depuis septembre 2000
| |
Étonnements 2019
Bruxelles : j'ai déjà dit combien je tenais la ville en admiration. A la
fois gaie et sans manière, peu compliquée (vous prenez quelques adjectifs contraires et
vous qualifiez en retour l'orgueilleuse Paname, la vaste Lutèce compliquée, qui
ronchonne et pas qu'au moment des grèves). Bref, cette ville à taille humaine me
convient. Elle est agréable en toutes saisons. Au printemps, lorsque le soleil encore
frais ne décourage pas les premiers bras nus en terrasse des friteries, à la veille de
l'été lorsque la traditionnelle course de vingt kilomètres se comble de chaleur, en
automne à l'occasion d'un salon du livre et en hiver pour son marché de Noël. Je
découvre en arrivant devant les stands familiers que cela fait trois années de suite que
nous y allons. Vins chauds avec ou sans amarena et verres d'hydromels accompagnent les
spécialités locales, gaufres et les fameux croustillons, dont le stand est toujours
plein et dont je sais maintenant prononcer le mot bruxellois presque sans accent
(smoutebollen). Il y a foule, toujours, mais le cheminement est bon enfant, au gré des
stands, des manèges pour enfants, des tavernes à bières, des stands de vins chauds,
d'artisanats divers et cosmopolites, où on trouve indifféremment du sirop d'étable du
Canada et des chaussettes tricotées en Mongolie. C'est toujours pour moi une très grande
respiration que d'arpenter ce marché de Noël, dont les pavés sous mes pas deviennent
plus souples et plus tangents au fur et à mesure des vins chauds avalés et cette
édition 2019 n'a pas failli à la règle. Le pli semble pris et il est probable que
l'année 2020 nous revoie arpenter les stands avec un plaisir toutefois supplémentaire :
histoire de tourner un peu plus, j'aurai une bonne excuse pour monter sur le Manège
d'Andrea, afin d'accompagner le tout jeune enfant qui s'est fait porter cette année
par son père.
(17/12/2019)
Semaine dernière, bousculade d'avant Noël :
Lundi matin, réunion de mi-bilan pour l'atelier de ma ville.
Lundi après midi, mise à jour de FdeR.
Mardi matin, réunion téléphonique de coordination.
Mardi après midi, préparation de la 10ème séance.
Mercredi matin, préparation de la 2eme séance de l'atelier de Chanzy.
Mercredi après-midi, 10ème séance et réunion de programmation pour la suite.
Mercredi soir, réunion associative et présentation des livres de la rentrée avec une
librairie.
Jeudi matin, compte-rendu de la réunion associative (je suis le secrétaire).
Jeudi après-midi, vérification et envoi de Y chez Fayard.
Vendredi matin, lever matinal, 2 heures de route jusqu'à Charleville pour la 2eme séance
de Chanzy.
Vendredi après-midi, détour jusqu'à Givet pour récupérer du matériel, 3 heures de
route en retour.
Tout cela, volontairement limité aux heures de bureau d'une semaine classique d'un boulot
classique. A rajouter : repas, lessives, commissions, bricolages divers, coups de
téléphone, organisation, ne rien oublier pour la suite qui promet d'être aussi dense.
Tout cela avec dans chaque creux, la relecture et les modifications de dernières minutes
de Y avant son envoi. Tout cela pour me retrouver avec étonnement à acheter un
sapin de Noël dans une jardinerie : entre l'été et la fin de l'année, je n'ai rien vu
passer.
(10/12/2019)
Ça fait un peu Martine à la ferme, Cécile à la bibliothèque. La
bibliothèque en question est une médiathèque et elle se trouve à cinq cents mètres de
chez moi. Et Cécile s'appelle Beauvoir (non, non, rien à voir avec Simone). Elle était
avenue avec Olivier, un percussionniste, pour une lecture accompagnée, comme on dit.
D'ailleurs, comme le signala Cécile, l'accompagnement aux percussions change du
traditionnel violoncelle qui oblige l'auteur à prendre des poses inspirées. Ici, pas de
grandes tirades racontées en chevrotant avec un auteur qui gesticule feuilles à la main.
Cécile est sagement assise, et ses mots coulent lentement, souligné par les rythmes
d'Olivier. Et autant, le violoncelle ne permet pas d'écart, mains occupées par l'archet
et la touche, autant le matériel qu'avait déployé Olivier, batterie portative,
électronique, cymbales, fûts posés à même le sol, couverture pour amortir les sons,
coussin, baguettes de tous genres, autant cette profusion assure le spectacle, apporte
juste ce qu'il faut comme mouvements.
Grande joie donc de retrouver Cécile Beauvoir (voir entre autres les notes de lecture du 02/05/2008 et du
19/09/2008) et grande fierté aussi : si son spectacle a eu lieu c'est parce que j'avais
eu la bonne idée de transmettre son programme à notre médiathèque municipale. Ce fut
l'occasion, une fois le spectacle terminé, de nous remémorer joyeusement la fameuse
fiesta organisée en 2007 par le gouvernement pour tous ceux qui venaient de publier un
livre (note d'étonnement du 31/10/2007).
Sarkozy venait d'arriver au pouvoir, Fillion était premier ministre et Albanel occupait
la culture. Nous inviter à Matignon, c'était prendre des risques : nous nous sommes
défendu pied à pied devant les gardes républicains qui ont eu toutes les peines du
monde à nous refluer de salons en salons : nous avons profité jusqu'au bout de la
dernière goutte de champagne, en juste retour de mes propres impôts.
Et si je garde souvenir de cette mémorable soirée, en revanche, j'avais complètement
oublié que nous nous étions vu à la fête de l'Huma un mois auparavant (ben oui, sinon
comment aurai-je reconnau Cécile à Matignon) et qu'on la confondait avec Clémentine
Autain à cause de ses cheveux courts (Matignon, l'Huma : certains écrivains n'ont aucune
conscience politique). Cécile revient quand tu veux pour me rafraîchir la mémoire.
02/12/2019)
La rencontre à Florzé, vers Liège, donc, presque en Hollande, était
retenue depuis longtemps. Savoir comment mes hôtes belges avaient appris l'existence de Sans
trace qui venait de paraître demeure un mystère. La manifestation littéraire qui
m'accueille s'appelle " les rencontres du Houmier " et ont lieu environ deux
fois par an. Organisées par d'anciens libraires, elles confrontent généralement deux
auteurs : je suis invité avec Xavier Deutsch, auteur titré du prix Victor Rossel et du prix
Maeterlinck. Il sera cuisiné gentiment au sujet de son dernier livre Homme noir sur
fond blanc, l'histoire d'un migrant. Puis c'est mon tour pour Sans trace, et
enfin, nous nous réunissons tous deux pour débattre vaguement devant une assemblée
étonnamment fournie pour cette région de campagne à vingt kilomètres de Liège. Apéro
puis repas du soir très sympathique, en compagnie d'Alain et de Jacqueline qui
m'accueillent, de Bernard, qui m'a interviewé, et de Cédric Ballarati, un architecte
voyageur photographe qui vient de publier Terre de chiens (en Notes de lecture).
Nuit très reposante, furieuse envie d'écrire un peu de Y (dont je sens déjà
la fin). J'en profite donc pour inaugurer cet oloé avec vue sur les champs et les chevaux qui émergent de
la brume. La journée promet d'être belle et ensoleillée. Direction Liège que j'ai
envie de visiter. La ville ressemble un peu à Bruxelles dans son aspect disparate et le
mélange des architectures. Des immeubles modernes voisinent avec d'anciens hôtels
particuliers de style flamand. Un marché sur les quais de la Meuse donne l'idée d'une
ville populaire et cosmopolite. Je fais quelques photos (en Webcam), je mange une gaufre
et des frites comme il se doit. Excellent week-end donc, pourquoi ne m'invite-t-on pas
plus ? Avis aux organisateurs - francophones, je ne suis hélas pas traduit - : toutes les
destinations me plaisent, de la Corse aux Antilles, de Saint-Pierre et Miquelon à la
Polynésie.
(26/11/2019)
Madame Céline, également appelée Lucette Destouches, épouse de
Louis-Ferdinand Destouches, docteur en médecine et accessoirement auteur du Voyage au
bout de la nuit, Madame Céline, donc, est décédée il y a moins de deux semaines,
à l'âge vénérable de 107 ans, trois mois et dix neufs jours. Née Almansor, elle a
passé son enfance à Paris, et a partagé la gouaille de Lutèce avec son écrivain de
mari, qu'elle connut dès 1935. Danseuse de formation, elle ouvrit une école de "
danse classique et de caractère " dans le pavillon de Meudon dans lequel le couple
s'installa au début des années cinquante, après leur exil à Sigmaringen et au
Danemark. Pendant les dix ans de vie qui restaient à Céline, elle apparaîtra souvent
sur les clichés des journalistes et photographes curieux et avides de sensations qui
sollicitent les interviews de l'écrivain maudit, mué en clochard. A sa mort en 1961,
elle prépare son nom sur la pierre tombale " Lucette Destouches 1912-19 ",
laissant les deux derniers chiffres pour son année de décès : elle ne pensait pas
atteindre le siècle suivant, comme la fameuse Marcelle Bazar d'un cimetière familial (Etonnements du 04/05/2005).
J'ai pensé il y a peu à Lucette Destouches, en lisant les Lettres de prison que
Céline lui écrivit pendant son incarcération à Copenhague (Notes de lecture du
16/10/2019). J'ai été touché par la tendresse qui les réunissait, tendresse qu'elle ne
démentira jamais, défendant au besoin l'homme dont on ne retenait que les écrits
antisémites. Il est vrai que, dans l'enfer des salauds, je préfère un Céline
tonitruant, mais qui n'a jamais tiré profit de ses pensées malsaines, plutôt que les
censeurs sartriens et les bourgeois hypocrites qui se sont enrichis en se ralliant in
extremis aux biens pensants.
(19/11/2019)
L'année passée, à la même époque, la Bolivie et le Chili nous avaient accueillis. Cette année, nous
continuons le périple andin avec l'Équateur. Juste avant le départ, la situation a
été confuse, assez peu relayée dans les médias (mais nous sommes habitués en France
à une portion congrue des actualités internationales - exemple : qui sait ce qui se
passe en Haïti ?). Les manifestations de Quito ayant cessé suite au
gouvernement qui a accepté de négocier, nous avons pu partir pour apprendre là-bas les
troubles au Chili et, à notre retour, ceux de la Bolivie. Les pays de la Cordillère des
Andes sont ainsi dans une ligne de déséquilibre Nord Sud (dans tous les sens, Amérique
du Nord contre Sud, monde occidental contre cultures indigènes) et la tradition à
laquelle nous avons sacrifiée à l'exacte latitude zéro de l'équateur avec un pied dans
chaque hémisphère est un symbole évident.
L'Équateur donc commence à l'arrivée à Quito. L'aéroport est à près de 3000 m
d'altitude, mais ça fait mille mètres de moins que celui de La Paz en Bolivie. Passé
les premiers essoufflements, on reprend pied au sens propre pour des randonnées à des
altitudes supérieures dans la Sierra, telle que les habitants nomment cette région de
montagnes constituée de volcans figurants parmi les plus hauts du monde. Nous avions par
exemple prévu d'arpenter le Cotopaxi (le plus haut volcan encore en activité au monde)
jusqu'à l'altitude du Mont Blanc, mais les mauvaises conditions météo nous ont fait
faire demi tour à 4400m. En revanche, le Chimborazo, le plus haut sommet de l'Équateur
(6310m) et qui est aussi un volcan en sommeil, nous a permis d'atteindre une lagune à
5100 m, un peu en dessous des premiers contreforts du glacier qui rend son ascension si
difficile et réalisable qu'avec le gel de la nuit.
