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Notes d'écriture 2007
L'année 2007 est en passe de se terminer. Côté
littéraire, elle fut bien remplie : publication de 1937
Paris-Guernica en mars et CV roman en
septembre. Côté boulot aussi : la reprise du travail en mai après un congé
formation a vite largement débordé tout azimuth. Et côté des "à côtés" aussi,
l'année a été profitable : Licence de Lettres Modernes en juin et Master entamé en
septembre avec un peu de mal mais je surnage pour l'instant... Revenons côté
littérature : 2008 va débuter aussi sur les chapeaux de roues, quelques séances
d'ateliers d'écriture et manifestations diverses sont déjà prévues, Clermont
Ferrand en janvier, Bron en février, Dijon jusqu'en avril sans compter les
incessants voyages pour le boulot sur les terres de Champagne, de Picardie ou du
Nord (voir en Webcam, c'était l'Aisne, les 6 et 7 décembre et j'y étais encore
jeudi 13 et la veille, mercredi 12, c'était à Douai...).
Cependant, le tableau aurait été incomplet si je n'avais pas mis la dernière
main à ce qui m'importe au fond plus que tout, l'achèvement d'un nouvel écrit,
un manuscrit donc. J'ai marqué, comme je le fais parfois sur mes tapuscrits
maintenant, le lieu, la date de début et de fin de l'écriture. C'est juste un
usage interne et cela n'apparaît pas dans l'édition (quand il y a édition).
Outre leurs caractères facultatifs, j'ai du mal à retrouver ces mentions qui
sont aléatoirement disposées sur des versions parfois numériques, parfois
imprimées, l'une et l'autre disparaissant dans les profondeurs des disques durs
ou celles de mes placards et étagères. Je ne me souviens pas de l'avoir indiqué
pour CV roman, cela aurait été difficile, l'écriture s'étant étalée de
2004 à 2007 pour les dernières finitions avant parution et les lieux d'écriture
de ce vaste machin trimballé partout ont été multiples au gré des errances
d'alors : ma ville bien sûr, mais aussi d'autres lieux comme Besançon (et la
table lumineuse de l'appartement d'Anne-Marie, partie depuis pour de nouvelles
aventures livresques - petit signe d'amitié et à bientôt qui sait !). Pour
1937, j'ai retrouvé une version où j'indique que le récit a été écrit à
"Saint-Dizier, France - Viagrande, Sicile : 26 avril 2006 - 15 août 2006". Il
est vrai qu'une écriture ramassée sur quelques mois aide plus à la précision (et
comme j'avais de surcroît tenu a débuter le récit prévu à la date d'anniversaire
de Guernica, c'était facile.)
J'agis ainsi sans doute par imitation d'un de mes auteurs fétiches et tonton
d'adoption, René Fallet, qui faisait de même. Il faut dire qu'un naturel assez
paresseux le faisait écrire rapidement un premier jet sur quelques semaines.
Contrairement à moi, ces paratextes, comme le dirait Jean Genette, sont reprises
sur les éditions finales. Ainsi on apprend en ouvrant ses livres que Paris au
mois d'Août a été écrit à Paris (bien sûr) mais en février-mars
1964. Cette habitude a été prise dés son premier livre Banlieue Sud-Est
: Villeneuve-Saint-Georges, 27 octobre - 25 décembre 1947. Soit deux
mois pour 360 pages et à dix-neuf ans... C'était prometteur...
Pour en revenir au bouquin que je viens de terminer, j'ai indiqué
Saint-Dizier, 4 janvier 2007- 10 décembre 2007. En réalité, la date du 4
janvier est la date de sauvegarde de la toute première version, quelques pages
seulement, mais je me souviens avoir débuté ce roman dans les tous derniers
jours des vacances de Noël (ou les tous premiers jours de l'année). Et le 10
décembre, c'était lundi matin de la semaine où j'écris cette rubrique. Onze mois
pour un machin qui a la taille presque exacte que CV roman, 350 pages au
final, une pointure semblable à ce que René Fallet avait écrit en deux mois.
Mais les multiples activités déployées dans la journée ont fait grandir
petitement l'ouvrage, généralement au détriment des heures matinales de sommeil
où l'oeil à peine éclos, j'allumais en baillant l'ordinateur. De ces séances
régulières mais morcelées sur onze mois de six à sept heures, j'ai eu
l'impression en terminant le récit ce 10 décembre que l'ensemble était décousu
et sans histoire. Une sorte de bâtiment construit à la va-vite, du gros oeuvre
et pour les finitions, on verrait plus tard. Le plus tard est venu deux jours
après, j'avais tout relu, corrigé, repris, replâtré, enduit les murs : ça se
tient. Cela ne veut pas dire que ce sera publié, c'est aussi à mille lieues de
ce que je fais habituellement, c'est plus comme "La Réserve" (mais qui compte
d'ardents défenseurs), c'est une plus une farce, une galéjade, un roman
picaresque de petite vertu. Un truc non pas sans prétention car de la prétention
et de l'orgueil j'en ai revendre, quelque chose donc qui pourrait être un
conte, qui est "la sagesse de l'humanité", comme m'a dit ma principale
conseillère-attachée de presse-bis-auteure en vue au jugement très sûr. Va pour le conte.
En relisant ces notes de l'année, tout en bas de cette rubrique j'avais écrit
le dix janvier que "Trois, quatre histoires
ébauchées mais deux survivent mieux que les autres
: nous testerons leur résistance...". C'est fait. En route pour
2008 !
(19/12/2007)
La vieille image de l'écrivain installé dans la
solitude de sa table de peine n'est pas pour moi. Longtemps que j'ai compris que
tout devait se mélanger. Mes premiers écrits, réguliers je veux dire, c'était
pendant les siestes de ma fille toute neuve. L'apprentissage des couches et des
biberons se doublait de celui de l'ordinateur de bureau nouvellement acquis, un
Thomson avec disque dur de vingt méga-octets, alors à la pointe du progrès, il y
a vingt ans. Décidément, dés le départ, la posture de l'écrivain avec plume
d'oie n'était pas pour moi. J'ai mélangé les lieux d'écriture à la maison, lieux
de passages où je continuais à écrire tout en suivant une conversation
familiale. C'était le seul moyen de glaner du temps dans l'implacable course des
journées. Le travail, nourricier s'entend, s'est trouvé aggloméré à tout cela
mais cependant bien distinct : le bureau d'une part, le domicile de l'autre.
Avec la venue de l'édition, quand j'ai pu réunir les deux caractéristiques qui
fabriquent à mon sens un auteur dans la définition du Petit Larousse, c'est-à-dire quelqu'un qui
écrit et qui publie, je me suis trouvé en compagnie de ce deuxième métier,
écrivain, sans que j'arrive à choisir l'un au profit de l'autre, et ce, jusqu'à
présent et malgré des hésitations. C'est déjà un choix économique, l'écriture ne
nourrit pas son homme et encore moins sa famille, mais surtout j'ai besoin de
l'un et de l'autre, le travail nourricier avec ses contacts, ses projets, ses
implications, sa participation au monde, et l'écriture avec ce qu'elle m'apporte comme manière de résumer,
étendre, diluer ma vie réelle, projeter rêves et chimères, bref, une autre
manière de rentrer dans l'univers, un peu par effraction. En quelque sorte c'est
l'alliance de la carpe et du lapin, le mariage du romancier au "cadre dans les télécommunications"
comme il est dit
sur mes quatrièmes de couverture.
Avec le temps, je me suis néanmoins constitué
un endroit solitaire à la maison, une belle pièce lumineuse au rez-de-chaussée,
avec vue
sur le jardin et munie d'un bureau style Louis XVI en merisier, un invendu relégué chez un
ébéniste et pour lequel j'ai eu le coup de foudre. Donc, par moment, oui, je pourrais
donner l'illusion de l'écrivain attablé à ses livres dans l'imagerie classique,
gravure XIX° siècle d'un Jules Verne,d'un Flaubert ou d'un
Balzac (qui aurait croisé Perec, comme le dit très gentiment à mon sujet
Christine Rousseau dans un
article du Monde). Mais la modernité nous a rattrapé. Et
même, j'ignorais, il y a vingt ans, en découvrant la grosse machine informatique
et les premières versions d'un Windows préhistorique, que je poserai sur le cuir de mon bureau,
ce petit ordinateur d'un kilo et demi, mille fois plus puissant et relié au monde entier par Internet.
Et tout s'est joué justement avec Internet, tout s'y joue encore et de plus en
plus, le métier nourricier
et le métier de l'écriture, la famille et le boulot, tout arrive dans le petit
écran plat. J'ai mélangé depuis longtemps mes messages personnels et
professionnels. Ce qui me permet, quand je suis au boulot, de répondre à une
connaissance familiale mais aussi l'inverse. A l'heure où l'on se crispe sur
des acquis sociaux, des normes intangibles de 35 h par semaine, 37 ans et demi pour avoir
droit à la retraite, ces comptes me paraissent tellement irréels dans le mélange
cacophoniques de nos vies. Je travaille à
domicile, j'écris au boulot. Je pratique à outrance le cumul des emplois que
l'EN a l'air de vouloir régenter (voir
Emmanuelle Pagano), je
nage ainsi dans le courant d'une société de zapping frénétique auquel
personne n'échappe. Et plus encore : alors que j'ai longtemps fait figure d'original
dans la façon de mener de front toutes mes activités, le phénomène s'est amplifié
et répandu partout. Et
il suffit, comme en ce moment, d'un projet professionnel important pour que les
échanges de messages de travail débordent largement les plages habituelles
et s'accumulent les samedis, dimanches, aux heures tardives et de toutes
provenance, assistants, coopérateurs, correspondants, chargés de missions
diverses... Et on y répond, samedis, dimanches, heures tardives pour gagner
encore un peu plus de ce foutu temps, on ne s'embarrasse plus d'horaires, c'est
ce collègue par exemple dont on interrompt la conversation à 20h30 car on a
prévu de se rendre au théâtre. Je ne compte plus les heures, on ne peut plus le
faire dans ces conditions, cette semaine, c'était combien ? Dix, douze heures au
bureau et combien en trajet, combien à domicile ? Parfois je mesure comme
aujourd'hui la chance d'être chance à la maison, une journée complète, repos
après le bon millier de kilomêtres avalé en quatre jours, mais combien d'heures
passées sans s'en apercevoir en répondant, ici à un message, là à un coup de fil.
Travailler à domicile, écrire au boulot, tout se mélange, jusqu'à l'appellation
de "bureau", identique à mon domicile ou à mon lieu de travail.
Pour corser le tout, j'ai commencé un mémoire universitaire sur la "littérature
du travail", comme je l'ai qualifiée car il faut bien un terme générique mais
forcément, ces deux mots paraissent factices et illusoires, mixés dans le grand
creuset du quotidien. Cette occupation est cependant riche d'enseignement et ce
n'est pas par hasard qu'un "courant réaliste" (comme le dit encore l'article du
Monde) apparaît régulièrement dans la même veine.
Littérature et travail, écriture et entreprise, travail nourricier et simple
gribouillage, c'est peut-être parce que justement la frontière est poreuse
qu'elle laisse passer de plus en plus d'écrits sur le sujet. CV roman,
n'est peut-être pas le dernier volet d'une trilogie commencée avec Central
et Composants, il me faudrait écrire justement sur cette porosité,
ces mélanges, l'e-mail écrit au travail pour souhaiter ici un anniversaire, la
conversation téléphonique professionnelle à la maison sur fond d'aspirateur, les
trajets qu'il faut pour se rendre dans tous ces lieux de vie. A suivre donc...
(28/11/2007)
Je n'ai pas trop d'appointement avec la
philosophie. Prise de tête, comme dit la génération qui m'a suivi. J'ai loupé
mon bac à cause d'elle parce que l'examinateur s'était endormi devant moi à
l'oral, il y a bien longtemps, j'espère d'ailleurs qu'il s'est réveillé depuis.
Qu'on puisse faire de la philo une matière scolaire est déjà tout un état
d'esprit qui en dit long sur la philosophie de la philo. Bref, c'est le genre de
matière où l'on peut théoriser à l'infini dans des jeux de miroirs, mise en
Abymes successifs. Penser, est-ce dire non ? C'était le premier sujet de philo
de mon fils. Ne croyez pas que la réflexion fut vide, nous nous sommes emportés
tous deux avec passion dans l'élan de Descartes, Nietzsche, Platon, je connais
mes classiques, voyez-vous. Simplement, je suis plus adepte de la philosophie de
comptoir à la René Fallet, disons pour faire court une philo de langage où la
truculence le dispute aux idées, ce qui ne date pas d'hier et Rabelais est là
pour nous le rappeler. Penser, donc, est-ce dire non ? Ben oui, et le fameux
schéma à trois bandes qui prévaut dans le carcan universitaire (thèse antithèse,
foutaise) nous a aide à délayer toute réflexion sur n'importe quel sujet
philosophique. Penser est-ce dire non ? Jouissance des idées, masturbation de la
tige pituitaire, comme aurait dit un ami médecin, et le Vulgaris Médical nous
apprend que c'est ce qui relie l'hypothalamus à l'hypophyse. On pourrait
continuer à l'infini ces pédanteries, c'est aussi une vue de l'esprit, donc une
philosophie et j'ai affirmé que je préférais la philo pratique à la pratique de
la philo. L'exemple en la matière que j'admire pourrait être Muriel Barbery,
dont la connaissance philosophique s'est impulsée dans L'Elégance du hérisson
sous la forme de Renée, une concierge, sorte de nouveau Diogène, dont elle se
débarrasse à la fin du livre en lui donnant une mort digne de Roland Barthes.
