Éric
Je ne sais pas manier la triste nouvelle. Tout me
revient en vrac jusquà linéluctable. Et linéluctable est arrivé ce
jour : on a retrouvé son corps dans la Méditerranée.
Il avait été question de sa disparition depuis deux mois. Il y avait eu lattente,
des échanges avec ses proches. Lespoir quon troquait entre nous pour se
rassurer. Lavis de recherche avait précisé quil était dépressif.
Hospitalisé depuis quelques mois, il a profité dun retour chez lui un week-end
pour partir soudainement un matin, sans rien dautre quun short et un T-shirt.
Cétait un grand sportif, alors lespoir justifié : un coup de tête pour
senfuir sur les chemins de randonnée quil affectionnait le long de la mer.
Oui, il allait revenir, il avait trouvé refuge chez quelquun, pour exprimer son
mal-être. Il était affable, comptait de nombreux amis là où il sétait installé
au soleil il y a quelques années.
Le hasard avait voulu quon se retrouve en janvier 2023, jétais allé le voir
dans sa belle maison neuve et nous avions passé deux excellentes soirées avec son
épouse (note dÉtonnements du 18/01/2023).
Javais fini par oublier les problèmes de burn-out quil avait eu dans son
travail, provoquant sa première dépression et son arrêt en longue maladie. Sourires,
ardeur : encore maintenant les photos de lui mapparaissent toutes riantes et
dynamiques (merci infiniment, M, de me les avoir envoyées je navais même pas
pris une photo de nos rencontres, les seules que je possède sont des couchers de soleil pris sur la route qui menait chez vous). Nous avons ensuite
continué à échanger les mois suivants par SMS. Cétait lépoque de la
sortie du film Lhomme debout. Je lui citais les cinémas qui passaient le
film dans sa région. Il me racontait sa vie, « Ici on se baigne tous les
jours », « ce soir je joue en tournoi de tennis », des enthousiasmes,
une vie tranquille et occupée en apparence : son dernier message date de la fin juin
de cette même année.
Cest mon deuxième cousin à mettre fin à ses jours du côté paternel. Nous sommes
13 garçons et filles, vers nos dernières années de quinquagénaires pour les plus
jeunes. En janvier 2012, Alain nous avait quitté à lâge de 51 ans, beaucoup ne
sen remettront jamais. Et maintenant, idem pour Éric, dont la mère nonagénaire
vit toujours (« on peut imaginer Steffy et ses dix-sept ans, entraînant sa mère
Eva, toutes deux virevoltant entre la table et la cuisinière sur une valse ou un
tango » Yougoslave, livre cinquième (1930-1958) p. 465).
Paradoxalement, entre cousins, nous échangeons plus fréquemment depuis quelques années,
alors que nos vies à construire nous avaient séparés pendant des décennies. Les liens
se resserrent autour des inévitables pertes. Et sans doute sommes-nous plus sensibles aux
épopées familiales, nous qui sommes grands-parents pour la plupart, nous qui avons envie
de comprendre, de transmettre cette mémoire aux générations qui suivent. Ainsi,
également du côté maternel (note dÉtonnements du 26/01/2024) : secrets
anciens, mystères immatériels de nos parentés, comme limmense plaisir de
retrouver à Lyon ce cousin perdu dans les aléas familiaux.
Pour en revenir à Éric, cest un choc et un grand vide pour moi. Cest drôle,
jai toujours associé son prénom à la chanson plutôt gaie de Luna Parker Tes états dâme,
Éric, sans penser à la cruauté du jeu de mots ou aux paroles : « Le
dictionnaire de mes souvenirs / N'a qu'une page, une seule rubrique/ Qui commence par ton
absence ».
(15/11/2024)
Lundi matin, alors que je revenais de mon footing, jai
aperçu une camionnette garée à côté de chez moi. Son conducteur était en train de
changer une roue à larrière. Jai attendu de reprendre mon souffle, de
messuyer le visage avant de demander à lhomme accroupi et que je voyais de
dos, sil avait besoin daide : Jai chez moi une clé en croix solide
et pratique pour changer une roue, ai-je ajouté, en désignant ma maison.
Il sest retourné et jai reconnu vaguement un des voisins du quartier. Il
avait déjà changé la roue et il lui restait à fixer les boulons.
Cest pas de refus, déclara-t-il en me montrant la petite clé peu pratique qui fait
partie du kit de réparation. Tout en terminant de visser sa roue, il ma demandé si
« jallais minscrire pour le Goncourt » cette année. Jai
réalisé que nous nous étions déjà rencontrés il y a quelques années et que nous
avions discuté littérature devant la camionnette de la boulangère.
On sait que je suis écrivain dans le quartier, les journaux locaux en parlent de temps de
temps et les voisins retiennent parfois que jai déjà été nominé au Prix
Goncourt (la question qui suit souvent, cest « comment ça se passe, faut
sinscrire ? »). Donc « Non », jai répondu : Pas
dinscription cette année » (peut-être lannée prochaine si mon bouquin
en instance finit par sortir).
La dernière fois que nous avions échangé, jétais en robe de chambre avec mes
sabots de jardin devant le véhicule de la boulangère. Cette fois, jétais en
collant de jogging, avec la sueur qui continuait à couler sur mon visage pour parler
littérature avec le même voisin devant une autre camionnette avec une roue crevée. Et
la prochaine fois ?
Il ma chaleureusement remercié pour la clé en croix : Vous êtes bien
équipé pour un écrivain !
(01/11/2024)
Nous étions à lheure pour le concert et les artistes
aussi. Cela se passait dans ma ville, dans le théâtre du XIXème refait à neuf et à
nouveau opérationnel depuis de nombreuses années. Je me souviens dune interview de
Robert Charlebois, il y a quelques années, qui vantait la sonorité de ce petit théâtre
à litalienne de 300 places, situé juste en face de la mairie.
Les artistes donc, cette fois composés dun quatuor et dun soliste. Le
spectacle promettait dêtre agréable et amusant. En guise dhumour, le soliste
donna le ton : railleries sur le public de cette petite ville, quolibets et ironie
sur la province profonde, sarcasmes sur les tenues et les attitudes des spectateurs, sur
labsence dun opéra, sur le théâtre « poussiéreux ».
Probablement, lartiste ne pensait pas à mal, juste à faire rire. Probablement
suis-je trop susceptible, mais je dois dire que ces incessantes plaisanteries me
hérissent désormais et me gâchent le plaisir de la représentation.
Car il nest, hélas, pas le seul à tirer sur le ressort Paris-province et à
utiliser ce genre dhumour qui consiste à se moquer. Il y a longtemps, une actrice
de renom avait traité de « cons » les spectateurs, sous couvert de traits
desprit. Il y a peu, un commentateur dune station de radio nationale venue
investir la ville, trouva délicat de saluer la population dun certain âge par un
bon mot sur le nombre élevé de dentiers parmi les spectateurs.
Ces saillies en disent longs sur le fossé qui sépare maintenant les « territoires
ruraux » (comme on dit désormais) et la capitale ou les grandes métropoles
nationales. Oui, le vieillissement de la population des campagnes est une réalité. Oui,
le manque de moyens et de subventions diverses saggrave dans les départements
faiblement peuplés. Oui, aller seulement à 200 km de Paris est une aventure lorsque les
TGV nexistent pas et que les pannes de trains sont récurrentes faute
dentretien. Mais ce qui me pèse le plus, cest lindifférence affichée
envers cette France à deux vitesses et les « campagnes en déclin » (pour
reprendre lexpression du sociologue Benoît Cocquart).
Et ne croyez pas que cette inégalité de traitement soit une idée de droite, la gauche
participe autant à cette posture de désintéressement, en y rajoutant ce persifflage si
particulier, cité ci-dessus, et quelle imagine être la marque de son bon goût
décomplexé : on est de gauche, on ne peut pas nous taxer de mauvaises idées. On ne
sétonne plus que les électeurs se tournent alors vers dautres partis
quils imaginent plus respectueux de leur personnalité provinciale. Cest un
leurre bien sûr, mais la responsabilité des choix politiques appartient pour beaucoup
aux postures que nous rencontrons. Jai assisté à un concert raté, pas grave, mais
répété à lenvi, comment vais-je manifester prochainement mon agacement dans
les urnes ?
(27/10/2024)
La mairie de Charleville sapprête à célébrer ce
dimanche 20 octobre, les 170 ans de la naissance dArthur Rimbaud.
Cest loccasion de revenir sur les derniers témoins qui connurent le poète ou
son entourage très proche, comme Monsieur Fricoteaux, le plus proche voisin de la ferme
de Roche (où fut écrit Une saison en enfer) filmé par Pierre Dumayet et Pierre
Desgraupes en novembre 1954 (probablement à loccasion du centième anniversaire de
sa naissance un mois plus tôt). La séquence dure un peu plus de 2mn : grand moment de
télévision !
Certainement âgé de moins de vingt ans à lépoque, le vieil homme se souvient
dArthur, resté en convalescence à la ferme ardennaise après son amputation entre
juillet et août 1891. Peu de réminiscences cependant : lavoir vu se promener
en calèche avec des chevaux « fringants » et porter un chapeau blanc. Le
poète était resté un mois avant de repartir vers Marseille pour y mourir en novembre. A
la question des parisiens, les pieds dans la boue : Et madame Rimbaud, vous vous en
souvenez ? (sous-entendu, la « mother » dArthur), la réponse est
immédiate : Ah ça oui ! avec un zeste de sarcasme qui en dit long sur la
rudesse de la dame
Savoir aussi que Madame Rimbaud, dans sa toute dernière lettre
à sa fille Isabelle le 9 juillet 1907 (donc, la sur dArthur) parle
« des Fricoteaux qui prennent tout le monde du village », déplorant
labsence de main duvre pour les travaux de sa ferme. Elle mourra moins
dun mois plus tard, le 2 août.