Mais l'Equateur c'est aussi l'Amazonie qui commence dès la dégringolade des pentes à
l'Est, et qui se matérialise par des cours d'eau finissant par se réunir en rivières
comme le Napo, long de 1500 kilomètres de long (un tiers de plus que la Loire, notre plus
grand fleuve), qui finit par rejoindre l'Amazone dans la grande traversée du Brésil. La
forêt équatoriale commence dès que l'altitude baisse un peu. Aux paysages de buissons
et de touffes d'herbes succède la luxuriance des grands arbres du moins, quand les
eucalyptus ou les conifères plantés par la main de l'homme, ne les ont pas remplacés.
Mais bientôt, il devient difficile à l'homme de maîtriser la nature et nous nous
laissons dériver sur le Napo, entre des remous parfois vifs, accostant à maigres chemins
qui s'enfoncent entre les arbres. Il faut des bottes pour explorer ces rivages spongieux,
peu peuplés, sinon par des animaux (tapirs, guépard, pumas, boas pour les plus
impressionnants - nous n'en verrons aucun hormis de nombreux singes et des caïmans). De
suite, on se heurte à des falaises pétrifiées dans une tourbe par des millénaires
d'arbres enfouis. Le ruissellement est partout, l'humidité forme un brouillard permanent
que l'on aperçoit en débouchant sur un sommet et qui plane au dessus de l'immense
horizon de chlorophylle. J'avais accompli quelques balades similaires il y a quinze ans à
Manaus et récemment dans les forêts tropicales au Nord du Vietnam, mais j'avais oublié l'impression d'une telle
touffeur. Autant l'altitude rend modeste la randonnée à cinq mille mètres d'altitude
dans la Sierra, autant les difficultés de progression dans la boue, les racines et les
grimpettes glissantes freinent les ardeurs en Amazonie. Une promenade effectuée de nuit
nous révèlera tout ce que nous avons côtoyé dans la journée en ignorant leurs
présences : phasmes, scorpions, araignées, chenilles urticantes, criquets géants,
jusqu'à une minuscule grenouille d'un bleu et rouge magnifique, hélas violement toxique
si on l'approche
Mais en même temps, quel calme et quelle sérénité ans la forêt
équatorienne : nos vieilles peurs et angoisses d'européens nantis disparaissent
instantanément.
La fin est brutale : après un retour dans la Sierra, quelques visites plus civilisées
dans la ville de Cuenca, capitale du panama, nous prendrons nos derniers clichés en
frissonnant sur un point de vue à plus de quatre mille mètres avant de redescendre en
une paire d'heures au niveau de la mer où la chaleur nous étouffera : voici Guayaquil,
ville économique et industrieuse où nous attend notre avion de retour. Les clichés sont
en Webcam et il y a, comme d'habitude, un carnet de voyage spécifique.
(12/11/2019)
C'est un texte que j'ai retrouvé. Je l'avais écrit pour un recueil
collectif édité par Catherine Flohic Écrire
pourquoi, paru en 2005 et où j'étais en très bonne compagnie avec Pierre
Bergounioux, Bernard chambaz Eric Chevillard, Michel Deguy, Philippe Djian, Annie Ernaux
pour ne citer que les premiers qui me suivent par ordre alphabétique. J'avais choisi pour
ce recueil un autre texte que ces élucubrations sur la physique de l'écriture. Le
fichier initial date du 3 août 2004.
" Expériences
Première expérience : un papier (bande déchirée d'une feuille de
format A4) sur lequel est écrit une phrase est placé dans un robot ménager de type
mixer. L'appareil est actionné dans les conditions normales de son utilisation. Résultat
: la feuille ressort d'une seule pièce, froissée, déchirée, l'intégrité de la phrase
" Le chat mange la souris " n'en est pas affectée. Enseignement : le choc
mécanique n'a pas détruit l'agencement des mots, la compréhension reste identique
Deuxième expérience : le papier (un autre, rédigé dans des
conditions identiques) est placé dans un bac à glaçon, recouvert d'eau et placé dans
le compartiment congélateur au-dessus du frigidaire. Au terme d'une durée supérieure à
plusieurs heures, l'examen de la feuille dégagée de la gangue de glace laisse entrevoir
la phrase dans son intégralité. Enseignement : le froid n'a pas entaché l'intégralité
de l'écriture.
Troisième expérience : une autre feuille, revêtue de la même
mention est placée dans le four, thermostat 7, 250 °C. Au bout de trente minutes, le
papier est retiré. Malgré des traces brunes et le gondolement caractéristique de la
chaleur, " Le chat mange la souris " demeure lisible. Enseignement : la chaleur
du four, dans son utilisation ménagère, n'a pas nuit à la phrase.
De ces trois expériences, il résulte que l'écriture dans sa forme
simple (la phrase) résiste aux chocs simples, garde sa mémoire entre - 20°C et +
250°C. Seule l'intervention humaine peut à priori (tourner sept fois la langue dans sa
bouche avant d'écrire) ou à posteriori (biffures) modifier le sens d'une phrase.
Le chat mange la souris. La souris est mangée par le chat. Le chat
mangeant la souris. Le chat mange. La souris est mangée. Le chat, la souris.
L'intervention humaine visant à la réduction maximale de la compréhension n'enlève
rien à celle-ci, les deux protagonistes chat et souris sont trop imprégnés dans notre
culture pour imaginer qu'il puisse en être autrement, qu'une autre fin soit possible.
L'histoire est déjà vue, comme pour le Titanic. Le chat s'appelle Titanic. La souris ne
se nomme pas. Maître, esclave. Titanic se coule entre les hautes herbes et repère sa
proie. La souris, glacée d'effroi, souris grise comme un iceberg, verte qui courait dans
l'herbe, je l'attrape par la queue, je la donne à ces messieurs. Musique des mots, la
phrase, une simple phrase et l'histoire derrière, immense, tendre, tendue, qui pousse à
écrire encore et encore. "
(16/10/2019)
Sedan-Charleville, c'était la centième édition hier. Il fallait en
être ! Autant la 99ème édition était chargée de 3000 coureurs, autant les
inscriptions réunissaient paraît-il 9000 coureurs avec les foulées roses. Au total, il
y a eu 7621 coureurs qui ont passé la ligne d'arrivée et j'étais le 7502ème. Résultat
modeste : trois heures pour 24km et une allure de tout juste 8 à l'heure (l'année
passée j'avais quand même mis une demi-heure de moins). Mais enfin je l'ai fait à une
allure tranquille et je suis reparti sans la moindre crispation musculaire, frais comme un
gardon, qui est l'expression appropriée vu la pluie qui a trempé la plupart des coureurs
(je soupçonne les dix Kenyans qui terminent aux premières places de s'être dépêchés
d'arriver en 1h10 pour ne pas avoir à affronter les averses). N'empêche que si mon
modeste temps est le reflet de mes derniers entraînements, il faudrait néanmoins que je
modifie mes sorties pour ne pas arriver à l'allure d'un escargot. J'ai dû perdre ces
derniers mois environ 1,5kmh de vitesse qui s'ajoutent à une décroissance entamée
depuis plusieurs années (depuis 2014 en fait). Hélas, le poids des ans commence à se
faire sentir, malgré que je sois un fringant et tout jeune sexagénaire. De l'avis de
beaucoup, la tonicité et la souplesse musculaire, sa capacité à réagir commence
décroître à cet âge (notons que l'espérance de vie au début du siècle passé
atteignait à peine ce seuil). Côté course, depuis que je suis passé avec ma nouvelle
décennie dans la catégorie des vétérans 3, force est de constater que ceux qui courent
encore ont fondu comme neige au soleil : dans la liste des inscrits nous sommes moins de
500 à avoir mon âge ou au-dessus. Chapeau bas tout de même au trois octogénaires qui
ont tous couru plus vite que moi. Bref, je vais tenter dans les mois qui viennent de
maintenir la fréquence de mes entraînements et une distance hebdomadaire de 20km.
Néanmoins, je vais essayer de retrouver un peu de vitesse avec quelques exercices de
" fractionné " sur des séances plus courtes.
(07/10/2019)
Morts illustres : Chirac aujourd'hui, mais le hasard a voulu que je
participe en ce jour de deuil national à l'enterrement d'une autre disparition, un copain
de mon âge surnommé " le grand "qui habitait la même ville que moi et auquel
la maladie n'a laissé aucune chance. J'étais donc dans une église de campagne au moment
où on se pressait à Paris, j'avais garé ma voiture pas très loin du cimetière où
reposent mes beaux-parents, ainsi qu'un jeune beau-frère disparu à quatorze ans (je suis
allé leur rendre visite avant de repartir). Le copain en question avait été témoin du
fameux été de 1981, qui avait été pour beaucoup d'entre nous un instant de grâce pour
nos vingt ans : c'est là que j'y avais rencontré mon épouse, c'est là aussi que l'ami
qui m'avait invité en vacances avait rencontré la sienne et, par la même occasion et
nous nous retrouvions ainsi ce matin plusieurs rescapés de cette époque bénie avec le
cur gros. A l'église d'ailleurs l'un de nous a eu la bonne idée de retracer cette
période avec bonheur et émotion.
Disparitions donc, intimes, personnelles qui 'ont rien à voir avec les morts célèbres
et illustres. Depuis quelques jours on ne cesse d'évoquer cet ancien président dans la
sorte de catharsis collective qui nous tient lieu d'émotion maintenant. Au moment de la
mort de Johnny, je n'écoutais plus la radio, n'allumait plus la télévision tellement
cette extension de peine me paraissait surfaite, incongrue : je n'éprouvais rien, et de
même, l'annonce de la mort de Chirac m'a laissé de marbre, pourrait-on dire. Non pas
parce que je suis insensible, mais parce que les peines que j'éprouve, réelles, intimes,
n'ont pas besoin de se doubler de sentiments factices.
Cet été, j'ai été gâté en émotions : nos meilleurs amis ont perdu une mère et un
père a deux mois d'intervalle. La maman de Catherine est partie à un âge vénérable,
mais je fais mienne la chanson de Brassens qui loue " l'orphelin d'âge canonique
", car " avec l'âge, c'est bien normal / les plaies du cur guérissent
mal ". Et puis le papa de Gaëtano s'est éteint brutalement avec une courte maladie
qui l'a emporté en un mois. Le dimanche, nous étions ensemble et la semaine suivante, il
nous annonçait le malheur. Pareillement hier soir : un message nous a informé que la
maman de mon beau-frère (nous étions aussi ensemble le week-end précédent) venait de
décéder à leur retour.
Ainsi voici mes morts illustres et que je place dans mon panthéon personnel, cérémonies
sans archevêques, sans monument flamboyants, avec à chaque fois un coup de canif de plus
sous la poitrine et l'affliction que je partage avec tous.
(30/09/2019)
Ça bouge en ce moment, à peine le temps de m'occuper des mises à jour
de F d R. Week-ends occupés jusqu'à la fin de l'année et les semaines sont de
la même densité que lorsque je travaillais chez Orange. Ce n'est pas pour me déplaire,
bien au contraire : j'ai l'impression de renouer avec le boulot, de contrer ceux qui
n'arrêtent pas de me demander " alors, la retraite ? ", alors qu'en réalité,
même si j'ai l'impression que ça s'accélère en ce moment, rien n'a vraiment cessé,
thèse, écritures, publications, tout cela, mené de front, et qui forme un métier, un
vrai, rémunérateur de surcroît. J'y ajoute la reprise d'ateliers d'écriture. Deux
expériences l'année passée m'ont redonné le goût et l'envie de ce partage si
particulier. L'un est prévu dans un lycée à Charleville-Mézières, l'autre, récemment
organisé, va se dérouler dans ma ville jusqu'à la fin de l'année dans un premier temps
et concerne des migrants mineurs. Les deux sont radicalement différents : autant celui
qui va se dérouler au sein de l'Education Nationale va concerner un public homogène,
même classe d'âge, mêmes études et probablement mêmes enfances provinciales et assez
lisses, autant celui qui concerne les migrants sera variable : apprentissage du français
hétérogène, passés cabossés, ruptures sociales, culturelles. Il est vraisemblable que
les deux vont se nourrir l'un l'autre. J'ai retrouvé pour me rafraîchir la mémoire,
celui que j'avais animé au CHS du Jura il a déjà douze ans : c'est ICI et c'est une grande chance que j'ai gardé le déroulement précis
des séances. Là aussi, le public était très diversifié, le plus jeune avait 18 ans,
la plus vieille cent ans ! Le point commun aussi entre tous était la rupture sociale que
leur imposait leur internement en hôpital psychiatrique. En relisant mes notes de
l'époque, je me suis souvenu de l'extraordinaire humanité qui régnait dans notre petit
groupe et l'idée saugrenue que les fous étaient ailleurs, et les gens censés parmi eux.