Son forfait accompli et avec le succès que l'on sait, l'auteure préfère
disparaître pour un tour du monde au lieu de continuer à surfer sur une vague
médiatique, ce que la plupart des écrivains aurait fait, trop contents de
l'aubaine. Ce qui s'appelle en quelque sorte, mêler la théorie à la pratique de
la philo et croyez-moi, il faut du cran, même avec un compte en banque rempli,
pour tout larguer et partir avec comme seule maison un sac à dos. Dans le genre
pratique de la philo, nous avons aussi BHL dont j'ai parlé la semaine dernière,
mais l'auteur de
Ce grand cadavre à la renverse m'attire que pour la poésie des mots du
titre, encore donc la philo de langage, donc. Ce philosophe possède
l'inconvénient d'être médiatique, ce qui est en soi une chose pas forcément
mauvaise, faut voir, on pourrait étudier cela comme concept sous la forme
classique en trois parties chacune composées de trois sous-parties, elles mêmes
comportant trois...Et Bourdieu qui est sociologue l'a bien analysé dans Les
Règles de l'art, ah, mais zut, il ne faut pas confondre, Bourdieu est
sociologue... Bref, il reste aussi Michel Onfray, qui occupe et revendique le
terrain médiatique des idées et d'ailleurs n'a-t-il pas soutenu José Bové aux
dernières élections, ce "doux" rêveur au programme garanti sans OGM. Et donc
Michel Onfray dans le Lire de ce mois, propose
son petit dictionnaire où je trouve une définition du "ressentiment"
particulièrement intéressante : "Plus
le temps passe, plus je mesure combien le ressentiment joue un rôle majeur dans
la marche du monde. Le ressentiment et avec lui ses variations: jalousie, envie,
méchanceté... La forme la plus stupéfiante est celle que prend la haine de celui
qu'on aura aidé. Longtemps je n'ai pas saisi les mécanismes de cette affaire et
je ne comprenais pas ce qui avait bien pu se produire pour que des gens que
j'avais aidés (par un conseil auprès d'un éditeur, un coup de pouce ici ou là,
une visibilité que j'organisais dans mon sillage à leur intention, une
publication commune, un poste médiatique que je refusais après avoir donné un
nom qui pourrait faire l'affaire...) et qui, soudain, du jour au lendemain, se
fâchaient et devenaient de violents opposants."
Voilà qui est dit, on ne peut qu'être d'accord, on a chacun nos exemples. Et
c'est peut-être cela la philo moderne : affirmer quelque chose, une évidence qui
ne peut-être contredite, modifiée que si on respecte la règle académique (des
trois parties) et que ce discours puisse être repris, discuté à l'infini comme
ces anciens couvercles de boîtes de Vache qui rit qui décuplaient à
l'infini le même couvercle accroché en guise de boucle d'oreille au bovidé
rigolard. Le rire est le propre de l'homme, professait Rabelais.
On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde,
disait Pierre Desproges et Une journée où
l'on n'a pas ri, est une journée perdue, renchérissait Voltaire : ce doit
être cela la pratique de la philosophie..
Je hais les gens sales et les pleurs et j'ai lu Le Rire du philosophe
Bergson, ce doit être cela la théorie.
(14/11/2007)
Evidemment, l'année est politique, pas la peine
de s'appeler Madame Irma et sa boule de cristal pour vérifier ce que j'avais
annoncé et qui semblait évident dans ma note d'Etonnements du 10/01/2007. Ainsi, , le nouveau livre de Bernard-Henri Lévy
évoque la phrase que Jean-Paul Sartre a placée en préface d'Aden Arabie
de Nizan, en 1960, et qui faisait référence à une gauche moribonde. Et le livre
de BHL évoque également la période que nous venons de vivre avec les élections
présidentielles. Soit.
Mais quand j'ai entendu cette expression magnifique au demeurant, forte et
quasi-poétique, j'ai plutôt avalé cette formule pour ce qu'elle véhicule d'image
et d'énergie. Et dans nos vies modernes faites du zapping des idées et des
actions, je suis passé à autre chose. Vaguement ai-je pensé à Grand corps
malade qui a du passer à la fête de l'Huma tandis que j'y étais aussi. Même
vision forte et qui sonne de même comme un haïku japonais. Ce n'est qu'après que
j'ai entrevu ce à quoi précisément la phrase me faisait penser. Bien sûr ! Ce
grand cadavre à la renverse est le personnage qui figure au bas du tableau
Guernica, celui que, selon les spécialistes, on interprète parfois comme une
statue chavirée. On pense à ces idoles de pierre basculées à l'effigie de
Staline (et le portrait que Picasso effectue à la mort du même homme en
1953, tant décrié, peut-être aussi un renversement de l'histoire...). Ou plus
près de nous aux statues de Saddam basculées de leurs piédestals dans les
arrangements médiatiques pour que ces images fassent le tour du monde. Tous,
grands cadavres à la renverse. Symboles.
Sans faire figure de spécialiste, j'en connais un rayon sur la
réalisation de ce tableau puisque c'est une des histoires que je raconte dans
1937 Paris-Guernica. Ce grand cadavre, peu importe
qu'il soit ou non statue, représente le seul personnage humain et masculin,
sorte de guerrier déchu à l'épée brisée, seul homme parmi Maria, Dolorès, Lucia
et Clara, les quatre femmes du tableau que j'ai baptisées ainsi dans mon livre.
La valse des symboles le trouve à sa place, grand cadavre foulé au sol
par le taureau censé représenter la barbarie, enjambé par le cheval au regard
fou qui désigne, paraît-il, l'Espagne. Mais c'est le mouvement de Picasso en
train de peindre qui m'intéresse plutôt que l'explication statique de ce que
nous y avons vu a posteriori. En fait, le grand cadavre n'a pas toujours
été à la renverse dans l'élaboration du tableau. C'est même un des derniers
détails qui change, ou du moins le plus marquant. Je l'ai évoqué rapidement dans
le livre ("Le visage de lhomme couché en bas du tableau, face contre terre
et qui semblait vouloir sortir du cadre, rouler à chaque instant sur le sol de
latelier est retourné maintenant, cest une des dernières modifications".
p65). J'aurais pu insister. Pour quelles raisons Picasso a-t-il changé son
personnage ? Question de cohérence et d'équilibre ? L'homme mort, grand cadavre
ou agonisant encore, est resté face contre terre pendant les deux
mois d'élaboration de Guernica, fixant de ses yeux vides les tommettes
maculées de peinture du fameux atelier des Grands Augustins. Ainsi tourné autrement, il semble
regarder la sauvagerie du tableau de l'intérieur. Il fixe
même l'étrange et banale ampoule électrique, comme dans une scène "d'intérieur",
un des derniers détails que le peintre à également modifié : ("Puis, monté sur
lescabeau, il dessine la douille dune ampoule dans son détail, jusquà son
filament dincandescence et cest une lumière, une lampe, en haut de la toile,
un banal abat-jour qui sallume, semble saccrocher à une poutre de latelier.
Et la composition prend un tout autre chemin, un autre sens. Etrangeté de cette
scène qui se passe à lextérieur et pour laquelle on feint lintérieur, comme si
on ne devait jamais plus revoir le ciel. Mélange de nos angoisses, absolue peur
du noir. Tout ce que lon veut cacher, garder à lintérieur, nos peines, nos
morts, nos souvenirs, nos visages ravagés par le chagrin, la souffrance la
dureté de ce tableau tout ce quon veut éloigner du grand jour dans un réflexe
de pudeur, de convenance, tout ce quon veut taire, les grandes douleurs sont
muettes, tout devient visible, lombre chassée, tout crie, hurle, banalité,
tranquillité des scènes dintérieur, tout est éclairé sous le simple dessin
parfait dune ampoule électrique : merveilleux des arts et des techniques
appliqués à la vie moderne", p58). Si j'ai placé cette long tirade,
issue de mon
livre, c'est qu'elle me semble emblématique de cette année 2007, qui, à bien des
égards, ressemble à 1937. Je l'avais évoqué à sa parution en mars 2007. Ce sont
nos peurs grandissantes qu'on a voulu extraire cette année. Il reste, après les
élections présidentielles, donc quelques mois plus tard, la banalité, la tranquillité des scènes dintérieur et nous
continuons à fixer les ampoules comme de grands cadavres à la renverse.
(04/11/2007)
A la gare de l'Est, ce vendredi 26 octobre (voir
en rubrique Webcam du même jour), j'avais un peu d'avance et j'ai donc
traîné dans une des boutiques Relay qui relaient magazines et livres (mais
jamais les miens). La gare de l'Est a maintenant terminé son relookage (pour
faire "in") mis en place afin d'accueillir convenablement le TGV. Les
boutiques qui avaient déménagé le temps des travaux ont retrouvé de vastes
espaces flambants neufs. Ainsi cette librairie Relay. Quelque chose m'a
cependant surpris sans que j'y fasse attention : les vendeurs avaient des
chapeaux de sorciers, j'ai vaguement pensé qu'Halloween devait être proche et
qu'il fallait que je pense à faire provisions de bonbons pour les gosses du
quartier qui ne manqueraient pas de sonner à ma porte. Ce n'est que le soir que
j'ai réalisé ma méprise : en réalité ce n'était pas Halloween que l'on fêtait
mais la sortie du dernier tome d'Harry Potter, costumes de sorciers donc
obligatoires. Mes enfants ayant déjà lu cet été les aventures du héros anglais
dans sa langue originale (c'est déjà ça), je n'avais pas été sujet aux pressions
marketing d'acquérir le nouveau volume le jour même de sa traduction française.
Bref, c'était un non-évenement.
Par contre, ça m'a fait pensé à la sortie de CV roman encore toute proche
en août dernier. Après tout, moi aussi je peux me vanter d'avoir eu un marketing
parfaitement orchestré avec costumes et tout et tout : les libraires qui auront
vendu des piles complètes de mon lourd volume étaient habillés en vrais
libraires conformément à leur CV. Et même mieux encore, les clients avaient fait
l'effort de s'habiller en vrai clients pour venir acheter mon livre, tout comme
mon livre propose de vrais personnages. Je suis d'ailleurs certain qu'il y avait
même errant dans la gare un clochard "dans son univers informe, visage
dinexistence" ou un ouvrier en "en cotte bleue constellée de taches de
peinture" (p 327) et sans doute qu'un Ministre pressé (peut-être le
même qu'en note d'Etonnement, cette semaine) avait fait
l'effort de pousser le détail de "boutons de manchettes en or rehaussé dune
fine perle, chic et de bon goût " comme à la page 255. Harry Potter n'a qu'à
bien se tenir, je suis le roi de la publicité.
(31/10/2007)
Central, Composant et CV roman. Je pensais en avoir fini avec
le thème du travail, de mon boulot, de l'entreprise. Trilogie d'une réalité mais
le réel est bien le travail qui continue et justement,
c'est presque comme plonger dans CV roman, ce jour en revenant de
Charleville, identique à la page 123 : "Cette route des Ardennes est connue : on la déjà
parcourue en été, dans la clarté nette des formes, en dautres mois, dans des
paysages estompés de nuages, balayés dessuie-glace. La mollesse du trajet se
ranime pourtant à chaque fois au même instant et cest Arthur Rimbaud qui
sinvite à lapproche dAttigny. Le hameau de Roche est voisin, on dit quil y
fut écrit "Une saison en enfer". C'est drôle ces romans qui prolonge nos
vies et nous qui continuons ces romans dans nos pensées.
En ce moment j'ai le temps de penser parce que je me déplace beaucoup : en une
semaine ce sera 1500 km de routes, chemins de traverses en tout sens dans ce
grand Est brumeux d'octobre : Les habituels Saint-Dizier, Châlons, Reims ou
Charleville mais aussi Laon que je découvre, perchée, princesse de pierre
endormie sur son rocher. Il y aura aussi Troyes et ses environs que je connais
bien et Liancourt, petite bourgade de Picardie que j'imagine déjà au milieu des
champs de betteraves entre Compiègne et Clermont. De quoi penser donc, pendant
les vingt heures de trajets que tout cela prendra, autoroutes désertes et
monotones, routes encombrées à rester derrière un camion slovène ou la
camionnette d'un plombier du coin. Il n'existe
pas d'autre moyens que la voiture pour parcourir ces campagnes. Tous les trains
voguent vers Paris (d'ailleurs je vais aussi demain à Paname, j'avais oublié de
rajouter cette destination à mes tribulations) mais en dehors quand il faut
rejoindre les capitales régionales, les héritières des grands duchés, c'est tout
un poème, aussi paumé, aussi difficile que Roche et ses saisons en enfer.
J'avais essayé, une fois, de parcourir Dijon Saint-Dizier par la SNCF : je
pouvais partir mais 17 heures séparait le train d'arrivée de celui du retour,
alors on prend la voiture car c'est 2 heures de trajet. Le Grenelle de
l'environnement qui se tient en ce moment devrait prendre en compte ce tissu de
transport en commun qui ressemble, hormis Paris, à une guenille. Et que dire de
ces déplacements professionnels qu'on ne taxe jamais aux entreprises, que je
limite pourtant au maximum mais, si j'écoutais ma hiérarchie, ce n'est pas 1500
km que je ferais chaque semaine mais 3000, trente cinq à quarante heures
de trajet, la même durée que celle, légale, du travail. C'est cela la réalité,
justement du boulot, celle que je trouve encore le temps de tracer dans les
livres parce que c'est bien ce à quoi on pense pendant ces heures creuses, coincé derrière la
grande télévision monotone du pare-brise : et c'est pour cela que c'est bien en
note d'écriture que s'inscrit ce billet.
Alors fini, la trilogie sur le boulot ?
Les Central, Composant et CV roman ? Rien n'est moins sûr
pour qui veut dépeindre avec fidélité un réel concrèt, sans ambage. Tiens, c'est
une idée, le prochain livre sur le sujet pourrait parfaitement rendre compte de
ces heures perdues dans l'apathie, sur des routes hypnotiques, avec la fatigue
qui se rajoute aux 35 heures, elles, parfaitement effectuées au bureau, devant
un ordinateur, statiques, parfois dépassées
dans cette durée, compressées, pesantes et qu'on quitte pour reprendre la route, quelques heures de trajet à la
poursuite d'un rendez-vous de travail, pour la participation à une réunion. Et
les retours tardifs dans la lueur des phares, la ronde incessante des camions
polonais, tchèques, allemands, belges, italiens, et tous ses
véhicules de société dont le mien, toutes ces entreprises qui se moquent comme
de l'an quarante des Grenelle de l'environnement et du dépassement des 35 heures
qui n'ont de toute façon jamais existé. On me demande de remplir à posteriori un
tableau de service ou je déclare en quelque sorte, code du travail
oblige, que je ne dépasse pas la durée légale de onze heures par jour. Oui, oui, bien
sûr... CV comme conduire vite, courser la vérité. Par moment, je me demande comment j'arrive encore à
rejoindre chaque soir ou presque mon domicile. C'est tout cela qui reste à écrire sur le travail, avec
un personnage qui ressemblerait à Dustin Hoffman, excellent de vérité, dans le film
tiré de Mort
d'un commis voyageur, d'Arthur Miller.