Autre film réalisé
dans cette même journée par nos deux journalistes, et qui corrobore limage
austère de la mère et de la sur de Rimbaud, celui des 2 filles de Frédéric
Rimbaud, le frère ainé d'Arthur, renié par sa mère. Témoignage implacable de la part
dÉmilie Tessier, qui fut placée au couvent par sa tante et sa grand-mère, de
même que sa sur Nelly, Frédéric sinclinant aux ordres des deux mégères. A
noter quÉmilie Tessier fût la grand-mère de Jacqueline Tessier-Rimbaud,
présidente dhonneur très active de lassociation des amis de Rimbaud,
récemment décédée (note dÉtonnements
du 07/07/2023).
(16/10/2024)
Cela fait plus de 40 ans que « je vais aux
champignons », comme on dit, habitude plutôt héritée de ma belle-famille. Je me
rappelle y être allé auparavant avec mon père, mais plutôt pour chercher les rosés
des près. Ceux qui poussent dans les bois ont supplanté les récoltes issues du
mycélium et, chaque année, à lautomne, je ne peux mempêcher de penser aux
conditions qui favorisent de bons ramassages : pluies suffisantes, un peu de chaleur
quelques jours avant. Reste à trouver le temps dy aller. Ces dernières années,
jy serai rarement allé, comme si, depuis le Coronavirus, cette vieille habitude
avait périclité. Je me souviens de fantastiques paniers remplis de gros cèpes
car cest surtout cette espèce qui monopolise nos balades forestières. Jai
encore quelques sacs au congélateur sans doute. Souvenirs donc, et le temps qui
passe : mon beau-père à mes côtés aujourdhui disparu, de même que
Françoise et Titi (voir cette même rubrique le 21/09/2024), partis tous deux quelques
mois auparavant : je ne manquais jamais de leur déposer un ou deux paniers.
Cette année, cest la génération de leurs arrière-petits-enfants qui les
remplace. Mon petit-fils commence en effet à nous accompagner dans la forêt. Et je dois
dire, avec un certain succès. Il na pas son pareil pour dénicher des petits
champignons, comme les trompettes de la mort, noires sur le sol sombre, qui plus est au
crépuscule comme lorsque nous y sommes allés la dernière fois. Car cette années, point
de cèpes, nous avons dû louper les bonnes semaines. Cependant, en plus des trompettes
ébènes, nous avons trouvé des girolles dun jaune flamboyants et de discrets pieds
de mouton, au moins 15 ans que je nen avais pas ramassés. Sans être un
spécialiste des champignons, jai suffisamment traîné mes guêtres dans les bois
pour savoir reconnaître les plus comestibles ou éviter de confondre les espèces
maléfiques, comme la coulemelle avec sa proche cousine vénéneuse lamanite
panthère. Cest important, de même que nos contrées abritent lamanite
phalloïde de couleur verdâtre, obligatoire à reconnaître car elle est mortelle.
Autant dire que je prends mon rôle de grand-père très au sérieux, et je suis déjà
éberlué par la manière dont un enfant, à moins de six ans, possède un sens de
lobservation très sûr.
Bien sûr, ce sont les enfants de mes propres enfants, qui eux aussi, en leur temps, ont
appris à reconnaître les bons champignons. Cest drôle, je pensais que la
cueillette des champignons, le fait daller dans les bois était une attitude
naturelle. Ma fille ma démenti : elle habite une ville moyenne et tous ses
amis sont de souche urbaine, sans aucune connaissance de la campagne. Ma génération a
toujours vécu proche de la ruralité, grands-parents jardiniers, parents habitués à la
terre, aux champs et aux bois. Beaucoup de mes copains de lycée étaient enfants
dagriculteurs et savaient traire les vaches. Une génération en supplante une
autre, pourrait-on dire, mais pas le temps de glisser dans la nostalgie : des
fricassées de champignons ou des omelettes nous attendent ! Et le petit dernier ne
donnera pas sa part au chat
(09/10/2024)
Bruxelles : jaime cette ville, attaches affectives,
familiales et désormais amicales puisque nous nous y sommes retrouvés, les copains
carabins de mon épouse et les familles attenantes : 43 ans que nous nous connaissons
et 32 ans de rencontres régulières, quasi-annuelles. Cette année, cétait à nous
dorganiser et Bruxelles sest imposé comme une évidence. Heureusement, la
capitale belge offre de nombreux attraits, notamment son accessibilité pour ceux qui sont
loin. Les marseillais et orléanais sont venus en train et les autres en voiture. Nous
étions ainsi 14, tous issus du « canal historique ».
Retour aux sources pourrait-on dire. Les premières années accueillaient en plus nos
propres enfants, qui, maintenant adultes, sont devenus amis entre eux et qui se voient
indépendamment de nous. Grand plaisir cependant à se rencontrer chaque année ensemble,
et à accueillir souvent plus de 20 personnes. Cette année, donc, 14 était un petit
chiffre, car nos progénitures sont désormais parents, pour la plupart dentre eux
et cest pour cela quil devient difficile de les réunir avec nous, les agendas
sont difficiles à coordonner. Petit chiffre pour lhébergement à trouver, donc,
mais heureusement car il est complexe de trouver un logement commun pour accueillir autant
de monde dans une capitale.
Après, tout sest déroulé comme prévu, repas, visites planifiées,
lorganisation doit être réfléchie au préalable, adaptée, certains se déplacent
difficilement, un couple damis possède un chien, qui hélas, vieillit aussi.
Cest drôle et nostalgique aussi : cette année, nous comptions 11
sexagénaires sur 14 et nous avons plus évoqué les retraites à venir que les missions
professionnelles en cours. Certains ont changé de voie, opté pour la fonction publique
ou la Sécu, dautres ont persévéré dans lactivité libérale. Au bout de 32
ans à faire régulièrement le point sur leur métier que tous aiment passionnément
depuis leurs premières années de fac, un sociologue aurait matière à dresser un
véritable panorama de lexercice de la médecine en France, et comment, ceux qui
sont concernés au premier chef, ont vécu trente ans de déshérence et de
désertification.
Drôle aussi cette coïncidence que je leur ai soumise : janime un atelier
décriture à la médiathèque de Reims (voir en Note décriture et page
spéciale) juste en face de la fac de médecine (démolie depuis, puis reconstruite au
même endroit), là où tout a commencé pour eux.
Mais hormis ces graves discussions, la joie de nous revoir prime, une véritable tendresse
nous unit, avec nos manies incontournables, faire des contrepèteries et chanter des
chansons paillardes à tue-tête. Il est à noter que nos enfants ont été élevés dans
cette ambiance et quils connaissent depuis leur plus jeune âge ces hymnes
impudiques. Dans ce monde qui évolue outre-mesure vers le sérieux et la componction,
peut-être aurons-nous à rendre compte de les avoir pervertis ainsi ? Honte sur
nous
(02/10/2024)
La pluie est arrivée dun coup, une averse orageuse,
violente. Il était dix-huit heures-dix-huit heures trente. Jai regardé par la
véranda, le toit des voisins laissait couler leau en cascade. La chanlatte
débordait et se déversait dans mon jardin. Jai pensé à leur Velux qui fuit
parfois lorsquil y a beaucoup deau. Jai vérifié mon balcon : pas
de feuilles, ni de déchets capables de gêner lécoulement (savoir que cest
de cette manière que mon bureau, situé en dessous, a été inondé en 2010 - un mal pour
un bien : cest à la suite de cet événement que mest venue lidée
du roman Ils désertent).
Puis, au-delà du balcon, jai aperçu ce gros carton déposé par-dessus la grille
contre ma boîte aux lettres. La pluie crépitait dessus, je suis sorti au plus fort de
laverse pour le récupérer. Cétait un emballage spécifique de guitare,
forme trapézoïdale irrégulière, facilement reconnaissable, Lorsque je lai
déposé dans le garage, le carton imbibé deau sest délité, laissant voir
un étui en skaï noir, déjà mouillé, et ne laissant aucun doute sur son contenu. Je me
suis dépêché de louvrir et den extraire la guitare. Je lai essuyée,
elle navait pas eu le temps dêtre abîmée par la pluie. Cétait un
modèle classique, muni de 6 cordes en nylon. Je nai eu aucun mal à
laccorder. Elle avait dû être entreposée dans un endroit sec à labri de la
poussière. Létui était propre et contenait deux cordes de rechange.
Mais pour autant, aucun mot, aucune explication sur ce don. Personne navait sonné
à la porte pour apporter ce paquet. Jai pensé que quelquun, une connaissance
de mon épouse peut-être, avait laissé cette guitare pour quon puisse ou
laccorder ou changer les cordes cest déjà arrivé avec un violoncelle
ou des violons.
A son retour, je lui ai montré lobjet : Heureusement que je lai vu par
hasard au plus fort de laverse !
Elle avait lexplication : cette guitare appartenait à sa tante, Françoise,
récemment disparue (voir cette même rubrique au 13/01/2024). Ses enfants sont en train
de vider la maison, pas très loin de la nôtre, ils savent que nous connaissons des
musiciens et que nous fréquentons le conservatoire. Ainsi, un cousin a déposé
lobjet.
Jai omis de dire que le mari de Françoise, Fernand (affectueusement surnommé
Titi), lui a survécu seulement 4 mois : il est parti début avril après avoir
fêté son 95ème anniversaire. Cest drôle de penser que leur maison, toujours
ouverte à la famille et aux amis et quils occupaient tous deux encore à la fin de
lannée précédente, est maintenant déserte, destinée à être vendue, murée
dans le silence de leur absence, avec cette guitare, qui fut probablement remisée
au-dessus dune armoire ou à côté dun meuble dans lincroyable
capharnaüm dévolu à tous ceux qui ont occupé une maison pendant soixante ans sans rien
y changer.
Par la même occasion, je me suis rappelé que Françoise avait appris la guitare. Je me
suis souvenu dune photographie où on la voit jouer à un Noël avec mon épouse et
sa cousine. Jai retrouvé le cliché, probablement pris au tout début des années
80. La fête familiale avait eu lieu dans la maison de mes futurs beaux-parents, ils
venaient probablement dy emménager (leur maison est vendue depuis longtemps :
ma belle-mère est partie depuis 26 ans et mon beau-père depuis 11 ans).