Je suis presque certain que je vais éprouver le même type de réaction avec ces jeunes
migrants : à mon avis, les étrangers, ce seront les autres, étrangers à leurs propres
destins. Alors que j'ai déjà mesuré leur courage dans ce domaine, à commencer par
l'idée même d'être parvenu ici à moins de dix-huit ans et leur implication : sur
quarante personnes, la moitié a déjà signé un contrat d'apprentissage avec les
entreprises de la région. Les lycéens que je vais côtoyer n'ont probablement pas les
mêmes enjeux et la même urgence de réussite, l'entourage familial les protège pour la
plupart. En revanche, pour moi l'enjeu est aussi important, il s'agit de les ouvrir à
autrui à travers la littérature, et que les mondes puissent cohabiter, bien que tout
soit fait en ce moment pour marquer les réticences entre les jeunesses de cultures
différentes. Notre avenir est pourtant là et de voir qu'on souffle de plus en plus sur
les braises qui étaient quasi éteintes des discriminations m'afflige. L'écriture de Y
y est pour quelque chose : dans les mille pages déjà écrites, l'une des surprenantes
révélations d'un passé familial si peu différent des migrants, est de réaliser
combien il a été important d'avoir au fil des générations trouvé sur la route des
gens désintéressés qui ont ni plus ni moins sauvé la vie des protagonistes. Sans viser
à cette extrémité je veux au minimum représenter une rencontre éventuellement utile,
et proposer un point de vue le plus ouvert possible.
Et puis comme si cela ne suffisait pas, un projet d'atelier lié à la ruralité a
peut-être se décider : Alain,
je te suis ! Tout cela fait sens pour moi.
(23/09/2019)
Je ne suis pas particulièrement " famille ", comme on dit, ou
plutôt si, à la réflexion, tant il me semble éprouver un intérêt normal en ce
domaine. La famille très proche, bien sûr, accapare la plupart des échanges réguliers
mais j'ai toujours grand plaisir à retrouver le côté familial plus lointain, oncles,
tantes, cousins, cousines, neveux ou nièces, parfois (souvent) par alliance d'ailleurs.
Ainsi j'apprécie toujours les fêtes en ce domaine, et, si comme tous, j'éprouve de la
tristesse aux inévitables enterrements qui jalonnent nos vies, en revanche les
évènements gais comme les anniversaires ou les mariages me remplissent d'allégresse.
C'est l'occasion de retrouver, dans ce dernier cas, cette part familiale que l'on côtoie
en fait qu'à ces rares occasions. Celui que j'ai vécu ce week-end a réuni un côté
héréditaire que je n'avais pas fréquenté depuis deux ans. C'est finalement peu et
c'est peut-être pour cela que j'ai eu grand plaisir à presque renouer le fil de nos
conversations passées. Car les retrouvailles se déroulent toujours de la même façon,
selon une sorte de rituel imposé et bienveillant : Qu'est-ce que tu deviens ? Alors,
toujours la forme ? Tu écris toujours ? (C'est une question spécifique pour moi) et
pareillement, j'aime en retour me renseigner auprès de ces proches. Pour la plupart, tous
vivent dans la même région que moi, voire la même ville, ce qui fait que nous nous
voyons aussi en dehors, souvent par hasard (par exemple, lors de la course annuelle que je
dispute dans ma cité, certains sont spectateurs). Il n'y a pas de princes, pas de
hobereaux de villages parmi nous, nous venons du même milieu populaire et travailleur, et
la simplicité est de mise avec le tutoiement de rigueur. La plupart sont menuisiers,
charpentiers, plombiers, électriciens, coiffeuses, secrétaires, infirmières,
contremaîtres, les plus vieux sont retraités, les plus jeunes sont pompiers de Paris,
ingénieurs ou ouvriers, encore aux études : rien d'extraordinaire, une parfaite
représentation de la société provinciale.
Je ne sais pas pourquoi j'éprouve autant de joie à y participer, mais je sais que
l'idée de passer l'après-midi, la soirée, une partie de la nuit, de longues heures en
perspectives, ne m'a jamais effrayé, au contraire. J'aime discuter, aller de groupe en
groupe. En y réfléchissant, ce samedi en question, je n'ai vu personne, ni petits, ni
grands, obligé de tromper son ennui avec son smartphone. Les enfants couraient
autour de la salle des fêtes, les grands parlaient, de petits rassemblements se faisaient
et se défaisaient au fil des conversations. J'ai souvent pensé que j'aimerais écrire un
roman qui se déroulerait ainsi, pendant le temps d'une telle fête ou d'un bal, dans ce
moment où le soir tombe sur le bruissement des paroles, ou lorsque commence la musique.
Car il y a la danse aussi, les inévitables tubes qui jalonnent ces cérémonies, et
j'avoue que le fait de me déhancher mollement sur la piste me plaît, j'attends même
souvent ce moment avec plaisir. Voilà : tout cet article en rubrique Étonnements pour
affirmer à la face du monde que je suis un traditionaliste des mariages de province.
(03/09/2019)
J'ai l'habitude de rentrer de vacances à une époque où il reste encore pas mal de
belles journées d'août à déguster. Cette année, donc, surprise (à moitié) d'avoir
retrouvé ma pelouse grise comme de la cendre, même la mousse avait brûlé et le sol
était quasiment à nu. Deux ou trois jours de pluie ont remédié à la chose et une
verdure nouvelle réapparaît déjà, cependant compromise par les températures bien
au-delà de trente degrés qui ont recommencé. Ces considérations météorologiques sont
importantes : pour moi, pas d'été digne de ce nom, si je n'ai pas le teint hâlé
(généralement, je commence à brunir en mars avec la course à pied régulière le long
du canal) et si je n'ai pas eu l'impression d'avoir été saoulé de soleil. Après,
peuvent venir sans regrets la fraîcheur, les pluies et les champignons d'automne. Cette
année, donc, les belles journées que nous connaissons sont l'occasion de poursuivre les
vacances : vélo (hier encore, une soixantaine de kilomètres le long d'un chemin de
halage ombragé), footing matinaux car il faisait déjà 25° ce matin lorsque je suis
rentré après dix bornes, voire plage en soirée (il y a véritablement dans ma région
des plages qui n'ont rien à envier à celles du midi à 15 km de chez moi). Cette année
encore, le hasard de ma participation à une association m'a fait bénéficier d'une
journée touristique à seulement trente kilomètres : visite d'un jardin magnifique,
repas dans le restaurant d'un camping paradisiaque, découverte d'un vieux moulin dans un
village que je connaissais déjà, mais pas ses trésors, comme cette église qui compte
de nombreuses peintures, bas reliefs et sculptures contemporains de Henri IV. Le village
est très modeste et c'est une chance car les turbulences de l'histoire et de la
modernité l'on tenu à l'écart. Le cliché affiché du moulin et qui date début du
XXème siècle aurait par exemple pu être photographié le jour même tant rien n'a
changé. De même, les roues à aubes et à godets fonctionnent encore, le tableau
électrique, seule concession au progrès, date de 1901
Cette ingéniosité
populaire fait l'attrait de ce tourisme local, mais qui n'a rien à envier aux merveilles
siciliennes qui m'ont m'enchanté juste avant.
(27/08/2019)
Dix-septième été où la Sicile nous accueille. Partis pour la première
fois en 2003, nous n'avons loupé aucune année pour les retrouvailles avec la maison rose
(fraichement repeinte cette année) dénichée alors dans le calme des vergers sur les
flans de l'Etna. A force, les propriétaires sont devenus nos amis. Chaque été donc,
nous retrouvons cette jolie maison, ses terrasses, son four à pizzas. Les alentours nous
sont devenus familiers et si nous parcourons maintenant rarement l'île, c'est pour
goûter le calme d'une vraie farniente sur place, avec plage l'après midi ou plutôt le
soir d'ailleurs et quelques balades sur le volcan qui nous a gratifié cette année d'une
belle éruption. Rien d'autre, mais il faut dire que le nouveau né qui nous a accompagné
nous a imposé son rythme paisible : tant mieux, il a découvert là-bas pour la première
fois qu'il était capable de dormir dix heures d'affilée la nuit, pour la plus grande
joie de ses parents qui attendaient sa bonne volonté depuis deux mois et demi. C'est
drôle de penser que, lors du tout premier séjour ici, sa maman venait tout juste de
terminer sa classe de seconde et que son frère, qui travaille depuis dix ans déjà, ne
devait guère m'arriver qu'à l'épaule.Aurai-je alors imaginé que l'écriture rituelle
sur la terrasse ombragée serait cette année accompagnée d'une nouvelle génération ?
(19/08/2019)
Pour saluer la semaine passée, brûlante et soudaine, voici la fin de Journal
de la canicule (Fayard, 2015) Je n'y dévoile pas grand-chose (donc, vous pouvez lire
ce qui précède, c'est un excellent roman de vacances !), mais c'est un extrait que
j'aime beaucoup, le moment où tout s'apaise
" Van me regarde écrire chaque soir le récit de ma journée. J'aime ce moment.
J'aime par-dessus tout sa présence. Je m'étais laissé enliser dans un ennui dont je
n'avais pas conscience. Je me suis toujours satisfait de peu, aussi la solitude ne me
pèse guère. Cependant, il suffit d'être accompagné pour réaliser que nous ne sommes
pas faits pour vivre isolés. Nous avons besoin de donner. Peut-être que j'essaie de
donner d'abord au vent et à l'air ces lignes rédigées chaque soir, mais avec l'espoir
que le vent ou l'air dispersent des mots qui finalement nous relient tous, nous unissent.
C'est un peu comme l'art et les tableaux, les mots ou la vision provoquent quelque chose,
des émotions. Par exemple, Van, devant moi, me regarde écrire, elle est assise sur le
rebord de la fenêtre ouverte, sa position favorite, une main passée à l'extérieur avec
une cigarette suspendue au bout des doigts. Elle jette un il dans ma direction, puis
tire une bouffée, replace sa main au dehors comme le font tous les fumeurs pour éviter
que l'odeur du tabac ne pénètre dans la pièce. Le lampadaire dessine le contour de son
bras. Elle porte un chemisier léger et un jean. Il fait encore chaud, le début d'automne
est orageux. Il y a un papillon de nuit qui tourne autour de l'ouverture, hésite à
entrer dans la cuisine. Le halo de la cigarette le repousse un instant, puis il reprend sa
danse folle et désordonnée. Les gouttes de l'averse qu'il y a eu en fin de soirée
finissent de tomber des feuillages et s'écrasent dans la cour avec un petit bruit mat. A
la faveur des courants d'air, une odeur de terre mouillée pénètre parfois jusqu'à la
cuisine. Je voudrais écrire cet instant d'une manière infinie, que cela reste gravé à
jamais : le profil de Van, son nez droit, son front toujours un peu soucieux, ses
silences, la fumée qu'elle expire lentement dans cette ambiance d'arrière-saison.
Derrière elle, au-delà de la grille, on devine la rue tranquille, les habituels chats
tapis qui guettent le moindre mouvement. On voit la maison des voisins, les volets clos,
l'ensemble baigné par la lueur de l'éclairage public, des ombres nettes, le triangle du
toit, quelque chose de lisse et de vivant à la fois, reconnaissable comme la forme d'un
visage, une maison donc, murs, porte et fenêtres, le tout réuni dans une invisible
palpitation. La pancarte " à vendre " n'est pas apparente d'où je suis. Elle a
été accrochée à la grille quinze jours après leur départ. Il y a peu de visites,
parfois un couple ou une petite famille s'arrête, examine la façade, puis le passage, la
perspective, les maisons tassées sur tout l'alignement et qui semblent donner une
harmonie. L'expression " se serrer les coudes " est celle qui convient le mieux.