(24/10/2007)
Question critiques, je suis plutôt du genre
coulant et fataliste, comme le Jacques de Diderot : ce doit être notre lieu de naissance
commun,
Langres, qui nous a rendu philosophe. En gros, toute critique est bonne à prendre,
surtout les favorables ! J'adore les compliments, et, sans avoir un orgueil
démesuré, j'aime quand on m'écrit par exemple, comme ce mail de ce matin : "bravo
pour CV roman... J'ai beaucoup aimé ce tressage à n (je
ne sais plus combien de) brins dont un explicitement autobiographique mais
jamais narcissique ni autofictif ;). C'est aussi ce que j'avais aimé dans
Central. J'y retrouve cette patte délicate (pas du tout sens précieux mais
soigné et fin)", ça me fait très plaisir
et je ne boude pas ma joie.
De la même manière, les critiques moins bonnes, voire négatives, ne provoquent pas
en moi un émoi disproportionné. Je ne suis pas du genre à piquer une crise de
nerfs ou me jeter avec une pierre au cou dans la Marne ou dans la Seine. Elles
m'interrogent et j'essaie d'y puiser des vérités ou, à défaut, des enseignements.
Ainsi, la dernière en date n'y allait pas par le dos de la cuillère : "J'ai
tenté les 50 premières pages... Alors le gars il sait écrire, du style faire de
belles phrases bien profondes, bien creusées, bien réfléchies...Tout ça sur un
cv. 300 pages ? ouais pas loin. La forme est trop parfaite. Rien ne colle avec.
De l'effet de style pour de l'effet de style. Peut-être que je me trompe.
Peut-être que l'auteur avec réellement quelque chose à dire. Peut-être que la
laannnngueur et le tarabiscotage étaient justifiés par rapport au fond,
finalement... Mais au bout de 6035 pages, désolée. Je décroche." Le
gars (moi, donc) est perçu comme une sorte de vague ovni plutôt lent à se mettre en
marche, une sorte d'auteur original à petit biscotos qui tarabiscote et qui a
voulu avaler le vaste sujet des CV avec les yeux plus gros que le ventre. C'est vrai, je
plaide coupable... Coupable aussi d'avoir déversé une vingtaine de versions pour
peaufiner ce machin nommé CV roman. Oui donc, pour les phrases "bien
réfléchies", forcément. Oui aussi, pour le "La forme est trop parfaite",
tant il est vrai que je me suis creusé les méninges pour trouver un rythme
quaternaire à treize temps, soit 52 chapitres comme le département qui
contient Langres ma ville natale, je sais, je l'ai déjà dit plus haut. Bref,
"rien ne colle avec", comme il est dit, et sans doute voit-on un peu trop les
raccords et les traces de colle.
Car écrire, c'est vraiment du bricolage et c'est peut-être cela qui achoppe chez
le lecteur qui voudrait toujours que l'auteur ponde une prose ou un poème, d'un jet
décidé, et à la plume d'oie, comme un génie. J'ai fait un lecteur déçu, bon tant
pis. Remarquez que j'aurais des trucs à dire aussi sur les lecteurs. Notamment
l'obligation qui leur semble due d'aimer un livre, d'aller au bout, d'en avoir
pour son argent parce que tout de même, un livre, c'est l'équivalent en monnaie, de trois ou
quatre paquets de clopes. Soit, voilà mes mois de gestations scripturales, de
tribulations méningées, ravalés au prix du papier. Tant pis, j'accepte : livre-objet, écrivain-objet, c'est le prix à payer, de même que j'accepte
volontiers la joute oratoire de ceux qui trouveront que c'est cher pour le peu
de plaisir qu'on en retire. Car c'est bien là que le bât blesse : on paye, on
lit, on veut le "plaisir du texte" comme disait Barthes, avec un doigt d'humour,
avant de se faire renverser par une camionnette de blanchisseur. Or, j'ai
toujours estimé que le lecteur devait ressentir, non pas que le simple et
immédiat plaisir, mais des gammes de sentiments divers qui incluent même l'ennui... et
donc, le risque de l'abandon des pages chèrement payées... J'écris ainsi des
bouquins chiants et ça fait toujours rire mon entourage quand j'explique que, ma
première réaction, lors d'une séance de dédicaces, par exemple, est de plaindre
le pauvre lecteur qui acquiert mon nouvel opuscule car j'imagine qu'il va
obligatoirement s'ennuyer devant ma production. Ici, pour l'auteur de ce
billet d'humeur, visiblement c'est fait et pas qu'un peu... Mais tout cela n'est
finalement que matière à discussion et c'est bien ce qui est l'essentiel.
(17/10/2007)
J'habite une grande maison et depuis longtemps.
Je ne suis pas un maniaque du papier-peint-peinture, et les magasins de
bricolage ne font pas fortune avec moi. Il en résulte chez moi des niches et des
recoins qui ne changent guère au fil du temps mais, si cette apparente
immobilité a le mérite de l'habitude, j'en connais parfaitement les circuits qui
font imperceptiblement se déplacer les objets usuels d'une pièce à l'autre selon
le temps, le hasard ou leur usage, vaisselle, bibelots et autres. Et les livres
! Régulièrement, je dote la maison d'étagères et de bibliothèques pour
accueillir les volumes nouveaux. Au fil du temps et selon les endroits, il s'est
constitué, là encore, une circulation secrète, intime qui appartient à chaque
habitant de la maison. La plus récente, celle de l'entrée, est destinée à
accueillir l'héritage d'un abbé familial féru de lettres et de philosophie. Elle
n'a pas eu le temps de voir son rangement initial bousculé. Située dans un
endroit de passage, elle rappelle les rayonnages d'une librairie, avec quelques
livres exposés pour intriguer le visiteur. Plus loin, dans le coeur de la
maison, la bibliothèque de la chambre est la plus grande. C'est elle aussi qui
forge les usages communs de la lecture familiale, des frontières secrètes se
sont constituées, chacun se sera attribué une étagère, par exemple, chacun se
sera constitué une géographie particulière, les livres de voyages en bas à
droite, les romans préférés en haut à gauche, des objets incongrus comme cette
statuette qui représente une sorte de génie de bois grossier, un bouquet de
fleurs séchées, une peluche qui date de l'enfance de ma progéniture. On y trouve
même une télévision qui accuse son âge par une image fortement sautillante.
Ainsi encadrée du poids de vrais livres en vrai papier, il me semble que
l'évaporation des émissions télévisuelles est plus légère, plus distanciée.
c'est mieux. Quand je pense à mes livres, s'il est vrai que ces deux
bibliothèques, celle de la chambre et celle de l'entrée, me viennent
spontanément à l'esprit, mais il y a aussi tous ces endroits où la lecture a
pris place. Ombre des placards, étagères bons marchés, rayonnages improvisés,
cartons poussiéreux, le poids des livres est partout, il incurve les planches,
écroule le fond des caisses. Il faut toujours ouvrir précautionneusement
certaines penderies pour ne pas risquer de recevoir sur les orteils une pile de
bouquins montée de guingois. Les chambres des enfants ont leur lot de lecture et
la logique d'utilisation de leurs occupants m'est ici totalement étrangère.
J'aperçois parfois un livre connu au milieu d'un fatras de magazines ou de bande
dessinées : CV roman, dédicacé à mon fils, est en bonne place au pied de sa
table de chevet, sous quelques livres de classe. Le dictionnaire Harraps'
shorter voisine avec Isabelle Adjani en couverture d'un mensuel de cinéma chez
ma fille. Sans compter que les vies estudiantines provoquent d'autres
déplacements, d'autres entassements de bouquins dans des chambres
exiguës, certains coups de fils affolés : je n'aurais pas oublié mon livre de ?
S'ensuit un titre et une description sommaire, couverture rouge, petit format...
Une recherche généralement infructueuse et une conclusion évidente : je
m'arrangerai, demanderai à Untel (nom d'un étudiant que vous ne connaissez pas
mais que vous imaginez comme un modèle d'ordre...). L'ordre est pourtant
incompatible avec l'usage des livres qui ne valent leur pesant (au sens propre)
que s'ils sont extirpés d'une étagère, ouverts, feuilletés, lus, épuisés de
leurs mots. Ainsi, ai-je rassemblé une dizaine d'ouvrages sur le sujet du
travail pour le mémoire de mon Master. Posés sur un fauteuil, ils ont très
rapidement rejoint le sommet d'une pile de draps en instance de rangement pour
permettre au chat qui me réclamait l'occupation de son siège favori pour une
sieste méritée. A l'inverse, derrière l'ordinateur sur lequel j'écrit cette
rubrique, une édition incomplète de la recherche du temps perdu, récupérée dans
les excédents d'une bibliothèque d'entreprise, a rarement été ouverte et les
reliures entoilées sont maintenant partiellement obstruées par les divers objets
qui se sont accumulés devant : une petite bouteille d'eau pétillante à moitié
vide, une agrafeuse, un bocal qui contient des coquillages ramenés d'Italie. Je
me souviens aussi de l'effarement qui fut le mien quand je me suis aperçu que la
femme de ménage avait rangé tous les livres par ordre de taille et de couleur...
L'usage de nos bibliothèques domestiques est bien diversifié mais logique. Les
livres de cuisine sont dans la cuisine, les romans sont dans la chambre car je
suis un gros lecteur du soir et de la nuit. Pareillement, l'usage de chacun de
nos volumes est marqué par son territoire : tâches alimentaires diverses sur les
livres de recettes, marque-pages de fortune qui jalonnent les romans (tout ceux
dictés par la paresse de se lever du lit, genre étui de médicament, vieux billet
de train, photo, l'ensemble récupéré dans le fatras de la table de nuit qui
mériterait à elle seule toute une rubrique). Les livres qui jalonnent ma maison
constituent à eux seuls une vie propre, presque autonome. Quelle bonheur par
exemple de retrouver au fond d'un carton, un livre qu'on pensait égaré. Quelle
joie de découvrir une lecture commune, de se diriger à coup sur vers un coin de
bibliothèque et d'y dénicher le recueil que l'on va montrer à sa famille, prêter
à un ami, et qui servira de prétexte à discussion. Parmi tout cela, il y a aussi
mes propres livres, issus de mon imagination et qui ont vus le jour. Ils suivent
les autres, se mélangent aux autres, s'égarent, se retrouvent, se dispersent,
vivent leur vie adulte de livres avec des phrases d'enfant que j'aurais laissées
en suspens dans l'air. Et c'est peut-être cela un livre : quelque chose qui
laisse en suspens, qui ne cherche pas à expliquer, une petite voix toujours
enthousiaste à déclamer ses mots selon la tonalité que vous lui prêterez.
(10/10/2007)
Dans un
article du
Point, Richard Millet, interviewé par Jacques Pierre Amette, annonce la fin
prochaine de la littérature : une "asphyxie lente" sur "dix ans". De telles
projections pessimistes sur le devenir de la littérature sont monnaies courantes
et reviennent régulièrement. Dès le XIX°, où, grâce à la démocratisation de la
lecture, le marché du livre se structure, ces réflexions ont spontanément
alimenté le sujet, constituant plus une réaction naturelle devant une évolution
rapide et surtout importante dans les enjeux économiques qu'elle génère.
L'ensemble de la chaîne éditoriale a ainsi fait l'objet d'attaques globales ou
plus spécialisées, souvent bien menées et justifiées comme Julien Gracq dans
La Littérature à l'estomac. Remarquons cependant, à l'usage, que les
prévisions pessimistes d'une disparition de la littérature ne se sont pas
réalisées. Il y a bien sûr, la disparition de maisons éditoriales, et c'est un
drame qui nous touche à chaque fois, mais le paysage reste globalement cohérent
et stable et il me semble qu'actuellement, la structure est telle que des livres
de toutes tendances, de tous horizons continuent à naître à travers des
collections toujours renouvelées. Les "grandes" maisons d'éditions permettent à
des auteurs confidentiels de continuer à publier, le côté "pas rentable" étant
contrebalancé par d'autres succès éditoriaux et ce n'est pas Richard Millet,
éditeur des Bienveillantes chez Gallimard, qui me contredira. Même chose
chez les maisons plus modestes où la nomination d'un Nobel de littérature par
exemple, a vite fait d'assurer la pérennité : ce fut le cas des Editions de
Minuit qui ont raflé la mise deux fois avec Beckett et Claude Simon. L'édition
traditionnelle est une structure capitaliste et libérale, dont acte : ses modes
de fonctionnement, qu'on soit pour ou qu'on soit contre, nous sont connus et
chaque auteur y est, de gré ou de force, impliqué (personnellement je préfère de
gré...). De plus, il me semble que la plupart des maisons en plein
Paris ne risquent pas par souci économique de s'installer dans des hangars au
fond de la Seine-Saint-Denis. Cessons de plaindre la filière du livre...
Donc, d'où vient le malaise ? Peut-être dans la définition de la littérature.
Celle de Richard Millet représente une posture, celle du XIX°, l'auteur, sa
belle langue, etc... Même un roman de Balzac, je pense que c'est illisible
pour les jeunes esprits d'aujourd'hui, écrit-il. Mais c'est ignorer
l'évolution du langage et des moyens de transmissions de celle-ci. La révolution
Internet, qu'on agite à chaque fois, à tout de même révolutionné la diffusion et
l'écriture numérique, que ce soit à travers l'ordinateur où j'écris ou le SMS
que je pourrais passer sur mon portable, est devenue, sans exagération,
prépondérante dans 99% de la littérature. Car il s'agit bien de littérature dans
sa forme vivante que soulignait déjà Saussure et les précurseurs de la
linguistique.
