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Notes d'écriture 2019
Magritte, Dali : dans ce sens, à Bruxelles, tant il me semble que Magritte a précédé
Dali, à la fois par l'âge, l'apprentissage de la peinture et la belgitude en lui, tandis
que Dali au tempérament catalan, tourmenté, solaire, est arrivé un peu plus tard en
peinture. Magritte donc, puis Dali sont réunis par l'étiquette de peintres surréalistes
qui leur colle à la semelle de chaussure comme un chewing gum. Et avec raison, tant les
préceptes des manifestes du surréalisme édictés par Breton leur convenaient
parfaitement. Onirisme, rêves, affirmations poétiques d'une peinture figurative sans
cesse détournée, une sorte de cadavre exquis permanent dans l'inspiration et dans le
tracé automatique du pinceau. Bref, beaucoup de similitude avec l'époque et ses arts,
les poètes, écrivains, photographes, cinéastes, Eluard, Crevel, Man Ray, Luis Bunuel et
tant d'autres. Evidement, Magritte et Dali se brouilleront avec Breton, seront
excommuniés du mouvement par le pape du surréalisme. Chacun continuera son chemin, fait
cependant de croisements fréquents, d'inspirations communes et de ressemblances
thématiques frappantes.
C'est un des atouts de cette exposition de mettre en parallèle les similitudes entre les
deux peintres et du coup, les différences de traitements apparaissent nettement : à
Magritte, la poésie retenue toute en finesse et suggestions, à Dali, une expressivité
rageuse, souvent violente.
Le parcours de cette exposition au Musée royal des beaux arts est très réussi, lumineux
(ouf, on n'a pas à éclairer les étiquettes des tableaux comme je l'ai constaté bien
des fois). Les salles sont vastes et de nombreuses banquettes accueillent les visiteurs
pour un parcours serein (voir aussi en Webcam). Ça change des expos où l'absence de
siège est vécue comme une incitation à partir au plus vite. Probablement l'une des plus
belles avec l'expo de Richter en 2012 (Webcam du
27/06/2012) et celle du Caravage de l'année passée.
(17/12/2019)
D'abord,
les deux heures de route avant Charleville. Et renouer avec les vieux usages du travail,
les trajets si souvent effectués vers Lille, Reims ou Amiens, et combien de fois ai-je
pareillement rendu visite à Rimbaud entre
deux rendez-vous de boulot ? La route ce matin est grise, champs couverts de givre et la
neige qui menace. Le trajet est une suspension, le souffle au rythme du moteur. A
l'arrivée, à nouveau la respiration seule, la buée qui s'échappe au sortir de la
voiture. Voici la placette du lycée, les citations de Rimbaud et d'autres poètes en
herbe sur le mur du complexe sportif, les bâtiments estampillés de l'institution, leurs
belles pierres ocres semblable à celles de la place Ducale. A l'extrémité de la cour,
Karine me fait signe : je vais dans sa classe de seconde pour la deuxième fois.
Impression déjà d'une vieille habitude, plaisir et impatience de retrouver des visages.
Il y aura deux demi groupes et une heure et demie pour chacun d'eux, c'est plus facile
qu'une seule classe de 36 élèves.
D'abord, retour sur la première séance qui avait été dense, se présenter, présenter
ce qu'on va faire, le thème de la poésie (on est chez Rimbaud tout de même), l'idée
d'aller jusqu'au printemps des poètes et d'y participer via une restitution à la
médiathèque, laquelle est juste à côté. Je leur avais parlé d'haïkus, de comment on
pouvait intégrer cette forme brève à sa vie même, au quotidien, comme un exercice de
pensée, d'étonnement, de distance : de la poésie à l'état pur. Et la restitution
tient ses promesses ! Certains soulignent avoir été déstabilisés par la brièveté.
Justement, la poésie se niche dans les non-dits et les creux. En même temps, trois
lignes suffisent à ce mouvement éternel, par exemple partir de la généralité d'une
journée d'automne et au dernier vers s'intégrer dans le texte, ou vice versa, avoir
l'impression de ne parler que de soi pour terminer par une ouverture qui embrasse le
monde. Ainsi, beaucoup de belles choses, comme l'arrivée impromptue dans un texte de
l'adverbe " donc ", qui d'un coup éclaire le texte. Leur faire sentir que ce
qui nous paraît parfois banal en l'écrivant est ressenti comme extraordinaire par un
lecteur : c'est justement pourquoi la littérature se perpétue.
Mais la grande affaire de cette seconde séance, c'est la poésie haïtienne. Auparavant,
Karine (passionaria de cette littérature) leur a lu Les doux parfums des temps à
venir de Lyonel Trouillot (note de lecture du 02/05/2019). Nous revenons sur ce texte
qui à chaque fois est merveilleusement reçu par les élèves (on devrait réserver du
temps de lecture aux profs et les libérer des étouffants programmes !). Puis on parle de
la situation à Haïti, du silence médiatique et des actions faites pour y remédier. Et paradoxalement, le rôle de la poésie
devient alors essentiel, comme une urgence de toujours pour déclamer l'indicible, depuis
que ce pays est devenu en 1804 la première république noire au monde. On termine par une
séance d'écriture avec l'anaphore " Il y a ", à l'exemple de quelques poètes
d'Haïti contemporains. Cela fait évidement écho à l'une des plus belles sessions de
l'atelier "Lire c'est trancher" pour lequel ce procédé avait été utilisé.
Très belle seconde séance donc, vivante et évidement trop courte. Nous sommes vraiment
dans ce que je voulais qu'ils perçoivent de la poésie, non dans les pas de Rimbaud
institutionnalisé, mais à jouer à cloche-pied avec Arthur.
(10/12/2019)
Fin
de Y ! Après seize mois d'écriture, commencé le 2 août 2018 en Sicile, le
lendemain de mon soixantième anniversaire, et terminé ce vendredi 29 novembre à mon
bureau, le gros machin est terminé. Pour l'instant, il demeure dans les limbes
numériques d'ordinateurs, de clé USB, de fichiers envoyés par mail, on ne se rend pas
compte de son étendue dans cette immatérialité. Sur mon ordinateur portable, il pèse
530 feuillets en version doc, 521 en format pdf. Les statistiques indiquent un peu plus de
204 000 mots et 1 250 000 caractères. C'est le plus gros texte que j'ai jamais écrit. Il
est quatre fois plus long que le précédent (Sans trace), il est aussi 60% plus
prolixe que l'avant dernier, Vie prolongée d'Arthur Rimbaud, qui était jusqu'à
présent le plus long. Dans une édition classique de mon éditeur, celle de Sans
trace qui compte 285 pages, il atteindrait donc plus de mille pages. Dans l'édition
en plus grand format qui sera la sienne (celle de Vie prolongée d'Arthur Rimbaud
qui compte 415 pages), il devrait atteindre, approcher ou dépasser 700 pages, suivant les
corrections qui lui seront dévolues.
Car le travail ne fait que commencer, en fait. Il va falloir dès à présent reprendre Y,
accepter (ce que je fais volontiers) le regard d'autrui (l'éditeur et sa cohorte de
lecteurs attentifs et de correcteurs indulgents), sortir enfin de ce travail solitaire. En
réalité, sur une durée d'écriture aussi longue, cette solitude a déjà été
partagée régulièrement avec mon éditrice, c'est pour moi indispensable, j'ai besoin de
cet acquiescement régulier, on peut se permettre de faire fausse route sur l'écriture
d'un roman qui prend six mois, mais pas sur un travail de presque deux ans.
Au départ, l'idée d'un gros livre m'a paru évidente : d'abord parce que le sujet
(familial) était important pour moi, mais plus peut-être parce que j'ai toujours pensé
que parler de "vies minuscules", comme dirait Pierre Michon, de gens de peu,
méritait d'en dire beaucoup, de rendre hommage par les mots à ceux que les mots
justement ont ignoré. Rendre la langue à qui elle appartient en quelque sorte, et
combien dans Y, justement, les langues ont été différentes, multiples,
diffuses et au cur de tout.
L'idée aussi m'est venue rapidement d'un livre dont la ressemblance avec Les
Misérables de Hugo ou La Guerre et la Paix de Tolstoï m'apparaissait
évidente. En copier la structure, l'agencement en différents livres, vouloir approcher
son romanesque, désirer ce souffle et cette longueur. Il serait présomptueux de dire que
j'y suis arrivé : Y, avec ses 204 mille mots, représente quarante pour cent des
Misérables (510 mille mots) et un peu plus d'un tiers de Guerre et paix
(560 mille mots), qui comptent respectivement mille quatre cents et mille six cents pages
en édition Pléïade.
En même temps, l'idée de proposer aux lecteurs cet effort de lecture au long cours à
faire m'apparaissait évident : on a perdu l'habitude de parcourir des histoires touffues,
le quotidien, l'évolution des pratiques rendent quasi impossible de lire véritablement
et en entier Hugo ou Tolstoï. Loin de moi l'idée de me comparer à ces écrivains, mais
juste vouloir recréer un geste de lecture longue qui s'est perdu. Une des plus grandes
victoires serait que Y donne au lecteur l'envie de se replonger dans Les
Misérables, La Guerre et la Paix.
(02/12/2019)
Alors voilà : je fais partie du collectif L'aiR Nu depuis septembre. L'aiR Nu est une webradio
dédiée à la littérature. D'ailleurs lorsqu'on y accède, c'est marqué "
Littérature radio numérique " en sous-titre pour éviter que les amateurs de tuning
se fourvoient dans un site qui ne parle pas de bagnoles. Ceci dit, rien n'indique non plus
ce qu'on y fait au quotidien. Il y a bien trois rubriques " création ", "
lectures " et " vie du livre ", sans pour autant qu'on sache comment elle
s'interpénètrent entre elles. En rubrique " création " , on y parle de
géographie, de la proximité des villes (les villes passagères,
ville et cinéma), car le collectif L'aiR Nu travaille sur notre rapport à
l'habitat et s'associe à des projets ou à des pistes de réflexion comme par exemple sur
l'écoquartier
de Châtenay-Malabry. Ça fait sérieux non ? Et ça l'est : allez voir par exemple
l'onglet Ville et cinéma
de Pierre Cohen Hadria, qui est sociologue de métier.
La rubrique "Vie du livre" se confond forcément avec nos vies et propose des
rencontres par exemple la rencontre que j'avais faite à la librairie Au Connétable
de Montmorency (plus d'une heure d'enregistrement, dingue
)
En rubrique " Lectures ", on lit, mais attention, à voix haute, car il s'agit
de radio : faites un tour sur la rubriques 36 secondes, déjà fournie de dizaines de livres, dont de courts
extraits sont lus par Anne Savelli : ça donne envie de continuer la lecture, n'est-ce pas
? C'est également sous ce générique de " Lectures " que se trouve la rubrique
" Littérature
du travail " que je devrais alimenter régulièrement et qui reprend (là aussi
de vive voix) les notes de lecture de romans du travail qui émaillent mon site FdeR
depuis bientôt vingt ans : j'inaugure la rubrique avec La Centrale d'Elisabeth
Filhol (et combien je tenais absolument que ce livre en soit le premier relaté).
Ainsi L'aiR Nu et combien je suis fier de rejoindre l'équipe historique avec Gilda Fiermonte et
Emmanuelle Lescouet. Prenez le temps de tout visiter, regardez le Blog et vous vous rendrez compte du
travail déjà accompli depuis 2015.
(26/11/2019)
Retour
à Dijon : je n'y étais pas allé depuis ma soutenance de thèse, cela fera ainsi deux
ans en décembre. Je retrouve avec plaisir les lieux de la Maison des Sciences de l'Homme,
mais la salle qui m'accueille aujourd'hui est en face de celle où j'avais défendu mes
recherches. Je suis invité pour une journée d'étude organisée par les Masters 2
Métiers du livre sur le thème des mythes et des réalités qui concernent les métiers
de cette filière. Seront donc représentés des éditeurs, des imprimeurs et des
libraires qui vont ainsi démystifier leurs profession et moi-même, dans le rôle de
l'auteur, qui inaugure la journée : juste retour au début de la chaîne d'un livre,
sorti tout droit de l'imagination de femmes et d'hommes comme moi.