J'aime ce quartier, j'aime ma vie ici.
Dans une cour proche, quelqu'un termine de rentrer du bois. On entend les bûches qui
s'entrechoquent, on imagine le tas qui s'érige. Cela forme un écho sonore dans ce début
de nuit, un bruit clair et doux : on trinque à la santé des frimas à venir.
Arrière-cour et arrière-saison vont bientôt se fondre dans le gris mouillé des jours.
On oubliera vite cet été de canicule. "
(01/07/2019)
La semaine dernière, dans une salle de ma ville, j'ai retrouvé une amie auteure et
journaliste, venue faire un reportage sur une association à laquelle je participe. Et de
me rappeler que nous nous sommes déjà retrouvés ici avec quelques uns des écrivains de
Haute-Marne pour une soirée informelle il y a une quinzaine d'années de cela. Je n'en ai
aucun souvenir. Jérôme, dit le badaud à l'époque, était présent bien avant qu'il ne
s'établisse en Suisse, j'étais accompagné de mon épouse, précise-t-elle. Que nenni,
rien ne me revient. Mais comme elle est très ordonnée, elle m'a envoyé dans la foulée
deux photos de cette soirée qui date de février 2001. La salle en question était un
bowling à l'époque, et nous avons joué une partie, affirme mon épouse, ce qui
décidément me place hors jeu et me laisse pantois quand à la manière dont fonctionne
ma mémoire. Ce n'est pas la première fois que mon cerveau efface radicalement un moment,
un fait ou une anecdote. La vieille blague familiale par exemple pour vilipender ma
mémoire sélective est de me signaler que, d'une visite à la bambouseraie d'Anduze, je
ne garde aucune trace (Ils se pourrait qu'un jour je disparaisse sans trace comme le dit
l'auteur, ça je m'en rappelle encore). Ceci dit, mon amie journaliste précise que les sites Internet qu'elle développe
servent à " faire marcher ses petites cellules grises ". Justement, comment n'y
ai-je pas pensé plus tôt : F de R a en peut-être gardé une anecdote ? Mais en
consultant les rubriques de mon site, alors tout juste âgé de six mois à l'époque, je
ne constate aucune allusion à cette soirée. En revanche, certaines phrases me laissent
entendre que j'étais quand même bien impliqué dans l'association des écrivains de
Haute-Marne à l'époque, mais beaucoup de ce que j'y expose, même si je me souviens rien
qu'à l'évocation de pas mal de moments vécus, me paraît terriblement lointain,
difficile par exemple de me rappeler à la même époque quels sentiments j'ai
véritablement éprouvés devant par exemple ce voyage en Guadeloupe sur les traces de
Saint-John-Perse à proximité du Matouba (note d'écriture du 07/03/2001) et cette sensation est vertigineuse,
un peu triste d'ailleurs.
Pour moi qui ai entrepris de raconter l'épopée paternelle, un voyage, donc, uniquement
basé sur la mémoire, cette déficience, par pans entiers, est étonnante. D'ailleurs en
parlant de mon père, j'ai eu une conversation hier avec lui et alors que je lui indiquais
avoir vu mon cousin germain - qui demeure seulement à deux cents mètres de chez moi -,
nous étions tous les deux à réfléchir pour se souvenir du nom de mon oncle qui est
aussi le jeune frère de mon père
Et dire que je travaille sur six générations !
En fait, ce n'est pas comme dans la fameuse maladie - comment c'est le nom déjà ? le
machin de " al-zimmer " - toute la mémoire est affectée, pas seulement
l'immédiate, toutes les couches semblent infectées devrais-je dire par un virus qui
ronge et polit les images mémorielles, les rends lisses et un peu pâlichonnes. Bah, je
me console en pensant que ma vie est décidément toujours aussi présente avec le nez
dans le guidon et mille choses faites et à faire en même temps, ce qui modifie
probablement mes priorités et m'empêche de faire grand cas du passé. Et surtout, s'il
reste une sensation qui perdure - et ce, malgré les inévitables malheurs comme dans
toute vie - c'est celle du type heureux que je suis. Tant que je me souviens de ça
(17/06/2019)
Certains sont multilingues, moi je suis multicycliste, je pédale
indifféremment sur de vieux clous où sur un vélo de course parfaitement entretenu,
lequel requiert une tenue de matador comme il se doit avec équipement fluo, casque, gants
et chaussures adaptées. Les vieilles bécanes se contentent de vieux shorts et de
sandales hors d'haleine. Samedi dernier, par exemple, j'ai accompli mon trajet favori de
30km en direction du lac sur un vélo de type hollandais, acquis en Belgique il y a
trente-cinq ans de cela : merveille de confort, selle large et guidon qui tombe
naturellement entre les mains. Mais pourquoi la vogue des VTT - dont le début était
justement à la même époque de l'achat de ce vélo - a -t-elle diffusée l'idée qu'une
bicyclette devait être désagréable avec guidon casse poignets et selle à vous doter
d'escarres ? Il est compréhensible (dans une certaine limite) que le vélo de course (à
ne pas confondre avec une vulgaire bicyclette) place la recherche de vitesse au détriment
du confort (bien que je connaisse des passionnés qui essaient de gratter quelques
centaines de grammes de poids en moins, vous font soupeser leur vélo tout carbone, roues
profilées, vous exhibent leur tenue extralégères pour au final sortir leur bel engin
trois fois par an). Donc, samedi, je rêvassais, confortablement installé, à cette idée
que je n'accomplirai peut-être jamais, d'un raid cycliste Sarajevo/ma ville (il me
faudrait deux mois et ça c'est compliqué). C'est probablement encore plus compliqué
d'abandonner l'idée justement du temps, de la performance : VTT ou VTC, c'est 15 à 18kmh
de moyenne contre 22 à 25kmh en vélo de course. Bref.
Ma première sortie de l'année (en tenu de matador et vélo alu/carbone de 9kg) a eu lieu
un jour de fin février, un après-midi où le soleil et une douce chaleur vous laisse
croire qu'un printemps chaud va s'installer (ce qui n'a pas été le cas). Je pédalais
avec joie en traversant des petits villages lorsque mon téléphone à sonné : c'était
la libraire de ma ville, qui demandais si je pouvais venir dédicacer un exemplaire de
Sans trace qu'un de mes nombreux admirateurs locaux avec acquis. J'ai eu l'idée d'y
passer au retour de mon périple. J'ai ainsi débarqué avec ma tenue de matador, pantalon
long avec bambinette intégrée, veste assortie du plus bel effet, casque de gladiateur
sur le crâne, en claudiquant vers le comptoir sur mes chaussures rigides pour pédales
automatiques. Dédicacer ainsi un exemplaire d'un livre ainsi vêtu m'a paru d'un chic
extrême et d'un cabotinage éhonté. J'endosse ce snobisme, au même titre que je
revendique la contradiction d'être à la fois " dans " et à contre-courant des
modes sportives, probablement également des modes littéraires.
(03/06/2019)
Bestiaire domestique, le seul recueil de nouvelles que j'ai publié au début
2009, m'a poursuivi cette semaine. D'abord, le mardi, je suis intervenu dans une classe de
CE1 pour une rencontre, suivie d'un mini atelier d'écriture. Lorsqu'on vient tout juste
d'apprendre à écrire, c'est un véritable défi ! J'ai eu l'idée de partir de ce livre
et je leur ai lu un extrait au sujet d'un chat. Après, travail en binôme, chacun
choisissant d'écrire quelques phrases sur un animal. Il y eut chats, chiens, koalas,
crocodile, lion, bref, toute une ménagerie avec une belle restitution des textes.
Je croyais en avoir terminé avec ce retour du bestiaire, sauf que le lendemain, un voisin
est venu me voir : son coq s'était échappé et avait apparemment trouvé refuge chez
moi. Nous avons fait le tour du jardin en vain. L'après-midi, quelques cocoricos ne m'ont
laissé aucun doute sur la proximité de l'animal, sauf que chercher un coq, même gros et
blanc au milieu de haies touffues n'est pas si évident. Quelques minutes plus tard, un
petit attroupement à ma grille m'a signifié que l'animal était bien là, perché à
deux mètres de haut au milieu d'un entrelacs de lauriers. Le temps d'avertir le voisin,
de fabriquer une sorte d'épuisette, nous voici partis à la chasse ! Mais l'animal ne se
laisse pas faire, bondit par-dessus la haie et se retrouve sur le trottoir au milieu de la
circulation dense de l'après-midi. On lui court après, mais le voici prêt à traverser
à un passage piéton (on à beau être volatile, on respecte le code de la route) avant
de se raviser, de faire demi-tour et de nous filer entre les jambes en caquetant et en se
dandinant de plus belle pour redescendre en direction de chez moi, toujours en suivant la
courbe du trottoir (évidement, tout cela sous les sourires des automobilistes hilares qui
nous regardaient poursuivre la bête). Il s'enfile maintenant dans une haie de thuyas, et,
coup de chance, les branches serrées lui emprisonnent une patte dans une fourche de bois,
il n'y a plus qu'à le cueillir. Depuis, il est revenu chez lui et, de temps en temps, je
l'entends pousser son cocorico et je crois déceler comme un salut à mon encontre.
Le retour de ce bestiaire aurait dû s'achever avec cette anecdote et j'avais d'ailleurs
entrepris de la rédiger, lorsqu'au moment du repas, j'ai aperçu un tout jeune oiseau
vert (verdier ? pouillot ?) qui venait d'entrer par erreur dans la cuisine et qui
cherchait à en ressortir en se heurtant aux vitres de la véranda. Il a fini par
ressortir, je me suis remis à la rédaction de cette rubrique, que je me dépêche de
terminer avant qu'un hérisson, une loutre ou un hippopotame me fasse signe dans le
jardin.
(26/05/2019)
La réforme des lycées s'accompagne de quelques chaos qui concernent l'enseignement. Par
exemple, les épreuves du bac de français qui jusque-là donnaient le choix entre un
commentaire de texte, une dissertation et une écriture d'invention, réduisent à deux
épreuves l'examen qui vient clôturer l'apprentissage du français. Exit donc,
l'écriture d'invention. Au-delà de la simple soustraction qui en dit long sur la place
qu'on laisse jouer à la langue natale, la justification même de l'abandon laisse
pantois. Beaucoup d'enseignants se sont sentis jusqu'alors mal à l'aise avec cette
épreuve par manque de méthode pour pouvoir l'évaluer, tandis qu'un commentaire ou
qu'une dissertation sont plus faciles à interpréter : il faut simplement savoir
restituer des connaissances apprises en classe, par exemple les fameux plans en trois
parties que toute dissertation doit comporter (thèse, antithèse, foutaise). Par
conséquent, ne cherchons pas pourquoi les enseignants savent mal évaluer l'écriture
d'invention et supprimons-là. Ce raccourci pose plusieurs problèmes.
D'abord se contenter de restituer des méthodes (ce qui sera la seule possibilité
désormais) n'a jamais rendu plus intelligent, bien au contraire : il suffit de savoir ce
qu'il faut dire, d'abord en collégien, puis en lycéen et en étudiant, enfin en citoyen
bref, on construit sa vie entière en évitant de penser, ce qui est plutôt confortable
(rassurez-vous d'autres pensent à votre place).
Ensuite on ignore la catégorie des lycéens qui n'ont jamais réussi à se fourrer dans
le crâne la moindre méthode (j'étais de ceux-là, j'ai eu 9 et 10/20 au bac de
français). Le refuge illusoire de l'écriture d'invention au moins permettait à ces
lycéens de s'exprimer. La difficulté des enseignants pour l'évaluer tient simplement à
un manque d'imagination qui vient heurter de plein fouet le réflexe de chercher
absolument dans toute copie le hors sujet, l'élément qui vient perturber le bel édifice
du programme et de ses attendus. Faire apparaître un avion dans le ciel de Robinson
Crusoë, comme le note le journal Le Monde dans un article sur le sujet, paraît ainsi rédhibitoire. Personnellement
(mais je ne suis pas enseignant), je trouve cette échappée plutôt poétique.