Depuis que je lai accordée, la guitare reste sur le canapé de mon bureau. Je
lempoigne avant de masseoir devant lordinateur et décrire. Je
joue toujours le même petit air de mon invention, composé pour loccasion en
arpège avec 4 ou 5 accords. Elle sonne bien, en harmonie avec les fantômes merveilleux
qui nous hantent.
(21/09/2024)
Cet été, comme beaucoup, jai vécu quelques
« instants olympiques » pour reprendre une expression sportive que nous
partageons avec lami Delatour.
Il y a eu bien sûr les moments télévisés, donc passifs, même si les images étaient
somptueuses, cérémonies douverture, de clôture, épreuves à regarder (un peu
plus complexe cette année : nous étions en Calabre et il a fallu quelques
manipulations pour récupérer la télévision française).
Il y a eu auparavant le passage de la flamme dans ma ville, où nous avons soutenu une
amie qui a eu la chance de porter le fameux flambeau. Très belle ambiance !
Plus actif cependant, il y a eu aussi latelier
dété sur le thème des J.O. où jai décliné les sports olympiques avec
70 jeunes pendant une semaine et 18 séances décriture.
Enfin, récemment, jai accueilli avec mon club Lions deux groupes qui se rendaient
aux jeux paralympiques.
Le premier était composé de 7 hongrois qui sétaient donnés comme défi de venir
à Paris depuis Györ, leur ville dans ce pays (1700 km tout de même). Ils se sont
déplacés en tandem (basique et sans assistance électrique), certains étant des
déficients visuels. Un véhicule dassistance muni dune remorque complétait
léquipage. Jai hébergé deux participants (avec une petite surprise pour
lun dentre eux voir en Note décriture). Nous les avons
accueillis comme il se doit, avec du champagne au cours dun dîner qui a réuni
vingt personnes.
Le deuxième groupe venait de moins loin (de Still en Alsace, 500 kilomètres pour aller
jusquà Paris), mais était plus nombreux : 26 participants dun centre
pour malvoyants, accompagnants compris. Hormis lexploit sportif, on mesure mal la
prouesse dune telle logistique à mettre en uvre : une demi-douzaine de
véhicules de location, autant de tandems (modernes et électrifiés), sans compter le
dépaysement et les contraintes daccueil pour certains handicapés peu habitués à
de telles échappées. Belle aventure ! Là encore, nous avons organisé un
repas : nous étions cinquante
Le lendemain, je les ai accompagnés sur le
chemin de Paris pendant une trentaine de kilomètres, muni dun fanion au bout de mon
vélo !
Bien entendu, tous ces beaux exploits nous ont donné envie daller nous rendre
compte par nous-même de cette liesse des J.O. Je tenais particulièrement à voir les
épreuves paralympiques : les athlètes qui y participent sont vraiment
extraordinaires de dynamisme et de volonté. Jai ainsi assisté à quelques finales
dathlétisme dans un stade de France comble et une ambiance formidable :
javelot, poids, courses de 100m, 200m, 400m, 800m, saut en longueur
Là encore, cela
démontre quon ne fait presque plus de différences entre J.O. traditionnels et
ceux-là.
Cerise sur le gâteau, nous avons pu approcher de très près la fameuse vasque, qui
représente la flamme olympique, mais qui, hélas, pour cause dorage menaçant,
sest envolée vraiment trop tardivement.
Au final, jaurai ainsi beaucoup participé à ces J.O. 2024. Ce nétait pas
prévu au départ, mais je nai pas boudé mon bonheur et mon enthousiasme dans tout
ce que jai entrepris. La joie et lentrain étaient en partage et faisaient
partout plaisir à voir. Tant pis pour les esprits chagrins qui nous incitent à revenir
à une réalité plus tatillonne. Il me semble quaprès avoir prouvé quon
pouvait regarder le monde autrement, on pourrait continuer avec le même ravissement,
non ? Est-ce trop demander ?
(13/09/2024)
Reprise dune note décriture publiée le
9/03/2011 :
« Jai rencontré Charles Juliet deux fois ces derniers mois. La première
fois, cétait à Manosque, en septembre dernier. Je suis venu lui parler à la fin
de son intervention où il était venu présenter le sixième opus de son journal, Lumières
dautomne [note de lecture du
09/03/2011]. Je lai revu le lendemain en compagnie de son épouse dans le hall
de lhôtel que nous partagions pour quelques banalités en attendant les navettes
qui allaient nous ramener à la gare. La deuxième fois, je me suis contenté de
lécouter ainsi que Pierre Bergounioux pour une rencontre organisé par la MEL au
Petit Palais en janvier dernier [Webcam du
02/02/2011]. Autant dire quil ne souvient pas de moi.
Surtout que, lorsque je lui ai parlé à Manosque, je me souviens avoir marmonné des
choses sans intérêt, par timidité. Jaurais pourtant aimé lui dire ce que
représente pour moi Lambeaux, par exemple, [note de lecture du 25/09/2002] et combien je lai
évoqué avec passion à mon fils qui avait ce livre au programme de son bac de français.
Il y a LAnnée de léveil, bien sûr, [en note de lecture ce jour]
et le livre dentretiens menés par Rodolphe Barry et édité par Catherine
Flohic, Charles Juliet en son parcours [note de lecture du 28/08/2002], et
celui qui se trouve derrière-moi dans la bibliothèque à linstant où
jécris, Charles Juliet, trouver la source, aux éditions Paroles
dAube, avec cette étonnante photographie où il a un sourire lumineux. Je lai
placé juste à côté dun livre sur Samuel Beckett, publié chez Anatolia où le
grand Sam, photographié par John Minihan, aborde un visage des plus austères.
Jaime ce contraste et, bien entendu, juste à côté, pour relier les deux
écrivains, il y a le livre de Charles Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett,
publié chez POL, et qui raconte les quatre visites quil a eues avec le prix Nobel
entre 1968 et 1977. On peut mesurer combien il a fallu dobstination, de sureté, de
courage aussi pour oser aborder Samuel Beckett alors que lécriture de Charles
Juliet étaient encore dans les limbes. Dailleurs il le reconnaît à sa première
visite : « curieuse idée dinterroger celui qui nest
quinterrogation ». Pourtant, les deux hommes se reconnaissent dans cette même
quête dabsolu, ponctuée dinterminables silences où chacun va chercher aux
tréfonds de son âme. Ce qui les réunit, cest « cette flamme qui consume
cette saloperie de logique » comme le dit Samuel Beckett et cest la dernière
phrase que rapporte Charles Juliet.
Et cest ainsi, quà mon tour [à Manosque] je me suis trouvé aussi démuni en
face de Charles Juliet que lui létait en face du grand Sam. Que dire alors que des
paroles aussi définitives ont été déjà prononcées ? Nous basons toute notre
conversation dans les apparats, mais ici, rien de tout cela, je me sens nu comme un ver,
exsangue, ma propre écriture me revient en pleine poire. Une photographie atteste de ce
moment, elle a été prise par Patrick Box. On me voit en premier plan, courbant
léchine, mâchoire tombante, le regard cherchant un vague point au-delà des
lunettes. Charles Juliet me fixe. Il a le même visage en forme daigle que celui de
Beckett. Il tient ses lunettes dans une main, un stylo dans lautre, comme
abandonnés car toute son attention est tournée vers moi, les sourcils, les yeux sombres.
Il attend. Je devrais parler, et sans doute que je parle, mais pour quoi dire. Il y a une
chaise orange derrière nous, comme un siège denfant. Cest sans doute la
photographie qui illustre le mieux ce que représente pour moi lécriture, ou ce que
jessaie de retracer à travers ce site Feuilles de route et les trois
rubriques principales, étonnements, notes décriture et de lecture. Notes
décriture pour lahuri du premier plan, lectures et figures tutélaires comme
Charles Juliet et le décor étonnant qui pénètre à chaque instant dans nos vies comme
ce fauteuil incongru couleur de mandarine. »
(06/09/2024)
On le sait, nous aimons lItalie. Après avoir écumé la
Sicile pendant presque vingt ans, nous sommes partis dans la région des Pouilles il y a
deux ans, et cette année, accompagnés de nos fidèles meilleurs amis, nous avions opté
pour la Calabre en destination finale.
Mais auparavant, nous nous sommes arrêtés quelques jours à Naples, notamment pour
revoir Pompéi, que nous avions visité vingt-cinq ans auparavant. Le site sest
modernisé, il est devenu plus propre, plus documenté, mais également encore plus envahi
par les touristes. Le charme est devenu un peu plus artificiel (un peu comme
lorsquon compare lancien et ne nouveau musée Arthur Rimbaud à Charleville),
mais la visite reste belle même si on se sent plus distant, moins impliqué, plus
« conduit » : rançon de la modernité
Naples en revanche demeure
indomptable et vivante. Le musée national qui regroupe tous les trésors des fouilles
antiques est toujours aussi vaste et impressionnant. A noter aussi un très beau tableau
du Caravage dans léglise de Pio Monte della Misericordia.
Mais il est temps de nous enfoncer en Calabre, tout au fond de la botte italienne, à
Pizzo précisément. Notre location se situe à 100 m de lune des immenses plages
qui bordent le côté méditerranéen. Ambiance familiale, flâneries, ici, on se sent en
vacances. Nous devons être les seuls français de ce quartier et nous nous sentons
vraiment italiens, nous vivons italiens : ristretto le matin, briocha et
cornetto crema auprès de Flavio, notre boulanger qui sillonne les rues en
voitures, tartuffo ou pizza pour dîner, baignades le matin ou le soir
lorsque la température est moins forte. Visites bien sûr : Tropea dont la vue sur
le Stromboli est magnifique au coucher du soleil, mais aussi de véritables coups de
cur dans larrière-pays, comme la magnifique chapelle byzantine à Stilo ou
encore Rossano-Calabro, où on peut admirer un chef duvre de Codex Purpureus.