Il n'est jamais facile de commencer une session universitaire, surtout lorsque celle-ci a
été préparée collectivement (et formidablement) par les étudiants de M2 sous la
houlette de leur professeure Marie-Ange Fougère. La manière cependant de débuter cette
journée est originale : je suis dans la confidence qu'on va m'infliger une vraie fausse
interview (le terme d'infliger n'est pas trop fort étant donné la caricature de la
journaliste qui va m'interroger : Bernadette Pivotte, alias Corinne François-Denève,
tout un programme " apostrophique ", voire catastrophique ) au sujet de Vie
prolongée d'Arthur Rimbaud. Après des débuts poussifs en répondant de manière
banale à quelques questions maniérées, voici Arthur Rimbaud qui débarque derrière
l'acteur Benoît Lepecq et qui prolonge ainsi la vie du poète sur l'estrade jusqu'à la
déclamation finale et intégrale du Bateau ivre. Ce début en fanfare et humour
place bien le thème de la démystification propre à cette journée d'étude. Je reprends
le flambeau juste après pour une intervention sur la réalité du " métier "
d'écrivain et je me lance à l'aveuglette sans lire les cinq pages écrites pour
l'occasion. Cela présente l'avantage d'être plus vrai, plus direct, et le gros
désavantage de ne pas savoir où j'en suis question timing et de bafouiller. Je crains,
après le début bien théâtral de l'interview, que mes propos soient pâlichons.
Cependant, passer en premier présente l'avantage d'être libre et disponible pour la
suite des interventions. Belle journée, donc, où j'ai pu revoir mon directeur de thèse
Jacques Poirier et aussi Sylvain Loux, qui m'avait accompagné aux Petites Fugues de
Franche-Comté il y a quelques années et qui parraine la manifestation d'aujourd'hui.
Regret toutefois de ne pas avoir trouvé le temps d'aller saluer Hervé Bismuth, mon autre
directeur de thèse.
(19/10/2019)
La
fin de l'année s'annonce rude " sur le fil du rasoir ". J'aime cette expression
: clin d'il sur l'équilibre évident et précis que réclame le geste du barbier ou
de l'amateur de joues lisses (dont je suis). Et, comme pour cette posture matinale de
salle de bains, " le fil du rasoir " mêle le quotidien et ses débordements, la
peur de la coupure et d'être ainsi retardé pour la journée.
Ainsi, sur le tranchant de mes lames Gillette d'has been, à mon retour de
goguette en Équateur, je retrouve l'atelier Lire c'est trancher à préparer
(cet atelier où les niveaux des participants sont très divers oblige à une remise en
cause et une inventivité de tous les instants c'est passionnant mais ça bouffe du
temps), une journée d'étude organisée par la fac de Dijon, là où j'avais passé ma
thèse de doctorat, il y a deux ans (trente minutes de conférence, mais qui correspondent
à quinze pages où tout doit être rédigé à l'avance selon les usages universitaire),
une rencontre de lecteurs à Liège (là, rien à préparer), la deuxième séance de
l'atelier de Charleville (en revanche préparation sérieuse requise), d'autres
rendez-vous, écrivains à recevoir ou a aller voir dans ma région, des projets qui se
montent, Instants cuisine qui progresse grâce à l'ami Delatour, l'aiR Nu qui avance ses billes sans moi,
et aussi le secrétariat et le bureau d'une asso pour cette année et qui me prend
également une dizaine d'heures par mois.
Tout cela, c'est sans compter le plus important : Y a terminer (il doit me rester
une centaine de mille signes, sur un million deux cent mille de déjà faits c'est peu,
mais la fin d'un bouquin est toujours difficile), et savoir, qu'en parallèle, je devrais
commencer à reprendre l'ensemble du texte avec ma maison d'édition : bref, tout cela
avant Noël. Alors oui, tout cela sera fait " sur le fil du rasoir ", avec
blaireau (un Kent pure badger) et mousse à raser (du même fournisseur royal
anglais).
(12/11/2019)
J'ai
retrouvé avec plaisir la route de Charlestown, comme disait Rimbaud, (quelques jours
d'ailleurs après avoir accompli le trajet pour la course Sedan-Charleville - voir en
rubrique Etonnements la semaine précédente) : c'était la première rencontre d'un
atelier d'écriture avec une classe de seconde du lycée Chanzy. Ce projet, élaboré au
printemps dernier avec Karine, leur professeure, me tient particulièrement à cur
pour plusieurs raisons. D'abord, égoïstement pour moi-même, parce qu'il me semble que
j'apprends beaucoup de choses au contact de ces élèves, de l'image qu'ils me renvoient,
mais aussi de l'instantané qu'ils me donnent sur la situation d'un jeune adolescent en
début de lycée à notre époque. Et puis parce que l'Éducation nationale vient
d'envoyer aux oubliettes " l'écriture d'invention ", qui constituait un des
trois sujets possibles au Bac (avec le commentaire de texte et la dissertation). Karine
d'ailleurs m'a appris que, pour le tout dernier sujet d'écriture d'invention proposé en
juin, on avait invité les futurs bacheliers à écrire un poème. Un comble ! Ainsi, tout
se terminerait par la poésie alors que celle-ci devrait être au commencement de toute
action.
Poésie, poésie
D'ailleurs c'est le thème que nous avons retenu pour cet atelier
avec Karine, avec comme ambition de faire réfléchir sur le rôle de celle-ci. Nous
aborderons notamment la poésie haitienne où les mots font intégralement partie de la
vie pour ce peuple si démuni qui ne possède que cela (suivre absolument la triste
actualité politique de ce pays qui tombe dans l'oubli, des pétitions sont en cours...).
Ainsi, peut-on imaginer une société sans poésie ? Sans imagination ? Sans réflexion
sur sa propre langue et sur ses mots ? Et à qui doit être réservée cette utilisation
des mots, leurs torsions ? Pour l'instant, nous la réservons à ces trente-six élèves
de seconde : à eux d'empoigner le vocabulaire, l'expression, le baragouin
Suite en
décembre.
(16/10/2019)
Après
le retour aux ateliers évoqués dans cette même rubrique (et en Notes d'écriture ainsi
qu'en nouvelle rubrique " Lire c'est trancher "),
voici le retour aux affaires, parisiennes puisque beaucoup se passent là-bas. Tout
d'abord l'AG de L'aiRNu a eu
lieu il y a quinze jours, radio numérique associative s'il en est, et donc, je fais
partie de l'asso depuis peu. Tout cela est piloté de main de maître par les inusables
amis fidèles et habituels : on en reparlera. Et puis le lendemain, chose tout aussi
sérieuse, il est temps de parler de la publication de Y avec mon éditrice,
rendez-vous donc dans un endroit tout aussi littéraire la Closerie des Lilas, où je
m'aperçois que je suis assis à une table autrefois fréquentée par Max Jacob, André
Breton, Strinberg et José Maria de Hérédia. La table étant étroite, je ne sais pas
comment ils ont fait pour se serrer sur la banquette. Une étiquette en laiton l'atteste
et c'est en Webcam. J'en profite pour rajouter
mon dossard à moi, obtenu hier au Sedan-Charleville en guise d'étiquette.
(07/10/2019)
Grande envie de relater au fil de l'eau l'expérience hebdomadaire que je vais vivre avec
ceux qu'on appelle les migrants, mot horrible, horripilant, qui a remplacé celui
d'immigrés des années 60, lui-même s'étant substitué à celui d'étrangers survenu à
la fin des Guerres Mondiales, bref, à chaque fois que le terme usité prenait une
connotation trop douce, pas assez actualisée pour remettre en selle dans nos cerveaux les
vieux réflexes xénophobes. Donc les migrants, des jeunes, et c'est la dernière fois que
je prononce ces deux caractéristiques, migrants et jeunes ne sont pas une matière, mais
des personnes, des gens à deux jambes et deux bras d'origine, muni d'un cerveau comme
vous et moi, ayant vécu parfois plus que vous et moi en l'espace de quelques années. Ces
personnes donc, je vais les rencontrer une fois par semaine dans un atelier d'écriture ou
plutôt un atelier artistique où se mêlera écriture et musique. Et j'ai ainsi envie de
raconter ces séances comme je l'avais fait pour l'atelier
mené au CHS du Jura de Dole car c'est chose précieuse de pouvoir par la suite s'en
inspirer ou que ça serve à d'autres.
Cette première rubrique sera ainsi intégrée dans une page dédiée à cet effet et placée dans le bandeau de la page
d'accueil. Il me faut un titre et celui qui me vient spontanément est " Lire c'est
trancher ", phrase prononcée lors de cette première séance par Youssouf, un des
participants.
Et combien ce titre me paraît correspondre à ce qu'on va faire : trancher dans le vif,
à commencer dans le de nos propres certitudes ; trancher dans leur vif à eux, les
participants (les personnes), à chacun de se déprendre de la méfiance et d'apprendre
ensemble.
Première séance donc, ou plutôt la deuxième en réalité, la première ayant été
dévolue la semaine précédente à une présentation générale de ce qu'on pouvait
proposer, associations et intervenants, eux et nous. La semaine a ainsi été mise à
profit pour échanger. Contrairement à l'atelier de Dole, ou j'ai souvent intervenu seul,
je suis gâté : un des chefs de service du centre d'accueil, personnage haut en couleur
et que je connais par ailleurs participe, et surtout l'association qui chapeaute l'action
délègue une animatrice hors pair avec qui j'élabore le contenu des interventions et la
philosophie globale du machin. Donc, nous arrivons tous deux fin prêts à la date et à
l'heure idoines, pour faire connaissance avec tous, nos petits jeux d'écriture en poche.
Déjà (mais nous nous en doutions) il faut réunir les participants logés sur place et
qui ont un sens des horaires assez large. Quatorze personnes arriveront étalés sur une
demi-heure. Cela devrait se réguler par la suite, mais rien n'est sûr, le groupe devrait
être à géométrie variable selon les dispositions, affectations, transbahutements des
arrivants.
Le premier exercice que nous proposons est d'écrire d'abord leur prénom, se nommer,
avoir une identité est important, et je leur demande de rajouter un mot qu'ils aiment un
autre qu'ils détestent. De cette manière, nous pouvons entamer le dialogue, percevoir
leur degré de compréhension, aborder leurs sensibilités. Grande joie : tous participent
et se prennent au jeu d'emblée. Les mots racisme et esclavage sont présents dans les
détestations, y compris le mot " foutaise ", aucun d'entre eux n'accepterait
qu'on se " foute " de lui, qu'on le traite comme un citoyen de seconde zone,
préoccupation bien légitime et qui répond au mot " respect " plusieurs fois
mentionné dans ce qu'ils aiment.
Le second exercice est lié à l'atelier lui-même : comme il s'agira d'écriture, nous
leur demandons de compléter les phrases telles que " écrire c'est comme... " ;
" lire c'est comme
". Le résultat est plus difficile à obtenir car
" écrire " et " lire ", ont à la fois une connotation abstraite et
concrète. Les plus habiles se lancent dans la discussion et nous nous percevons vite que
pour eux, l'écriture et la lecture sont des préoccupations pragmatiques (échanger et
recevoir des connaissances). En réalité, assez ébloui par la qualité et la maturité
de leurs réflexions à l'oral, j'en étais arrivé à occulter que la plupart n'ont suivi
qu'une scolarité très faible, parfois moins de trois mois, certains (l'un en
particulier, parfaitement anglophone) ne pratiquent pas encore le français ou très peu.
Cela complique en apparence l'atelier, mais c'est sans compter l'enthousiasme réel que je
sens poindre chez eux. Dans la seconde séance, nous aborderons Georges Perec, rien de
moins car comme nous, ils méritent le meilleur.