Je ne suis pas enseignant mais je suis écrivain, et ma langue, le français, est l'espace
de liberté le plus important à mes yeux. Lorsque j'écris un livre, j'ai besoin de
sentir cette liberté, savoir que oui, je peux faire traverser si je le souhaite un avion
dans le ciel de Robinson simplement en agençant des mots, et tant pis si le résultat est
hors norme ou hors sujet. Lors des rencontres au collège ou en lycée (et même
prochainement avec une classe de CE1 !), c'est cette indépendance de la langue, donc de
la pensée que je défends. Je bénis chaque jour ma tête mal faite de n'avoir pas su me
faire retenir les méthodes, les combines, les formules et les procédés de
l'enseignement. Je n'aurait probablement jamais écrit si j'étais resté enfermé dans
des analyses sclérosantes et les lectures que l'éducation nationale rend à plaisir
intimidantes.
J'ai en projet un atelier pour l'année qui vient et sans doute que cette disparition de
l'écriture d'invention le rend plus cher à mes yeux. La France est un des rares pays qui
persiste à penser que l'écriture ne s'apprend pas. Elle reste l'apanage d'une sorte
d'élite héritée des rentiers du XIXème siècle (persistance avec D'Ormesson) qui
disposait du temps pour cultiver cette liberté d'expression, ce qu'on résume par une
sorte de talent divin, donc intransmissible, surtout aux classes populaires. Au moins, à
mon échelle modeste, je prouverai que non.
(17/05/2019)
Moyens, méthodes, manuels : je comptais faire une mise à jour
essentiellement sur ces sujets mais l'actualité a déboulé : comment traduire "
omama " et " otata " ? Ces deux termes apparaissent dans une lettre
envoyée à mon père par une de ses cousines au début des années 2000. Internet,
lorsqu'il s'est répandu, a grandement facilité les recherches mondiales pour ceux dont
la famille s'est dispersée aux quatre coins du monde. Retrouver une parenté, une adresse
d'annuaire est devenu plus simple. Ainsi Marija, fille d'un oncle parental, a-t'elle pu
lui envoyer une lettre. Elle y explique sa parenté et donne des nouvelles de ceux qui ont
pu rester en Bosnie. Pour sa part, du moins au début des années 2000, Marija vivait chez
sa fille à cinquante kilomètres de Zagreb, en Croatie donc. Deux photos scannées
accompagnent la lettre, dont un cliché de mariage des années 1920, de couleur sépia,
qui présente de nombreuses traces de pliures et la preuve probable de déménagements
précipités accompagnant les évènements successifs des Balkans. Une explication en
serbo-croate précise quelques personnages de cette photographie, dont la présence de
leurs grands-parents commun "omama Julijana " et " otata Georg ". Si
j'ai toujours recours à mon père pour les traductions bosniaque-français, je commence
toutefois à comprendre les subtilités de cette langue. Or, les deux qualificatifs qui
désignent ces grands-parents n'ont pas de traductions véritables. En serbo-croate, le
père se dit " otac " et la mère " Majka ", papa devient " tata
" et maman " mama ". Il est évidement facile de comprendre que otata
signifie " grand-papa " et omama " grand-maman ", dans l'inspiration
allemande d'un " opa " et " oma " pour les nommer de manière
semblable. Or, d'une façon plus habituelle, en serbo-croate on appelle " baka
", la grand-mère et " deda " le grand-père. Cependant, le site d'un
auteur américain, traducteur et professeur de littérature slave à Los Angeles m'a
conforté sur ce que je pensais, à savoir qu'il devait s'agir d'une forme familière,
régionale, à l'instar du " piot " et de la " piotte " qui désignent
les jeunes enfants dans mon grand Est. Et son explication correspond tout à fait à une
particularité croate, de surcroit " german background " comme il l'indique,
bref, un particularisme souabe (" swabian ") en quelque sorte, typique du Banat,
la région familiale originelle.
Et l'actualité dans tout cela ? Savoir que je suis devenu " otata " à mon tour
depuis hier.
(09/05/2019)
Venir à Charleville demeure toujours chargé de sens pour moi, même si
je ne vais plus à chaque fois en pèlerinage sur la tombe du poète comme je le faisais
auparavant et comme je le faisais faire au vieux VRP d'Ils désertent. Je deviens
moins fétichiste, et c'est peut-être une des conclusions inattendues de Vie
prolongée d'Arthur Rimbaud. Cette fois, Charleville, c'est pour y rencontrer une
classe de seconde et leur professeur au lycée Chanzy. Auparavant, il y a la route :
j'aime prendre celle qui part de Châlons, traverse Suippes et les terrains militaires,
longe des champs interminables, passe devant le monument de la ferme de Navarin où Blaise
Cendrars perdit un bras, traverse Attigny, patrie d'André Dhôtel, bref on est dans un
" pays où on n'arrive jamais " pour citer une de ses uvres majeures. On
n'est pas loin de Roches et on s'attend à voir surgir à tout moment l'ombre de Rimbaud
en vagabond inusable. Et puisqu'on est en rubrique Étonnements, surprise donc de n'y
croiser personne. Je suis absolument seul sur cette route. Autrefois (il y a dix ans,
moins peut-être) j'avais le souvenir d'une circulation certes peu dense mais enfin
existante. Nos campagnes se rétrécissent, résultat d'une politique inexistante de leur
aménagement. Charleville toutefois donne l'impression d'avoir concentré toute la vie.
D'abord, repas à midi avec Alain
et nous évoquons notre dynamique projet Instants cuisine. A un jour près, Alain
aurait pu me donner directement quelques exemplaires de la plaquette promotionnelle tout
juste envoyée par l'éditeur.
Après-midi donc au lycée Chanzy, bel établissement de centre-ville avec la pierre
blonde caractéristique de la ville et de la place Ducale. Les élèves, répartis en deux
groupes, se demandent pourquoi je viens les voir. J'ai du mal (enfin, il me semble) à
leur dire pourquoi je considère que ça fait pleinement partie du métier d'écrire. J'ai
envie de leur démontrer que la littérature peut s'expliquer autrement que par
l'évaluation et l'emprise rhétorique des commentaires d'uvres et autres
dissertations en trois parties obligatoires. Ainsi, pourquoi vouloir restreindre la
littérature qui est l'expression la plus libre qui soit (au même titre que les autres
arts), pourquoi vouloir écarter toute tentative d'expression écrite ? L'abandon de
l'écriture d'invention pour le bac en est le signe le plus manifeste. Contrairement à
Argenteuil où j'ai donné à peu près le même discours les lycéens me semblent plus
sages, plus homogènes. La banlieue propose une diversité culturelle différente et plus
large. Ici, on reste dans la retenue provinciale du grand Est mais il n'est pas difficile
de réveiller le petit trublion rimbaldien qui sommeille dans tout ardennais ! Le moment
le plus émouvant est toujours celui où on passe à un exercice pratique d'écriture.
Chacun sourit, sort une feuille, s'agite enfin, fait tourner un crayon au bout des doigts,
demeure les yeux dans le vague, chacun réfléchit et prend une posture d'écrivain,
véritable et sans manière. Un atelier d'écriture plus musclé devrait voir le jour
l'année prochaine : à suivre
" L'après atelier " me laisse toujours un peu dégonflé d'avoir passé trois
heures à tenter d'être à peu près clair, mais ce n'est pas une léthargie, plutôt un
apaisement. Grande envie d'écrire. Charleville réapparaît en fin d'après-midi, il fait
frais. Discussions autour de la poésie, l'atelier à venir devrait tourner autour de la
belle idée d'une poésie francophone, de son urgence, de sa nécessité. La place Ducale
s'assombrit lentement. Des images de Harar longent les arcades, les hyènes du soir vont
bientôt venir manger les poubelles. Ranbo (ou Rambo ou Rambow, comme on dit là-bas)
s'avance vers moi, nonchalant et dégingandé.
Les visions ne s'arrêtent pas sur le trajet du retour, toujours aussi désert : vu une
biche au coin d'un champ (ou un buffle ? une hyène ?). Vu des champs semblables à des
savanes. Côté musique, Calvin Russell s'invite dans l'autoradio (apprendre au retour qu'il est mort
en 2011 à 62 ans), fils de rien, chanteur de blues et bluettes faciles, mais
authentiques, tout comme Ranbo.
(02/05/2019)
Les récents déboires de l'église parisienne dévolue à Quasimodo m'ont fait
repensé à l'incendie de la cathédrale de Reims, que décrit Isabelle Rimbaud, la
sur d'Arthur, en 1914. Elle est alors réfugiée dans cette ville, après avoir
quitté la fameuse ferme d'une Saison en enfer à Roches dans les Ardennes devant
l'avancée des troupes allemandes qui maintenant cernent Reims.
" Mercredi 2 septembre 1914
À la cathédrale, où je me rends de bonne heure, je trouve enfin la note juste. Dans la
nef irradiée et dans les chapelles du chur et de l'abside, les fidèles, hommes et
femmes de bonne volonté, sont nombreux. Des messes à tous les autels. Les prêtres
officient nimbés d'abnégation, les assistants prient sans regard, enfermés en
eux-mêmes. On reçoit le pain des forts avec la ferveur des premiers chrétiens aux
catacombes. Aux confessionnaux, chanoines et vicaires exhortent les pénitents à la
préparation dernière, en vue du martyre possible et de la mort. Ni mensonges, ni
amollissantes illusions ne sont prodigués ici. La cathédrale reprend aujourd'hui la
sublime fonction pour laquelle elle a été érigée et qui est d'élever les âmes en les
détachant de la terre.
Vendredi 4 septembre 1914
Un long sifflement au-dessus de ma tête. Je me tapis dans l'embrasure d'une petite porte.
Et voici qu'à mes pieds, après un fracas énorme, tombent des pierres, des gravats, de
la poussière. Des objets étranges, que je prends d'abord pour des morceaux de culs de
bouteille, frémissent et rebondissent sur le pavé. Je fais un pas pour me saisir de ces
singuliers objets, et ma main se tend déjà vers l'un d'eux, lorsque je comprends leur
nature. C'est la mort qui rôde autour de moi. J'ai peur. Je demeure immobile,
pétrifiée, le regard machinalement fixé sur des sculptures déposées au bas de la
cathédrale, et dont tous les détails m'apparaissent avec une netteté prodigieuse. Un
ouvrier court, hagard, tirant par le coude une jeune femme qui hurle et replie son tablier
sur un petit enfant blotti dans ses bras. L'homme me crie : " Allez-vous-en, on vise
la cathédrale ! "
Samedi 5 septembre 1914
J'éprouve le besoin de visiter Notre-Dame. On n'entre plus par le grand portail ; la
petite porte nord-est seule ouverte. À l'intérieur, les traces de l'attentat d'hier
n'ont pas disparu : des pierres, des débris de sculptures et de verrières gisent à
terre. Pas d'autres dégâts. La cathédrale, presque intacte, demeure aussi belle
qu'avant, plus belle même et plus touchante, si l'on songe à ce qu'elle vient de
souffrir.
Mardi 22 septembre 1914
Sur la banquette en face de nous, un groupe de cinq Rémois est installé. La vieille dame
si pâle, remarquée au cours de l'après-midi, est de leur nombre. Nous engageons
conversation. Ils ont vu brûler la cathédrale. L'expression de leur physionomie,
lorsqu'ils décrivent le spectacle, est la terreur. Les larmes coulent sur leur visage.
Nous les questionnons avec intérêt, avec indiscrétion même. Pour dépeindre et
qualifier la scène de l'incendie de Notre-Dame, ils ne trouvent point de mots. C'était
donc d'une inexprimable horreur. Habitant non loin de la basilique, ils auraient pu, de
chez eux, suivre toutes les phases du drame ; mais, ce jour-là, les habitants de leur
maison s'étaient réfugiés dans la cave, et de temps à autre seulement l'un ou l'autre
montait pour examiner ce qui se passait dehors. C'est entre quatre et cinq heures de
l'après-midi qu'au milieu d'un grand nombre d'incendies allumés tout autour, la
cathédrale prit feu ; en quelques minutes, elle parut s'enflammer entièrement.