Pourquoi revenir alors à chaque fois sur cette littérature évolutive, ce que
tout le monde admet ? Parce que cela fait peur, peut-être tout simplement parce
que nous n'avons aucun pouvoir, aucun moyen de savoir ce qui se passera dans les
prochaines années et cette volonté de vouloir maîtriser le cours du temps est
bien humaine et génère, dans son manque, l'effroi. Soit, admettons que la
littérature disparaisse, cela est possible. Et alors ? Ce qui nous gêne dans
cette disparition, c'est la notion de transmission. Et selon l'auteur, le déclin
de la littérature est lié à l'idée même de démocratie, c'est lié aussi à
l'effondrement de l'autorité, à l'effondrement de l'idée de père, à
l'effondrement du système de transmission. Il précise qu'à terme ne devrait
rester quelque chose qui oscillera entre Harry Potter et les polars de
l'américain Michael Connely. Ne mélangeons pas tout, cette catégorie est
déterminée par les profits économiques colossaux que ces livres génèrent et
auxquels nous participons. Mais c'est justement parce que nous sommes en
démocratie, dans la définition de pays libres de penser, que nous savons très
bien faire la part des choses. C'est parce que la démocratie existe que,
régulièrement, de telles critiques salutaires comme celle de Richard Millet
peuvent s'exprimer. N'en déplaise à l'auteur, les "jeunes esprits d'aujourd'hui"
sont capables de lire Harry Potter (et même en anglais) et de se plonger aussi
dans Baudelaire. Avouons-le, ce qui nous gène, c'est que, pour eux, les mangas
soient mis sur le même piédestal où nous avions hissé Proust.
Car ce qui nous importune également, c'est ce lissage, l'abandon de cette
hiérarchie, la remise en cause parfois des grandes figures tutélaires. Pour
autant, c'est bien nous qui avons fabriqués ces mythes. Pourquoi trouve-t-on
autant d'études sur Jean Genet et aucune sur Maurice Genevoix ? Il n'y a plus
de hiérarchie entre bons et mauvais écrivains, dit l'auteur. Eternel débat
entre écrivains importants et ceux dit "mineurs" (le fameux qualificatif adressé
à René Fallet ).
Rendez-vous dans dix ans donc pour la fameuse disparition de la littérature.
(26/09/2007)
Quelques "jeux de lettres" faciles :
Vous êtes libre. Prenez le V de la vie, clouez-le au milieu du mot. Si vous
n'avez pas de marteau, scotchez-le avec de la salive. Reculez d'un pas, admirez
le résultat, vous étiez libre : vous voilà livre.
C'est pour démontrer l' immensité du ciel que
l'azur commence par la première et la dernière lettre de l'alphabet.
Bouche, couche, douche. Quelle mouche nous à
piqué à inventer une suite en B,C, D. La langue qui nous touche vient-elle de la
même souche ? Je trouve ça louche.
Bouille, couille, douille. On se mouille à
essayer une autre suite en B,C,D. La langue que l'on touille, que l'on fouille
et qui rouille vient-elle de la même souille ? Je trouve ça nouille.
Sortant du bateau, je marche sur un râteau,
c'est le gâteau.
Pour atteindre, il faut attendre un I.
En changeant un B par un G, on se gargarise d'un
barbarisme.
Entre le mot et la mort, juste un R de
différence, celui qu'il me faut pour respirer. (Dans
Ecrire
pourquoi ? Argol)
(21/09/2007)
J'ai la fâcheuse manie de répondre à la remarque
proférée par les proches ou les connaissances " tiens j'ai
lu/acheté/emprunté ton livre", une réplique naïve sous forme d'une question qui
me paraît évidente "Lequel ?. Cette réponse désarçonne souvent mes
interlocuteurs tant ils s'imaginent avoir lu ma dernière "oeuvre" en date. Ce
fut le cas de ma collègue tout juste rentrée de vacances, période propice à la
lecture : Tiens j'ai lu deux de tes livres " ; "lesquels ?" (donc...) ; "La
Réserve et 1937 Paris-Guernica". Soit le tout premier qui accuse ses
sept ans et demi et l'avant dernier paru au printemps 2007. Elle m'a avoué avoir
préféré La Réserve et ce, sans condition et avec ferveur. J'ai souvent
remarqué que les lecteurs qui apprécient ce tout premier livre sont bien
différents de ceux qui aiment les Central, Composants, PPPP
et autres.
J'ai ainsi deux lectorats bien distincts et en apparence non miscibles ainsi que
le prouvent la réaction de ma libraire de Langres Sylvie Thieblemont qui faisait
la moue quand je lui parlais de La Réserve mais qui par contre défend mon
écriture dans 1937 Paris-Guernica en des termes qui me font rougir (je
cite son courriel avec plaisir !) :
"De
toute façon, je ne suis pas encore bien remise de Paris-Guernica, ça va rester
parmi mes émotions de lecture (qui se faisaient rares ces derniers temps).Votre
façon décrire est vraiment bizarre : pas de péripéties, des ambiances, des
couleurs, des sons, des apartés, des flash-back
On se laisse emporté par un
flot qui na rien de tumultueux, plutôt un fleuve tranquille et quand on arrive
au bout du livre, on se dit : Oh zut, cest déjà fini, pourquoi ny a-t-il pas
plus de pages ? La croisière sur le fleuve est terminée, il faut descendre du
bateau à regret mais il reste en mémoire toutes ces images, toutes ces
impressions accumulées au fil des pages et qui reviennent en mémoire à maintes
occasions." Du coup, je rajoute cette aimable critique dans
la page idoine, par orgueil...
C'est aussi l'avis de mon Julien Gracq
local, l'écrivain Jean Robinet, auquel j'ai rendu visite en juillet dernier : je
sais que La Réserve est le livre qu'il aime le moins. Pourtant, j'ai mis
la même conviction et la même charge romanesque dans ce livre que dans les
autres, mais je sais que le résultat est différent car je l'ai voulu ainsi :
La Réserve est une farce, un bouquin d'humour à défaut d'humeur et les
préoccupations stylistiques passent après l'efficacité la blague potache qui
mène au rire. Les autres sont plus intimistes, formels, plus profonds sans doute
aussi. Et moins marrants. Ceci dit, ce qui m'étonne avec La Réserve c'est
l'adhésion énergique de ceux qui l'aiment. Il circule, on se le passe et même
s'il demeure dans une diffusion confidentielle, on m'en parle ainsi depuis sept
ans. J'ai même trouvé un lecteur encore enthousiaste sur le Net, il y a quelque
mois :
"L'auteur nous entraîne dans une comédie distrayante, pittoresque, aux
personnages truculents que René Fallet n'aurait pas reniés..."
Voila une fraction du quatrième de couverture de ce petit livre sympa, d'un
auteur pas vraiment connu.
Intéressante lecture qui m'as beaucoup amusé. L'écriture simple, est pourtant
très imagée parfois, presque poétique. Ce roman révèle des surprises à qui ose
l'ouvrir!"
Bref, vous l'aviez compris : cette petite note d'écriture était
profondément égoïste et revigorante, destinée à me complimenter moi-même.
Et tout cela sans... réserve.
(05/09/2007)
Rentrée littéraire donc. J'y participe, je suis
dedans avec cet étrange dépassement. Six livres déjà... Les sentiments se
mélangent : vouloir retrouver les sensations d'un premier romancier, aucune
naïveté mais, comment dire, peut-être représenter une découverte alors qu'au
bout d'un parcours de plusieurs romans, on a parfois la sensation de réflexes
connus en face des lecteurs. En fait, l'attrait de la découverte n'est pas celle
de l'auteur bien sûr, je
n'ai pas cette prétention et je sais bien qu'à l'exemple de la revue Marianne,
on peut penser que je suis un "jeune auteur" et que CV roman est mon
"premier ouvrage" : c'est plutôt drôle et frais ! Non, mais un premier romancier
découvre ses lecteurs, c'est bien sûr ce qui est le plus important. Au bout de
quelques livres le regard que l'on prête à ses lecteurs, les sensations, les
réflexions, les critiques, au sens noble du terme, ont façonné la perception de
soi en tant qu'écrivain. Par exemple, un des traits persistants est que je me
considère comme un auteur chiant et je ne peut m'empêcher de souhaiter à priori
bon courage à ceux qui vont me lire ! Je ne parviens pas à me débarrasser de
cette sensation. Ce n'est pas un excès de modestie, disons plutôt, je pense, le
résultat d'une éducation moyenne de français moyen et provincial, rien de quoi
exacerber l'ego. Pourtant, rien ne m'enthousiasme plus que l'attente de la
réception d'un livre. Je ne fais jamais lire mes livres avant leur parution,
même par mes proches, sauf bien sûr pas l'éditeur mais qui a un regard un peu
plus complice, il sait déjà ce que j'ai fait. Donc cette attente est pour moi
importante. Je lis les critiques mais ne me formalise jamais des mauvaises et
des défauts que l'on me prête : il y a souvent une part de vérité. Les éloges
aussi, bien entendu j'y suis sensible : nous avons tous besoin de
reconnaissance. J'ai encore plus besoin que ce que j'ai écrit puisse être
compris. Voilà donc : en ce début de rentrée littéraire, je me sens l'âme d'un
Maurice Blanchot ou d'un Julien Gracq : l'attente, et l'oubli qui viendra.
J'ai autrefois écrit que je pensais mourir si je n'écrivais plus. Je n'en suis
plus si sûr, la mort est vraiment indépendante de toute action humaine. C'est
peut-être aussi une preuve de courage d'arriver à ne plus écrire. Rimbaud s'est
peut-être tu pour se voir vieillir. Allons bon ! on dirait que je tiens un
discours mi pessimiste-mi philopsophique alors que ce sont bien énergie et
enthousiasme qui sont en moi à cet instant précis
(30/08/2007)
Education
managériale et actualité littéraire de l'entreprise, tels sont les mots du
titre d'un article paru dans les annales des Ecoles supérieures des Mines. Comme
l'indique l'intitulé, on y mêle littérature et entreprise. Au moment où va
paraître CV roman qui poursuit le thème de cette littérature
d'entreprise, de travail (on disait aussi "ouvrière" à l'époque où fleurissait
les revendications syndicales), on y parle de Central et Composants.
Il est toujours intéressant d'avoir un regard sur son propre travail, mais
surtout de pouvoir le relier aux préoccupations d'un lectorat impliqué qui
constate que l'organisation, l'entreprise ou le management sont de grands
sujets de fictions qui attendent encore leurs écrivains. Entièrement
d'accord et ce n'est pas un hasard si j'ai repris ce thème avec CV roman
et j'ai proposé d'ailleurs une série de sujets sur ce thème pour mon mémoire de
Master première année. CV roman ne sera sans doute pas la fin d'une
trilogie mais peut-être le début d'un ressassement. Nos entreprises ont évoluées
dans l'immatérialité, les gestions numériques, supply chain management,
e-learning et autres révolutions accentuent le processus vers un secteur
tertiaire généralisé qui, n'en doutons pas, n'a plus rien à voir avec celui qui
avait cours il y a seulement une dizaine d'années, voire moins, époque
d'ailleurs de mon premier livre sur le sujet Central. Nous voici dans
l'ère quaternaire des secteurs du travail, apparition de l'homo numéricus, pour faire pendant à la
préhistoire... Mais revenons à Central, car l'auteur de l'article, Hervé
Laroche, en fait une analyse pertinente qui rejoint
l'intervention que j'avais
eu le bonheur de faire à l'Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Dans un
premier temps, force est de constater que la recherche de l'entreprise
perdue, comme le dit Hervé Laroche, dépeint une entreprise archaïque, sans
commune mesure avec les évolutions actuelles et bien entendu avec toute la
nostalgie qui va avec. Passons sur la nostalgie qui est en réalité propre à
chaque écrivain. Mais peut-être ce qui est commun, c'est que les écrivains
mettent en contradiction l'évolutivité collective des entreprises avec les
réticences individuelles au changement et il est souvent difficile de réfléchir
autrement à l'intérieur d'un roman puisqu'il met en jeu un narrateur, un
individu donc, en proie au mouvement du monde et à ses propres contradictions.
Il est vrai aussi, comme le dit l'article, que l'activité quotidienne, précise,
ne constitue pas un matériau de fiction pour la plupart des écrivains qui
s'y frottent et c'est dommage car c'est en démontant ces mécanismes qu'on arrive
à expliquer le monde (comme le dit Claude Simon, la description, il n'y a que
cela qui compte). J'enjoins donc l'auteur à lire Composants, qui est
traversé de bout en bout par les actions infimes et réelle d'un magasinier
intérimaire... Pour ce qui est de Central, Hervé Laroche note ma
particularité linguistique de n'avoir utilisé que des "verbes sans sujets" mais
estime que cela nuit à la poésie inhérente à la vie besogneuse et individuelle
dans une entreprise, ce que je revendique tout de même. C'est un échec
romanesque concède-t-il. Sans doute que l'apparence et l'austérité de
Central rend sa lecture bien éloignée du plaisir du texte, selon
Barthes, mais c'était voulu, car autant l'entreprise évolue dans son langage et
sa perception, autant on ne peut cantonner le roman dans un immobilisme : le
lecteur aussi doit adapter et modifier les sentiments et les réflexes que lui
procurent la lecture. Nous avons en effet un passif de lecteur construit
sur un apprentissage de plusieurs dizaines d'années, or, rendre compte de
l'entreprise, du travail et son évolution extrêmement rapide et profonde,
parfois sur quelques mois, impose d'embarquer le lecteur dans une drôle de
galère qui remet en cause ses habitudes de même que l'évolution permanente du
travail l'oblige à s'adapter. En tout cas, l'article d'Hervé Laroche, fouillé,
argumenté, possède bien plus que le mérite d'exister dans un thème (la
littérature d'entreprise, de travail) si rarement dépeint.