Retour vers le Nord avec lincontournable Ombrie et Assise où règne toujours une
ambiance si particulière. Cette année, nous visitons Gubbio où Saint-François est
devenu célèbre en apprivoisant un loup afin quil ne mange plus les habitants
(17/08/2024)
684 votants, ou plutôt 684 enveloppes ouvertes, cest le
résultat de mon bureau de vote. Je suis allé voter assez tard dans ma ville, vers 17
heures. Je connaissais lun des assesseurs, qui ma proposé de revenir une
heure plus tard, à la fermeture, pour aider au dépouillement. Ce que jai fait à
la fois par curiosité et pour avancer un peu plus loin dans mon devoir de citoyen.
A lheure dite, il règne une ambiance besogneuse. On reconnaît facilement les
habitués qui saffairent à dresser des tables et les novices comme moi, qui restent
bras ballants, sans oser rien dire ni toucher. Ladjointe au maire me salue pour me
mettre à laise. Lurne transparente est déjà vidée et on compte les
fameuses enveloppes bleues par paquet de dix, puis on les verse dans de grandes enveloppes
qui en contiennent cent chacune. Le total des enveloppes est comparé avec le registre des
votants : les chiffres correspondent, on peut dépouiller.
Drôle dailleurs ce verbe et ce mot de dépouiller ou dépouillement, varié par ses
sens différents : doit-on dépouiller quelquun ? le déposséder ?
le spolier ? Est-ce un synonyme daustérité ? de sobriété ?
Sagit-il de délester, démunir, déposséder, dessaisir,
dévaliser, enlever, escroquer, frustrer, lessiver, nettoyer, ôter, plumer, priver,
ratisser, tondre, voler ?
Pas le temps de me poser des questions de vocabulaire, on minstalle à une table de
4 personnes, et très rapidement, on se répartit les rôles : lun ouvre les
enveloppes, saisit le bulletin et le passe à son voisin (moi) : je dois dire à
haute voix le nom du candidat à la députation afin que les deux personnes restantes
puissent le marquer dun bâtonnet sur la feuille adéquate. Le rythme est assez
rapide. On me passe les bulletins et jattends de les avoir bien ouverts avant de
prononcer le nom. Jempile ainsi quatre tas, autant que de candidats présentés dans
ma circonscription. Et dire quavec les européennes, il fallait en répartir une
trentaine ! De temps en temps, un bulletin blanc apparaît, cest-à-dire une
enveloppe vide, ou un bulletin nul, généralement un papier avec une mention écrite
dessus. Plusieurs fois, jai droit à deux bulletins collés étroitement. Lun
des candidats a, en effet, utilisé un papier très fin. La consigne est claire : le
bulletin en trop est détruit.
Nous avançons ainsi, par enveloppe de cent. A la fin de chaque enveloppe, on recompte le
total par candidat, bulletins nuls et blancs. Sil y a une différence entre les deux
comptables et leurs petits batônnets, on doit tout recompter.
Au total, à ma table, jaurais prononcé un peu plus de trois cents noms, dont cent
cinquante fois le nom de la députée RN sortante (ce qui explique peut-être le mal de
gorge que jai eu le lendemain). Celle-ci sera réélue au premier tour avec 57% des
voix.
Malgré les explications de circonstances, il faut bien se rendre à lévidence,
difficile de ny voir quun vote protestataire : la participation était en
hausse et plus la moitié de mes concitoyens a voté pour elle, donc, forcement quelques
voisins, la boulangère, le cafetier, le garagiste, lartisan du coin, tous par
ailleurs éminemment sympathiques
Le fait davoir participé au dépouillement ma probablement aidé à accepter
le vote des urnes : aucune triche, un système bien rodé, ce quon appelle la
démocratie. Comment sentir dans ces conditions quelle est en danger ? Et
pourtant, je me sens délesté, démuni, dépossédé, dessaisi dévalisé, enlevé,
escroqué, frustré, lessivé, nettoyé, ôté, plumé, privé, ratissé, tondu, volé.
(02/07/2024)
Je suis très fleur bleue, on le sait, et particulièrement
lorsquil sagit dorchidées. Ceci dit, elle sont plutôt multicolores
lorsquelles fleurissent aux printemps dans ma véranda (voir en Webcam). Cette
année, le rendez-vous, il me semble, a été plus tardif mais certaines corolles ne
donnent encore aucun signe de fatigue. Dautres, en revanche, périclitent
soudainement : un phalaénopsis, particulièrement florifère est passé de vie à
trépas en lespace de 3 semaines sans quaucun signe avant-coureur ne
sannonce. Dautres dépassent trente ans dâge, comme le seul ludisia
de ma collection, qui propose chaque année une vingtaine de tiges florales, ou les deux cymbidiums
de plus dun mètre denvergure et qui passent six mois au jardin. Les dendrodiums,
dont je vantais la floraison lannée passée se reposent depuis (voir même rubrique les 01/02/2023, 24/03/2023 et
14/04/2023). Il faudra probablement que je rempote de nouveau lepidendrum
jamiesonis originaire de lEquateur, qui poursuit sa croissance folle et ses
floraisons en tous sens. Sa cousine de Colombie, rapportée lannée passée,
sacclimate plus lentement mais jespère sûrement. Ma collection a aussi
augmenté avec un paphiopedilum jaune, du plus bel effet.
Enfin, il faut souligner cette année, la floraison exceptionnelle des orchidées de nos
régions (il y en a, si, si), notamment celle des orchis boucs, particulièrement
nombreux cette année : jai admiré une centaine de pieds, particulièrement
géants, sur une pelouse de ma ville. Jen ai eu aussi dans mon jardin, ainsi
quun pied dophrys abeille, qui termine en ce moment sa floraison.
Cependant, hier, en me promenant, jai aperçu sur un talus, toujours en pleine
ville, un spécimen exceptionnel qui atteignait 70 cm de haut, alors que cette frêle
petite plante ne dépasse généralement pas une trentaine de centimètres.
(19/06/2024)
Le dernier dimanche de mai, jai couru les 20 km de
Bruxelles pour la troisième fois. La première fois date de dix ans, et jétais
arrivé devant le roi des Belges en 1h54.
Cétait le bon temps, javais enchaîné les courses cette année-là, un
record perso au 10 km, un semi-marathon, des trails longs de 24 et 35 km et
même une course de 43 km dans la montagne de Reims avec 1000 m de dénivelé.
Lentrainement allait de pair, pas moins de 1500 km parcouru en 2014.
La deuxième fois eut lieu en 2018, je préparais un marathon pour mes 60 ans, et la
moitié de la distance mythique à Bruxelles fût accomplie en 2h10. Je métais
entrainé encore à raison de 1000 km pendant cette année, avec bien sûr le fameux
marathon accompli sous une chaleur caniculaire.
Lannée suivante, en 2019, faute de défis suffisants, jai parcouru
750 km (seulement), histoire de me préparer à la centième édition de
Sedan-Charleville, 24 km tout de même, accompli à un train de sénateur.
On connaît la suite : le Covid en 2020 (que jai attrapé parmi les premiers),
lannulation de tous les déplacements et compétitions, cest donc deux ans
plus tard quune vie sportive à peu près normale a pu reprendre pour le petit monde
de la course à pied. Trop tard pour moi, difficultés familiales, contretemps divers à
partir de 2021 : résultats, en 2022, javais couru seulement 165 km, ce
qui correspond à un à deux footing par mois.
En 2023, jai voulu reprendre lentrainement, histoire de renouer avec la course
des 10 km de ma ville (voir dans cette même rubrique le 03/06/2023). Évidemment, ça na pas été brillant. Mais
lenvie était repartie et je me suis lancé le défi de courir à nouveau en 2024
les 20 km de Bruxelles, dautant plus que mon fils et ma belle-fille font partie
des volontaires pour la course et avaient la possibilité de me remettre ma médaille de finisher
à larrivée !
Dont acte, je me suis remis sérieusement à lentrainement, et, lorsque jai
pris le départ, javais déjà 500 km dans les pattes depuis janvier. A quasi 66
ans, trois fois grand-père désormais, jai mis les chances de mon côté,
cardiologue, épreuve deffort, sorties longues de plus de 15 km une fois par
semaine. Bien-sûr, le temps a fait son uvre et jai perdu quasi 2
kilomètre/heure en vitesse, mais je me suis accroché, jai récupéré sans fatigue
ma distance moyenne de 10 km à chaque sortie, jai retrouvé mon poids de forme et
jai repris avec un plaisir infini des trails de 2 heures dans les bois,
sentiers montant et descendant sans marrêter de courir, ce qui ne métait pas
arrivé depuis 6 ans.
Le jour de la course, jétais fin prêt au milieu de 45000 participants ! Une
pluie soudaine et brutale a tenté de dissuader les plus téméraires au moment du
départ, mais elle na pas duré longtemps. Avec une telle foule, il ma fallu
piétiner pendant une demi-heure avant de rejoindre la ligne de départ. Mais, dès les
premières foulées, jai senti que ce ne serait pas mon jour : jambes lourdes,
fatigue, le dernier entrainement, deux jours auparavant, était de trop, sans compter les
1500 km en voiture accomplis en une semaine, Nantes puis Bruxelles, tout cela a dû
jouer
Jy suis donc allé doucement, sans toutefois marrêter un seul
instant de courir. Jai passé la ligne darrivée au milieu du peloton,
moffrant même le luxe de sprinter pour garder ma place et tenter den
dépasser quelques-uns. Au final, jai mis trente minutes de plus quen 2018.
Cette fois-ci, je suis arrivé, paraît-il, avant la reine de Belgique. Mais surtout,
jai eu limmense plaisir davoir ma médaille remise par mes enfants, ce
qui nétait pas gagné davance, encore fallait-il les trouver au milieu de la
foule. De cet évènement, il reste des photos en Webcam où on me voit courir en T-shirt
orange. Mais cest déjà presque du passé, car lentraînement a repris.
(09/06/2024)
Jai passé dix-neuf étés en Sicile, mais je
nétais jamais venu en Sardaigne. Lerreur est maintenant réparée. Au
triangle de la Sicile a donc succédé le rectangle sarde. Dune superficie quasiment
égale, les deux grandes îles surprennent toujours le voyageur, persuadé dans son
imaginaire que des terres entourées deau forment un espace clos et homogène dans
lesquelles on tourne facilement en rond. Evidemment, on se rend compte dès
larrivée de lerreur de ce jugement. Il faut une journée de voiture pour
aller du Nord au Sud, la succession des reliefs empêche de se repérer ; la mer
apparaît et disparaît aussitôt dans un jeu de cache-cache.