"
Extraits de Dans les remous de la bataille, d'Isabelle Rimbaud (voir aussi Notes de lecture du 08/03/2016)
(26/04/2019)
Ma vie parfois ressemble à celle de
Tolstoï, reclus à Yasnaïa Poliana, sauf que ma demeure est moins isolée, moins grande,
sans domestique et que je ne suis pas comte. Mais parfois, les errances méditatives dans
le silence des pièces ou dans le pépiement des oiseaux du jardin ressemblent lidée que je me fais du
« grantécrivain » casanier et dévolu à son uvre. Rien de tel pour se
dégonfler le bonichon daller faire un tour du côté de chez Swan, donc chez
Proust, vacancier à Cabourg, ou pourquoi pas en direction de Paris pour ma profession
(qui sentre vous me croit en retraite est dans lerreur). Donc, par ordre
chronologique, voici dabord Paname : jai évoqué Y avec mon
éditrice. Rarement un livre maura autant accroché. Puis visité lexpo sur
les Nabis : décevant, mise en valeur classique et lisible, mais peut-être que
javais du mal à passer à autre chose que Y.
Retour ensuite à Sceaux, découvert dune fuite deau (cest la
troisième) que jai résolu en coupant le robinet général. Je suis vraiment le
spécialiste des problèmes de plomberie (voir cette même rubrique au 17 mars
précédent). La fuite en question ne me concernait pas, était dans les parties communes,
aussi dès le lendemain matin je mattelle à prévenir qui de droit et une
intervention est prévue laprès-midi même. Mais dabord Montreuil où se
tient le troisième salon du livre dhistoire sociale à la CGT. Je suis invité à
débattre sur littérature et engagement avec Arno Bertina. Ambiance très sympa,
militante comme il se doit, dans les magnifiques locaux de la confédération (ah !
la boutique du parfait militant CGT ou on peut acheter trompettes, fanions, drapeaux,
casquettes en tous genre). Retour à Sceaux pour la réparation de la fuite et retour de
leau dans lappartement. Le lendemain, au lycée Jean Jaurès
dArgenteuil, je retrouve la très attachante classe de seconde et leur professeur de
français qui ont uvré sur le thème d « écrire le
travail ». Une expo est prévue, nous étions plusieurs écrivains à travailler sur
ce thème, je retrouve Arno Bertina, quitté la veille, et Laurent Quintreau, quitté
lannée précédente. Les élèves qui métaient confiés ont fait un travail
magnifique, fantastique et dune très grande qualité littéraire. Jai
limpression davoir contribué à décoincer en eux le nerf de
lécriture : formidable ! Jai prévu de renouveler
lexpérience bientôt à Charleville. Retour sur Paris, je rencontre Anne et Piero,
une partie de la fine équipe de L'AirNu,
et jassiste inopinément plus tard à une conférence très intéressante du CNL sur
lEurope avec David Diop (Frères dâmes, Goncourt des lycéens cette
année) et Géraldine Schwartz dont je viens de lire Les amnésiques (bientôt en
Notes de lecture). Enfin Cabourg le lendemain sur les traces de Marcel Proust et de
son Grand Hôtel (merveilleux chocolat chaud et madeleines de circonstance), séjour
toutefois un peu plus mouvant que le périmètre immédiat du Grand Hôtel : un peu
plus de 70km de randonnée en trois jours et demi. Restaient également Soissons et
Langres pour des visites familiales, bref huit jours non stop pour le faux reclus que je
suis.
(15/04/2019)
Varda. Je naime pas les
commémorations, récupérations de toutes sortes, la rue Daguerre couverte de fleurs, les
vieux poncifs sur le féminisme ou la Nouvelle vague, lentrée de plain pied dans
lhistoire de ceux qui comptent. Comptent autant pour moi Eric Holder et Antoine Emaz, mais qui se souviendra
deux ? Jai ainsi hésité à faire cette rubrique. Mais parce que
lintime se lie à ces événements, plus ou moins médiatiques, plus ou moins
sincères, je ressens la vague nécessité de me souvenir de comment jai découvert
leurs univers.
Varda, je lai découverte en 1979, javais vingt et un ans et les cheveux ras
à cause dune époque où on faisait encore son service militaire. La vieille télé
de la caserne (télé qui serait volée un peu plus tard) diffusait Lune chante
et lautre pas : létrangeté tenait davoir vu ce film
féministe dans cette ambiance exclusivement masculine, den avoir été touché par
ailleurs puisque je men souviens quarante ans plus tard. Jai raconté cette
aventure en mars 2013 dans la seule participation que jai faite pour les Vases communicants,
cette excellente initiative déchanges entre blogs. Jai ainsi accueilli Anne Savelli sur Feuilles de route et
Anne a proposé mon texte sur ma découverte de Lune chante et lautre pas dans
Fenêtres open space. Notre thème commun était Varda, la
manière dont nous lavons découverte ou plutôt la façon dont elle sest
immiscée dans nos vies. Le texte dAnne sur le film de Varda Le bonheur est toujours
disponible ici. Notons que depuis, Anne a accompli un chemin plus précis dans sa
direction : publication du très beau Décor
Daguerre aux Éditions de lAttente en 2017. Notons que des échanges
ont suivi entre elle et Varda, que la cinéaste allait être invitée à la lecture de
ce livre prévue le 10 avril prochain.
De mon côté, Agnès Varda est restée pas très loin, une sorte de voisine
bienveillante, dabord parce que jai suivi les pérégrinations dAnne (et
combien je suis toujours honoré de sa grande confiance et amitié). Jai découvert
aussi Le bonheur, film qui reste dans la mémoire comme peu y arrivent. Jai
même revu Lune chante et lautre pas avec cette impression
dun film toutefois daté, je nai pas retrouvé la première impression
quil mavait laissé, changement dépoque peut-être. En revanche, je
suis allé voir au cinéma de ma ville Visages, villages lannée passée,
exactement le dimanche 28 janvier 2018, à la séance du matin, je le sais parce que je
lai vu avec un ami avec qui je vais régulièrement courir, et que
lentraînement que nous avons fait à la suite (10km) lindique sur mon carnet
de courses (« couru avec Laurent entre 13 et 14h après Villages visages d'Agnès
Varda vu ensemble. 5 km en 28'45 (57'30 au 10km) demi tour en 30'15 et retour même rythme
accélération sur 500 m entre 4 et 4,5km à 12 à l'heure. Bruine temps frais 7° »).
Cest drôle, mais il me semble que rencontrer Varda à travers ses films était
toujours une aventure personnelle avant tout.
(02/04/2019)
Les premiers rayons de soleil sont souvent l'occasion d'aller uvrer
au jardin. La semaine dernière, j'ai entrepris de nettoyer ce que nous appelons
pompeusement " le petit bois ", en réalité un espace que l'ancien
propriétaire avait planté de diverses essences, cyprès, arbre de Judée et son
étonnante floraison cauliflore, buissons et autres boqueteaux qui avaient fini par donner
à ce coin une luxuriance inattendue.
En automne dernier, le cyprès que les précédentes tempêtes avaient affaibli, a fini
par mourir tout à fait. J'ai remis en route la tronçonneuse de mon beau-père (dix ans
qu'elle n'avait pas tourné) et j'ai débité l'arbre. J'ai posé un rondin de bois du
plus bel effet pour transformer la souche en table destinée à accueillir quelques
plantes en pots. Evidemment, cela a créé un vide et j'en ai profité pour arranger
l'endroit, laisser plus de place à l'arbre de Judée et aux deux lilas que j'avais
transplantés il y a trois ans de cela. Je me suis également attaqué au lierre qui avait
recouvert complètement un des piliers de pierres de la palissade.
Je n'aime pas le lierre qui se propage partout si on le laisse faire. Pareil pour son
cousin, appelé " bois fumé ", ou plus communément nommé " clématite
des haies ", espèce considérée comme envahissante en Nouvelle Zélande, m'apprend
Wikipédia. Dans ma folie réductrice, j'arrive à arracher ces lianes grimpantes qui
" colonisent " " mes " arbres, je parviens même à tailler jusqu'au
tronc un pied de lierre gigantesque qui a entièrement enserré un piquet de clôture :
ainsi, c'est trois chargements de Kangoo que j'apporterai à la déchetterie. Revenons à
Wikipédia : tant que j'étais dans l'identification de ma clématite, j'ai consulté ce
qui se rapporte au lierre. J'apprends ainsi que les fruits du lierre jouent un rôle
important pour la survie des passereaux en hiver, que le feuillage permet des lieux
d'hibernation pour les papillons, que la floraison tardive est gage de nourriture pour les
abeilles, donc, que le lierre est loin d'être un importun. Idem pour son appellation de
bourreau des arbres, injustifiée : au contraire, le lierre serait utile pour protéger
l'écorce des parasites et il est même un des principaux dépolluants en absorbant les
particules de poussière. Bref, la xénophobie que j'entretenais à son encontre est ainsi
injustifiée, finalement comme tout racisme. Il y a longtemps de cela, je me souviens
avoir gratté des affichettes " Le Pen " qu'un quidam FN (RN maintenant) avait
collé sur le poteau EDF à côté de mon portail. Là, j'ai retiré aussi le lierre
laissant le béton nu disponible pour d'autres affichettes. Voilà encore un avantage
qu'on peut donner au lierre : en se répandant, il empêche la connerie humaine de se
coller n'importe où.
(25/03/2019)
Dans le bricolage, figure imposée
pour tout un chacun, la plomberie occupe pour moi une place de choix. Non pas que je
prétende y faire figure de spécialiste, simplement peut-être que les pannes liées aux
canalisations et autres transports deau chaude ou froide sont celles auxquelles on
ne peut sursoir. Du regard de compteur a protéger du gel jusquau moindre robinet,
on craint la fuite, on guette le moindre dysfonctionnement. Ma pratique plombière à
cependant évolué. Alors que je nhésitais pas à fabriquer autrefois des collets
battus sur des tuyaux de cuivre, à braser et à souder des canalisations (souvenir
davoir soudé à largent une conduite de gaz je ne reculais devant
rien), je résous maintenant les problèmes de robinet dune manière plus globale et
je ne mévertue plus à vouloir changer, ici un joint, là à démonter un
mécanisme. En deux ans par exemple jai renouvelé lensemble des mitigeurs de
la maison en guettant soldes et promotions. Le dernier en date, cétait celui
dune douche il y a quinze jours. Par extension, les réceptacles de faïence, W.C.,
lavabos, éviers, bacs de douche font partie de lhistoire de ma plomberie. Si
lurinoir exposé par Duchamp en 1917 préfigurait une certaine conception de
lart moderne, jaurais pu filmer la performance artistique qui mavait
fait défoncer à coups de masse sonores une baignoire en fonte pour pouvoir la sortir
dune salle de bain en réfection (jen garde avec étonnement le souvenir
attendri dun grand défoulement). En revanche, plus énervants sont les problèmes
de mécanisme de chasse deau qui se grippent, susent, provoquent des fuites,
se couvrent de tartre et laissent couler une quantité incroyable deau que
généralement on découvre en retour de week-end ou de vacances dans le silence de la
maison retrouvée, aimablement soulignée par un discret glougloutement qui a persisté
depuis le départ. Idem : pas la peine de vouloir régler lappareil, de tordre
les tiges du mécanisme : crise de nerfs assurée et piètre résultat.
Lexpérience là aussi ma appris que changer tout est paradoxalement synonyme
déconomie. En dernière réalisation, alors que javais simplement remplacé
les piles dun hygiénique bouton infra-rouge de chasse deau, je me suis
aperçu que la faïence déjà fêlée de la cuve sétait aggravée, provoquant sa
perméabilité. Pourquoi la céramique de nos récipients sanitaires se fend-elle ?