(20/07/2007)
Né à Langres en 1958
Mécanicien en mots
Soudeur de phrases
Plongeur en pensées profondes
Escaladeur dorganigramme
Poète en entreprise
Romancier au boulot
Intermittent du travail
Professionnel de la rêverie
Compétences audacieuses
Expérience professionnelle suffisante
Formation adéquate
Loisirs honnêtes
Situation modérée
Langues étrangères : Clé anglaise et à molette
Brevet de 25 m nage papillon
Amateur de pétanque didées
C'est mon CV ! Enfin, le dernier en date. L'avant dernier, plus sérieux,
je l'avais rédigé un mois auparavant à l'attention de l'Université de Bourgogne
pour une inscription en Master. Je l'ai complété, avec fierté, de ma toute neuve
Licence de Lettres modernes, mention Bien, s'il vous plaît. Tout cela pour dire
que nos CV ne cessent d'évoluer : c'est d'ailleurs le sujet de CV Roman
et, dans mon cas, j'ai trouvé un nouveau dynamisme depuis que je mélange
avec hardiesse l'ensemble des rubriques qui charpente nos Chemins de Vie
: Situation,Expériences, Formation, Loisirs... Are you expérience ? disait
le regretté Hendrix. Oui et si la rubrique formation s'est dépoussiérée
depuis que j'ai entamé ces études de lettres à plus de quarante-six ans, la
rubrique loisirs s'est adjointe justement d'une guitare électrique, voire
d'un chouia de jazz, façon Django Reinhardt, pour tenir compagnie à la guitare
manouche à mon fils (en webcam la semaine dernière
c'était le festival de Samois).
Bref tout cela ne cesse d'évoluer et c'est tant mieux.
Ce dernier CV est donc celui que j'ai laissé sur le très beau site
Fayard
En effet, mon éditrice à eu l'excellente idée de demander aux
quatorze écrivains dont je suis et qui participeront à la rentrée littéraire de
cette noble maison d'écrire chacun leur Curriculum Vitae, en guise
de clin d'oeil et de réponse envers mon livre. Touchante attention et qui
montre, à la lecture des écrivains qui se sont collés à l'exercice, combien
cette petite Chose Vue, ordinaire sait être Chaleureuse et
Vivante. Et c'est vraiment dans ce sens que je voudrais que l'on perçoive
mon livre : un condensé de jubilation dans nos vies laborieuses, un
manifeste à saisir comme un outil pour mieux vivre au travail .
(04/07/2007)
352 pages : c'est la mesure de CV Roman. Et puisque je
suis dans les mesures, moins de 3 mois se seront écoulés depuis que j'ai pris
contact à nouveau avec Fayard et que décision a été prise de le publier pour la
prochaine rentrée littéraire en septembre. En trois mois, donc, il aura fallu
accomplir le cycle habituel de mise au point d'un livre : lecture attentive de
la part de l'éditeur, remaniements (en fait peu de choses, lors de précédents
contacts, pas mal de corrections avaient déjà été apportées), puis premières
épreuves et corrections encore, relectures de part et d'autres, choix de la
couverture, des paratextes de présentation et enfin, dans cet élan rapide, j'ai
à peine eu le temps de cette délectation du nouveau livre à venir qu'il
s'échappe déjà : imprimé, définitif, tel que je le découvre en allant signer
quelques exemplaires pour le Service de presse.
C'était jeudi 31 mai et Alain Beuve-Mery, dans le Monde qui paraîtrait le lendemain, préparait
un
article sur la fin des Editions Maren Sell qui avaient pourtant permis à
1937 Paris Guernica
d'exister en mars dernier... Je pense bien sûr à Maren Sell, à sa poursuite de
voies originales, à son opiniâtreté pour que soient lues des voix escarpées. Et
je trouve dommage que son nom et son exigence se dissolvent dans les faillites
devenues monnaie courante dans ce monde à monnaie trébuchante.
Comment le temps passe vite et évolue dans ces
coups du sort !
Avec CV roman, je continue ce cycle
sur le thème du travail, et l'initiale du titre répond, dans sa cohérence de
troisième lettre de l'alphabet, à Central
et Composants.
Trilogie, sans doute, mais ce dernier livre ne me
semble pas marquer pour autant la fin d'un cycle que j'aurais consacré à ce
thème du boulot et de l'entreprise. Etonnant cette faculté que j'éprouve de
passer d'un thème à l'autre, Guernica et la guerre avec le travail et nos
curriculum vitae. Par quels chemins se
rejoignent-ils dans mon cerveau ? Qu'est-ce qui a présidé à ces élans d'écriture
? Bien entendu, c'est un peu le hasard s'ils sont édités à seulement quelques
mois d'intervalle, leur écriture s'est finalement étalée sur 3 ans. Et
maintenant je suis déjà sur un autre projet. Ecrire est une bizarre
prolifération des mots, un incongru ordonnancement de la langue, une
irrésistible pulsion charnelle, une apostrophe à destination d'autrui, manière
de dire : j'existe aussi et je vais vous raconter une histoire.
(05/06/2007)
Donc je reprends le boulot à l'heure où sera publiée cette rubrique. Ce qui veut
dire moins de temps disponible pour ce site, pour l'écriture et la littérature en
général. C'est le moment de faire un petit point après des six mois adossés à tout ce
qui porte livres et pages d'écriture : donc, le premier mars ce fut la parution de "1937
Paris Guernica", accueil discret dans la presse c'est le moins qu'on puisse
dire, mais cela me laisse assez insensible (l'accueil pas le livre qui est magnifique, non
mais !). Il faut dire aussi que se profile CV roman, dont la parution s'annonce
pour la rentrée littéraire de septembre. Affaire rondement et rapidement menée avec
Fayard, ce qui me remplit d'une joie d'autant plus forte que ce manuscrit a été remanié
vingt-deux fois dans un travail de deux ans, et devrait être assez balèze, approchant
des 300 pages... Affaire à suivre bien entendu !
Reste... à écrire : une histoire en cours se poursuit cahin caha depuis Noël, je crois
que le sujet est bien, l'histoire se tient bien et les personnages sont attachants.
Voilà aussi pourquoi dans ces multiples activités, le site de Feuilles de route
connaîtra sans doute quelques relâchements...
(02/05/2007)
Le site dAlina Reyes est terminé. Il ne
subsiste quune page daccueil sur laquelle elle explique simplement :
" Ma période Internet a pris fin. Le site et le blog ont disparu.
Maintenant je me consacre a un grand poème révolutionnaire qui demande un long temps de
retrait, détude et de voyage. ".
Dabord, revenir sur son site car cétait bien un site Internet et non un blog
tout formaté quelle aura suivi pendant quelques années avec passion ou colère,
rage et rires, bref la vie, quoi ! Se colleter à Internet, cest souvent y
mettre ce que lon perçoit de vrai en soi-même dans ce qui ne reste après tout
quune vie virtuelle et des mots effaçables. Bref, léternel dualité
réalité/fiction, moteur de lécriture. Doù létonnement toujours
renouvelé et justifié de François Bon et de beaucoup dautres à se demander
pourquoi les écrivains et les romanciers ninvestissent pas plus ces mondes
numériques.
Sa décision darrêter minterpelle beaucoup et je la comprends dautant
mieux que je suis souvent tenté de tracer un point final à mes mises en ligne et cet
investissement de temps depuis maintenant six ans et demi. Car le temps que lon y
consacre nest pas virtuel, lui : ça doit représenter de 2 à 8 heures par
semaine pour moi et jusquà 2 jours pour Rimbaud ou autre rubrique alambiquée.
Et cest bien également un problème de temps que souligne Alina. Arrêter tout,
cest autant que lon peut reporter à dautres projets décriture.
Car simplement regretter que les écrivains ne sinvestissent pas plus dans le Net,
juste en vertu dune modernité ou pour occuper un espace médiatique serait
extrêmement réducteur. Le web cest lécrit, cest ce qui attire les
auteurs qui sy lancent. Mais comme pour tout projet décriture, on est tenté
dabandonner les pistes que nous suivons car elles ne correspondent pas ou plus à ce
que lon recherche. Arrêter un site web participe de ce simple constat, parce que le
temps nest pas extensible à linfini.
Ceci dit, quand on cite les exemples décrivains qui investissent Internet, il
sagit dauteurs qui occupent aussi un espace dans lédition
traditionnelle. Le distinguo est important car si on se réfère à la définition du
dictionnaire (un écrivain est quelquun qui écrit ET publie), cela supposerait
que tout détenteur dun blog est écrivain, ce qui ajoute à la confusion. Mais le
corollaire de la définition est bien celui-là : publier, cest accepter
lapprobation dun tiers (léditeur) avant parution, ce qui distingue
lécrivain traditionnel de celui du web. Dans les exemples qui mêlent web et
édition classique, on remarque que la frontière, même si elle devient poreuse (exemple Tumulte
de F Bon) demeure marginale : le fameux temps si cher et précieux est partagé entre
les deux " éditions ". Doù le choix raisonné dAlina
pour se consacrer à ce fameux poème révolutionnaire. Au bout de mes années
internautiques, je constate que jai su à peu près équilibrer les deux aspects,
certains textes demeurent des créations purement web, à lexemple de Langres suse, mais 80%
de Feuilles de route sarticule comme un journal de réflexion (un semainier
plutôt) ou un aide mémoire en ligne pour moi, directement consultable (par exemple quel
était mon sentiment sur lélection présidentielle de 2002, cest en Etonnements, date du 1°mai 2002).
Dautre part, pendant le même temps, mon édition traditionnelle sest enrichie
de sept publications (et bientôt plus
) à en croire ma biblio qui figure dans 1937
Paris-Guernica.
La tentation darrêter revient cependant périodiquement et pour la même raison de
temps que pour Alina Reyes, dautant plus que je sais que dans une semaine, le
travail que je reprends sera prenant, et jai plein de choses sur le feu :
nouvelle parution, nouveau bouquin à écrire, examens de Licence et je dois en oublier.
Je nai pourtant pas si envie que cela, dabord parce que régulièrement,
jai trouvé une respiration à Feuilles de route en variant les plaisirs du
web et en méloignant une fois par an de mes rubriques habituelles (par exemple Langres
suse déjà cité ; par exemple le Blog
de 1937 que javais ouvert à la rédaction 1937 Paris-Guernica, commencé
un 26 avril, date anniversaire du bombardement, il y a un an).
Que me réservera lapproche de lété ?
En attendant, je salue linitiative dalinéa dAlina : il faut du
courage pour stopper lexposition virtuelle à laquelle on shabitue vite. Bonne
continuation hors des mondes virtuels !
(25/04/2007)
A propos du lecteur, Céline disait " Tout ce qui est mécanique, ou
servitude, ou service, ne le regarde pas du tout. " (dans cette même
rubrique le 24 janvier dernier). Je fais le contraire avec ces notes
décriture : je délaye à linfini les difficultés, doutes, machineries
décriture. Cela me pèse souvent, je me sens mal à laise devant cet
étalage. Je nai par exemple aucunement envie de parler de mon dernier livre :
il est comme cela, cest tout et la façon dont il est venu, même si souvent je
men explique, ou je men suis expliqué, au final mindiffère. Je
maperçois que je nai aucun goût pour ces explications, vagues
justifications. Jai fait une rubrique pour 1937 Paris-Guernica
presque malgré moi parce que je lavais fait pour les autres livres mais je
nai finalement aucun goût pour les dossiers préparatoires ou post-publications,
montrer la cuisine dérangée, les plats entassés dans lévier. " Si je
le pouvais, je rentrerai dans un trou de souris " ma dit récemment un
auteur placé sous les feux de lactualité et qui sen passerait volontiers. Je
partage. Sans doute pas pour les mêmes raisons : je ne suis pas dune
discrétion légendaire, jéprouve le besoin de me mélanger dans le grand faitout
de la littérature, participer, ateliers, autres trucs, ce site par exemple en est la
preuve, mais preuve de quoi ? La servitude, disait Céline, et sans doute que
cest ce qui me gène le plus dans lexposition de moi que je favorise : me
montrer dans cette attitude servile, aller au devant de, alors que je nen ai souvent
pas envie. Il arrive souvent dailleurs que je réalise ce côté qui me gêne,
lenfant face à ses maîtres, la fausse humilité du faible.
Jaimerais me taire, non pas un silence à la Julien Gracq, parfaitement maîtrisé
et honorable, je nen suis pas capable, ou celui, absolu et qui questionne de Maurice
Blanchot. Pas non plus envie de la phrase de Sainte Beuve " le silence seul est
un souverain mépris ". Mon silence à moi serait plus proche de Beckett :
pour quon me foute la paix, quon me laisse arpenter les chemins bras dans le
dos, tendu vers les livres à venir. Le silence, oui, est peut-être le contraire de la
servitude, un choix assumé, réfléchi. En ce moment, je deviens un peu sourd : je
deviens incapable de suivre une conversation dans un brouhaha de restaurant par exemple,
le bruit de la télévision me perturbe, bien souvent, je dois faire un effort constant
pour suivre un entretien téléphonique : le silence mapparaît comme un refuge
extraordinaire, et sans doute que le retrait que je souhaite participe de ces
retrouvailles avec soi-même dans lintimité de lécriture.
" Ce qui est délectable dans l'écriture, c'est la jubilation solitaire qu'on
en retire, c'est le moment où le monde se retire, où on est seul avec soi - et alors, au
fil de la plume, le monde peut advenir, des mondes peuvent se créer. ", ce que
me disait aussi lauteur qui voulait rentrer dans un trou de souris.
(11/04/2007)
Les Microfictions, de Régis Jauffret, en Note de lecture cette semaine, est
un livre rare. Un de ceux qui devrait compter à mon avis, comme les Vies minuscules
de Pierre Michon. Car il rend toute latitude au lecteur d'y croire ou non, il lui rend un
pouvoir. On peut côtoyer son pessimisme versus Le Dantec ou Houellebecq, provocation en
moins et surtout, il n'est pas donneur de leçons. On peut y voir de l'optimisme aussi par
réaction : à nous d'en restituer ce que l'on veut bien qu'il y transparaisse. Une sorte
de "Ô tempora, ô mores" dont l'exclamation sera en vierge effarouchée, en
vieux briscard de la vie ou simplement en passant curieux : c'est à nous, lecteurs, vous
dis-je, enfin, dit Régis Jauffret, d'en garder ombrage ou de l'extrapoler. Car au sujet
de la littérature, et c'est pourquoi je le glisse dans une note d'écriture, Régis
Jauffret a une approche bien décomplexée : " La littérature, cest comme
la Légion. On sengage, on monte à lassaut et on ferme sa gueule. Ecrire, ce
nest pas obligatoire. Personne ne vous a rien demandé. Cest du volontariat.