Lîle sarde est moins montagneuse que la Sicile et le dôme volcanique de
lEtna na pas déquivalent là-bas. Beaucoup moins escarpée que la Corse
toute proche, elle paraît ainsi moins sauvage. Grande différence aussi avec sa cousine
française, laccueil est plus chaleureux, moins fier (au risque de déplaire à la
fibre patriotique héritée de Napoléon). La gentillesse et la convivialité sans
manière des habitants, qui se mettent en quatre pour vous renseigner, vous satisfaire est
en revanche partagée avec la Sicile.
Nous étions basés à Carbonia, qui, comme son nom lindique, doit sa réputation à
lextraction de charbon. Fondée par Mussolini à la fin des années Trente (voir
cette archive
sur linauguration de la ville en 1938). La cité a gardé de cette époque noire une
architecture carrée et des rues rectilignes, on se croirait par moment dans le décor du
très beau film dEttore Scola Une journée particulière. La presquîle
de Sant'Antioco, toute proche, assurait les échanges par voie maritime.
Aujourdhui, lactivité minière est réduite et la presquîle est un
lieu paradisiaque où se succèdent les plus belles plages dItalie, à mon avis,
plus variées quen Sicile et réparties sur un mouchoir de poche.
Evidemment, la saison touristique, qui navait pas commencée, nous a permis
dapprécier sereinement des endroits quasi déserts. Cest à regret que nous
avons pris le bateau du retour de Porto Torres à Toulon, mais cette parenthèse de dix
jours nous a permis de renouer avec la « dolce vita » à litalienne
avant de reprendre nos vies effrénées.
(02/06/2024)
On va encore dire que je tape sur la SNCF. Effectivement,
lorsquon inscrit le fameux sigle sur le moteur de recherche de mon site, on trouve
19 occurrences et pas un seul article flatteur pour la firme nationale des trains. Mais
soyons clair, je nai rien contre les cheminots, jai juste une dent (et même
plusieurs) envers ceux qui permettent la déliquescence de ce service public. Je ne
connais pas de meilleur indicateur de labandon des politiques daménagements
des territoires. Dun côté, des villes (pardon, des territoires urbains) devenues
hors de prix mais reliées à la capitale par des TGV rapides ; de lautre, des
campagnes (pardon toujours : par mimétisme, nos élus, même locaux, utilisent le
vocable de de territoires ruraux) aux loyers abordables mais dont lisolement se
renforce à travers une offre de tortillards qui se rétrécit dannée en année.
Il existe des carte en anamorphose, qui déforment lhexagone en fonction des heures
de trajets ferroviaires. Rennes devient ainsi artificiellement à proximité de Paris avec
un trajet de moins d1h30. Quant à ma ville, dont la proximité avec la capitale est
120 km plus proche que Rennes, il faut 1h de plus avec un Intercité. Mais ce nest
pas cela le plus grave : jai compté 40 trajets directs aller/retour
Rennes-Paris pour une journée normale, et seulement 8 pour la même journée chez moi.
A quand une carte en anamorphose mêlant nombre de trains et temps de trajets ?
Récemment, le jeune maire dynamique de ma ville a inauguré en grande pompe la place de
la gare refaite de manière attractive et touristique pour que les usagers du train
découvrent notre cité sous un angle seyant. Hélas, combien de touristes débarquent
ici. Ceci dit, il paraît que le voyage « vintage » est très tendance.
Ici, ils sont servis : avec une offre aussi restreinte et de vieux TER à wagons
Corail, les pannes sont forcément très fréquentes et les retards nombreux, quand les
trains ne sont pas purement et simplement annulés ou remplacé par des bus. Les deux
derniers visiteurs qui sont venus chez nous en train ont connu, lune un retard
dune heure, lautre dune cinquantaine de minutes. Je nose plus dire
aux gens de préférer la voiture, cest plus sûr, mais cest mal vu en ces
temps de biodiversité et demprunte carbone à tout va. Cest aussi pour cette
raison que je nai pas proposé une avant-première avec léquipe du film au
grand complet lorsque Lhomme
debout est sorti il y a un an. Je ne voulais pas connaître la honte dune
organisation aléatoire
Aujourdhui, après avoir exigé de lusager lachat un billet valable un
seul jour (comment on fait lorsque le dernier train est supprimé ?), la SNCF va nous
obliger désormais à une réservation préalable et obligatoire pour notre ligne. Le
communiqué officiel sur ce changement est cynique, cest « pour offrir une
expérience de voyage optimale ». Cest surtout pour compter le nombre de
voyageurs et diminuer encore loffre car la réalité est celle-là : on
nose plus partir en train de ma ville, cest véritablement devenu une aventure
digne dun trajet du transsibérien : vous partez, mais vous ignorez quand vous
arrivez
Mais désormais, à la fin du voyage vous pourrez toujours raconter à vos amis
« cette expérience de voyage optimale » pour venir dans ma région ou en
repartir par le train.
(12/04/2024)
Javais espéré, comme tous les ans, quelques journées
hivernales avec de la vraie neige. Hélas, mes dernières photos sous le blanc manteau
datent de cinq ans. Est-ce un effet du réchauffement climatique ? Toujours est-il
que, depuis quelques années, les quatre saisons nexistent plus que chez Vivaldi.
Ici, cest saison grise ou saison bleue, une simplification qui tend à lisser les
mois dhiver dans un prolongement dautomne, et la période dété dans
une continuité de chaleur pendant presque cinq mois. Deux saisons donc, la grise, en
référence aux nuages coutumiers, températures de 10° dans la journée, sétale
de novembre à mai, et la bleue, plus clémente et parfois caniculaire, dépasse 20°
entre juin et octobre. En dehors de ces plages, quelques incursions dhiver obligent
tout-de même à rentrer les plantes pour éviter de rares gelées, et de brèves
journées de printemps laissent éclore trop tôt les jonquilles et les lilas avant que de
brusques chaleurs ne viennent tout griller. Saison grise et saison bleue, lune en
pantalon et en chandail, lautre en short et en T-shirt. Lune avec la
chaudière qui se met en route, lautre avec les persiennes fermées à midi pour
éviter la chaleur. Bien sûr, cela empire, les statistiques météorologiques sont
impitoyables : les premières années de la décennie 2020 battent les records de la
décennie précédente. La canicule de 2003 est aux oubliettes et celle de 1976, encore
présente chez les plus de cinquante ans, fait figure dannée presque fraîche.
Que nous réservera lété 2024 ? Ou plutôt la saison bleue
(04/04/2024)
La photo représente un camion et la mention « Emmental du plateau » est
inscrite sur la remorque frigorifique. Cest celui que conduisait mon père.
Jai retrouvé ce cliché pour le montrer à mon petit-fils qui me demandait quelle
sorte de camion conduisait son arrière-grand père. Il ne laura pas connu
longtemps, il navait même pas un an lorsquil est parti et il va avoir cinq
ans bientôt. Depuis, la photo est sur mon bureau, là où jécris ces mises à jour
de FdR.
Elle a été prise devant le petit immeuble où mes parents ont habité jusquen
1980. Moi, je suis parti deux ans avant pour faire ma vie tout seul, à pile-poil vingt
ans. La photo date de lété, ou plutôt dun début dautomne : les
ombres sont longues et les feuilles déjà presque jaunes. La végétation à
larrière-plan est rousse, comme brûlée : ce pourrait être à la fin de
cette canicule de 1976, ce qui veut dire que mon père avait à lépoque vingt ans
de moins que moi maintenant (vertigineux).
Le tracteur du camion ressemble à un Saviem. Il a une « cabine avancée »,
comme on disait alors, ce qui laisse un espace pour une couchette derrière les sièges.
Auparavant, il y avait eu ce fameux Berliet, dans lequel il dormait sur les sièges ou
accoudé sur le volant et sur lequel je pose
fièrement en sa compagnie. Après, il y aura des Volvo 12 cylindres, des Mercedes, un
temps à transports intensifs qui le laissera fatigué à lheure de sa retraite, le
dos brisé par les cahots. La mention « Emmental du plateau » aura disparu des
remorques, on chargera dedans toutes sortes de produits. Est-ce que cette inscription
existait toujours ce soir du 9 mai 1981, lorsquil mavait ramené en camion à
la capitale où je travaillais alors ? Nous écoutions les résultats les élections
à lautoradio ; jétais content, pas lui. Était-ce dans ce même Saviem
que mon cousin Philippe se souvient avoir été en direction de Paris avec moi ? (Il
me la rappelé récemment, javais oublié). Nous étions partis acheter nos
guitares chez Marcel Dadi (qui décédera en 1996 dans l'accident du vol TWA 800 après
son décollage de New-York). Il a revendu la sienne, jai toujours ma Morris, datée
de 1976, une folk japonaise qui sonne admirablement bien.
Je suis repassé en août 2018 à côté de lentreprise qui fabriquait le fameux
« Emmental du plateau », sous forme de meules de gruyère de 70 kg, grandes
comme des roues de camion. Les caves daffinages ont subi bien des restructurations,
groupe Entremont et autres, le lait y est apporté pour être transformé, ce qui fut le
premier métier de mon père, avant que le transport ne soit organisé et quil
parcourt alors toute la France pour livrer ces fromages. Grande joie pour moi davoir
aperçu ces lieux connus, juste en bas de ma ville natale cernée de remparts. Jy
suis arrivé par le canal que jai
longé en vélo cet été-là pour aller rendre visite à mes parents (130 km tout de
même). Ils nhabitaient plus le petit immeuble devant lequel le camion
« Emmental du plateau » avait été photographié. Ils avaient fait
construire, à huit kilomètres de là, une maison dans un village. Ils terminaient alors
en 2018 leurs dernières années doctogénaires, jai pris ce jour-là une photo qui mémeut à chaque fois
que je la regarde. Ce fût le dernier bon souvenir de lendroit où mes parents vécurent ensemble pendant 40 ans.
