourrait résumer
par : puisqu'il est possible de tout connaître, je choisis de ne pas
En ce début
d'année, je voulais faire une sorte de bilan de l'année passée. La parution de Faux
nègres bien entendu, et les projets d'écriture qui ne manquent pas, jusqu'à ces
excellents encouragements reçus aujourd'hui même et qui me touchent beaucoup.
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