Si on nécrit pas, cela ne manquera ni à lhistoire de la littérature, ni à
celle de lhumanité. "
La Légion me fait penser à cette lointaine connaissance familiale à qui nous devions
remettre quelque chose (mais quoi ?), il y a bien de cela quinze ans. Il était
légionnaire à Calvi et nous étions en vacances en Corse. Nous nous étions rendus à la
caserne. Je me souviens de ce planton qui parlait à peine français mais habillé
impeccablement et tatoué comme il est d'usage. Les légionnaires de Calvi avaient
l'habitude de partir gravir le Monte Cinto au pas de course avec sac à dos.
Pour en revenir à Regis Jauffret, ce langage de hâbleur est bien réjouissant.
J'ai toujours cru pour ma part que je mourrais si j'arrêtais d'écrire, ce qui est
autrement plus prétentieux. En réalité, je ne sais pas. Je sais que de ne pas écrire
pendant quelque temps me torture. Je sais aussi que le courage ne me fait pas défaut :
oui, je monte à l'assaut aussi et je la ferme...un peu. En tous cas, ce qui me plaît
aussi dans cette assertion, c'est qu'elle renvoie à la niche ceux qui prennent
l'écriture pour le théâtre de leur ego et l'exacerbation de celui-ci m'a toujours paru
déplacé, incongru. Le moins important dans un livre, c'est toujours le nom de l'auteur,
j'en suis persuadé. Alors bien sûr qu'on ne manquera en rien ni à l'histoire et ni à
la littérature.
Engagez-vous qu'ils disaient...
(04/04/2007)
" Ce qui nous parle, me semble-t-il, c'est toujours
l'évenement, l'insolite, l'extra-ordinaire : cinq colonnes à la une, grosses manchettes.
Les trains ne se mettent à exister que lorsqu'ils déraillent, et, plus il y a de
voyageurs morts, plus ils existent ; les avions n'accèdent à l'existence que lorsqu'ils
sont détournés ; les voitures n'ont pour unique destin de percuter les platanes :
cinquante-deux week-ends par an, cinquante-deux bilans : tant de morts et tant mieux pour
l'information si les chiffres ne cessent d'augmenter ! Il faut qu'il y ait derrière
l'évenement un scandale, une fissure, un danger, comme si la vie ne devait se révéler
à travers le spectaculaire, comme si le parlant, le significatif était toujours anormal
: cataclysmes naturels ou bouleversements historiques, conflits sociaux, scandales
politiques.
Dans notre précipitation à mesurer l'historique, le significatif, le révélateur, ne
laissons pas de côté l'essentiel : le véritablement intolérable, le vraiment
inadmissible : le scandale, ce n'est pas le grisou, c'est le travail dans les mines. Les
"malaises sociaux" ne sont pas préoccupants en période de grève, ils sont
intolérables vingt quatre heures sur vingt quatre, trois cent soixante cinq jours par an.
Les raz de marées, les éruptions volcaniques, les tours qui s'écroulent, les incendies
de forêts, les tunnels qui s'effondrent, Publicis qui brûle et Aranda qui parle !
Horrible ! Terrible ! Monstrueux ! Mais où est le scandale ? Le vrai scandale ? Le
journal nous dit autre chose : soyez rassuré, vous voyez bien que la vie existe, avec ses
hauts et ses bas, vous voyez bien qu'il se passe quelque chose.
Les journaux parlent de tout, sauf du journalier. Les journaux m'ennuient, ils ne
m'apprennent rien ; ce qu'ils racontent ne me concerne pas, ne m'interroge pas et ne
répond pas davantage aux questions que je pose ou que je voudrais poser.
Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est-il ? Ce qui
se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l'évident, le
commun, l'ordinaire, l'infra ordinaire, le bruit de fond, l'habituel, comment en rendre
compte ? comment l'interroger, comment le décrire ?
Interroger l'habituel. Mais justement, nous y sommes habitués. Nous ne l'interrogeons
pas, il ne nous interroge pas, il semble ne pas faire problème, nous le vivons sans y
penser, comme s'il ne véhiculait ni question ni réponse, comme s'il n'était porteur
d'aucune information. Ce n'est même plus du conditionnement, c'est de l'anesthésie. Nous
dormons notre vie d'un sommeil sans rêves. Mais où est-elle notre vie ? Où est notre
corps ? Où est notre espace ?
Comment parler de ces "choses communes", comment les traquer plutôt, comment
les débusquer, les arracher à la gangue dans laquelle elles restent engluées, comment
leur donner un sens, une langue : qu'elles parlent enfin de ce qui est, de ce que nous
sommes.
Peut-être s'agit-il de fonder enfin notre propre anthropologie : celle qui parlera de
nous, qui ira chercher en nous ce que nous avons si longtemps pillé chez les autres. Non
plus l'exotique, mais l'endotique. Interroger ce qui semble tellement aller de soi
que nous en avons oublié l'origine. Retrouver quelque chose de l'étonnement que pouvait
éprouver Jules Verne ou ses lecteurs en face d'un appareil capable de reproduire et
transporter les sons. Car il a existé, cet étonnement, et des milliers d'autres, et ce
sont eux qui nous ont modelés.
Ce qu'il s'agit d'interroger, c'est la brique, le béton, le verre, nos manières de
table, nos ustensiles, nos outils, nos emplois du temps, nos rythmes. Interroger ce qui
semble avoir cessé à jamais de nous étonner. Nous vivons, nous respirons, certes ; nous
marchons, nous ouvrons des portes, nous descendons des escaliers, nous nous asseyons à
une table pour manger, nous nous couchons dans un lit pour dormir. Comment ? Où ? Quand ?
Pourquoi ?
Décrivez votre rue. Décrivez-en une autre. Comparez.
Faites l'inventaire de vos poches, de votre sac. Interrogez-vous sur la provenance,
l'usage et le devenir de chacun des oblets que vou sen retirerez.
Questionnez vos petites cuillers.
Qu'y a- t-il sous votre papier peint ?
Combien de gestes faut-il pour composer un numéro de téléphone ? Pourquoi ?
Pourquoi ne trouve-t-on pas de cigarettes dans les épiceries ? Pourquoi pas ?
Il m'importe peu que ces questions soient ici, fragmentaires, à peine indicatives d'une
méthode, tout au plus d'un projet. Il m'importe beaucoup qu'elles semblent triviales et
futiles : c'est précisement ce qui les rend tout aussi, sinon plus, essentielles que tant
d'autres au travers desquelles nous avons vainement tenté de capter notre vérité."
Georges Perec, préface à L'infra-ordinaire
(28/03/2007)
Etre professionnel
Ce mot provoque une crispation dans le
monde de la Littérature française. La tradition de lart, la relative persistance
de son inutilité dans la pensée publique, lassimilation à un passe temps désuet
de rimailleur, voire lhéritage des poètes maudits a organisé une méfiance
redoutable à son égard. Il est interdit à un auteur de considérer la littérature
comme un métier. Tous les arts ne sont pas égaux. Le cinéma et sa débauche de
technologie, de nécessaire professionnalisme nest pas logé à la même enseigne.
Mais lauteur, lécrivain, homme ou femme solitaire, gribouillant sur quelques
feuilles, persiste comme image dEpinal et empêche sa reconnaissance publique :
cest un amateur même si le sens latin lui convient parfois
(" amare ", aimer, qui aime donc
). Souvent lauteur,
lui-même, refuse cette professionnalisation : lors dun salon, Michel
Chailloux, qui nest pourtant pas un novice, ne voulait pas sattribuer le titre
décrivain. Etonnant non ? Pourtant, il faut bien nommer cette activité.
Ecrivain, cest quelquun qui écrit ET qui publie, selon le dictionnaire. Alors
avant la publication, comment le nommer ? Avant ? Lécrivain est en
apprentissage, voilà tout, et on rejoint le professionnalisme
Il y a, à mon sens, dautres spécificités françaises qui empêchent
dappeler chat un chat. Il est de notoriété publique que seule une poignée
décrivains peut vivre de ses droits dauteurs. Ce qui nempêche pas les
autres dêtre autant (voire souvent plus
) professionnels. Mais bon, le fait
dexercer souvent une autre activité renvoie la profession sur celle-ci :
" Il travaille dans les télécommunications " est imprimé à mon
sujet, en bas de toutes mes quatrièmes de couvertures
Dautre part, pour
pallier la pauvreté du statut décrivain, divers aides étatiques sont mises en
place pour ceux qui veulent néanmoins persister à demeurer strictement et uniquement des
" professionnels de lécriture " : bourses du Ministère de
tutelle (de la culture, donc), ateliers décritures de léducation nationale,
du Ministère de la santé, de lIntérieur (prisons
), de la Solidarité (sans
abris
). Bref, lécrivain est dérouté de son art par lusage,
lutilité quil peut avoir pour favoriser lexécutoire de lécrit,
les manques de léducation. Il devient animateur, travailleur social, bénévole
même on aimerait bien, parfois membre dun collectif dartistes en mal de
représentation. Là encore, il séloigne de sa profession décrivain.
Y a til une solution ? Augmenter la part des droits dauteurs est
illusoire. Séditer soi-même (y compris sur Internet) consiste à devenir, non pas
écrivain, mais chef dentreprise, être à la fois éditeur, correcteur,
secrétaire, attaché de presse, directeur financier, manutentionnaire, coursier
accessoirement, auteur. Mieux vaut se recentrer sur les possibilités qui existent. Sans
doute que, dans la multiplication de toutes les aides, je ne cracherai pas contre une
résidence qui me paierait quelques mois de pure créativité. Par contre je serai
réticent à devenir un travailleur social régulier, ce qui méloignerait de ma
propre écriture qui est quand même le fond de lactivité qui me passionne.
Cest souvent le danger qui peut guetter lécrivain quand latelier
décriture, par exemple, devient métier. On en voit certains intervenir plusieurs
années de suite dans les mêmes structures. Pour ne pas tomber dans le panneau, jusque
là, je refuse de reproduire deux années de suite le même travail, je refuse de
minvestir dans un club décriture qui ronronnerait sans but. Question de
déontologie. Et qui dit déontologie dit professionnalisme. Retour à la case départ.
Donc, oui, la crispation de lécrivain professionnel est une
tradition française. Muriel Barbery, bien avant quelle se fasse remarquer avec
lexcellent Elégance du hérisson, avait mis en en-tête sur son site
" cherche riche mécène ". Le mécénat privé pourrait être une
solution. Ou comme aux Etats-Unis, où les écrivains sont parfois en charge de cours dans
les universités. Ici, ce serait compliqué. Il faudrait montrer patte blanche, et en
vertu de quels diplômes universitaires et comment rejoindre le corporatisme des
profs ?
Maurice Nadeau, professionnel reconnu de la littérature et de lédition dont La
Quinzaine Littéraire connaît quelques difficultés financières, faisait remarquer
dans le dernier numéro quaux USA, " les fondations se disputeraient
lhonneur de patronner la Quinzaine ". Jaimerai bien quon se
dispute, en France, à mon sujet
(21/03/2007)
Mon ordinateur s'est planté. Enfin, je veux dire le gros, celui, massif avec sa tour, ses
deux imprimantes reliées dessus, scanner et photocopieuse, bref, l'apanage du parfait
branché bureautique.
J'avais sauvegardé quelques documents sur un disque dur externe. C'est moindre mal mais
j'ai perdu l'ensemble des messages échangés et mon carnet d'adresses courriel (avis à
ceux avec qui j'échangeais : envoyez-moi à nouveau votre adresse et ça me fera plaisir
d'avoir de vos nouvelles).
Je ne suis pas sûr qu'il redémarre un jour, même pas sûr d'avoir envie de le faire
réparer : la technologie, nos métiers, études des enfants a doté chaque membre de la
famille de micro portables, connectables partout dans la maison à Internet.
Cette apparente indifférence m'interpelle : comment cette virtualité que nous avons
bâtie comme réalité autour de nous, devient du jour au lendemain, si peu importante ?
Du matériel voilà tout, ou plutôt de l'immatériel sans conséquence, du virtuel, du
quantitatif qui compte si peu en face du qualitatif de rapports humains. Nous vivons dans
un monde où il y a pléthore d'informations et les nombreux modes de transmission de
ceux-ci (courrier, mails, MSN, fax, téléphone, portable, SMS, sites Internet, blogs et
j'en passe
) masquent nos évidences. Exemples : je m'esbaudis de savoir qu'une
petite cousine d'Alaska retrace la généalogie de ma famille mais je ne vais jamais voir
un cousin germain qui habite à 200 m de chez moi ; je suis déçu de n'avoir pas été
remercié de mes cadeaux de Noël par des proches qui conversent pourtant parfois ensemble
via MSN ; j'appelle moins souvent au téléphone, je préfère envoyer des SMS ou des
cartes virtuelles pour les anniversaires, c'est moins engageant.
Nous nous rendons compte que la quantité d'outils de communication a perverti la qualité
de nos échanges. Les mails de ceux qui nous sont chers, les informations attendues sont
noyées dans la masse des stupides publicités anglo-saxonnes indésirables. Bref du
quantitatif à profusion, comment trier ?
Ne nous leurrons pas : pour ceux qui s'astreignent à suivre un blog ou un site Internet,
les patientes heures de mises à jour sont également perdues au milieu de cette multitude
d'information. Est-ce qu'on me lit ? Et moi-même, je suis souvent incapable d'aller
jusqu'au bout des articles de mes sites préférés. Par moment, le découragement peut
prendre : je me sens tout à fait capable d'arrêter ce site du jour au lendemain sans
avoir plus d'explication à donner et cela passerait quasiment inaperçu.
Alors pourquoi le fait-on ? Mystère de la bouteille jetée à la mer, du graffiti gravé
sur un tronc d'arbre
(14/03/2007)
Voilà, le livre est paru sans moi : j'étais en vacances en Jordanie.
Bien sûr, là-bas, j'ai pensé à ce 1937 Paris - Guernica qui s'imprimait,
s'empaquetait, partait vers de lointaines librairies. Le livre terminé, imprimé, je ne
l'ai découvert que ce lundi matin 5 mars, en allant chercher à la poste les trois colis
de mes exemplaires d'auteurs. L'opuscule est seyant, belle couverture, belle mise en page,
l'enfant est un peu maigrichon, 156 pages : je n'ennuyerai pas longtemps mes lecteurs...