(30/09/2019)
Fin
du cinquième livre de Y, qui comptera au total six parties. Je parle de "
livre ", car c'est ainsi que je les nomme. Et d'ailleurs, c'est la distance en pages
que propose chacun d'eux. Celui que je viens d'achever, le cinquième donc, représente à
peu près un bouquin de 350 pages. J'ai mis trois mois à l'écrire et cette rapidité
(pour moi) était importante à suivre car j'espère vivement une publication pour
septembre 2020. Il me reste donc un dernier livre à rédiger, donc à peu près encore
trois mois d'intenses rédactions. Le machin final devrait être achevé vers le début
2020, ce qui me laissera du temps pour la relecture de ce monstre qui devrait représenter
pas loin de la moitié des Misérables de Hugo ou de La Guerre et la Paix de
Tolstoï. Je suis dans les clous et dans les objectifs que je m'étais fixés, tant mieux.
(23/09/2019)
Écrire
un roman fleuve au sens littéral, un roman qui parle d'un fleuve, le plus grand de tous,
le Danube et un roman qui se veut fleuve, puissant et charnu. Celui qui entreprend un tel
défi se doit d'avoir le pied marin, d'être adepte de la solitude, de la perte de la
terre en vue. Au début on n'y fait pas attention, on se jette à l'eau, sans aucune
préparation, d'autant plus que le sens figuré du roman fleuve entrepris ne change rien
à la vie quotidienne. Et puis rapidement le tangage, le roulis, la perte du pied marin
devient réelle : au bout de quelques chapitres, comment continuer ? Quelle voix (voie
d'eau) adopter ? La solitude devient alors un piège (saura-t-on continuer tout seul ?) et
un refuge car les choix d'écriture n'appartiennent qu'à soi. Le plus dur finalement est,
non pas cette perte d'horizon (si le bouquin est bien pensé, on arrive toujours à se
repérer avec le soleil, les étoiles), mais cette obligation d'avancer chaque jour,
monter les voiles, donner des coups de rames : il faut sentir qu'on progresse. Mais c'est
plus facile à dire qu'à faire. Ça impose de toujours savoir où l'on est, de faire le
point au sextant à chaque fin de séance d'écriture de se projeter sur ce qui reste à
écrire, la route à suivre (ou plutôt le fleuve impassible de Rimbaud à descendre). En
fait j'aurais pu nommer aussi ce projet roman océan, tant par moment j'ai l'impression
d'avoir quitté la terre. Mais dans les deux cas, roman fleuve ou roman océan, il me faut
chaque jour faire confiance au bateau ivre (" les fleuves m'ont laissé descendre où
je voulais ") ou rejoindre les pensées de Bernard Moitessier dans La Longue
route (" Vent, Mer, Bateau et Voiles, un tout compact et diffus, sans
commencement ni fin, partie et tout de l'Univers, mon univers à moi, bien à moi ").
Bien à moi donc, ces pensées, l'idée d'être nulle part lorsqu'on écrit, juste se
situer entre deux mots, avec en sillage la page passée, à peine écrite et les remous
qu'elle provoque en nous, avec, comme horizon, à peine la prochaine phrase à venir.
Moitessier, paraît-il, avait l'habitude de ramasser sur les quais de Papeete ou
d'ailleurs le moindre bout de cordage pouvant se révéler utile à bord de son voilier le
Joshua. Mes brins de laine sont de vagues agencements de lettres glanés ça et là ; ça
compose une sorte de ressac, ça forme des courants qui me tiennent éveillés, jamais
vraiment en sommeil, comme une dans sorte de rêve, et cela, c'est vraiment le bonheur
d'écrire.
(03/09/2019)
Quelqu'un
m'a interpellé quelques jours auparavant et, sachant mes occupations littéraires, a
supposé que je devais être souvent à Paris pour fréquenter des salons, rencontrer le
gratin des lettres, bref courir après une vie des arts trépidante. Et, comme d'habitude,
j'ai dû bafouiller ma réponse en énumérant quelques projets, en donnant quelques
exemples de ma folle existence scripturale. En fait, il ne se passe pas grand-chose au
quotidien, ma vie semble encore moitié figée en vacances, mais c'est comme si pour moi
les " vacances " duraient indéfiniment. Raconté comme cela, ça ne fait pas
très professionnel et sans doute que mon interlocuteur doit se faire une idée beaucoup
plus valorisante de mon quotidien. Il est vrai que je sais pas vraiment mettre en valeur
cette occupation - pardon ce métier qui est le seul qui me reste après avoir arrêté
d'être un francetelécomique. Je n'ai jamais été très " professionnel "
côté écriture, ou du moins, je n'ai jamais su ériger sur un piédestal les activités
que certains auteurs présentent comme le summum du génie : pour exemple, ma mère, qui
admirait D'Ormesson et le tenait pour un écrivain éternel même à un âge canonique, ne
peut pas s'empêcher de me demander parfois comment se passe ma retraite, biffant d'un
trait ce que je pourrais avoir en commun avec son auteur préféré. Cela tient
probablement en partie à ma volonté farouche d'avoir tenu à concilier mes deux
activités (métiers) depuis mes premières publications en 2000. A courir deux
professions à la fois, malgré mon implication et mon sérieux réel (je mets au défi
quiconque de trouver un seul exemple d'abandon de projet, l'annulation d'une réunion,
d'une rencontre, voire le simple retard dans l'accomplissement de ces deux métiers), on
ne devient crédible ni pour l'une, ni pour l'autre. J'ai été parfois considéré comme
un intermittent du travail à Orange alors que j'effectuais à temps complet
consciencieusement mes missions (je n'ai pas eu dix jours d'arrêt de travail en quarante
ans), et, dans le monde des lettres, on se figurait que mon métier nourricier (la
littérature, hélas, est dévolue aux raviolis en boîte) empêchait la dévotion et
l'abnégation totale que méritent les Lettres. Je viens d'ailleurs de lire l'histoire du
Goncourt de Proust pour A l'ombre des jeunes filles en fleurs en 1923 (note de
lecture à venir) et son habilité, sa parfaite connaissance des mondanités que requiert
l'attribution d'un tel prix me laissent pantois, me sont totalement étrangers, ce qui en
dit long sur mes deux nominations au fameux prix, que j'ai vécues en parfait amateur,
comme " une poule qui a trouvé un couteau ".
Mais pour en revenir au programme trépidant que je suis censé mettre en uvre pour
ma carrière d'écrivain, savoir tout d'abord, qu'il est tributaire de l'écriture de Y,
son minimum de vingt pages par semaines et les heures d'écriture (et de recherches, de
tâtonnements, d'hésitations) que cela suppose : au bas mot, entre vingt et quarante
heures hebdomadaire et cela encore jusqu'au printemps prochain, sans compter les
corrections. Parmi les projets périphériques que j'ai rajoutés : un atelier d'écriture
au Lycée de Chanzy à partir d'octobre (et beaucoup de plaisir pour ce travail collectif
en prévision), un grand article pour la Revue du roman sur mon rapport à Michel Tournier
pour Sans trace dont la date de remise (septembre) a été tenue, des textes à
écrire pour le projet Instants cuisine avec l'ami Delatour que je perds pas de vue,
d'autres choses à peaufiner peut-être avec l'aiR Nu, ma participation à un salon où je suis
possiblement lauréat pour Sans trace, une rencontre dans une médiathèque à la
lisière de la Bretagne et de la Normandie, une amie écrivain à recevoir mi-septembre
pour son passage à la médiathèque de ma ville, sans compter un projet d'atelier pour
lequel on vient de me solliciter concernant des migrants (et que je prévois déjà comme
chronophage), sans compter l'adaptation cinématographique de ID initialement
prévue en automne et pour laquelle je suis sans nouvelle, sans compter les discussions à
avoir pour la parution de Y. Bref, c'est tout cela que j'aurais dû énumérer à
mon interlocuteur, tout en terminant du ton de celui qui se la pète : Si tu crois que
j'ai que ça à faire d'aller à Paris pour rencontrer le gratin des lettres et
fréquenter des salons !
(27/08/2019)
Je
n'ai pas effectué de mise à jour de FdR depuis plus d'un mois et demi : trêve
estivale, si vous voulez, ou plutôt il m'a semblé que j'étais constamment pris par
l'écriture de Y et quasi dans l'impossibilité de pouvoir me consacrer à autre
chose. Dans ma dernière rubrique, qui date donc de début juillet, j'annonçais
fièrement avoir terminé le quatrième livre et être entré en terra incognita,
dans une distance d'écriture que je n'avais encore jamais dépassée. Le cinquième
livre, comme je le prévoyais, sera plus dense encore, tant il a d'événements à
raconter. Pour l'instant j'ai avancé de presque deux cents pages depuis ma dernière
rubrique, donc toujours au rythme soutenu de plus de cent pages par mois, rythme que je
tiens depuis janvier. Je vais prochainement passer la barre mythique du million de
caractères (pas de fanfaronnade, La Guerre et la Paix et Les Misérables
en comptent trois fois plus). Il est possible qu'à ce rythme le roman approche au final
un million quatre ou cinq cents mille signes lorsque les six livres seront terminés. Ce
que je prévoyais ainsi comme un gros livre est en train de se réaliser avec toutefois
des interrogations sur la forme à prévoir : un seul gros volume grand format de 800
pages ? Deux tomes de 700 pages en format plus classique ? Trois tomes de 450 pages ? A
suivre, pour l'instant, j'écris
(18/08/2019)
J'ai
terminé le quatrième livre de Y. Pour rappel, Y, le roman en
écriture, est composé de " livres " comme Les Misérables de Hugo ou La
Guerre et la Paix de Tolstoï. L'ambition cependant sera moindre : au fur et à
mesure de l'écriture, je m'achemine certainement vers un texte à un peu plus d'un
million de caractères alors que les deux uvres monumentales de Hugo ou Tolstoï en
comptent trois fois plus. Le livre terminé devrait approcher six à sept cents pages dans
un (très) grand format, et probablement sept à huit cents en édition de poche si je me
fie au plus grand roman que j'ai écrit Vie prolongée d'Arthur Rimbaud, sept
cent quatre vingt mille caractères et au final 415 pages en grand format et 550 en poche.
Donc j'en suis au deux tiers, puisque le quatrième livre est terminé et que j'en
prévois au total six, disposés de façon chronologique. Ainsi, cette histoire, qui
commence le jour de la mort de Mozart en 1791 arrive maintenant à l'année 1930 à la fin
de ce quatrième livre. En fait, j'en suis même à l'année 1938 puisque j'ai entamé le
cinquième livre depuis maintenant deux semaines. Et d'ailleurs, j'ai noté sur le petit
carnet qui accompagne mon écriture à l'ordinateur que jeudi dernier, le 27 juin à 12h
pile, j'ai dépassé le nombre de caractères de Vie prolongée d'Arthur Rimbaud,
qui était jusqu'à présent mon plus long roman. J'entre ainsi en terra incognita,
dans une distance d'écriture encore inédite pour moi.
Ceci dit, écrire un long livre n'est pas forcément une difficulté, puisque c'est
d'abord le sujet, la richesse de celui-ci qui dicte la distance (une histoire qui se
déroule sur 230 ans impose bien des détours). La principale contrainte est en réalité
de tenir le rythme d'une écriture régulière : pour Y, c'est un minimum de
vingt pages (vingt mille caractères) à composer chaque semaine, si je veux respecter une
date de publication prévue pour septembre 2020. Le plus dur en fait est de tenir cet
objectif dans la durée : 20 pages par semaines, c'est forcément cinquante à soixante
semaines d'écriture sans aucune trêve pour ce que j'envisage. Ça exclut la trêve des
confiseurs l'hiver et des vacances d'été sans ordinateur. Et dire qu'on croit encore
dans l'imagerie populaire que le métier d'écrivain consiste à rêvasser
Car en
parlant de rêverie, cette régularité impose de savoir toujours de prévoir l'écriture
du lendemain : donc, on y pense tout le temps, la nuit, le jour, à chaque instant, en se
brossant les dents, en courant, en conduisant, en dormant. On y pense et on agit, on
prépare : à l'heure ou j'écris ces lignes, mon bureau est encombré d'une dizaine de
livres feuilletés ces jours ci, et encore, sans compter ceux que je range au fur et à
mesure, ainsi que l'immatérialité des recherches sur Internet, la lecture de livres
numériques ou la distance des visites et des coups de fil pour affiner telle ou telle
question.