Cela reste un mystère
Nous avons hasardé diverses explications : la maison
longue de vingt mètres travaille, les réceptacles reposent sur des bases bancales
Rien nest satisfaisant, mais là encore, pas déchappatoire : il fallait
changer les toilettes en entier, bricolage plus facile à dire quà faire, trouver
les bons raccords, assurer la stabilité, lhorizontalité, la parfaite symétrie et
résoudre tout début de fuite mauront occupé pendant plusieurs heures. Heures que
jaurais pu mettre à profit pour écrire, ce que devait faire Proust confortablement
installé dans son lit, son pot de chambre à côté.
(17/03/2019)
La floraison des jonquilles, ô
combien signalée par Pierre Bergounioux dans ses Carnets
de note (note de lecture du
14/03/2012), adulée par ses afficionados, comme
chez LEmployée aux écritures, se manifeste
chez moi depuis une dizaine de jours. Pas davance, ni de retard, juste le même
émerveillement de découvrir quelles ont « dépliés leur corolle »
comme lécrit poétiquement Bergounioux. Javais remarqué auparavant quelques
perce-neiges et leurs délicates « gouttes de lait », du moins le peu
quil men reste, leur terrain étant maintenant presque entièrement colonisé
par des cyclamens de Corse que javais implantés il y a plus dun quart de
siècle, qui forment un couvre-sol magnifique jusquà la fin de lété où
leur feuillage bigarré semble disparaître sous terre pour laisser place à des fleurs
roses qui persistent parfois jusquen octobre. Mais là, en cette époque de
transition entre hiver et printemps, si les rustiques roses de Noël, qui font ma fierté,
demeurent épanouies depuis lautomne, les perce-neiges ont abandonné rapidement
leurs éclats pour laisser place aux jonquilles et aux narcisses. La période où ses deux
plantes sont seules en floraison est rapide. Déjà les premières violettes se cachent,
les pâquerettes se montrent et les primevères essaient leurs couleurs. Mais
manifestement, durant un laps de temps de quelques jours, les reines du jardin sont ces
deux fleurs jaunes. Il suffit dun rayon de soleil pour les apprécier (entre deux
averses et deux coups de vent en ce moment), pimpantes et gaillardement dressées malgré
les assauts de la brise. Jai une préférence pour les jonquilles sauvages. Celles
que jai chez moi viennent de bois proches, quelques pieds prélevés quelques
années auparavant, mais qui possèdent la magie de refleurir chaque année dans mon
jardin. Je les préfère car elles sont plus modestes et déliées, mais dun jaune
éclatant. Elles me rappellent lopportunité joyeuse que jai dû avoir à les
ramasser avec leurs bulbes au détour dun bois lors dune promenade familiale
probablement : symboles du bonheur. Cette année, elles illuminent un coin de jardin.
De mon bureau, je ne les vois pas, un arbuste me les cache mais dès que je rejoins la
grille, à chaque entrée ou sortie, elles me saluent dun petit signe doré.
Cest une vision nouvelle : jai dû couper à la fin de lété
dernier un arbre tué par la sécheresse et la place laissée vacante les révèle à ma
vue. Les narcisses, plus aristocratiques, forme une touffe serrée sur une plate-bande. Si
leur floraison à pleine vue me ravit toujours, je les trouve plus nobles et moins
touchantes. Elles semblent toujours retarder leur éclosion, minauder, se faire attendre.
Et sil faut convenir que leurs fleurs, constituées divoire et dambre,
sont exquises, mais je leur préfère néanmoins les jonquilles. Du moins cest ainsi
que je nomme par différence mes pieds sauvages par rapport à ceux que lon peut
acquérir en jardinerie. Il paraît cependant que je me trompe : ce que je nomme des
jonquilles ne seraient en réalité quune variété de ces amaryllidacées, appelée
« narcisse trompette », commune dans mon Grand Est, et désignée ainsi car sa
corolle est disproportionnée par rapport aux pétales, imitant ainsi linstrument à
vent.
(11/03/2019)
Jai passé en ce début
dannée, le 6 février exactement, le cap des dix mille kilomètres de course à
pied. Cétait dans le beau parc de Sceaux et javais gravi au cours de cet
entrainement de neuf kilomètres les trois pentes raides qui bordent la pièce deau.
Ça représente 150 mètres de dénivelé sur deux kilomètres de trajet, excellent pour
le souffle et les jambes. Tout cela (les dix mille km aussi), je le sais grâce au fichier
Excel tenu depuis 2009, dix ans donc. Jy note le temps, la vitesse, le parcours,
sil faisait beau, si jétais en forme, les évènements particuliers (noté
par exemple le 9 septembre 2010 : retour de
Paris et première course d'un sélectionné Goncourt ! Besoin de me défouler, bon
souffle, pouls 150, temps doux.). Dix mille kilomètres en dix ans, probablement très
peu pour les sportifs accomplis, tout de même une régularité de mille km par an et
vingt par semaine. Ça représente aussi plus de mille heures passées avec la tenue de
sport, les chaussures, les gants et le bonnet en hiver, le débardeur sous trente à
lombre en été. Mille heures, ça fait 42 jours, un mois et demi à ne penser à
rien, à écouter de la musique, son souffle, à écrire parfois des pages de livres dans
sa tête, à longer un canal, à visiter ainsi des villes, Nancy, Lausanne, Bruxelles,
Thiers, Mont-de-Marsan, Nîmes, Besançon, Toulon, Reims, Lille, Charleville, la Sicile et
bien dautres endroits découverts à même la peau des trottoirs.
Jai commencé à noter mes courses au lendemain dune compétition où je
métais inscrit gaillardement et sans fausse honte à une course de trois km et
demi. Après, il ma fallu six mois pour tenter dix kilomètres. A lépoque,
cétait un vieux rêve, celui de reprendre lentrainement que javais
commencé vers vingt-cinq ans, le vague désir dun marathon à lépoque des
tenues en coton digne de Dustin Hoffman dans Marathon
man. Et puis la vie et ses bonheurs, enfants, famille avaient occupé tout
lespace. Il est drôle de penser que je revois régulièrement le collègue avec
lequel je courais au moment de mes premiers entrainements juvéniles. Lui na jamais
arrêté, et si à lépoque il courait le marathon en moins de trois heures, il
monte maintenant fréquemment sur le podium de courses locales que nous partageons
parfois. Au début de la reprise, je prenais mon pouls régulièrement et je terminais les
entrainements avec 160 pulsations. Avec le temps, mon corps sest modifié. Mon
cur au repos est au-dessous des 60 pulsations et au dernier test deffort
cardiaque, je nai pas réussi à dépasser 145. Lâge saccumulant, je
cours moins vite. Jai atteint le maximum de mes performances à 56 ans, ce qui
semble logique. En revanche, je nai jamais abandonné aucune compétition. Jen
ai seulement fait une trentaine, ce qui est peu, mais la course est un art de vivre et mon
fichier compte à ce jour près de 1500 lignes, une par entrainement ou compétition. Il
est vrai que jy compte aussi les heures de marche qui approchent 20km lorsque le
beau temps le permet ou les randonnées à vélo qui partagent depuis deux ans en part
presque égale mes exploits sportifs. A noter aussi que depuis cinq ans, je ne cours
quasiment plus quavec des Fivefingers et que je nai jamais eu
le moindre problème musculaire ou articulaire. Allez, on continue !
(04/03/2019)
Grand Est, je nommais autrefois avant l'appellation de la nouvelle
région, la vaste contrée qui me servait de terrain de boulot, un vrai grand quart Nord
Est, Champagne, Nord, Picardie, j'y rajoutais volontiers la Bourgogne universitaire, mes
terres natales, la Lorraine si proche, l'Alsace, la Franche-Comté, bref, tout ce qui
parait exotique à un bordelais ou un breton ou terre de froidure à un marseillais. Au
fur et à mesure, j'ai annexé d'autres territoires coutumiers, les Ardennes amicales de
Rimbaud, la Belgique et Bruxelles, et même Paris, qui demeure pour moi une simple
banlieue de ma ville. Grand Est, parce que la semaine dernière j'ai écumé la vaste
province, chez moi d'abord (l'écrivain en son royaume), puis dans ma ville natale pour un
anniversaire familial, ensuite Soissons et Bruxelles pour ramener ma progéniture, enfin
un petit tour en ski de fond dans les Vosges et terminer par un concert d'Ange qui fêtait
cinquante ans de carrière à Vitry-le-François, premier groupe de rock français dans
les années soixante-dix, excusez du peu et, là encore, tous les musiciens sont issus du
Gand Est.
Et puis en ce moment, mon Grand Est prend une signification particulière, il s'étend
vraiment vers L'Est, traverse l'Autriche, la Hongrie, rejoint les rives du Danube,
s'arrête devant la mer noire. J'y convoque Tolstoï au siège de Sébastopol, voire à
Bruxelles en mars 61 où il se trouve au même moment que Victor Hugo qui visite Waterloo
pour les futurs Misérables. Bref, un Grand Est étonnant : citons encore le
franco-autrichien Ami
Boué, fondateur de la Société de Géologie Française et auteur d'un essai
remarquable en 1840, La Turquie d'Europe. Ce professeur Tournesol parodiait le
héros de Tintin en agitant son pendule : " un peu plus à l'Est ", disait-il.
Il a vécu en effet à Vienne et a épousé une de mes aïeules au joli prénom
d'Éléonore : étonnant n'est-ce pas ? D'où cette rubrique où je constate que je suis
vraiment marqué du Grand Est.
(25/02/2019)
Lors de ma dernière visite à la librairie Rimbaud en
automne dernier (note dÉtonnements du 19/11/2018), nous
avions pris date pour renouveler une rencontre à loccasion de la sortie de ST. Cétait ce samedi. Jai déjeuné au
passage chez Alain et Odile et
nous avons évoqué avec joie ce projet qui nous tient au ventre, un Instant cuisine, destiné à compléter le fameux Instants handball qui nous a
mené si loin (on en reparlera). Bref, cuisine, il en a été question à la
librairie Rimbaud dans la digestion de laprès-midi : cuisine de
lécriture, des rencontres, des lectures. Je nai pas connu laffluence
qui avait présidé en novembre dernier où il avait fallu démonter la vitrine pour que
je puisse dédicacer mon VPAR en nombre
suffisant. Mais enfin, je nai pas vu le temps passer, jai discuté avec un
spécialiste de Cendrars, avec un lecteur de Rimbaud communiste et communard, et surtout
avec une professeure de français, passionnée de littérature haïtienne, avec qui
jai parlé de la très belle expérience vécue le jeudi précédent à Argenteuil
(voir en Notes décriture) et que jespère renouveler. Le temps ainsi a passé
bien vite et je suis reparti heureux.
A Charleville, la librairie Rimbaud est incontournable et toujours remplie. Cest
drôle, mais jaime minstaller dans cet endroit, sur la petite table réservée
à cet usage derrière une pile de bouquins au milieu du passage. La libraire est juste à
côté et nous discutons livres en regardant déambuler les clients. Beaucoup
dauteurs, paraît-il, naiment pas se rendre ici : trop loin de la
capitale, pense-telle, trop de trajets, trop provincial... Prétextes
Il est
vrai que dans labsolu, sinstaller derrière une pile de livre dans
lanonymat, comme un vulgaire bonimenteur de foire, ne facilite pas la reconnaissance
dun ego souvent disproportionné chez les
écrivains. Mais enfin, soyons juste, un auteur nest quune infime partie dans
un fond de librairie, un simple nom appliqué sur une couverture. En revanche, il a la
chance de voisiner par ordre alphabétique à côté de prédécesseurs forts honorables
(Balzac, Baudelaire, Beckett pour moi). Les sirènes de lactualité littéraire qui
font quon se retrouve ici à loccasion de la sortie dun livre ne doivent
pas faire croire quon sera la vedette du lieu lespace dun instant, mais
plutôt que cest une occasion inespérée de sortir de nos pages, lesquelles nous
tiennent souvent prisonniers.