J'ai continué à étoffer un peu la page Web spéciale pour
présenter ce travail, quelques planches de l'Album Officiel de l'exposition de
1937, la reproduction du très bel article de Remue.net .
J'aurais beaucoup plus à dire mais le temps me manque.
Et puis, juste la veille de mon départ, j'ai remanié en une journée un autre texte plus
dense que celui-ci et qui doit allègrement dépasser les 300 pages : le fameux CV
roman, l'arlésienne et ses vingt et une version, celui-là même pour lequel je
déclarais fin janvier que je n'avais vraiment pas envie de reprendre "ce machin
bancal", bref, "Cargo Voguant" est à nouveau à flot, confié à nouveau
à l'armateur. Sait-on jamais ?
Voilà. Le livre qui naît et l'autre qui bouge encore provoque cette étrange période.
Parler de celui qui est écrit m'apparaît toujours un peu comme une imposture, puisque
c'est fait. Et celui qui se monte se construit encore, parfois avec peine est souvent
tellement peu sûr encore que j'hésite aussi à en parler. Quand et comment alors parler,
écrire des livres qui nous habitent ? Et pourtant j'aime le faire sinon ce site n'en
serait pas la preuve.
(07/03/07)
Il est temps d'annoncer la sortie de mon prochain livre dans quelques
jours, le 1° mars prochain :
1937 Paris - Guernica, chez Maren Sell éditeurs
C'est est un roman ! s'exclame la sage femme. Le titre, déclaré à
l'état-civil, sonne comme la course cycliste Paris Roubaix et je suis fier de cette
dénomination populaire, bien en rapport avec le sujet du livre.
Le meilleur moyen d'en savoir plus sera de retourner l'un des exemplaires qui s'érigeront
partout en piles gigantesques et en têtes de gondole pour y consulter la quatrième de
couverture. Pour information, je la recopie donc ci-dessous... ainsi que sur la page Web spéciale qui lui est destinée, comme pour les précédents
rejetons, afin d'en savoir un peu plus sur les circonstances de l'accouchement et y
ajouter, par la suite, réactions, critiques, premières timbales, hochets et nain-nains
qui, j'espère, ne manqueront pas.
"1937, cest une année qui ne dit rien, a priori. Le Front populaire a un
autre millésime, et la Seconde Guerre mondiale vient peu après. Pourtant, 1937,
cest lExposition internationale de Paris. Cest aussi Guernica et ses
mille bombes incendiaires lâchées sur la petite ville dEspagne. Et Guernica,
cest également une toile, celle que Picasso bâtit, quai des Grands-Augustins, à
Paris, pour la présenter au pavillon des républicains espagnols de lExposition
internationale.
Lauteur raconte ici le roman de 1937, en partant du catalogue officiel de
cette " Exposition internationale des arts et techniques appliqués à la vie
moderne ". Sy succèdent les clichés en quadrichromie des différents
pavillons que le concert des nations de lépoque a posé sur les bords de la Seine.
Cartes postales lisses, irréelles et trompeuses au regard des cris et convulsions en noir
et blanc de Guernica. Nous suivons le photographe chargé de confectionner le catalogue,
procédant à la fabrique de ce réel moderne, perfectionné, et, en contrepoint, à
travers le regard photographique de Dora Maar, nous assistons au travail de Picasso.
Deux regards, deux visions, dont la coexistence historique nous rappelle à quel
point linsouciance, la légèreté, lillusion du progrès, peuvent être
tragiquement contemporains de la barbarie en marche. Un rappel à la vigilance."
(21/02/2007)
J'ai des réticences de ploucs, je suis "acculturel" comme avait
dit un journaliste à propos d'un coupable limité d'un fait divers, bref, j'ai de vieux
principes ringards d'anti-tout, des a priori négatifs. Parmi ceux-là, ceux du roman
policier ou d'un genre assimilé. Je n'en ai jamais lu, pas un SAS, pas un Maigret, aucun
Frédéric Dard, aucun Simenon qui furent pourtant prolixe avec 500 bouquins à eux deux.
Cette circonspection vient du piédestal sur lequel j'ai hissé la littérature et je n'ai
connu personne qui puisse me signifier que, oui, cette écriture pouvait faire illusion.
Car c'est bien d'illusion qu'il s'agit. On confine toujours roman policier ou roman noir
dans la paralittérature. Et il a fallu que je me risque à un atelier d'écriture sur ce
thème (voir Atelier de Dijon, La vie en noir) pour
apprendre cela.
Selon Wikipédia, la paralittérature "se dit des productions
textuelles issues des "littératures populaires" de la fin du XIXe siècle,
elles même issues de la littérature de colportage. Les paralittératures sont
relativement nombreuses. On peut les classer en grands groupes comme : les littératures
spéculatives (le roman policier, le roman de science-fiction, le fantastique, l'utopie et
la dystopie), les littératures de l'aventure (roman d'espionnage et de western), les
littératures à tendance psychologiques (roman sentimental, roman rose, roman érotique,
roman pornographique), la littérature iconique (roman photo et bande dessinée), la
littérature documentée (roman historique, roman chronique et roman rural). Ces
littératures sont généralement décriées par l'institution universitaire, sauf en ce
qui concerne le fantastique et maintenant le roman policier" En effet,
l'institution universitaire, l'école quoi, représentée ici par Lettres.net apporte une
définition plus laconique "ensemble des productions textuelles sans finalité
utilitaire et que la société ne considère pas comme de la "vraie"
littérature : roman ou presse populaires, scénario et texte des romans-photos, bandes
dessinées etc...". Bref, il y a divorce entre la vision d'un certain
académisme et la réalité de cette production pléthorique en genre et en nombre et donc
en poids économique. On appréciera le "sans finalité utilitaire", en d'autres
termes, sans but pédagogique, sans noblesse, même si on reconnaît à Harry Potter d'essayer
de réconcilier tout ces mondes différents. Des profs même s'accordent à dire que c'est
pas si mal écrit et que ça fait lire... Mais bon, nous savons bien que le "sans
finalité utilitaire" devient attractif sous la forme de pièces sonnantes et
trébuchantes. C'est la valeur économique qui a reconnu Simenon jusqu'à la
Pléiade. Si André Gide a dit de lui : "Simenon est un romancier de génie et le
plus vraiment romancier que nous ayons dans notre littérature d'aujourd'hui ",
n'oublions pas le philosophe Herman de Keyserling a déclaré malicieusement " C'est
un imbécile de génie ", ce qui en dit long sur la considération du genre.
Par osmose,donc, l'écolier que j'étais, discipliné à la discipline de la Langue
Française que m'avaient tant vantée Lagarde et Michard, a été écarté de la
tentation. Mais rien n'a vraiment changé, les honneurs sont honnis et le
terme même de paralittérature est un faux compromis qui fabrique la noblesse et le
tiers-état des lettres. Paralittérature, ça me fait penser à la parapharmacie, c'est
ce qui fait vivre les pharmaciens mais on ne reconnaît pas cette épicerie dans le fond
de commerce médical (on la réduit même : puisé sur le Net, on trouve "parapharmacie
= soins du corps, produits de beauté, compléments alimentaire, cosmétique,
diététique à juste prix,dédiée aux femmes Nature Prix ajustés et Points fidélité...).
On a peur de l'effet placebo, de la magie de l'homéopathie, trucs sans véritablement
fondement scientifique au même titre que la paralittérature n'a pas reçu les
adoubements des "humanités". Et pourtant ,de la même façon, on constate que
ça marche. On peut se glisser dans la fiction d'un polar plus aisément que dans celle de
Beckett. Et c'est même la paralittérature qui vient parfois au secours de la grande, la
vraie devenue hermétique ou rébarbative : Proust en BD, pourquoi pas...
Bref, je fais mon mea-culpa, oui, la paralittérature c'est de la littérature au même
titre que le parachute n'empêche pas de descendre sur le sol. Elle est victime de ses
poncifs ? de ses stéréotypes ? Pas plus que le Sonnet qui emprisonne la poésie dans une
forme dédiée, ce qui ne m'a jamais empêché d'en produire. Dont acte : à quand mon
futur roman policier, sur fond d'aventures fantastique et de science-fiction, mâtiné
d'utopie et de dystopie, richement documenté d'un point de vue historique, avec une
intrigue d'espionnage, un cow-boy pour le western et l'exotisme, mêlant la psychologie
d'une histoire érotique et rose, voire pornographique à tendance rurale sans oublier des
sentiments dignes d'un roman photo et le tout en bande dessinée ? Et dire qu'on appelle
cela un genre mineur...
(15/02/2007)
J'ai suivi de près les débats sur Amazon, la crispation entre libraires
et François Bon qui avait osé ventiler une vente en ligne sur ce prescripteur. Pas eu
envie d'intervenir, même si la question est cruciale, vitale. Le débat tourne vite en
rond, les arguments sont épuisés car les dés sont jetés. Il est évident que toute la
chaîne de distribution du livre est secouée par le Net comme les processus économiques
de tous secteurs. Juste un éclairage dans un autre domaine : le combat parfois utopique
des libraires indépendants m'en rappelle un autre que je connais bien puisque j'y ai
participé professionnellement, c'est celui de la médecine libérale face à la
nécessaire informatisation. Premier constat : non, il ne peut pas y avoir de solidarité
dans une profession éclatée par des intérêts libéraux (ou commerçants). Deuxième
constat : au bout de dix ans, encore les trois quarts des dossiers médicaux sont sous
format papier, procédures et méthodes ont englué le tout, de même que les rétentions
d'informations qui assurent le pouvoir entre deux services d'un hôpital, parfois entre
deux étages d'un même service, sont plus fortes qu'une véritable recherche
d'efficacité informatique.
La nature humaine est ainsi faite et la façon timide dont nous avons abordé
l'informatique en France, la recherche permanente d'un soutien étatisé a complété le
penchant naturel à l'inaction. Plus d'état ? Moins d'état ? Le monde pendant ce
temps-là, tourne.
C'est valable pour la chaîne du livre. Dans ma région, on propose encore des cours pour
l'informatisation des libraires (le "on" c'est l'état régional), cela mesure
le retard accumulé et parions qu'on y abordera très peu Internet... Voilà pour le
panorama général et il faut bien admettre que la généralité ne paye pas, pas plus que
la solidarité. Chacun voit midi à sa porte, l'heure est à l'individualisme et au cadran
de son clocher. Moi aussi : mardi dernier, j'ai trouvé le DVD du Tambour de
Günter Grass chez mon libraire et j'ai accepté d'en payer 2 fois le prix que j'avais
repéré sur Internet et le vendredi suivant j'ai commandé deux livres de linguistique
sur Amazon, je les ai reçu deux jours après. Pas de leçon, ni de logique dans ma
démarche et j'ai la chance d'avoir une excellente librairie dans ma ville, je suis
vernis, car il faut bien admettre que les véritables libraires, passionnés, sacerdotaux,
sont assez rares : pour avoir parcouru l'Est de fond en comble depuis des années, j'en
connais trois seulement en Champagne-Ardenne, Saint-Dizier, Troyes, Reims, pas une de
plus. Allez-voir à Charleville où un France loisirs est
installé dans la maison natale de Rimbaud... Ailleurs, ne rêvons pas, c'est pareil, on a
vite fait de repérer (et soutenir) les librairies dynamiques (Les Sandales
d'Empédocle à Besançon, voir Notes d'écriture du
21/09/2005). Celles-ci ont souvent la chance d'avoir un tissu économique favorable,
situation en plein centre-ville, absence de ces chaînes fourre-tout que sont les
drugstores. D'ailleurs à ce sujet, n'en déplaise aux vendeurs FNAC, je n'ai jamais
trouvé chez eux un libraire compétent, quelqu'un qui puisse servir à autre chose que de
consulter son écran et vous répondre sèchement que le bouquin que vous cherchez, non,
on l'a pas...
Dans nos utopies à vouloir refondre les processus de l'édition ou de résister (mais à
quoi ?), la véritable utopie est de croire à l'idée du plein partout, la vieille idée
de comprendre le monde en le remplissant (Espèces d'espaces comme dirait Georges
Perec) : dans ma campagne qui se dépeuple, la moitié des médecins auront disparu d'ici
dix ans, mon libraire isolé aura peut-être aussi envie de mettre la clef sous la porte.
De même sur le Net, la toile ressemble à un gruyère tant du point de vue des
utilisateurs que du contenu, la solution miracle du tout Internet n'existe pas non plus, y
compris pour les auteurs, souvent oubliés de toute la chaîne du livre, alors
qu'ils en sont à l'origine, et y qui cherchent parfois d'autres voies que les
désespérantes galères éditoriales (voir à ce sujet le rapport Livre 2010
- et la question récurrente qui revient de même : Plus d'état ? Moins d'état ?).
On peut en effet retourner les concepts en tous sens, vouloir tout maîtriser, on trouvera
toujours plus fort que soit en matière de processus globaux, distribution, import-export
disait-on autrefois. On peut aussi soutenir pour se consoler que le Web apporte une plus
grande liberté, une égalité mais c'est faux, mieux vaut remplacer ces mots par
libéralisme. Ne soyons pas hypocrites, autre exemple de distribution : le commerce
équitable, cher à nos yeux, est maintenant remplacé par la mode du commerce ethnique
mais c'est toujours en grande majorité les mêmes (des occidentaux bien entendus) qui
tirent les ficelles, qui pilotent et s'enrichissent de l'inévitable triangle
production-diffusion-consommation.
Ou livres-libraires-lecteurs, si vous préférez une échelle plus réductrice.
(07/02/2007)
Il est évident que j'ai changé. Brutalement. Ou peut-être que je m'en
aperçois seulement maintenant. Cela touche plusieurs domaines, politique, philosophique,
mon regard sur le monde, mon apparence physique même. Je n'ai pas envie de justifier tous
ces changements. Peu importe qu'ils soient durables ou versatiles, nous ne sommes pas
constants et heureusement. Mon écriture aussi a évolué d'où la place de cette rubrique
pour tenter vaguement de comprendre, plutôt d'énumérer ce qui s'y trame.