Aussi, ami lecteur, lorsque tu t'apprêteras avec un peu de légitime appréhension à te
lancer dans la lecture de ce futur pavé, pense surtout que l'effort que je te demande est
infime en regard de celui que je me suis imposé.
(01/07/2019)
En
1988 - j'ai déjà évoqué ce fait dans F de R -, nous avions acquis un Personal
Computer afin de finaliser la thèse de mon épouse. A cette époque d'un Windows
tout juste balbutiant et de disques durs de la taille d'un dixième de carte SD, j'avais
entrepris d'apprivoiser la bête lorsque l'engin était disponible. Et pour cela, j'avais
décidé de recopier le premier bouquin que j'avais entamé dix ans auparavant à
Toulouse, un fameux roman au titre splendide de Martin Martin. D'ailleurs, de fil
en aiguille, c'est ainsi que je me suis vraiment mis à l'écriture après avoir recopié
les cinquante premières pages. 1988, donc, je venais d'avoir trente ans et j'étais
l'heureux papa d'un premier enfant tout neuf et c'est pendant les siestes de cette
charmante miss que j'écrivais. Récemment, le hasard a voulu que la progéniture
nouvellement arrivée de la miss en question m'échoit et j'ai retrouvé avec étonnement
ce retour aux origines de l'écriture en ayant le bambin à proximité de l'ordinateur.
(17/06/2019)
Oskar Pastior a eu la malchance de naître un jour de 1927 en Roumanie, au sein de la
minorité allemande qui s'est répandue autour du Danube à partir du XVIIIème siècle.
Fils du " Drang nach osten " germanique, son destin a basculé à la fin de la
Deuxième Guerre mondiale : après le partage du gâteau entre vainqueurs, la Roumanie
s'est retrouvée administrée par l'URSS et le jeune Oskar, âgé de dix-neuf ans a été
déporté en raison de son appartenance à la communauté souabe dans plusieurs camps
avant d'être autorisé à revenir chez lui quatre ans plus tard.
La suite est plus paisible. En apparence seulement : dans un pays muselé par la censure,
surveillé en permanence, il contribue à l'effort de redressement, enchaîne les boulots,
effectue trois ans de service militaire et finit par obtenir un poste de journaliste à la
division germanophone de la radio d'état. Il publie de la poésie et reçoit même deux
prix de littérature roumaine, bref, un parfait exemple de réintégration après
redressement en goulag soviétique
Seulement, en 1968, il profite d'accompagner des étudiants à Vienne pour fuir à
l'Ouest, où il finit par s'installer à Berlin, où il meurt en 2006, reconnu par de
prestigieux prix de poésie.
Ses écrits, sous une apparence de jeux de langage et de mots, sont plus subversifs qu'ils
n'y paraissent. De même que Perec, grand spécialiste de la littérature à contrainte,
évoque son statut d'orphelin de guerre avec W et le souvenir d'enfance, Oskar recourt à
toutes les formes textuelles pour montrer plus ou moins directement le choc de sa
déportation où les difficultés d'écrire dans une dictature : " Je voulais
écrire le poème Boticelli parce que j'avais écrit l'éloge du parti mais il me
déplaisait d'écrire un poème seulement parce que j'en avais écrit un autre aussi n'en
fis-je rien à présent je me demande s'il est dit dans le poème non écrit sur Boticelli
s'il tenait à Boticelli que je n'aie rien écrit sur Boticelli ou bien si l'éloge du
parti n'aimait pas Boticelli autrement dit si j'aurais écrit sur Boticelli si je n'avais
pas écrit l'éloge du parti ou bien si de toute façon je n'aurais rien écrit sur
Boticelli on lit plus loin dans le poème non écrit sur Boticelli que l'éloge du parti
s'intitulait Boticelli alors que lui-même aurait dû s'appeler seulement l'escarpolette. "
Cet extrait est issu d'un texte très éclairant de Nicole Gabriel Le
triomphe de l'irrégulier Poésie et politique chez Oskar Pastior publié dans la
revue Tumulte en 2002 et suivi d'une interview du poète. On trouve aussi dans l'excellent
site Poézibao des traductions de poèmes d'Oskar Pastior de Jean-Michel Lassalle qui
présentent l'avantage de proposer le texte également en allemand. Cet extrait montre
combien les poésies de Pastior sont retenues et pleines de sous-entendus : " Et
quand on me demandera où est ta maison,/j'ôterai mes chaussures,/boirai au seau,
mangerai le pain/ne répondrai rien./Ne pas me poser cette question-là.[
] Und wird
man mich fragen,/wo ist dein Haus, /so ziehe ich mir die Schuhe aus/und trink aus dem
Eimer und esse das Brot/und schweige./So darf man nicht fragen.". Oskar Pastior
a été le seul membre allemand de l'Oulipo. A sa mort, conformément au statut de
l'Oulipo, Pastior est, comme Perec, " excusé définitivement des réunions ".
Herta Müller, prix Nobel de literature 2009, également roumaine et de culture allemande,
s'est réfugiée à Berlin comme Oskar Pastior. Elle s'est inspirée du poète avec qui
elle a eu de nombreux entretiens pour écrire La bascule du souffle (en Notes de lecture
cette semaine), récit sur les conditions de déportations de la communauté souabe.
(03/06/2019)
Extrait de Y, travail en cours :
" Selon l'expression consacrée, on a l'habitude de dire que le coup de pistolet de
Gavrilo Princip fît huit millions de morts. Chaque pays, chaque ville, chaque quartier,
chaque famille a compté un soldat tué au combat. Une génération entière a été
confrontée à la guerre. Aucun métier n'y a échappé. En musique, Maurice Ravel
délaisse son piano et conduit des ambulances au front. En peinture, Otto Dix range ses
pinceaux et devient mitrailleur. August Macke et Franz Marc, expressionnistes du groupe
d'artistes munichois Le Cavalier bleu, sont abattus en 1914 et en 1916. En littérature,
Alain Fournier ne donnera jamais de suite au Grand Meaulnes, il disparaît dans un bois,
on retrouvera son corps soixante-dix sept ans plus tard. Certains survivent, marqués à
jamais. Apollinaire qui débutait son poème Zone en 1913 par cette phrase " À la
fin tu es las de ce monde ancien ", est gravement blessé avant de mourir de la
grippe espagnole. Maurice Genevoix, blessé lui aussi, a vu tant de camarades périr ; il
s'attelle dès sa convalescence à une uvre monumentale, Ceux de 14, pour leur
rendre hommage. Blaise Cendrars perd un bras aux combats de la ferme de Navarin ; il
écrit " J'ai le sens de la réalité, moi, poète. J'ai agi. J'ai tué. Comme celui
qui veut vivre. "
Désormais, la littérature ne peut continuer comme avant. Hugo, puis Tolstoï, ont
emporté leurs épopées faites de passé simple et de plus que parfait. On ne peut plus
écrire qu' " Anna Palovna Scherer accueillit le prince Basile ", ou que "
Jean Valjean reconnût parfaitement Javert ". La Guerre et la Paix ou Les Misérables
sont devenus d'un coup obsolètes, relégués dans l'urgence d'un passé composé,
c'est-à-dire, au sens littéral, qui compose avec le présent : " J'ai tué. Comme
celui qui veut vivre ".
(26/05/2019)
Quelques
extraits de Y, travail en cours :
" La même année 1908, Tolstoï fêta ses quatre-vingts ans, ou plutôt, celui qui
désirait être détaché le plus possible des contingences de la vie matérielle, accepta
qu'on organise des cérémonies en son honneur. Sophie, son épouse fidèle et dévouée,
aimante et envahissante, relate l'extraordinaire popularité dont jouissait l'écrivain :
" Que d'amour et d'enthousiasme le monde lui témoigne ! ", écrit-elle, en
précisant qu'il a reçu environ deux mille télégrammes. Si elle remarque qu'" il a
beaucoup vieilli cette année ", l'image que donne Léon Tolstoï au monde est bien
différente. Des films ont déjà été produits sur sa vie au début de ce siècle, l'un d'eux a même été tourné le jour de son anniversaire mais sa
qualité est médiocre, on n'aperçoit pas l'écrivain, juste son épouse et quelques
habitués de sa demeure d'Yasnaïa Poliana. En revanche, d'autres pellicules
dévoilent un patriarche solide, reconnaissable à sa longue barbe blanche. On le croit
vieillard, mais les images sautillantes de l'époque le montrent d'une agilité
étonnante, descendant de calèche avec souplesse, montant à cheval avec aisance, parfois
lui et sa monture parcourent des sentiers couverts de neige On le voit, retirant ses gants
en plein hiver, semblant éternellement occupé. Un an après, à plus de quatre-vingt un
ans, il écrit dans son journal à la date du 11 octobre 1909 : " Fait un tour à
cheval très agréablement ". Quelques jours plus tard, changement d'activité, il
note encore : " Le soir sont arrivés six hommes avec un gramophone et un
phonographe. C'était très pénible. Il était impossible de refuser ". Il
enregistrera dès le lendemain des extraits de ses écrits en quatre langues. Dans un fragment en français, retrouvé et disponible, on entend sa voix
assurée, sa diction presque sans accent. " L'homme est un animal faible et
misérable tant que dans son âme ne brûle pas la lumière de Dieu ", dit-il.
Cinéma, enregistrements : on mesure combien ce début de siècle apporte comme
nouveautés et comme moyens de se souvenir. "
(17/05/2019)
La
semaine dernière, j'avais comparé l'écriture à l'aménagement d'une maison, murs comme
des paragraphes, pièces comme chapitres, inévitables longueurs de couloirs
etc.
J'ai souvent comparé aussi l'écriture comme l'idée d'embarquer dans une sorte de long
voyage en solitaire en voilier, une épopée à la Moitessier.
Evidemment Y se prête particulièrement à un tel tour du monde. En y
réfléchissant, m'est venue l'expression " avec les moyens du bord ",
expression qui résume à la fois le pragmatisme de l'écriture, son humilité (de même
que Moitessier ramassait sur les quais de ses escales le moindre bout de cordage pouvant
se révéler utile), l'idée aussi d'un voyage circulaire à l'intérieur de la coque du
navire qui vient se substituer à la " circumnavigation ", de la même manière
que le voyage de l'écriture en réalité ne dépasse pas la rotondité de notre crâne.
Les moyens du bord pourraient être ces matériaux, ceux enfouis sous la dure-mère (et
combien cette expression est adéquate pour désigner les mystères de nos pachyméninges)
ou ceux immédiatement circonscrits à notre univers immédiat, le clavier sur lequel je
tape, l'écran qui aligne mes mots, les livres, carnets, feuilles, atlas, arbres
généalogiques, photos, romans favoris, recherches Internet, traducteurs divers de
langues étranges, dossiers qui m'entourent, et même la bière en récréation. De la
même manière, sur un bateau, ce serait le sextant, les cartes marines, l'indispensable
à portée de main et au-delà, l'océan dans laquelle se déploie notre imagination sans
limite. Pareillement, au-delà des livres, de l'ordinateur, au-delà du merisier de mon
bureau, s'ouvre mon océan de mots, d'imagination, l'histoire à bâtir avec du rien. Les
moyens du bord, c'est ce qui explique peut être le désintérêt que j'ai à aller me
rendre compte sur place : quelques uns au courant de mon projet m'ont demandé si je
comptais aller dans les Balkans de Y que je décris. J'ai longtemps cru que je le
ferais, que ce serait indispensable pour écrire. Mais plus le livre avance (en suis-je à
la moitié ?), plus je pense que cette démarche m'est inutile : comme Moitessier, je
préfère rester à bord du navire et n'accoster que le dernier jour, voire doubler mon
tour du monde pour être bien rassasié.