(11/02/2019)
Je nai pas couru depuis près de quinze
jours. Dabord la neige, ensuite la neige. Treize centimètres le mercredi 9
février, ça a fondu, mais bon. Et puis quatre centimètres le mercredi suivant et trois
le jeudi. Pas couru non plus même si les magnifiques photos dune amie qui a
lhabitude des trails dans les vignes de
Reims mont fait envie (ah, les traces danimaux dans le blanc tout frais). Je
me suis consolé en faisant marcher mes bras. Il est vrai que si les jambes nont
jamais de soucis dendurance, les bras en revanche restent inertes, hormis les
tâches ménagères, le violon (si, si) et taper comme un sourd sur le clavier pour
écrire. Et parfois en été lorsque je me mets sérieusement à nager mille mètres de
crawl.
Bref, pelleter la neige est un doux sport, surtout lorsquon possède comme moi, un
outil imparable, un plateau tout aluminium de soixante cm de large, quil faut
soulever une fois rempli de la couche glacée. Mais jaime cet effort régulier à
faire, le bruit de la pelle qui râcle le sol, le moment où on la lève avec les muscles
qui se tendent, le retour pour entamer une nouvelle strate. Je ne fais pas les choses à
moitié : je dégage entièrement la partie goudronnée de la cour, c'est-à-dire sur
sept mètres de large et quinze de longueur. Je rajoute cinq mètres pour atteindre la
route. Puis je dégage le trottoir pour les passants sur une largeur dun mètre
cinquante et quarante en longueur : lensemble du travail me prend moins
dune heure, cest un plaisir et une obligation pour les habitants de le faire.
Ceci dit, jai constaté que jétais le premier voisin à le faire à huit
heures du matin. Je me souviens autrefois que jétais parmi les derniers à
débarrasser la neige. De la même façon, je crois me souvenir que les rues étaient
dégagées : maintenant, cest un comble, les trottoirs sont propres mais les
rues demeurent encombrées toute la journée. Côté circulation aussi, cela a changé.
Beaucoup de conducteurs ne savent pas rouler sur la neige, et surtout ne sont pas
équipés au minimum de pneus, sinon dhiver, au moins en bon état. Jai appris
à rouler à Langres, ville froide, et mon grand plaisir était dattendre la neige
pour aller faire des dérapages sur les petites routes du plateau avec la 4L de ma
frangine. Qui sait faire un dérapage au frein à main maintenant ? Cest
pourtant un excellent exercice sur route mouillée et toutes les auto-écoles devraient le
proposer. Bon, je vais arrêter de jouer au vieux con, le fameux « cétait
mieux avant ».
Et je reprends mes calculs : jai donc dégagé au total deux cents mètres
carrés avec vingt centimètres de neige en cumulé. Les abaques utilisés pour la
résistance des toitures estiment quun centimètre de neige pèse un kilogramme au
mètre carré, aurais-je ainsi pelleté quatre tonnes de neige ? A peu près autant
quun libraire qui range ses romans en période de rentrée littéraire ? Merci
mes bras.
(04/02/2019)
La cacasse à cul
nu est un plat traditionnel ardennais qui existe depuis très longtemps. Il parait
qu'Arthur Rimbaud adorait cette cuisine simple et roborative : pour preuve, ce poème
inspiré du Dormeur du val.
La cacasse à cul nu (date inconnue)
C'est un fond de cocotte où chante une rivière
D'huile, accrochant follement du lard et des oignons,
Où le feu sous le culot de fonte fière
Crépite : c'est un petit roux qui mousse sans façon.
Un affamé, bouche ouverte et tête émue,
Et la nuque baignant dans la belle odeur bleue,
Lève la robe des patates, les voici nues
Rissolant dans leur lit où la lumière pleut.
Les pieds dans le persil, elles dorment. Souriantes comme
Sourirait un enfant malade, elles font un somme :
Nature, berce-les chaudement : elles ont froid.
Et le doux parfum fait frissonner la narine
De l'affamé qui se tord la main sur sa poitrine :
Il a faim, il a une crampe au côté droit. |
Le dormeur du val (octobre 1870)
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. |
(28/01/2019)
De temps en temps, passant le long
dune des bibliothèques de la maison (là, cétait celle de la chambre), je
repère un livre oublié, ou coincé entre les autres, ou peut-être même surgi dans les
rayonnages par génération spontanée : la semaine dernière, cétait Traces de Philippe Delerm, courts textes qui
sappuient sur des photographies de Martine Delerm (épouse ? mère ?
fille ?). Je le feuillette et tombe sur la photographie dun sapin enrobé dans
du scotch et délaissé sur un trottoir, attendant probablement la tournée des éboueurs.
Le texte sappelle À dégager. Ayant
« dégagé » le mien à la déchetterie trois jours plus tôt, jen
décide den faire une note dÉtonnement pour FdR
Cétait donc le mardi neuf janvier. Je devais passer à lexcellente librairie
Larcelet de ma ville afin de les prévenir que jy avais donné rendez-vous à un
journaliste pour une interview le lendemain et pour prévoir avec cette excellente
librairie une date de rencontre-dédicace à loccasion de la sortie de Sans trace (ce sera le 15 février, cest
noté en Agenda). Et comme je suis un type super-organisé en
plus dêtre un écrivain hors-pair et un sportif accompli (en toute modestie), sur
mon chemin jai emmené à la déchetterie dans linfatigable Kangoo le sapin de
Noël que javais bazardé une semaine auparavant en le jetant sans pitié par-dessus
le balcon, dépouillé tout de même des boules et des guirlandes. Il avait atterri sur la
pelouse, attendant là son triste sort. Je ne lui en voulais pas particulièrement, je lui
savais même gré de navoir perdu quasiment aucune aiguille, ni dans la véranda
quil avait égaillé pendant un mois, ni lors des manuvres pour le mettre à
nu et le passer par la porte-fenêtre. Mais bon, il faut bien avancer dans lannée
nouvelle et nos sapins de Noël ont la fâcheuse manie de nous rappeler la léthargie des
fêtes et les excès en tous genres. Bref, jeter un sapin, cest déjà se projeter
vers le printemps, guetter la lumière du jour qui recommence à augmenter.
Philippe Delerm écrit qu« on le jette sans commentaire, avec une petite pointe de
remords ». En ce qui me concerne, cest faux : sen débarrasser est
une grande joie, la même que celle de revenir avec vers mi-décembre, de tailler son pied
à la serpe en pestant car ce putain de sapin pique les doigts et ne veut pas
senfiler dans ce bordel de support prévu-soi-disant-pour-tu-parles ! Bonheur
bruyant donc, de la même manière que jaime à le décorer de la manière la plus
kitsch possible (Milan Kundera affirme que « le kitsch fait naître coup sur coup
deux larmes démotions » suite dans la note décriture du 04/04/2012). Mais de la même manière, je le
dépouille en janvier avec entrain, jenfourne guirlandes lumineuses, boules et
contenu de la crèche dans un grand carton qui va rejoindre pour un an sa place dévolue.
En fait, ce que jaime dans le sapin, cest le rituel quil provoque
(souvenir ému lorsquon me lapportait à domicile voir note dÉtonnements du 19/12/2001,
dix-sept ans déjà
).
Comme chaque année, je sais quil faudra que je redéballe le carton car jai
oublié de ranger une étoile dépliée, restée accrochée au plafond, un mini sapin en
tissu posé sur une tablette, une ou deux boules qui avaient roulé dans un coin.
Derrière moi, à un mètre de la fenêtre de mon bureau où jécris en ce moment,
il y a dans lherbe un des petits objets que jaccroche aux branches, cest
un cor de chasse miniature, oublié lorsque jai dégarni le sapin, élément
dune collection dinstruments de musique en métal doré qui diversifient la
décoration. Il faudra que je pense à le ramasser avant de passer la tondeuse. Et nul
doute quavant de le ranger, je ferai semblant de souffler dans ce minuscule cor de
chasse, histoire de sonner les beaux jours.
(21/01/2019)
La dernière fois que jai vu la Maison du handball,
cétait en novembre 2016 : un vaste trou creusait lendroit, des grues et des
bulldozers y ajoutaient la seule touche colorée. Nous étions avec Alain Delatour dans un barnum de
toile blanche pour fêter la pose de la première pierre. Quelques-uns des tableaux et des
textes dInstants handball accrochés
sur des cloisons amovibles tentaient dégayer le moment. Deux mois plus tard,
« nos » tableaux étaient exposés au stade Pierre Mauroy de Lille pour le
championnat du monde organisé par la France (Webcam
du 30/01/2017). Avant encore, il y avait eu Voiron, Dunkerque, après il y aurait
Paris : autant dexpositions qui nous avaient fait transformer notre idée
initiale en « world tour » (un seul regret, la Réunion où lexpo devait
se tenir, mais resté sans suite).
Toujours accompagné de linséparable compère de ce projet, jai revu la
Maison du handball mercredi dernier pour son inauguration : locaux luxueux avec deux
terrains dentrainements, une salle de ciné et tous les équipements derniers cris,
un véritable hôtel quatre étoiles, deux restaurants dont lun diététique et
réservé aux joueurs. Le grand intérêt de cette structure est de mêler athlètes de
haut niveau et personnel administratif, staff et tous ceux qui permettent au hand
français dévoluer à la toute première place mondiale avec six titres mondiaux
jusquà la dernière victoire de léquipe féminine aux championnats
dEurope. Lenjeu donc de linauguration était à la mesure des ambitions
affichées avec la présence du Président de la République resté longtemps sur place.
Et grande fierté pour nous aussi puisque onze des tableaux dInstants handball sont accrochés à demeure dans
ces lieux (voir en Webcam).
Le livre existe toujours, le seul revêtu du logo officiel du Championnat
du monde 2017 (il est maintenant « collector »). Il raconte laventure de
ce projet, les ateliers que nous avons animés et présente textes et tableaux dans le
mélange toujours bénéfique du sport, de lart et de la culture.
(14/01/2019)
Comme chaque année, voici le bilan des courses à pied et
divers entrainements destinés à prouver que la littérature nest pas une activité
statique (nest-ce pas, Rimbaud ?). Cette année donc, cest plus de 150
séances de sports divers, 1025 km de course à pied, 1300 km de vélo, 450 km de marche
et quelques hectomètres de nage. Au total ça fait 2775 km soit la distance Paris-Moscou
! Plus de 50 km de moyenne par semaine en fait, ou, pour donner une autre mesure, c'est
comme si vous aviez tenté de rejoindre en un an la capitale russe en alternant tous les
deux ou trois jours 20 km de course, 25 km de vélo et 10 km de marche. Cette distance est
la plus grande que jai accomplie, au total ça représente 1000 km de plus qu'en
2017, dont 400 km de plus en course à pied mais il faut dire que la thèse de doctorat
mavait pas mal occupé.
Et puis côté compétitions, en plus des défis habituels sur dix ou vingt kilomètres
(à Saint-Dizier, à Bruxelles), jai rajouté un premier marathon, distance mythique
accomplie dans des conditions caniculaires un jour de juin, doublée du plaisir
daccompagner mon gendre, trente ans de moins. Il était également avec moi pour la
99ème édition des 24 km de Sedan-Charleville, dernière course à
laquelle nous avons participé. Dernier entrainement pour moi avant le nouvel an (mais
jai déjà recouru depuis) le jour de Noël où javais proposé une séance
remise en forme après un réveillon familial à Ancenis. Nous étions seulement deux
motivés, dommage pour les autres, qui auront loupé les magnifiques reflets du soleil sur
la Loire (pensée pour Julien Gracq et lîle Batailleuse toute proche).
Lannée précédente (voir Étonnements
du 22/01/2018), javais dans mes bonnes résolutions le projet de retrouver un peu de
vitesse et de terminer avec plaisir toutes mes courses. Côté vitesse, je maintiens
fréquemment une allure de dix km/h, comme lécrivain Murakami, même si les
entrainements spécifiques pour la longue distance du marathon mont fait envisager
plus lentement pendant trois mois le rythme hebdomadaire de 40 km. Côté plaisir,
toujours autant de joie même sil faut parfois se faire violence pour sortir, et
touchons du bois toujours aucune blessure à lentrainement.
Dans moins dun mois je devrais passer les dix mille kilomètres de course en moins
de dix ans, la vie courante, quoi
(07/01/2019)
|