C'est drôle, je vis l'abandon de CV roman comme un soulagement, je n'ai vraiment
pas envie de reprendre ce machin bancal, associé à une période de doute, alors que
l'année précédente, à la même époque, (Note d'écriture du 11/01/2006) j'en parlais
en termes tendres : Ton nom de cargo voguant, CV roman, est accroché à la proue,
juste au-dessus de lancre déjà corrodée. Jaimerais en sous-titre un port
dattache qui me ferait rêver : Baltimore, Calao, Aden, Providence
Déjà, je sens venir le jour où tombera ton nom, CV roman, à force de craquements, de
cahots hésitants, de changement de cap, de rouille de sel, rejoignant le large remous du
sillage, y perdant sa substance, détaché, rejoignant les profondeurs du grand bleu. Je
nai quun seul souhait : quil emporte avec le titre, le genre :
il mimporte peu si je réussis à tenir le cap, à écrire un texte au long court
sans le souci de sa variété, de son espèce, sans lidée même de réussir cette
traversée. Les livres ont un sortilège : finir en carré de feuilles dans des
géométries de collections, sous les barreaux des rayons de littérature française avec
roman ou récit ou recueil écrit sur leurs couvertures. Jespère tachever,
mon bouquin, et quel sera ton port mest indifférent. Et plus
tard, le 15 mars : Jai testé : CV roman est charpenté et
solide. Pas quelque chose de très fin mais il flotte.../... le machin
en cours qui se balance encore à quai sera un peu rude, farouche : voilà,
cest dit, à prendre ou à laisser... CV roman, cargo voguant,
sera donc laissé en câle sèche, à quai. En relisant mes notes de l'année
précédente, je m'aperçois que ce manuscrit, un peu bancal tout de même, n'avait pas
convaincu l'éditeur, trop touffu et, comment dire, trop marqué par l'actualité, pas
assez intemporel. Je m'en inquiétais déjà en mai 2006 : CV roman me
semble " daté ". De plus l'éditeur en question a changé de
maison. Et puis d'autres projets de publication ont achevé de reléguer sur un
rivage l'embarrassant navire de feuilles. J'écrivais : Tu es trop grand, trop
encombrant, tu es un morceau de plomb, tu vogues épais comme un paquebot.
J'ai prévenu l'éditeur qui m'avait octroyé une (maigre) avance et qui attend sans doute
la suite de mes aventures. Il a l'expérience d'un capitaine, il sait que les marins des
mots ont toujours pour projet de repartir en mer.
J'ai changé donc. Je suis sorti, non pas des incertitudes, ce serait même dommage, mais
du malaise qui me tenait. Ceci dit, ça fait déjà longtemps que la forme est revenue,
quasi deux ans, et quelle forme... Restait l'esprit à reconstruire et que les briques se
mettent en ordre petit à petit. La rédaction puis la publication très prochaine du nouveau livre m'y a aidé assurément, manière
de reprendre confiance dans l'écriture (on en reparlera très prochainement, ça sort le
premier mars).
J'ai même encore changé depuis ce nouveau projet encore pas sorti. J'ai l'impression que
mon écriture, donc moi, ma trogne, ma faconde, évolue encore. Dans l'instant, j'ai
surtout envie de m'échapper de l'image où m'ont collé les premiers titres, comment
dire, le truc vaguement intello et formaliste, l'appréhension du réel. Tu parles... On
ne se refait pas. Je suis un marrant (si, si...), un rigolo, un caustique tendance cire à
parquet, un drolatique à jeux de mots laids, un potache de légumes du jardin. René Fallet et ses Vieux de la vieille me correspondent
plus que les réflexions philosophiques sur la mort cent mille fois annoncée du roman. Du
coup j'ai abandonné quelques projets foireux d'artistes éternellement réflexifs sur
eux-mêmes. J'ai essayé trente-mille idées en cette fin d'année. Des thèmes, le
discours, le récit, l'humour, le picaresque, j'en ai jalonné ces notes d'écritures. Ce
n'est pas incohérent, c'est plutôt la mise en place, l'approfondissement des
questionnements qui me traversent. Et puis, il y a tout ce qui s'accroche à l'écriture
et arrive au hasard des ressacs en sollicitations diverses : les dix ans du Wepler où je
fus lauréat (grâce aux trucs formalistes et à l'appréhension du réel, je ne l'oublie
pas), une très modeste contribution à un dictionnaire de littérature populaire (sic),
un atelier d'écriture qui se profile à Dijon (on en parlera très bientôt).
Tout cela donc avance, cahin caha, au gré de ces changements. Expérimentations de textes
: actuellement un roman en projet "tient" mieux que les autres, de la même
manière qu'une peinture accroche mieux un mur (j'ai repeint deux plafonds récemment..).
Et désolé pour Alain et Muriel, les seuls au courant d'une autre idée de récit
ébauchée en fin d'année, ce n'est pas l'histoire du type à poil sans ses lunettes
perdu sur une plage... Quoique la vision de CV roman, en bon gros vieux cargo
échoué me fasse suffisamment rêver : sait-on jamais puisque je change tout le
temps ?
(31/01/2007)
En écho à la note précédente, façons d'écrire de Louis Ferdinand
Destouches, alias Céline :
" En réalité je travaille avec beaucoup de labeur si j'ose dire. Il y a
l'éloquence naturelle. ça évidemment, c'est une base. Mais enfin, la feuille de papier
ne tient pas l'éloquence naturelle. On connaît la pauvreté que donnent les discours à
la Chambre ou les plaidoiries quand elles sont transcrites en sténo. Non. Et dans le
peuple, l'envoi d'une vanne, ça fait une petite phrase drôle et puis c'est tout.
Maintenir un effort de stylisation de 400-500 pages demande énormément d'efforts, à
savoir qu'il faut énormément revoir et revoir. Pour dire la vérité, 400 pages
imprimées font 80 000 pages à la main. Le lecteur n'est pas forcé de le savoir. Il ne
doit même pas le savoir. C'est l'affaire de l'auteur à effacer le travail. Vous mettez
le lecteur dans un paquebot. Tout doit être délicieux. Ce qui se passe dans les soutes,
ça ne le regarde pas. Il doit jouir des paysages, de la mer, du cocktail, de la valse, de
la fraîcheur des vents. Tout ce qui est mécanique, ou servitude, ou service, ne le
regarde pas du tout."
Entretien avec Louis Albert Zbinden
(24/01/2007)
"D'accord. Je suis pensionnaire d'une maison de Santé."
; "ça a débuté comme ça. Moi j'avais jamais rien dit, rien ". Ces
deux incipit sont du Tambour de Günter Grass et du Voyage au bout de la nuit
de Céline.
La mode universitaire du moment est de réunir ces livres comme des exemples du
prolongement au XX° siècle de romans picaresques (avec Ralph Ellison pour Homme
invisible pour qui chantes-tu ?). Il est vrai qu'ils ont beaucoup de points communs
entre eux, à commencer par l'humour qui les jalonne. Rien qu'avec ces deux incipit, on
voit bien que le parti est pris de donner voix à deux narrateurs qui vont raconter leur
histoire. Les marques de l'énonciation sont visibles : le "D'accord "
chez Günter Grass répond aux signes visibles du discours de Ferdinand Bardamu
(élision du "ne" pour la forme négative par exemple). Le départ semble déjà
sur les chapeaux de roues, on est de suite placé dans la vitalité captivante des deux
protagonistes. Le "Moi j'avais jamais rien dit. Rien. " est déjà
preuve d'un narrateur à forte personnalité, un bavard qui se maîtrise, qui comprend
parfaitement la réalité et les situations.
Tout est déjà dit dans ces deux débuts. On sent qu'ils ont envie d'en découdre avec
cette histoire. Ces premières phrases représentent en quelque sorte l'élan
énergétique que les deux protagonistes devront donner à leur récit. La course avant le
saut. Et le saut représente tout de même 500 pages pour Céline et 600 pour Günter
Grass...
De quoi vont-ils parler ? De tout et de rien, du monde quoi, mais avec un appétit
féroce. Les aventures picaresques me semblent ainsi : peu importe le contenu, la
finalité des aventures qui s'y passe, pourvu que l'on bouge, que l'on s'agite autour des
moulins à vent. C'est en voulant embrasser cette multitude que se dégage une certaine
philosophie que la volonté de vivre rend joyeuse. Puisqu'on est dans ce monde-là,
profitons-en. De ces livres, je n'en retiens pas le désespoir qu'on a souvent mal
interprété : il est indissociable de la joie, donc de l'humour. J'ai beau avoir lu Le
Rire du philosophe Bergson, je ne me souviens pas avoir souri (mais beaucoup appris
par contre). Mais quand Bardamu ou Oscar tente de philosopher avec énergie sur le
sérieux de la vie, le miracle de l'humour arrive.
Pour autant nos deux narrateurs vont devoir tenir pendant 500 ou 600 pages. Et l'habileté
des écrivains tient à ce que l'incipit de chacun de leur roman puisse se décliner d'une
façon cohérente. Vient alors inévitablement le moment de nommer le narrateur comme
protagoniste à part entière, personnage principal, jeune premier de l'histoire, bref,
celui qui saura fédérer toutes les aventures.
Céline l'intègre dans le parti pris du discours : il fait comme si le narrateur
racontait une histoire à un témoin. Suite de l'incipit : "C'est Arthur Ganate
qui m'a fait parler. Arthur, un étudiant, un carabin lui aussi, un camarade."
Le narrateur va donc se dévoiler par le biais de cet ami et son nom Bardamu arrivera
quelques répliques plus loin dans cette conversation rapportée "Bardamu qu'il
me fait". Le procédé est assez simple mais à l'époque, 1932, dix ans après
la mort de Proust, cette parole discursive libérée est nouvelle. A noter que le prénom
Ferdinand arrive de la même manière à la fin du chapitre mais la réplique en dit long
sur l'utilité d'affecter des noms aux personnages : "T'es rien c... Ferdinand !"
Je trouve évidement cette faconde jubilatoire, moi qui suis toujours obsédé par la
meilleure façon d'échapper à la convention romanesque de devoir nommer... Et là,
traiter de c... son personnage principal avant de le prénommer, chapeau !
Pour Günter Grass, la narration est plus élaborée et ne se contente pas d'un récit
discursif linéaire jusqu'à la fin. Le personnage principal (Oscar) n'est pas nommé en
premier de même que chez Céline, mais c'est bien celui par qui le vrai nom
arrivera : "Bruno Münsterberg - trêve de plaisanterie - c'est le nom de mon
infirmier" dit le narrateur à la deuxième page. Notons au passage que chacun
emploie une façon originale de nommer les personnages, comme si chaque nom, chaque choix
arbitraire donc, devait être justifié... Le paragraphe suivant introduit Oscar à la fin
d'une réplique attribuée à Bruno : " Du papier blanc comme cela Monsieur Oscar
?". Oscar est donc maintenant relié au narrateur. Cependant, et c'est là que
le récit prend une toute autre dimension, Oscar ayant reçu du papier pour raconter son
histoire décide de placer son récit bien au delà de sa vie, ainsi, à la page suivante
arrive la phrase étonnante qui aurait aussi constitué un très bel incipit : "Je
commencerais longtemps avant moi", ce qui permet d'introduire la non moins
étonnante réplique : "Je vous présente la grand-mère maternelle d'Oscar".
Désormais Günter Grass s'est ouvert encore plus de possibilités : il peut continuer à
utiliser la focalisation vers le narrateur sous la forme du "je", du
"moi", mais aussi du "il", utilisant "Oscar" pour parler de
lui. Ainsi pour la première fois, le jour de sa naissance, à propos d'un papillon de
nuit : " Aujourd'hui Oscar le dit : le papillon de nuit jouait du tambour".
Cette double narration est difficile à maîtriser mais est importante car le regard est
forcement plus large, non plus restreint aux seuls yeux du narrateur mais comme vu d'avion
et offre beaucoup plus de possibilités narratives. Oscar et Je se répondent alors comme
deux vieux complices mais partagent maintenant leurs aventures picaresques dans les 600
pages à venir, ce qui est beaucoup plus tenable !
(17/01/2006)
- Oui, Madame Renée, dit l'écrivain à sa concierge, héroïne de L'élégance
du hérisson, (voir Notes de lecture du 19/09/2006), oui, Madame
Renée, donc, j'ai passé une excellente année 2006. Forme, écriture, joie de vivre,
tout fut gai... Sans faire un bilan exhaustif, disons que l'alternance entre mon boulot et
mon congé de formation m'a assuré un équilibre bénéfique, et même si la reprise fut
parfois dure et prenante, l'atelier d'écriture de Dole est venu à
point nommé pour m'accompagner en énergie, quelques voyages en Egypte, Maroc,
Angleterre, Sicile et Espagne, (excusez du peu...) ont complété la mise d'une année
réussie. J'ai même grandement apprécié ces fêtes familiales de fin d'année, exercice
souvent éprouvant et tatillon.
- Et l'écriture dans tout cela ? Me demanda, Madame Renée, très férue en littérature
russe (idem, voir note et surtout lire le roman...).
- Parfait... Enfin, disons qu'il y eut du concret, la réécriture d'un livre à paraître
en mars. Dame ! Ce n'est pas rien de renouer avec l'édition trois ans après PPPP...
- Et ça parlera de quoi ?
- Ha, ha ! Nous verrons cela un peu plus tard. Mais bon, ce fut une bonne année
d'écriture même si je place mon précédent projet CV Roman sur la touche. Il y
a comme cela des livres dont on ne sait pas encore quoi faire.
- Et 2007 ? D'autres projets ?
- Figurez-vous qu'une frénésie d'écriture m'a touché il y a peu. Trois, quatre
histoires ébauchées mais deux survivent mieux que les autres : nous testerons leur
résistance...
- Eh bien, je suis très content de votre forme. Excusez-moi, je vous laisse, j'ai un
Tolstoï à terminer (Mais lisez le livre que je vous dis)...
- Au plaisir, Madame Renée...
- Pour mes étrennes, n'hésitez pas à interrompre mes lectures, bien entendu... Et
encore tous mes vux, monsieur l'écrivain...
- Euh... (ton hésitant) Je ne manquerai pas de déposer une enveloppe dans votre loge,
Madame Renée.
(10/01/2007)
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