(22/03/2024)
Cette année, cela fera 10 ans que jai publié Faux
nègres chez Fayard. Le titre de ce roman est inspiré dune citation
dArthur Rimbaud, extraite dUne saison en enfer et que jai placée
en épigraphe de mon roman : « Vous êtes de faux nègres, vous maniaques,
féroces, avares. Marchand, tu es nègre ; magistrat, tu es nègre ; général, tu es
nègre ; empereur, vieille démangeaison, tu es nègre : tu as bu d'une liqueur non
taxée, de la fabrique de Satan. ». En réalité, javais le désir
daccoler au fameux parti raciste dextrême droite, qui sappelait à
cette époque le FN, cette locution forcément dérangeante en guise de titre : Faux
Nègres.
Dailleurs, ce titre est-il devenu obsolète en plus de ses initiales révolues
? En 2020, les Dix Petits Nègres dAgatha Christie, ont été renommé Ils
étaient dix dans la version française pour dénoncer cette vieille expression
contemporaine de Rimbaud et de lépoque coloniale, devenue désormais péjorative.
Faudra-il que je renomme mon roman Ils étaient faux ?
Mais je tiens à ce titre, car, comme souvent, les titres ont plusieurs sens : mon
histoire mettait en jeu un journaliste improvisé, parachuté dans un village qui votait
à outrance pour le FN, un « faux » reporter donc qui joue le rôle dun
vrai « nègre », au sens littéraire, chargé de récolter les paroles des
habitants.
Dix ans après, La FN a changé de nom, en pariant sur labsence de mémoire
politique des citoyens. Ça fonctionne en apparence : le parti fait tout pour se
doter dune nouvelle virginité, cadres jeunes et lettrés, mais, en revanche, le
programme raciste, catho intégriste et anti-républicain demeure le même. Cest
pourquoi je persiste à le nommer dans son ancienne appellation.
A lépoque, mon roman était parti dune exaspération : la cheffe du
parti sarrogeait le droit de venir comme une chatelaine de lancien régime
dans un village à 20 km de chez moi pour chaque rentrée politique. Pourquoi ce village
plutôt quun autre ? Tout était parti de là. Et grand plaisir pour la
parution du roman, davoir pu le présenter à Hénin-Beaumont, commune nouvellement
acquise par le FN, à Chaumont avec le libraire et éditeur Francis Zahn (dont le père
fût résistant) à deux pas de la permanence du parti. Grand plaisir aussi davoir
énervé Bruno Gollnisch, toujours éminence gris foncé de cette droite, qui écrit que
jajoute mon « petit caillou à lédification du roman
antinational ».
Tout cela était bien réjouissant dautant plus que la cheffe à « allure de
poissonnière » (Faux nègres, p. 313) a fini par se lasser de venir dans ma
campagne, mais hélas, les crispations continuent : mon département est le seul à
avoir 100% de députés dextrême droite (2 seulement, mais 2 de trop). Ajoutons
aussi, dans le tissu local, un indéboulonnable sénateur LR qui traine ses casseroles
depuis 23 ans, lequel sest joint à eux pour voter contre linscription de
lIVG dans la constitution.
Bref, il faudrait que je refasse un petit opus sur les Renégats Nouveaux à la
Rancur Néfaste, il y en a pléthore, de la matière à Roman Noir.
(15/03/2024)
Escapade parisienne, touristique pourrait-on dire : rien de
prévu, hormis un rendez-vous administratif le lundi. Donc on joue aux touristes :
quelques magasins le samedi et la pluie qui nous réfugie aux Halles. Le dimanche, concert
classique à la Maison de la radio, la Tour Eiffel est toujours là, on nous bassine avec
les J.O. jusque devant, mais laccueil nest pas gagné : un espace dévolu
à Paris 2024 reste fermé malgré lheure douverture et les hôtesses
acariâtres nous toisent lorsquon veut y pénétrer. Et puis la saleté est
partout : papiers gras, bouteilles, déchets divers qui stagnent dans les flaques,
crottes de chien (2 fois sous les semelles) (ça promet pour les jeux). Heureusement, le
concert est de haute volée (quatuor de Bacewicz et la fameuse truite de Schubert dans son
quintet original) et, après le repas, la maison de Balzac adoucit les murs avec une
très belle expo croisée Daumier/Balzac (où on saperçoit que les caricatures parisiennes du XIXème sont
dune cruelle actualité). Lundi, rendez-vous prévu, puis rue de Rivoli, la
Samaritaine (hélas, Henri Plantin, vendeur au Rayon pêche dans Paris au mois
daoût de tonton Fallet nest plus quun souvenir poétique).
Jenchaine par un autre temple de la consommation aux Galeries
(Décor) Lafayette (pensé à Anne
Savelli). Les touristes chinois sont de retour, les vendeuses asiatiques en grand
nombre. Je suis allé pour la première fois sur la terrasse (pensé à Jules Védrines
qui y posa son avion en 1919 !). Le soir Issy et ristorante italiano. Il pleut
toujours des cordes. Derrière moi (je suis le seul à la voir) une consommatrice
esseulée, très jeune, en stage ? formation ? trop jeune pour être VRP
et dailleurs le métier nexiste plus mange son repas et vide
consciencieusement un demi litre de vin les yeux rivés sur son portable. La serveuse
(italienne), aimable et efficace, nous offre à la fin du limoncello (- gracie - prego).
Fin de lescapade parisienne. Je rêve maintenant de Sardaigne et dItalie.
(01/03/2024)
Du nouveau chez Rimbaud cette année.
Passons bien-sûr sur les fausses images du poète générées par IA, qui sont anecdotiques. Il
y en aura dautres, nen doutons pas.
Attardons-nous dabord sur le Cahier de Douai qui
a été choisi pour représenter la poésie du XIXème siècle au programme du bac de
français 2024. On nomme ainsi deux liasses manuscrites sur lesquelles sont recopiés les
premiers poèmes du jeune Rimbaud, alors âgé de 16 ans en 1870. Y figure notamment Sensation
et Le Dormeur du val. Arthur sétait enfui à cette époque de chez lui pour
Paris, mais, sans un sou, il est arrêté. Pour le sortir de ce mauvais pas, il contacte
son professeur de Français Georges Izambard, qui habite Douai et qui le recueille
là-bas. Revenu à Charleville, il refait une fugue un mois plus tard et repart
directement à Douai. Là-bas, il a rencontré le poète Paul Demeny, habitant également
cette ville, et qui vient de publier un recueil Les glaneuses. Cest lui qui
sera destinataire du Cahier de Douai, donc, de la vingtaine de poèmes recopiés
quArthur dépose chez lui avant de rejoindre Charleville où sa mère attend de pied
ferme le galopin
A noter que Rimbaud avait demandé à Paul Demeny de détruire les
poèmes quil avait recopiés. Ce dernier nen fera rien : ouf ! (il
paraît que Le Dormeur du val nest connu que par ce biais).
Mais hormis cette programmation au bac de français par lÉduc Nat, la véritable
nouveauté cette année concerne quatre documents, dont trois offerts au musée de
Charleville-Mézières par un mystérieux donateur.
Ce don fait suite à une vente effectuée par la maison Piasa à Paris en décembre
dernier, vente dans laquelle la ville de Charleville-Mézières fera lacquisition
pour 78 000 euros dune lettre écrite en février 1891, et où le poète racontait
le début de sa maladie. Au cours de cette même vente, la municipalité navait pu
acquérir le manuscrit du poème LEternité, car son prix avait atteint
700 000 euros.
Cependant, beau lot de consolation, au cours de ces mêmes enchères, avaient été
vendues deux autres lettres dArthur, lune à sa mère, datée de 1883,
lautre à sa sur écrite en juin 1891, ainsi quun poème (« Ce qui
retient Nina ») recopié par Verlaine en 1880. Et le mystérieux acquéreur les a
offerts à la ville pour son musée Rimbaud.
Ce legs, dune valeur de 280 000 euros tout de même, a été remis le week-end
dernier. Pour loccasion le musée a été ouvert gratuitement. On a ainsi pu
connaître le nom du généreux mécène : il sagit de lentrepreneur Pascal Urano,
ex-joueur, entraineur et président du club de foot de Sedan. Son attachement pour les
Ardennes la conduit à offrir ces documents inestimables. Son rêve serait
quune Fondation Rimbaud voit le jour, à lexemple, dit-il, de la Fondation
Guggenheim installée à Bilbao et qui a su redorer laspect culturel de la ville
portuaire.
Si Charleville na pas la dimension de la ville espagnole, elle possède néanmoins
beaucoup davantages comme la proximité de la Belgique et une passion certaine pour
le fameux poète, immanquablement associé à la vie ardennaise. Alors, à quand la
fondation Rimbaud ?
(23/02/2024)
Pour faire suite à mon inventaire télévisuel de la semaine
dernière, pas fait depuis 15 ans, voici le panorama des entrailles de mon smartphone,
représenté par le fameux « temps décran ». Je ne suis jamais penché
dessus auparavant, mais il est vrai quen 15 ans, nos téléphones portables se sont
mués en outils indispensables.
Je nai pas succombé tant que cela au prolongement inconditionnel de lécran
tactile. Il nest pas greffé en permanence à ma main, ni tendu devant mes yeux
lorsque jarpente les trottoirs, ni préféré aux conversations de restaurant dont
lusage place les couples en tête à tête dans des bulles hermétiques. Il me faut
toutefois anticiper les utilisations de mes voisins, faire gaffe aux lycéens qui
traversent les yeux rivés sur la lueur magique, deviner lautomobiliste obnubilé
par son téléphone, ménerver devant les sonneries intempestives en plein concert
ou au milieu dune réunion.