(09/05/2019)
Écrire,
comment ça se passe ? Ah, la question que j'aime ! Peu à voir avec Écrire,
pourquoi ?, ce livre collectif auquel j'avais participé en 2005 et répondu par
une pirouette forcément. Mais la question du comment, multiforme : l'inspiration comment
ça se passe ? L'écriture, c'est quand ? Comment avance-t-on dans un livre ? Questions de
Charleville ou d'Argenteuil, de lecteurs ou d'écrivains même dans ces échanges qui
toujours me fascinent et probablement parce que ça oblige à soi même décortiquer les
moments infimes (et intimes) de l'écriture (ses tropismes aurait dit Nathalie Sarraute).
Et les phrases dites, qui font réfléchir : Chez Lyonel Trouillot - voir en Note de
lecture - chaque phrase d'un roman semble unique et réfléchie, un tout insécable comme
dans sa poésie. Constat pour moi que bien des phrases de mes romans procèdent non pas du
remplissage mais d'un superflu obligatoire qui emporte la narration dans la nécessaire
linéarité de sa lecture. J'écris linéaire (le plus souvent), je fabrique du temps de
lecture et mon temps d'écriture s'y confond, avance en parallèle. Dans Y en
cours, je me faisais la remarque que certains paragraphes sont peu intéressants (ou du
moins ils ne m'intéressent pas), ils ne creusent pas, restent à la surface des choses
sont des prétextes (au sens propre) à passer vers d'autres tableaux comme lorsqu'au
cinéma on remarque peu la scène où un voyageur monte dans un train : ce qui importe
c'est ce qu'il fera à destination. D'autres pages en revanche sont creusées, évidées
jusqu'à la moelle parce qu'elle sont importantes (dans Y, la mort par exemple de
deux arrière arrière-grands-parents en 1873 à un mois d'intervalle). Les phrases sont
alors non plus insécables mais l'ensemble forme un tout compact, donne la couleur du
papier peint.
En fait, écrire serait habiter une maison. Chaque pièce est un chapitre, chaque mur un
paragraphe. Certains n'accrochent pas le regard, d'autres sont couverts de bibelots. Une
littérature qui me déplairait serait celle d'un catalogue de décoration où tout est à
sa place, où rien ne dépasse. J'aime, non pas le fouillis, non pas l'ambiance arrangée
à l'avance, mais l'évidence que la pièce ne peut être autre. Mon bureau par exemple
est encombré mais je sais d'instinct comment les objets et les livres cohabitent, j'en
connais les interactions, les chemins secrets. Ecrire serait cela : agencer le papier
peint, repeindre le plafond et, en même temps, élaborer les chemins secrets qui vous
ferons vous diriger plutôt ici que là, puis ressortir de l'endroit et vous diriger à
l'évidence dans la pièce suivante. Le livre terminé, on ressort de la maison :
certaines demeures vous déçoivent, d'autres vous indiffèrent, d'autres encore, vous
aimeriez y habiter : lire serait cela et dans le dernier cas, ce serait un bon livre. Pour
reprendre l'exemple de Y en cours, ma maison à la taille d'un château sans les
duchesses de Proust, ce n'est ni un presbytère, ni une usine, ni un lycée, j'aimerais
que ce soit un peu comme le palais du facteur Cheval, une ambition folle élaborée par sa
singularité même : et c'est peut-être d'ailleurs une définition possible de la
poésie.
(02/05/2019)
C'est
en discutant avec mon éditrice du futur livre Y que j'ai repensé à Central,
mon premier roman chez Fayard. Premier roman tout court d'ailleurs, car si j'avais publié
quelques mois plus tôt La Réserve aux éditions Dominique Guéniot, j'ai
toujours considéré que Central était le déclencheur initial de mon écriture.
Le titre d'ailleurs s'était imposé à moi facilement : Central, comme le
central téléphonique de ma ville dans lequel j'avais travaillé neuf années et ainsi le
récit qui s'y rattache. Mais aussi "central ", car en publiant ce premier livre
dont le premier mot est "Central " et le dernier pareil, j'avais accompli une
sorte de révolution, de réflexion périphérique autour de la littérature
("comparer avec l'escargot de ma quête, l'enroulement du boa ", avais-je
écrit). Ajoutons à cela que je publiais cet opus à quarante-deux ans, donc, peu ou prou
au "centre " de ma vie terrestre et accaparé par le désir de placer
l'écriture au "centre " de celle-ci. Beaucoup de symboles donc.
Et en discutant du nouveau livre dont l'action se passe dans les Balkans, en Europe
"centrale " donc, j'ai trouvé là encore un autre symbole qui m'avait échappé
à la publication de mon premier livre. Pourquoi relier Y à Central ?
Parce que le livre en élaboration me fait fouiller dans les tréfonds d'une mémoire
familiale et il paraît de plus en plus évident que je cherche à y trouver l'origine de
ma passion littéraire. Je me pose donc au centre, là où tout a commencé, où tout ne
cessera jamais de recommencer. On imagine à tort, chauvins de français, que le milieu
(le centre) se situe dans notre pays, mais en réalité, tout se joue dans la bien nommée
Europe centrale, entre histoire personnelle et histoire collective, au centre de ces
cercles concentriques.
(26/04/2019)
Terminé le troisième livre de Y le 31 mars dernier.
Jen suis à la moitié de ma vaste saga qui comptera six livres en tout. A titre de
comparaison, cette organisation est calquée sur Guerre et Paix (4 livres) ou Les
Misérables (9 livres). Jen suis à plus de 500 000 signes, ce qui est
faible par rapport aux uvres de Tolstoï et Hugo et Y au final devrait
atteindre (dépasser ?) le tiers de ces longueurs. Ce sera tout de même
puissant : il me paraît probable que les mille pages seront égalées, il me reste
en effet trois livres à écrire mais le
contexte sintensifie, la modernité nous a gratifié dhorreurs et certains
passages vont devenir hallucinatoires, venir gratter la peau même de nos vies plus nous
nous rapprochons daujourdhui.
Plus en effet, le récit savance, plus la fiction se modifie. Ce qui était
jusqualors cantonné à des recoupements historiques, laissant la part belle à la
fiction devient, non pas plus véridique, mais soumis à des réalités qui influencent le
récit. Par exemple, les photos, le cinéma, les reportages, tout ce qui perturbe notre
perception sera à prendre en compte, mais aussi le ressenti médiatique, les
témoignages, qui, au fur et à mesure que je vais mavancer, vont sinscrire
dans lactualité. Reste aussi plus intimement les souvenirs qui agissent en nous
comme des petits films muets, les clichés que nous observons minutieusement pour percer
leur mystère, tout cela creuse le roman, le travaille le force à débusquer du sens, à
ramener nos petites individualités dans le grand creuset collectif.
Je dois aussi prendre en compte lévolution de la langue, de lécriture et
plus généralement des arts à travers les deux siècles qui recouvrent mon récit. Par
exemple, combien il est étonnant de constater que la route de labstraction en
peinture, donc léloignement dune certaine réalité figurative, vient
sinscrire au milieu dautres arts qui eux témoignent de ce qui fût,
photographie, cinéma, pour ne citer queux. De même en littérature, comment
prendre en compte limpossibilité « décrire après Auschwitz » ou
la révélation dune « ère du soupçon », chère à Nathalie Sarraute
et au Nouveau Roman. Voici les défis qui mattendent pour la deuxième moitié de Y.
(15/04/2019)
Antoine Emaz est mort le 3 mars à Angers : coup de massue. Je nai jamais
rencontré Antoine Emaz (ni Holder, ni Varda), mais il mavait tenu compagnie pendant
de longues heures, au point où javais consacré une note de lecture le 28/12/2011 pour son recueil Cambouis, au
point où javais recopié nombre de ses phrases dans la note décriture du même jour, au point où je me souviens
quil mavait accompagné en pensée une semaine plus tard sur les terres de
Gracq, pas si loin dAngers. Cest étrange, jai appris sa disparition
alors que je venais davoir connaissance de celle dEric Holder, un peu par
hasard, parce que La Quinzaine littéraire, dans son 2° numéro de mars, sans la
mentionner, avait rédigé une sorte dhommage qui la laissait entendre. Pour Emaz,
cest encore par hasard sur Internet que je lai apprise, je ne me souviens plus
par quel biais ni à travers, quelles recherches (les miennes sont presque exclusivement
tournées vers les Balkans et la Mitteleuropa en ce moment), car cest
lapanage du Web de nous enlever toutes traces. Notons toutefois que le numéro
suivant de La Quinzaine littéraire (du
1 au 15 avril) évoque Emaz et son dernier opus Décrire, un peu. Holder,
Emaz, ainsi, deux écrivains provinciaux, lun à Angers, lautre dans le
Bordelais, provinciaux en synonyme de ceux qui ont préférés fuir les sirènes de la
capitale et faire soi-même peu de bruit. Et le même âge ou presque, qui est aussi le
mien, moi qui suis pareillement provincial, qui lis pareillement, comme eux avaient dû
léprouver, les critiques de ceux qui vous nomment « auteur discret »,
prompt ainsi à leffacement. Mais cest ignorer que dans Vie prolongée
dArthur Rimbaud, jai écrit plusieurs fois que les poètes ne meurent
jamais, dont acte : dEmaz, je vais relire Cambouis et Cuisine.
(02/04/2019)
Y est un roman familial. Et aussitôt que je dis
cela, je sais que cest insuffisant, que cest mille fois plus que cela :
une sorte de Guerre et Paix dont les vrais
héros auraient tous existé, bisaïeuls, trisaïeuls et davantage, certes plus modestes
que ceux évoluant dans les salons russes de Tolstoï, mais tous ayant connu la malchance
extraordinaire davoir été là quand il ne le fallait pas. Pour donner une
idée : mon grand-père avait 11 ans et vivait à côté de Sarajevo lorsque
larchiduc François-Joseph a été assassiné, entrainant la Première Guerre
mondiale, et mon père, à 15 ans, était à Berlin en mai 1945 lorsque sest
terminée la Deuxième Guerre mondiale. Voilà pour les raccourcis historiques. Raccourcis
dont jai peut-être hérité si je juge mes propres voyages : Syrie, Yémen et
Iran, avec à chaque fois le chaos moins dun an après. Sans compter que lorsque
nous prévoyions, mon père et moi, de retourner vers sa Bosnie natale au début des
années 90, juste après sa retraite, il sen est fallu dun cheveu pour
quon se retrouve en plein conflit. Tu imagines, ma-t-il dit, Srebrenica
nest pas très loin (et combien est touchant son imparable accent serbo-croate
lorsquil cite ces noms). Adieu donc le projet de retour, le temps a passé et mes
parents ne pourraient plus entreprendre un tel voyage. Cest moi qui leur rends
visite et, vendredi dernier, le hasard a permis pour la première fois depuis longtemps de
passer en tête à tête quatre heures avec mon père. Mes parents sont du genre
fusionnel, tant mieux, mais jai rarement loccasion dêtre seul avec lui
et javais vraiment envie quil réponde à mes questions sur Y. Jusquà présent, le sujet de sa jeunesse
a rarement été abordé en détail, parce que ce passé est complexe et lointain, et
parce que la vie nous pousse naturellement à rester dans le présent ou à penser au
futur.
Au fur et à mesure que javance dans Y, en
effet, de découvertes en découvertes, le paysage familial séclaire et suscite
toujours dautres interrogations. Javais apporté les papiers militaires de mon
grand-père, que javais récupérés il y a longtemps (pensais-je déjà à Y ?), ainsi que différents documents écrits
en serbo-croate, mêlant parfois lécriture latine et cyrillique. Javais
également apporté une copie de certificats dimmigration retrouvés par chance sur
le Net et surtout, faits très rares, avec photos didentité, où mon père a pu
ainsi reconnaître sa tante et son parrain perdus de vue depuis 70 ans
Après-midi
faste, car de son côté, il ma donné des dates précises et un déroulement des
faits sans faille, sa mémoire demeure exceptionnelle. Il a traduit aussi les papiers de
mon grand-père, la langue natale se perd rarement et jaime beaucoup quand il me
reprend lorsque je propose une prononciation malaisée dun nom bosniaque. Nous avons
extirpé dautres vieux documents constitués pour sa naturalisation française
obtenue en 1973, ainsi que des extraits de naissance et de mariage de mes grands-parents,
bref, beaucoup de zones dombre se sont éclairées. Cest drôle, on pourrait
penser quun roman, entrepris dans son essence fictionnelle même, peut se passer de
faits véridiques. Mais paradoxalement, plus les faits sont précis, plus mon imagination
sen nourrit et plus la fiction alors peut déborder le cadre. Lexemple de Vie prolongée dArthur Rimbaud est
particulièrement parlant : uchronie
évidement inventée de bout en bout, mais où le moindre bouton de culotte du poète est
attesté.
Lorsque la parole de mon père sest accélérée, ses souvenirs remontant à la
surface, jai eu lidée denregistrer via mon mobile notre conversation,
mais jai rapidement abandonné lidée et jai préféré la marquer à la
volée sur mon carnet (voir ci-dessous au 04/02/2019). Cette note décriture est
aussi un moyen de noter ce moment très important pour moi, pour nous deux. Par exemple,
ses souvenirs de leur maison à Zenica, en haut dun chemin qui menait à un
cimetière orthodoxe, leau pas raccordée, juste une source captée par son père,
les parties dans la neige, avec son chien qui remontait la luge, la manière dont la ville
était organisée avec ses églises catholiques, orthodoxes, ses mosquées, sa synagogue
et le grand complexe sidérurgique dans lequel travaillait mon grand-père. Bien sûr, son
récit le plus riche en aventures et le plus émouvant est celui de leur fuite éperdue
dans la grande débandade de Berlin à partir de mai 1945. Deux mille cinq cents
kilomètres et quarante-cinq mois derrance au total, sans argent et sans papiers.
Frontières longées, traversées sans justificatifs, les soldats refoulant les réfugiés
dun pays à lautre, les internant, les interrogeant dans cette déambulation
du Nord au Sud, frôlant la Pologne jusquà lentrée en Yougoslavie, passant
par la Tchécoslovaquie, la Hongrie, puis, cap vers lOuest, lAutriche et enfin
la France. La famille mettra un an et demi avant dêtre réunie à nouveau. Il faut
imaginer ma grand-mère, sans nouvelle de son mari, restée seule avec cinq enfants, le
dernier navait pas un an en mai 1945, mon père était lainé à quinze ans.
Il faut les imaginer dormir nimporte où, se nourrir de nimporte quoi,
survivre jour après jour...
Et comment, après avoir remué tous ces souvenirs qui viennent parfois le hanter
(Lautre nuit, je me suis rappelé du nom du village où nous étions au Nord de
Berlin, dit-il encore), conclut-il par « Nous avons bien travaillé » lorsque ma mère rentre de son rdv, lui montrant
nos papiers étalés sur la table de la cuisine, comme sil fallait encore et encore
prouver limplication sans faille et la vie laborieuse qui a été sienne.
(25/03/2019)
Alors que jentreprends un livre
qui évoque des deux cent trente dernières années, je suis confronté comme pour Vie prolongée dArthur Rimbaud à restituer
la langue dorigine (enfin pas tout à fait, laction se déroulant en terre
étrangère), cest à dire celle qui avait cours à lépoque. En effet, comme
pour VPAR, je retrouve la puissance de ce
vocabulaire issu du XIXème siècle, particulièrement foisonnant et apte à retracer
lambiance. Et comme jai en ligne de mire Les
Misérables de Hugo et La Guerre et la Paix
de Tolstoï, jécris dans le style avec personnages variés et formes désuètes de
la conjugaison au passé simple et à limparfait. En revanche, Vie prolongée dArthur Rimbaud
sachevait en 1921, et le style de lâge dor du roman balzacien, même
sil était déjà ébranlé par une certaine modernité, avait persisté jusque-là
avec Proust : je navais donc pas pu faire évoluer de façon spectaculaire ce
style. Jai en projet pour Y dont
laction traverse le XIXème, le XXème et notre début de nouveau millénaire de
faire coïncider les évolutions de notre langue avec lépoque traversée, en gros
de faire coïncider lhistoire de notre écriture avec le cheminement des intrigues.
La difficulté bien sûr est de discerner ces époques décriture. Lâge
dor du roman (hugolien, tolstoïen en ce qui me concerne) persiste probablement
jusquau choc de la Première Guerre mondiale, lequel entérine lévolution
commencée avec lArt moderne au début du siècle (Picasso, Les Demoiselles dAvignon, 1907) :
côté littérature, voir Cendrars, Apollinaire, le Surréalisme, dautres
Mais
pas Rimbaud, nen déplaise à ceux qui le perçoive comme un génie
annonciateur : il demeure pour moi un poète de lancien monde. Le deuxième
choc esthétique suit la fin de la Seconde Guerre mondiale : remise en question du
nouveau roman, lequel persistera sous des formes diverses bien après Mai 1968. Il faudra
que jaille enquêter du côté de Duras, Beckett, Claude Simon. A lheure
actuelle, la littérature est devenue « profuse et variée » pour reprendre
les termes de luniversitaire Dominique Viart. Une tendance tout de même
sétale depuis environ deux décennies, le recours systématique au
« je » comme forme principale du narrateur (Carrère, Houellebecq, pour ne
citer queux). Voilà létat du chantier de Y dans ces fondements esthétiques à creuser. Et
cest sans compter que cette analyse française doit être également complétée par
les spécificités de cette Europe centrale que je raconte : sans doute que Franz
Kafka, Milan Kundera, Ivo Andric et Herta Müller ont autant à mapprendre.
(17/03/2019)
Vouloir rompre le sortilège de
Baudelaire : Jhabite pour toujours un
bâtiment qui va crouler, un bâtiment travaillé par une maladie secrète. Au
contraire, vouloir écrire un monument, tenter la longue et vieille distance quon
nose plus : écrire Les Misérables
ou La Guerre et la Paix. Convoquer Hugo et
Tolstoï, donner au lecteur une distance similaire, signifier : Voilà
lhistoire, il faut tout lire. Leur laisser un pavé et leffort : ce que
je tente. En suis-je capable ? Les Misérables
et La Guerre et la Paix ont en commun plus de
deux mille pages, cinq cents mille mots, trois millions de caractères. Hugo y travaille
pendant trois ans entre 1845 et 1848, sinterrompt pendant douze années et le
termine en deux ans, de 1860 à 1862. Tolstoï, quant à lui, élabore son uvre
pendant dix ans, de 1863 à 1873, comme sil prenait la suite de Hugo. Si on veut
lire les deux livres à la queue-leu-leu, il faut y consacrer pas moins de six mois en
lisant chaque jour vingt à trente pages : qui est capable de sy coller de nos
jours où le monde tourne sy vite ? Vouloir
écrire un monument, voilà qui est présomptueux, ce que je vise est plus modeste,
seulement un tiers des Misérables ou de Guerre et Paix, dépasser un million de signe,
peut-être deux cents mille mots, approcher ou dépasser les mille pages : le sujet
de Y sy prête, il me serait même
difficile de faire moins. Il y a aussi la volonté de faire cadeau de deux mois de lecture
à qui veut. Jai toujours pensé quun écrivain était un fabriquant de temps,
jai toujours aimé lidée quà lépoque où chacun se plaint du
manque de temps, lécrivain était un des rares métiers où on peut fournir des
heures dévasion à convenance de chacun. Proposer mille pages, cest avancer
à contre-courant, cest demander un effort à qui sera intéressé, et, toute
proportion gardée, cest retrouver un art de vivre digne du XIXème siècle avec
cinquante jours ou deux mois de lecture ininterrompue. Il y a toutefois une différence
entre Hugo, Tolstoï et moi : au lieu des cinq ou dix ans quil leur fallut pour
rédiger leurs deux monuments, je compte réduire à seulement vingt mois lécriture
du mien.
(11/03/2019)
Vous avez tout à lheure évoqué lécriture comme un mélange de fascination
et de dégoût. De plus, lorsque le passé sinsinue dans le présent, il est
douloureusement vivant. Les angoisses, larbitraire auquel vous étiez soumise, la
douleur due au décès de vos amis, la fureur de vous être fait voler votre existence,
rien nest révolu.
Oui, lécriture est une nécessité intérieure qui vient à bout dune
résistance intérieure. Jécris toujours pour moi et contre moi. Pour mettre une
chose par écrit, jattends toujours quelle soit inéluctable. Je retarde le
moment de lécriture, sachant que dès le début, elle menvahira tellement que
jen aurai peur. Une fois que je suis dedans, elle mavale complètement. Le
langage abolit le temps, il embarque le vécu dans une recherche méticuleuse du mot, de
la cadence, de la sonorité. Cette minutie a sa rudesse, et une force dattraction à
laquelle je narrive pas à échapper ; mais comme elle est aussi enveloppante, je
crois quelle me sauvegarde. Ce magnétisme de lécriture existe pour de bon,
sinon jy aurais renoncé depuis des années. Si je parle de rudesse, cest
peut-être aussi parce que je ne choisis pas mes sujets, quils doivent beaucoup à
larbitraire extérieur, à cette vie volée. Je parle de sauvegarde, sans doute
parce que je me pose cette question : suis-je moins atrocement à la merci du vécu parce
quau bout du compte, ces mots si difficiles à trouver me viennent en aide ? Les
mots engendrent une sorte de soif des mots : de nouveaux vocables se forment, et ils me
montrent des choses quautrement je naurais pas vues.
Quand jécris, le vécu mobserve une nouvelle fois, et il me jette un autre
regard : un regard vitreux, tout sauf naturel, comme si le vécu se connaissait à la
perfection, tout en signorant totalement. Ce qui sest déjà produit se
reproduit, quand on écrit. Dans le vécu, par conséquent, rien nest achevé. La
réussite ou léchec de lentreprise tiennent à la langue : mes hésitations
et ma peur de ne pas être à la hauteur de ce regard vitreux, peu naturel, viennent de ce
dilemme. Jai beau hésiter, jen viens toujours à me mettre à écrire, à un
moment donné. Je me fie à lécriture depuis des années, je crois. Et donc, au fil
du temps, jai adopté cette habitude extérieure à moi : à laide du langage,
jessaie de jeter un nouveau regard sur ma vie, ce qui suppose de lendurer une
seconde fois. Pourtant, au sein de cette habitude, jai toujours peur dun
double échec, de narriver ni à lobserver de nouveau, ni à lendurer
une seconde fois. Ce double doute est nécessaire, sinon on a déjà perdu, au fond.
Vous est-il arrivé de jeter des textes à létat débauche ?
Peut-être pas de les jeter, mais dy renoncer provisoirement pour y revenir
plus tard. Le début est presque toujours inutilisable. Il marrive souvent de me
lasser de la première personne, mais au deuxième, troisième ou quatrième chapitre, si
je maperçois que le mot « moi » donne à la phrase un caractère autrement plus
sensuel, le texte restera ainsi, même si jen ai assez. Bien que le texte semble
achevé, je le relis une vingtaine de fois. Chaque lecture donne une nouvelle variante. Ce
sont souvent des détours, et je reviens à la toute première version. Mais ce nest
pas inutile, car la validité de cette première version, je ne la vois quaprès
avoir essayé une vingtaine dautres possibilités.
Cest exactement ce qui marrive quand je relis un de mes textes
dautrefois : ce nest pas leur teneur que je voudrais changer mais le souffle
des phrases.