Ceci dit, je continue à utiliser des ordinateurs portables ou de bureau, une tablette,
dautres machins qui diversifient lutilisation de mon smartphone. Mais
voilà : le petit rectangle plein de technologie est presque toujours à ma
proximité (en ce moment, posé sur mon bureau à 10 cm de ma main gauche, prêt à être
saisi). Je le prends en permanence, je lenfourne dans une poche, il me suit partout,
comme une proéminence physiologique, disponible à lemploi. Il remplace les montres
que je ne porte presque plus, il minvite à chercher en permanence un signe
extérieur quon maurait adressé, une notification WhatsApp, un nouveau mail
reçu. Parfois même je reçois un appel téléphonique
Jai cependant récemment changé de mobile : le nouveau a un appareil-photo
hors pair dont la technologie na rien à envier avec les bons vieux Reflex
amateurs : facile, un évènement familial, un voyage, une excursion, clic-clac
Kodak, le cliché est transféré, partagé en moins de deux minutes.
Tout cela bien sûr augmente le fameux « temps décran », qui a envoyé
aux oubliettes le « temps de cerveau disponible » réservé à la
télévision. Il paraît que le temps moyen décran sur smartphone est
denviron 5 heures par jour, hors activité professionnelle, durée qui a presque
doublé en 10 ans.
Récemment, démonstration a été faite à une adolescente de mon entourage qui se
plaignait de maux de tête, dun temps décran de 53 heures par semaine. La
palme dor du temps décran revient à lemploi des réseaux sociaux. Bien
entendu, cette comptabilité alimente les aigris de tous poils, vieux ou jeunes, adeptes
du « cétait mieux avant » et pourfendeurs du progrès. Mais les
réseaux sociaux sont devenus indispensables, mêmes chez ceux (jen fais partie) qui
continuent à refuser les X-twitter, Facebook, Insta ou TikTok. Bien-sûr, jai
installé WhatsApp, ne serait-ce que pour pouvoir téléphoner en Belgique fréquemment ou
partout dans le monde occasionnellement, et je fais partie de groupes familiaux, amicaux,
associatifs.
Du coup, mon temps décran - au demeurant plutôt faible : moins de 2h par jour
est dévolu pour moitié à la catégorie « réseaux sociaux » via
WhatsApp (avec quelques incompréhensions toutefois : pourquoi 40 mn de temps de
connexion à cette application entre 12 et 13h hier, alors que mon portable était loin de
moi ?). Un quart de mon temps décran est aussi réservé à mes mails, et le
reste à la gestion de lAgenda, à lutilisation de la calculette, consultation
de la météo, GPS, lampe torche et autres utilitaires. Car et cest la grande
force de loutil -, le machin sert à tout, au point quil est devenu illusoire
de vouloir gérer ses déplacements ou les actes de la vie courante sans smartphone.
Mais surtout sans Internet ; une récente étude a conclu que notre temps sur le Web
est de 2 heures par jour (les trois-quarts réalisés sur mobile). En effet, la moindre
démarche requiert Internet. On sanctionne même ceux qui le refusent par des
complications supplémentaires, voire une impossibilité de bénéficier de services. Tous
les organismes (impôts, sécu, mutuelles et autres obligations légales) imposent
désormais une accessibilité à tout moment, pour tous les citoyens, y compris pour ma
mère de 95 ans, qui se désintéressait déjà des avancées techniques à lépoque
du Minitel.
Notre téléphone de poche sert donc à tout, rarement à téléphoner ce qui est
un comble.
Un silence pesant tend ainsi à remplacer la conversation, le dialogue. Nous lavons
tous vécu : silence devant une requête administrative, silence devant une
réclamation, silence devant labsence de réponse, silence devant
linsupportable attente dun accusé de réception, dun mail ou dun
message.
Temps décran en hausse ? On préfère se gausser de lutilisation abusive
des réseaux sociaux, mettre laccent sur les influenceurs, les trucs qui font le
buzz, plutôt que de remarquer la hausse de labsurdité des demandes numériques
indispensables à nos vies.
A lheure où on parle de plus en plus de lillettrisme
numérique (rejetant ainsi la faute aux utilisateurs), on ferait peut-être mieux de
sinterroger sur la facilité illusoire avec laquelle nous avons augmenté notre
communication numérique : formulaires exclusivement en ligne sans possibilité de
contact, chatGPT comme unique discussion, utilisation abusive des réseaux sociaux pour
diffuser des informations (qui na pas Facebook est exclu de la vie municipale,
associative, dentreprise
).
A lillectronisme, donc, il faut créer en parallèle un concept de « politesse
numérique » afin que chacun puisse avoir droit aux échanges courtois que
nimporte quelle sollicitation est en droit dattendre. Et pourquoi ne pas
lintégrer à nos statistiques de temps décran (nombre de réponses
reçues, émises, daccusé de réception, pertinences des échanges,
cordialité
etc.) ?
(16/02/2024)
Il y a longtemps que je nai pas fait dinventaire
télévisuel. Si jen crois la mémoire fiable de FdeR, ça date du 26/09/2008 dans cette même rubrique et ça
fait plus de 15 ans, mince !
Mes habitudes de téléspectateurs ont-elles évolué depuis ce temps si long ? A
priori, probablement, dabord parce que la télévision a elle-même changé,
ainsi que le rapport que nous entretenons avec ce média. Dailleurs, de nos jours,
on ne se pose même plus la question de ce que lon regarde et pendant combien
dheures, on a remplacé cette comptabilité par le « temps
décran » passé sur nos smartphones, qui ont largement remplacé les vieux
postes (tiens il faudra que je consacre un article à ce temps décran prochainement
dans cette rubrique).
Car il faut avoir un âge canonique ou être dans une génération de grands-parents pour
sintéresser encore à la chose télévisuelle. A lépoque de mon dernier
recensement, javais été capable de retracer jour par jour mon addiction, toute
relative, autour dune heure par jour en moyenne. Le premier constat que je pourrais
faire aujourdhui, cest que je ne suis plus capable de compter dune
manière précise mon « temps décran TV ». Cest probablement
beaucoup plus quà lépoque, peut-être de lordre de 2 à 3 heures par
jour, car mon « poste » (ça fait ORTF comme terme) demeure souvent allumé,
je ne cherche pas forcément à regarder quelque chose de précis, cest plutôt une
sorte de veille télévisuelle qui manime.
Prenons une journée type. Quelque chose qui, en revanche, na pas changé,
cest le rituel de Télématin de 7h30 à 8h, avec toutefois quelques
modifications, je change (très) souvent de chaine : il suffit que linvité
politique me défrise (genre FN, Ciotti et autres hurluberlus) pour que jaille faire
un tour sur Arte : ça tombe bien, mon émission favorite Invitation au voyage
commence avant 8h. Arte reste ainsi allumé toute la matinée. Je regarde parfois un petit
reportage, mais souvent je vaque à mes occupations très rapidement. La télé demeure
donc en fond sonore (la maison est grande, je lentends vaguement au loin)
jusquà 12h30 où je regarde mollement quelques infos en zappant. Parfois, il arrive
que je me fasse capter par une rediffusion dArte en début daprès-midi (comme
aujourdhui Vacances avec Audrey Hepburn, et auparavant les excellentes
fictions Hôtel fantôme et Le Silence des ânes de Karl Markovics). Mais ce
nest pas vraiment de la télévision, plutôt du cinéma. Le soir en revanche,
cest calme plat, les programmes sont désespérants pour qui naime pas les
divertissements et autres niaiseries. Je me rabats sur Arte TV (encore !) ou des
séries courues davance (Alex Hugo a le mérite des beaux paysages de montagne). Les
mystères insondables du manque dimagination des producteurs matterrent (mais
pourquoi faut-il toujours une femme-commissaire au caractère imbuvable dans la moindre
série policière française ? Et pitié pour nos oreilles : pourquoi faut-il
que les dialogues de la langue de Molière soient aboyés à toute vitesse ?). Bref,
après avoir attendu des plombes un dénouement fastidieux, je peux mendormir
dun sommeil dabruti (non sans avoir toutefois réparé mon temps de cerveau
disponible -dixit autrefois TF1- par de nombreuses lectures).
Mais heureusement, tout cela nest quéphémère, ma vie est autrement
trépidante et riche, pleine de sollicitations diverses, rassasiées dexpériences
sur lécriture (par exemple FdR), remplies dinterrogations sur le monde
des lettres, dénigmes sur le sens de ma vie, dexigences philosophiques, de
démarches spirituelles, de controverses idéologiques, de questions qui me
taraudent : qui suis-je ? où vais-je ? dans quel état jerre ?
que vais-je regarder à la télévision ce soir ?
(09/02/2024)
Après Lyon la semaine précédente, voici la Normandie ce
week-end à loccasion dune projection particulière de Lhomme debout dans un
château. Il sagissait dune toute première rencontre cinématographique, dans
un lieu habitué à recevoir des plasticiens et des créateurs. Il semblait tout naturel
que le septième art puisse bénéficier de ce très bel endroit, dautant plus que
la petite salle de projection (une quarantaine de places) était dotée dune
technique suffisante pour se croire dans une vraie salle de cinéma. Bref, lendroit
idéal pour regarder des films comme la splendide adaptation dIls désertent,
longs métrages à la fois intimistes et ayant connu un succès mesuré. Ceci dit,
Florence Vignon, la réalisatrice, qui ma, une fois de plus, embarqué dans cette
aventure, ma annoncé que « notre » film avait dépassé les 30 000
entrées, ce qui est plutôt pas mal pour celui-ci que nous avons tenu, Florence et moi,
à bout de bras tout au long de sa sortie au printemps dernier.
Nous nous sommes ainsi prêtés avec grand plaisir au jeu des questions/réponses après
la projection, avec un public conquis par la poésie du film. Belle première édition de
ce nouveau festival qui, nen doutons pas, deviendra un rendez-vous incontournable.
Le temps déchanger avec les participants autour dun verre, et nous voici,
cette fois-ci dans le véritable château, la projection ayant eu lieu dans les Grands
communs, 500 m2 tout de même, refaits à neuf avec une splendide bibliothèque. Nous
étions ainsi les hôtes de nos châtelains à particule, qui nous ont fait la visite
guidée de leur demeure familiale portraits illustres, nobles et généraux,
académiciens ou prix Nobel, tout une partie de lethnographie française que je
nai jamais eu loccasion de côtoyer (si une fois, dans un salon du livre dans
le XVIème en 2002 pour Composants). Grand moment pour moi, dont la haute
lignée se résume à un père chauffeur-routier et une mère vendeuse en boulangerie.