Que savez-vous en premier, quand vous commencez un nouveau livre ? Sur quelle période
vous allez écrire, sur quelle situation, sur quelles personnes où est la matrice,
si lon peut dire ?
Souvent, cest une seule situation, une situation initiale qui, à elle seule, a
déjà une connaissance approximative de lensemble. Approximatif, cest le
contraire de précis, or écrire suppose un maximum de précision. Ce que je veux dire,
par « approximatif », cest quil reste encore tout le travail
dagencement, de structuration, de succession des détails. Il sagit de
mentionner ou domettre, de suggérer ou daccentuer, dallonger ou
dabréger, dexacerber ou de tempérer, dexpliciter ou de mettre en
retrait le tout simultanément. On sent là une réorientation : la logique de la
réalité se soumet à la langue. Autrement, il ny a pas de récit. Je ne peux pas
prédire ni même prévoir comment la langue va décaler ma connaissance du vécu, va la
démonter, la reconstruire dune autre façon, jusquà ce quune séquence
de mots lui corresponde plus ou moins. Une séquence verbale devient une vérité fictive,
et pourtant, sa facture est artificielle, lirréel acquiert de la validité, dans le
texte, grâce à un langage adéquat. Quand un sujet est inquiétant, ou justement parce
quil lest, il doit avoir de la beauté, une fois dans la langue. Je ne
supporterais pas décrire si lessentiel du texte nétait pas la vérité
inventée de la langue, celle où le beau fait mal.
(Extrait de Tous les chats sautent à leur façon, d'Herta Müller, les
questions sont d'Angelika Klammer)
(03/03/2019)
Jaurais pu intituler cette rubrique lécrivain sur ses terres, mais après
avoir vu à la télévision lhéritier du comte de Paris (enfin je crois, je me
perds toujours dans la noblesse) qui revendiquait lhéritage de papa en souhaitant
endosser la couronne des rois de France, jai trouvé que lécrivain en son
royaume était bien trouvé pour évoquer la rencontre que jai eue avec les lecteurs
de ma propre ville. Il y a toujours un petit côté snob et aristocrate de se montrer
ainsi dans son environnement familier. Toutefois, le fossé est moins grand que pour le
comte de Paris, qui veut bien dans sa grande bonté quon sadresse à lui
autrement que par « Monseigneur » ou « mon prince » (il revendique
ainsi sadresser à tous les français y compris les gilets jaunes - si, si, il
la vraiment dit-). Pour moi donc, la plupart de ceux qui me connaissent
mappellent Thierry, cest plus simple. Car la grande caractéristique
dune signature à domicile est quon y invite ceux quon connaît, membres
dassociations quon fréquente, famille, amis. Et puis lécrivain en son
royaume est connu : pas moins de six pages dinterview et de critiques pour Sans trace, quinze jours dans le magazine du
journal local avant ladite rencontre-dédicace. Du coup, on men parle lors de
rencontres diverses au hasard de ma vie sociale active (il ne faut pas croire que la
province est sclérosante, on participe autant aux sorties que dans les grandes villes et
les propositions culturelles sont aussi nombreuses). Par exemple, à côté de quelques
personnalités de la ville côtoyées lors dun concert de lOctuor Mendelssohn,
jai revu Michel Bernard et, à ma dédicace, est également venu en voisin Pierre
Rival, tandis que jai eu grand plaisir à retrouver Armand Gautron venu me saluer
juste avant : voilà pour quelques écrivains qui résident dans mon royaume. Et la
vie locale réserve toujours quelques surprises, comme la fois où jai discuté
littérature avec un voisin, lui rejoignant sa camionnette dartisan et moi en sabots
de jardin, outils à la main. Et récemment, suite au fameux article, une dame ma
laissé un message sur mon téléphone : elle ne savait pas où trouver mon livre. Eh
oui, on oublie toujours que les livres ne sont pas au faible rayon librairie-papeterie des
supermarchés à côté des aspirateurs, non, cest tout, sauf des livres, ça, ma
bonne dame
Il faut aller dans des vraies librairies, tenues par de vrais libraires,
et non des poissonniers recyclés au rayon livres. En parlant de vrais libraires, il y
avait autrefois dans ma ville natale une vraie librairie qui a fermé. Faute de repreneur,
les deux ou trois libraires ont été embauchés par une grande surface au rayon livres,
cétait plutôt pas mal, sauf que leurs compétences se sont fondues dans la grande
machinerie des commandes en gros, et peut-être même ont-ils échoué au rayon
poissonnerie. Ainsi, il est impossible faute de librairie à de trouver mon livre à
Langres, là où je suis né, ni même de le commander via le supermarché local :
place à lanonymat des centrales dachat sur Internet. Lécrivain en son
royaume se sent dépossédé de ses biens : diantre !
(25/02/2019)
Cest toute une expédition pour arriver jusquau
lycée Jean Jaurès dArgenteuil. Pour moi qui habite dans le Sud de Paris, il faut
prendre le RER (ou le Métro comme ce fût le cas à cause de perturbations), rejoindre la
Gare Saint-Lazare où le trajet final ne prend quun petit quart dheure. Pour
autant, on nest pas arrivé lorsquon débarque à la gare, car le lycée est
encore à quatre kilomètres. Mais en ce tout début daprès-midi, il fait beau, la
perspective de prendre le bus ne ma jamais ravi, je décide donc darpenter
Argenteuil, après tout, la marche complètera agréablement les neuf kilomètres de
course à pied du matin. De plus, je ne connais rien de plus instructif que daborder
une ville par ses trottoirs et ses rues. Jai limpression de toucher la peau
dune ville, où quelque chose dintime et de caché va se révéler. On
traverse dabord le centre-ville plutôt cosmopolite. Des boutiques indiennes
voisinent avec des bijouteries et des restaurants de toutes nationalités. Et puis, sans
transition, après quelques carrefours, on entre dans des zones pavillonnaires, très
différentes de celles de ma banlieue sud. Ici, lhabitat est modeste, les maisons
minuscules et les rues étroites. Pas dopulence, pas de pavillons de cadres sup.,
aucune boboïsation, on sent que la ville est dabord pragmatique, orientée vers le
quotidien, faire bouillir la marmite, la vie quoi. Je longe un garage de véhicules
doccasion quon retape allègrement à coup de marteaux. Devant moi, une
palissade cache la construction dun futur entrepôt. Je dois approcher du lycée. Je
demande ma route à un employé communal tout heureux de pouvoir me renseigner et qui me
donne force détails pour parvenir à létablissement. Lentrée du lycée est
libre, on na pas besoin de montrer patte blanche à une guérite, comme ça se fait
de plus en plus, transformant malheureusement notre scolarité en univers carcéral du
grand savoir. Bref, me voici dans les lieux et Agnès, la professeure de français vient
maccueillir.
Il est temps de dire pourquoi je suis ici. Depuis quelques années, je participe à un
projet initié par lacadémie de Versailles et qui sintitule Écrire le travail. Le lycée Jean-Jaurès a eu la
bonne idée de faire plancher leurs élèves sur ce thème avec des écrivains différents
et prévoit dexposer fin mars les travaux réalisés. Ma venue est ainsi une prise
de contact avec une classe de seconde qui va participer. Pour cette seule et unique
séance de travail, il convient davancer vite. Jaimerais faire toucher du
doigt aux élèves le fonctionnement de lécriture, les rouages qui mettent en jeu
à la fois lauteur et le lecteur. Le sujet du travail sur lequel les élèves vont
écrire possède la difficulté de sa banalité : comment décrire le
quotidien ? le fait de se rendre au travail ? la succession des gestes ?
Nous sommes installés dans le CDI, dans une configuration que je juge parfaite :
deux moitiés de classe successives pendant une heure et demie. La première demi-heure
est consacrée aux questions : les lycéens ont lu FdR auparavant et ont rédigé beaucoup de
questions sur le métier décrivain. Cette prise de contact est très importante
pour moi, nous faisons mutuellement connaissance et je peux démystifier le
« métier » décrire (Quand vous aviez nôtre âge, vous étiez bon
élève ?.... Euh
). Lorsque les questions sont épuisées, nous constatons que
nous nous sommes rejoints : ils appréhendent mieux ce que peut-être un auteur et,
de mon côté, je suis redevenu lycéen
Nous sommes sur un pied dégalité et
lécriture proprement dite peut commencer. Je commence par leur expliquer ce que je
crois être une phrase littéraire par rapport à une phrase qui serait uniquement
informative. Et puis nous dérivons sur deux textes de Georges Perec que jadore,
uniquement composés de verbes (Emménager / Déménager in Espèces despaces). Je leur propose
décrire à la manière de Perec uniquement à base de verbes, la répétition
dune situation banale de leur quotidien (se lever, aller au lycée). Les résultats
sont étonnants, très vivants et très riches. Tous sans exception jouent le jeu avec
enthousiasme, lisent leur production avec entrain et se rendent compte au final
quavec uniquement des verbes, le lecteur arrive à saisir une ambiance et à
imaginer tout ce qui ne figure pas dans le texte : et si cétait cela la
littérature ?
(11/02/2019)
Lécriture à la plume nest pas mon apanage.
Depuis que lordinateur personnel existe, donc au milieu des années quatre-vingts
pour moi, jai relégué les stylos et les crayons et le vieil adage qui stipule que
la belle écriture est la science des ânes ma bien servi. Je nai jamais eu
envie dimiter les écrivains qui mont précédé et les brouillons de Proust
mindiffèrent. Au pire, si javais des interrogations, des notations sur le
livre en cours, je les intégrais en bas du texte constitué ou sur un fichier de
notations à part. Pour autant, je ne rechigne pas à lécriture manuelle,
jaime les beaux stylos-plumes, je rédige parfois de vraies lettres avec timbres et
enveloppes, portées par un vrai facteur, sans compter que mes études de lettres ne
mont pas laissé le choix quant au moyen dexpression pour les devoirs et
examens.
Il y a quelques années, une amie libraire ma offert en guise de clin dil un
carnet vierge intitulé Feuilles de route et
dont la couverture imite celle des romans de chez Gallimard. Jai trouvé à
lutiliser lorsque jai rédigé ma thèse. En effet, dans la grande bousculade
intellectuelle qui accompagne ce genre dexercice, il est parfois (souvent) plus
simple de saisir ce bloc-notes situé à vingt centimètres de lordinateur et
dy noter la phrase à ne pas oublier, le truc à penser absolument, la référence
à consulter. Il est écrit au crayon de papier, avec parfois des titres sentencieux, notes de thèse, accompagnées de la date :
ainsi la première note date du 20/01/2017 (et le carnet est dédicacé à la date du 1er
mai 2016 je me souviens nous étions avec lamie-libraire à Arras, au salon Colères du présent). La dernière date précise
un énigmatique 10 octobre à 14h, cest dailleurs la dernière notation du
livre, et je suppose que cest la dernière réunion prévue avec mon directeur de
thèse, puisque je passerai le grand examen deux mois plus tard. En fait jai noirci
vingt-six feuillets recto-verso. La plupart de mes notes sont sibyllines : titres
douvrages à ne pas oublier de citer, comptages divers de bibliographies, études à
ne pas négliger : « la question du je », ais-je inscrit le 30 mars,
ou encore « la fiction en équilibre » (au 30 avril). Bref, le carnet a alors
pris lallure dun pense-bête. Je ne suis pas sûr de lavoir exploité à
fond et davoir tout relu. Certains axes de travail ont été biffés, dautres
ont été entourés mais je me souviens avoir utilisé la plupart de ces pistes, par
exemple le « penser à replacer interview Robert Linhart par Laure Adler ».
Cest vraiment un work in progress.