Ainsi, ce monde existe, si, si, je lai rencontré, il y avait même un ambassadeur
et son épouse
Éminemment sympathiques, toutefois nos hôtes, avec cette
décontraction distinguée qui laisse rêveur : Madame, pétulante,
extraordinairement jeune, roule en scooteur à Paris mais chasse le canard sur ses
terres ; Monsieur nous emmènera le matin en Kubota utilitaire faire le tour de
limmense propriété, et nous voici à larrière, secoué comme des sacs de
patates, avec des chapeaux de feutre munis de plumes de faisans
Bref, je nai pas boudé ces plaisirs normands, comme quoi, lécriture de ce
fameux Ils désertent continue à membarquer 12 ans après sa parution vers
des aventures étonnantes.
(02/02/2024)
Lyon : nous y arrivons ce samedi vers midi, échappés de
la circulation touristique ; les véhicules surmontés de skis ont contourné la
métropole à grande vitesse, pressés dapercevoir la neige des Alpes. En ce début
de week-end, nous sommes loin également de la circulation laborieuse de la semaine.
Villeurbanne Gratte-Ciel nous accueille, mélange dimmeubles et de pavillons de
périphérie. Mais cest le souvenir dun discret faubourg dune petite
ville denfance qui nous réunit là, quelques éléments disparates dune
histoire familiale dont nous démêlons encore et toujours les fils.
Ne pas croire que le roman familial a entretenu nos relations. Chacun a suivi sa route,
chacun a élaboré son univers, conjoints, enfants, petits-enfants, nos vies, nos
souvenirs, nos joies et nos peines nous appartiennent, rien na été partagé avec
une parenté qui, jusque-là, a été ignorée : bâtir sa propre vie est une tâche
solitaire.
Et pourtant, ce samedi vers midi, les sourires en disent long sur nos joies à
lidée dêtre réunis de nouveau, maintenant sexagénaires et plus, tous
membres dune généalogie dont nous cherchons à démêler les feintes et les
brisures. Rien dextraordinaire : toutes les dynasties, ascendances,
descendances, filiations ont leur énigmes, leurs cachoteries qui se perdent dans les
arcanes des générations. Tolstoï débute Anna Karenine par cette célèbre
phrase : « Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille
malheureuse l'est à sa façon. ». Le malheur, pour chacun dentre nous, ne se sent
pas, nest pas évoqué. Il y a eu des drames particuliers, bien entendu, mais
cest la joie qui nous réunit.
Cependant, certains, plus que dautres, ont souffert des secrets anciens, ce
quon taisait par souci du « quen dira-ton » ou pour dissimuler
linavouable. Nous nous étonnons : cest presque un groupe de parole qui prend
forme. Nous en convenons : les drames, les épisodes douloureux, même vieux
dun siècle, même tus autant que faire se peut, ont traversé les générations,
alimenté un malaise persistant, introduit des doutes et des questions sans réponse, ont
parfois orienté nos agissements.
Tout cela est raconté, échangé entre nous, précisé. Nous sommes surpris de nos
trajectoires. Lun est devenu pilote de voltige aérienne, et nous comprenons la
formidable allégorie : comment affronter les mystères immatériels de sa parenté
autrement que par des pirouettes célestes ?
Mais les zones dombre se dévoilent. La généalogie, les états-civils ont apporté
leurs lots de réponses. Le brouillard des ans est déjà moins épais. Les discrets
faubourgs qui en furent le théâtre, qui nous ont embarqués autrefois au hasard des
visites et des rencontres, justement, ne sont plus le fruit du hasard : nous sommes
réunis à Lyon, tout exprès.
(26/01/2024)
Quelques extraits dÉtonnements
publiés il y a 20 ans :
« avoir éteint le téléviseur lorsque jai vu la tête de Sarkozy et avant
même découter ce quil disait. De plus en plus dailleurs, je coupe les
journaux dactualités au bout dune ou deux minutes, par une sorte de
saturation des problèmes franchouillards-franco-français qui y sont évoqués »
(28/01/2004)
« constater que des événements comme la guerre en Irak, la situation Israël
Palestine, pour ne citer queux, influent sur la teneur générale dun discours
et du langage qui y est associé. Les conséquences de ce langage guerrier sont
sous-estimées : peu importe finalement que la France se soit opposée à la guerre,
les mots "terrorisme ", "check point ",
" attentats ", " voitures piégées " vrillent
notre cerveau » (25/02/2004)
Nous voici donc une génération plus tard
Quest-ce qui a changé ?
Rien : jai ajouté des noms à la liste de ceux qui me font éteindre le
téléviseur. Par exemple, notre ministre de lintérieur (en 2004 cétait
Sarko), visé pour 2 plaintes pour viol, et notre ministre de la justice qui sest
auto-blanchi de son procès. Je rajouterai certainement sous peu dautres noms du
nouveau gouvernement qui me feront changer de chaîne (je me suis aperçu quil
existait un ministère de la « souveraineté alimentaire » (sic),
quon a fait un package mêlant travail, santé et solidarité ou sport et éducation
nationale, tandis quun ministre est entièrement dévolu aux relations avec le
parlement : ça en dit long sur lintérêt quon porte aux simples
citoyens par rapport aux élus députés et sénateurs). Je boude aussi notre président
qui défend les indéfendables, je conspue le FN qui se multiplie à grande vitesse
(désolé, je narrive pas à changer le nom du parti dextrême-droite). Tous
sont au service de lesprit « franchouillards-franco-français »,
bien protégé désormais par la nouvelle loi immigration.
Rien de nouveau non plus côté international : la guerre en Irak sest achevée
par la destruction du pays où règnent désormais insécurité et corruption. La
situation Israël Palestine dépasse en horreur linimaginable. Y rajouter la guerre
en Ukraine depuis 2 ans, les pays abandonnés depuis plus longtemps, lAfghanistan,
Haïti
Les mots terrorisme et attentats ont décuplé leurs sens : attentats,
Paris, Nice, Bruxelles, Madrid pour ne citer que quelques exemples occidentaux survenus
depuis le jour où jécrivais ces rubriques. De même terrorisme est utilisé
dans un sens identique par tous les gouvernements pour justifier dactions
guerrières disproportionnées.
Et, bien évidemment, rien na changé concernant discours et langage : le flou
et labscons simposent. Par exemple, désormais, en France, le mot
« territoire » est un euphémisme de plus pour désigner labsence
daction politique et sa division en « zones » (d'aménagement du
territoire, d'éducation prioritaire, de redynamisation urbaine ou rurale, ZEP, ZRU, ZRR,
il en existe une quarantaine pour diluer lincompétence de nos élites - Il paraît
que la France compte 14000 sigles ou acronymes, à titre de comparaison, la Belgique en a
500 et lItalie 200).
Cependant, quelques tics langagiers sont plus inquiétants dune dérive
guerrière : je nai pas voté pour entendre un président me parler la semaine
dernière de « réarmement » civique ou démographique. Je préfère me
régaler des contrepèteries qui émaillent les titres des médias rendant compte de la
gesticulation gouvernementale sur tous les sujets : « Cet hiver, le plan grand
froid » ou, tout récemment, « Emmanuel M, son grand plan pour lutter contre
linfertilité ».
(19/01/2024)
Se retrouver en note détonnements sous un simple prénom
nest jamais bon signe. Après François le 23/01/2021, de vieux tontons et des tatas
disparaissent, vicissitudes du grand âge ou de maladies soudaines.
Coup sur coup, à deux jours de différence, à cheval sur deux années, cest
maintenant Françoise une dizaine dheures avant 2024, puis Bernard, le lendemain du
nouvel an.
Françoise avait 94 ans et son cur a lâché brutalement.
Bernard a eu une brève maladie implacable : quelques mois auront suffi pour diminuer
cet oncle avec qui je discutais avec vivacité en juillet dernier lors dun mariage
familial : il me disait sa fierté, il venait dapprendre quon allait le
décorer de la médaille du mérite. Impliqué dans plusieurs associations depuis des
décennies, il est vrai que son engagement était réel et important. Pendant des années,
chaque semaine, il nous a apporté du vrai lait de ferme à lépoque où je
fabriquais moi-même les yaourts de mes enfants.
Et Françoise, pareillement, symbolise aussi la chance que nous avons dhabiter un
petit département délaissé et rural. Le verger familial, héritage de son père,
continue à nous réunir depuis des années. Elle navait pas son pareil pour nous
délecter dans ce lieu de sa fameuse tarte « à la galiche ». On trouve des
traces régulières de ces émotions champêtres dans FdR, par exemple en Webcam le
10/07/2008 ou le 26/09/2007 où javais écrit un sonnet pour loccasion. Je
le recopie, il me parait de circonstance. Je le dédie à Bernard, à Françoise, à
Michel, son frère (mon beau-père) parti 11 ans avant elle, et à Bernadette, son épouse
(ma belle-mère) disparue voici 26 ans, le premier janvier 1998. Les débuts dannée
ne nous portent pas chance
Et pourtant : jétais passé au verger le 29 décembre pour cueillir du gui
afin que lon sembrasse dessous en se souhaitant bonheur et joie comme le veut
la tradition.
C'est l'histoire d'un verger familial qui perdure
Les saisons y trépassent comme des bougies de cire
Les tablées et les nappes envolent nos souvenirs
Ajoutant pour chacun un peu de sa verdure
C'est par exemple aux pommes que nous forçons l'allure
Grimpant sur des échelles, le ciel en ligne de mire
Nous éloignons la terre propre à nous engloutir
Nous cueillons et les fruits, et le temps, sa fêlure
Nous rions des démons, préférons les génies
habituels de ces lieux. Les pommes rouges et or
garnissent nos paniers et tombent en harmonie
Avec des bruits ténus, elles réveillent nos morts,
ceux qui venaient aussi cueillir ces ambroisies
Et qui reposent céans dedans nos poésies.
(13/01/2024)