Pour le nouveau livre Y, jai repris la
méthode du carnet et celui-ci sappelle justement « carnets » dans la
même collection rouge et or gallimardesque. Il est cette fois ci écrit au stylo-plume,
et cest important pour moi, de prendre mon pencil
préféré dans le tiroir de droite, tandis que je saisis à gauche de lordinateur
le calepin, il y a là un petit rituel de réflexion et de lenteur plus propice à la
notation romanesque. Aucune date ny figure contrairement à Feuilles de route. Les notes sont parfois
longues : tentatives décritures de paragraphes, réflexions notées suite à
la consultation darchives tout azimut, éléments à fouiller, à reprendre
ultérieurement. Là aussi, cest un work in
progress. A cette date, dix-neuf feuillets sont utilisés en cinq mois, peu de rapport
en fait avec les vingt pages hebdomadaires auxquelles je mastreins (voir ci-dessous,
lavant-dernier article du 21 janvier sur la comptabilité des pages).
(04/02/2019)
Alors que les médias traditionnels ne
se bousculent pas pour saluer Sans trace
après un mois de parution (à part Libération), quelques blogs en rendent
compte avec enthousiasme et je ne boude pas mon plaisir de les évoquer. Certains sont des
blogs de lecture (Clara et les mots, Mots pour mots), dautres sont plus politiques comme Danactu, dont jadopte
immédiatement le très beau slogan : « résister cest créer ». La
plupart ont déjà rendu compte de quelques-uns de mes livres précédents : cest
étonnant de sapercevoir « quon vous suit » alors que je demeure
toujours persuadé que mes livres, souvent mal placés dans les librairies, se vendent par
chance ou par malentendu (lors de ma dernière rencontre à la librairie Rimbaud de
Charleville-Mézières pour la sortie de VPAR en
poche, jai vendu un livre « par dépit » à un lecteur déçu de
sapercevoir que le livre quil cherchait dun autre auteur- était
indisponible). Bien-sûr, entendre parler du livre tout juste paru dune belle façon
me touche au cur : jai limpression davoir réussi quelque
chose qui me paraissait incertain, ou du moins dont lélaboration me paraissait
confuse et lhistoire tarabiscotée. Pour certains, Sans trace est de la même veine quIls désertent. Je me souviens, à la parution de ID, de mes craintes similaires davoir écrit
une histoire étrange qui nintéresse personne.
La lecture de ces articles me donne une idée de ma représentation en tant
quauteur, de la manière dont je peux être perçu, de limage politique que je
donne. Libé, Danactu me positionnent à gauche
toute (pourquoi pas, même si mes idées politiques confuses ne sont pas partisanes) parce
que jécris sur des gens ordinaires et des préoccupations quotidiennes, ce
quon résume souvent par « roman social ».
Lautre image que je donne est celle dun écrivain préoccupé par la
banalité de nos vies et le mot qui revient souvent est « humanité » :
je me sens en accord, lhumanité, pour les caractères plutôt optimistes comme moi,
résulte de notre part de créativité décuplée par le quotidien, le fameux
« aide-toi et le ciel taidera ». Cest probablement une des raisons
qui me font opter pour le roman, parce que ce genre napporte jamais de réponse, de
leçon (sinon ça sappelle un essai), mais un éventail de solutions et le hasard
bien souvent choisit à notre place. Autre fierté aussi, on dit que jai une
écriture « fine », « précise », ça me ravit parce que souvent
jai limpression dêtre un peu à côté du style, comme si je marchais
sur un chemin incertain en faisant attention de ne pas salir mes chaussures, en calculant
mes pas et en retombant parfois lourdement dans une flaque.
Et puis ce qui me plait dans ces blogs qui existent depuis longtemps, ce sont justement
leur persistance en dehors des modes à lépoque des chaînes Youtube et des mirages Facebook (citons aussi celui, institutionnel mais
vivant, de la Médiathèque départementale du Doubs). Cela garantit des
visions honnêtes, me semble-t-il, à lécart dinfluence et daudimat, de
retour dascenseur et autres intérêts partagés. Les maisons dédition qui se
contentent à 99% des médias hors Internet, devraient sen préoccuper davantage
(après tout peut-être pas, évitons le trafic dinfluence). Enfin ce qui me plait
également, ce sont les commentaires, les vraies discussions entre lecteurs sur ce
quon aime, ce quon naime pas et pourquoi.
(28/01/2019)
Lécriture pour moi est avant
tout une histoire de mimétisme. Lorsque jai écrit pour la première fois un long
manuscrit (Martin Martin) à lâge de
vingt ans à une époque où lordinateur nexistait pas et où je me sentais
trop éloigné des machines à écrire, javais choisi un carnet à cet effet qui
ressemble le plus possible au format dun livre. Je mastreignais à vouloir y
écrire au stylo comme si le livre (lobjet livre) allait se constituer de lui-même,
non pas par la simple magie de ce que jécrivais, mais seulement parce que la
calligraphie, les mots les phrases étaient disposées, ajustées comme celles dun
livre. Mimétisme donc, qui ma poursuivi dix ans plus tard lorsque jai voulu
reprendre et terminer cette première histoire. Et entre temps, lordinateur était
apparu, apportant avec lui les caractères imprimés semblables aux contenus des romans,
un pas de plus donc vers la ressemblance avec la forme dun livre.
En revanche, je ne sais pas exactement quand ma pris cette obsession de vouloir
calculer, estimer le nombre réel de pages de chaque « tapuscrit » entrepris (
le manuscrit avait entre temps viré en tapuscrit, c'est-à-dire en accumulations
virtuelles de pages de traitement de texte, relayées en existence physique par le biais
dimprimantes). Toujours est-il quà la sortie de mes deux premiers romans en
2000 (La Réserve et Central), chez deux éditeurs différents,
javais un point de comparaison entre la mise en page que javais effectuée sur
ordinateur et le résultat final et physique du livre terminé. Les publications
saccumulant, jai fini par simplifier mon estimation entre dun côté ce
que jécrivais sur un traitement de texte familial avec une police de caractères et
une mise en pages classiques et de lautre ce que ça pouvait donner une fois le
livre imprimé : il suffit daller dans longlet statistique, de regarder
le nombre de caractères avec espace et de considérer que 1000 characters with space (jai un Word anglais)
sont à peu près équivalents à une page de roman. Citons comme exemple Ils désertent, 243000 caractères et 252 pages au
réel, simple non ? Le suivant, Faux nègres,
avec 446000 caractères et 422 pages au final respecte à peu près cet abaque, de même
que Journal de la canicule, paru un an plus
tard, roman de 255 pages et de 270 000 caractères. La variation est faible, moins de
10%, car les trois livres cités ont la même dimension. On peut comprendre en effet que
le format utilisé fasse varier : pour Vie
prolongée dArthur Rimbaud, je crois me souvenir avoir écrit 780000 signes,
donc, le livre prévu aurait dû approcher les 800 pages, mais un format plus grand que
ceux qui me sont dévolus dhabitude a réduit le livre à 415 pages (mais 550 p. en
format poche, juste retour des choses
). Le ratio devient ainsi denviron 1900
signes par pages pour un à deux centimètres supplémentaires en hauteur et en largeur. Sans trace qui vient de paraître en janvier a
récupéré la dimension habituellement utilisée pour mes publications et compte 286
pages, or mon traitement de texte dénombre 315000 caractères, je reste dans un calcul
cohérent avec mon ratio de 1000 signes pour une page.
Reste maintenant à évaluer Y, le livre en
écriture. Je pressens (je désire très fortement en fait) un roman épais, façon Guerre et paix (tiens, cest drôle
"guère épais" : je navais jamais remarqué le jeu de mot de cette
épopée de 1600 pages dans mon édition Pléiade). Sans atteindre cette somme, de la
manière dont il est lancé, Y pourrait
dépasser le million de signes. Ma maison dédition soucieuse de ne pas effrayer le
lecteur proposera surement un format étendu : compter ainsi 500 à 600 pages, sinon,
ce sera mille pages ou plus, mais passionnantes, que ce soit dans un grand ou un moyen
format !
(21/01/2019)
Le livre qui mintéresse décrire est-il obligatoirement le meilleur ?
Question bizarre qui me trotte dans la tête en ce moment. Et dabord, le meilleur en
quoi ? Pour qui ? Parlons de lauteur en premier, de celui qui pond
lécriture mot après mot, phrase après phrase, patiemment. Et qui accumule ensuite
les livres : la bibliographie de Sans trace indique
15 publications en 19 années, du moins les plus importantes. Mettons que le meilleur pour
un écrivain reste encore le livre à écrire (donc celui qui mintéresse,
lenjeu du moment) sinon pourquoi sacharner ?
Mais en même temps, les parutions ont biaisé le ressenti : lauteur a toujours
dans sa progéniture ses fils préférés. Ils ne coïncident pas forcément avec le
classement des lecteurs ou dautres professionnels du livre, critiques, membres de
jurys divers, même sils peuvent influencer. Par exemple, Retour aux mots sauvages et Ils désertent comptent forcément pour moi
puisquils ont été tous deux sélectionnés pour le Goncourt et aussi parce que je
continue dintervenir régulièrement pour les évoquer (surtout pour RMS, 9 ans après sa parution tout de même
).
En revanche dautres livres tombés dans loubli ont une couleur
particulière : Paysage
et portrait en pied de poule est probablement lode à la ruralité la plus
intimiste que jai écrit ou Bestiaire
domestique qui est un livre de bonheur après CV
roman vécu comme rude et difficile à écrire. Et que dire dInstants handball écrit avec lami Delatour
et qui ne cesse de susciter des prolongements inattendus ? (voir en Étonnements cette semaine).
Sans doute que la réception critique des livres pèse sur le ressenti que jen ai a posteriori. Jattendais plus de Faux nègres mais les articles que jai
gardés montrent pourtant que le livre a été bien accueilli, tandis que Journal de la canicule est passé inaperçu. En
revanche, Vie prolongée dArthur Rimbaud figure
parmi mes meilleurs tirages. Je ne peux mempêcher de penser que ces dernières
publications par ordre de parution vont influer sur Sans
trace. Lexpérience que jai eue de la seule parution en janvier pour Paysage et portrait en pied de poule, sest
révélée très décevante, espérons que Sans
trace tirera son épingle du jeu.
Pourtant, ce Sans trace que je ne peux
mempêcher de regarder avec distance comme si sa rédaction mavait peu
intéressée (bizarre, nest-ce pas) est à mille lieues du livre que
jentreprends en ce moment. Mais rien ne préfigure que ce futur bouquin au nom de
code Y, si important soit-il à mes yeux,
présentera un intérêt quelconque pour autrui à sa parution (si jy arrive) :
doù la question récurrente : le livre qui mintéresse décrire
est-il obligatoirement le meilleur ? Il y a hiatus. En fait, écrire, cest se poser
des questions tout le temps.
(14/01/2019)
Aujourdhui, cest
officiellement la parution de Sans trace (je
simplifierai désormais ainsi pour FdeR les 43
caractères de Il se pourrait quun jour je
disparaisse sans trace). Enfin, cest ce quindique le site Fayard :
parution le 7 janvier, mais le livre est déjà disponible depuis la semaine dernière.
Pour preuve, un très bel article de Claire Devarrieux dans Libé le 4 janvier. Ouf ! Je craignais que
« Michel Houellebecq sommé de sauver la rentrée littéraire » comme le titre
stupidement un hebdomadaire se sente un peu seul
Ceci dit, je nattends
pas forcément grand-chose de cette rentrée littéraire. Janvier a le désavantage de ne
proposer que peu danimations, salons et autres, contrairement à septembre et
jaurais peu le plaisir daller me promener. Je nattends pas grand-chose
non plus côté critiques (vieux précepte libertaire), même si le plaisir est grand de
découvrir un article favorable comme celui de Libé.
Et puis dautres projets maccaparent déjà, écrire est toujours étrange, on
vous parle du livre qui vient de paraître mais vous, vous devez vous faire violence pour
y songer parce que vous avez déjà passé à autre chose. Néanmoins, jai
traditionnellement ouvert une page spéciale pour Sans trace, où on pourra retrouver la genèse du
livre et les articles le concernant.
(07/01/2019)
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